Raffaello Matarazzo (1909-1966)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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daniel gregg
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Raffaello Matarazzo (1909-1966)

Message par daniel gregg »

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Une bonne occasion d'ouvrir (enfin) un Topic dédié à ce brillant réalisateur italien :
Je viens de découvrir son premier film, une grande réussite déjà, Treno popolare datant de 1933.

Matarazzo débute au cinéma, après une brève carrière de journaliste, au début des années 30 en tant qu'assistant de Hans Steinhoff et surtout Mario Camerini (qui n'a toujours pas de topic dédié lui non plus :? ).
Il réalise en 1932 et 1933 deux documentaires de propagande fasciste, participe au scénario de l'adaptation italienne du Fanny de Pagnol puis débute dans la fiction avec le désormais célèbre Treno Popolare.
Ce film, longtemps considéré comme perdu, fut redécouvert au début des années 70.
Il constitue une véritable prouesse technique pour l'époque en Europe car entièrement tourné en décors naturels.
De ce fait, on a pu, de façon un peu hative sans doute, lui attribuer la paternité du Néo Réalisme italien.
Par ses caractéristiques techniques et cette acuité d'observation de la petite bourgeoisie italienne de l'époque, il y a certes, quelques parentés avec les futures oeuvres de Rossellini et autres De Sica, mais c'est sans compter avec le ton, comme désenchanté, propre à l'oeuvre ultérieure de Matarazzo, notamment dans ses mélodrames des années 50 (Catene, immense succès populaire, Tormento, I figli di nessuno jusqu'au magnifique et trop rare La Nave delle donne maledette
Spoiler (cliquez pour afficher)
j'en profite pour passer une annonce, si quelqu'un possède ce film même en vf, je lui serai très reconnaissant de me contacter :D
)

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Dés son premier film Matarazzo possède déjà un sens affirmé du montage, dispensant avec habileté un sentiment fait de lucidité et d'ironie sur la classe moyenne italienne de l'Italie Mussolinienne du début des années trente.
En effet le film suit la journée d'un petit groupe de voyageurs romains se rendant à Orvieto (
Spoiler (cliquez pour afficher)
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) profitant des abaissements de tarif que le gouvernement de Mussolini a décrétés sur certaines lignes les jours fériés.
En focalisant son attention sur trois personnages en particulier, Matarazzo peint en quelques mouvements significatifs toute la vacuité qu'il peut y avoir pour ces personnes à se distraire de la manière forcée voulue par le régime italien.
Néanmoins, grace à l'intrusion du bellatre Carlo, la belle Lina saura se défaire de la solennité un peu ennuyeuse de cette journée pour, le temps d'une idylle, découvrir enfin le plaisir simple et sensuel d'une journée à la campagne.
On peut aisément, à la découverte de ce film, imaginer quelle influence il aura certainement eu sur les oeuvres à venir de Pagnol, s'appropriant lui, les décors naturels de la Provence, ainsi que le Renoir de Une Partie de Campagne.
Nestor Almendros
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Raffaello Matarazzo (1909-1966)

Message par Nestor Almendros »

L'AVVENTURIERA DEL PIANO DI SOPRA (1941)

Premièrement il semble y avoir eu erreur sur la marchandise: présenté dans un cycle "drames et mélodrames à l'italienne" par Patrick Brion (toute la subtilité tiendrait dans le "à l'italienne"?) alors que le film est une (très) "simple" comédie populaire, certainement destinée à distraire de la plus basique façon une Italie en guerre.
J'aurais juré que cette avventuriera del piano di sopra était une adaptation théâtrale tellement le scénario semble se calquer sur ces pièces de boulevard gentiment croustillantes quant à l'idée (ou le passage à l'acte) de l'adultère. La mise en scène, elle aussi, semble venir de la scène, par le jeu presque exagéré des acteurs ou des placements/mouvements assez basiques des personnages. Ricardo Freda est au montage et en profite parfois pour quelques subtilités, pas toujours du meilleur effet (la séquence du magasin de fleurs), ou des bricolages avec les coupes pour compenser des moyens de tournage certainement assez faibles (la scène de l'escalier avec tous ces étages qui se ressemblent).
Le scénario est assez gentil, peu compliqué, et sujet à de nombreux quiproquos. Rien de très mémorable là-dedans même si le film se laisse regarder d'un oeil.
Une curiosité dispensable (surtout pour du mélodrame...), pour l'instant petite découverte de Matarazzo...
"Un film n'est pas une envie de faire pipi" (Cinéphage, août 2021)
daniel gregg
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Re: Raffaello Matarazzo (1909-1966)

Message par daniel gregg »

Nestor Almendros a écrit :L'AVVENTURIERA DEL PIANO DI SOPRA (1941)

Premièrement il semble y avoir eu erreur sur la marchandise: présenté dans un cycle "drames et mélodrames à l'italienne" par Patrick Brion (toute la subtilité tiendrait dans le "à l'italienne"?) alors que le film est une (très) "simple" comédie populaire, certainement destinée à distraire de la plus basique façon une Italie en guerre.
J'aurais juré que cette avventuriera del piano di sopra était une adaptation théâtrale tellement le scénario semble se calquer sur ces pièces de boulevard gentiment croustillantes quant à l'idée (ou le passage à l'acte) de l'adultère. La mise en scène, elle aussi, semble venir de la scène, par le jeu presque exagéré des acteurs ou des placements/mouvements assez basiques des personnages. Ricardo Freda est au montage et en profite parfois pour quelques subtilités, pas toujours du meilleur effet (la séquence du magasin de fleurs), ou des bricolages avec les coupes pour compenser des moyens de tournage certainement assez faibles (la scène de l'escalier avec tous ces étages qui se ressemblent).
Le scénario est assez gentil, peu compliqué, et sujet à de nombreux quiproquos. Rien de très mémorable là-dedans même si le film se laisse regarder d'un oeil.
Une curiosité dispensable (surtout pour du mélodrame...), pour l'instant petite découverte de Matarazzo...
:lol: Oui, c'est vrai qu'il s'agit davantage d'une farce vaudevillesque qu'un mélo.
D'accord avec toi concernant le caractère frivole de cette comédie, avec certaines répétitions un peu trop appuyées.
En revanche l'interprétation est selon moi le point fort du film avec un Vittorio De Sica virevoltant qui semble avoir travaillé son texte aux petits oignons puisqu'il est crédité parmi les collaborateurs au scénario et dialogues...
daniel gregg
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Raffaello Matarazzo (1909-1966)

Message par daniel gregg »

FILS DE PERSONNE de Raffaello Matarazzo. 1951

Scénario : Aldo De Benedetti d'après le Roman de Ruggero Rindi et Salvoni
Photographie : Rodolfo Lombardi
Musique : Salvatore Allegra
Interprétation :
Yvonne Sanson (Luisa puis Soeur Addolorata), Amedeo Nazzari (Guido Canali), Françoise Rosay (Comtesse Elisabeth Canali), Folio Lulli (Anselmo), Enrico Olivieri (Bruno), Enrica Dyrell (Elena), Alberto Farnese (Poldo), etc...

La passion contrariée entre la fille du concierge d'une Mine et le propriétaire de celle ci...

Ce mélodrame d'une extraordinaire richesse narrative, à voir en diptyque avec La Femme aux Deux Visages("Angelo Bianco") qui constitue sa suite, est un diamant à l'état brut du Cinéma Italien des Années 50.
Raffaello Matarazzo n'est pas de ces réalisateurs dont les critiques de toutes époques aiment à se répandre en considérations, ce qui ne l'empêche pas d'être un Réalisateur incontournable et indispensable.
Volontairement éloigné du grand courant Néo Réaliste qui traversa l'Italie des années 40 puis 50, il fut avec Riccardo Freda le principal artisan de ce cinéma "Populaire" italien qui engendra de nombreuses réussites dans des genres aussi variés que le Mélodrame , le film d'Aventures, la Comédie, etc...
Dans ce mélodrame sans issue de secours (La fin est d'une sécheresse inouïe), les personnages tels des anges passent leur temps à se froler, se
perdre , se retrouver.
On reste ébahi par la délicate beauté des âmes et des hommes qui s'exprime à travers certaines scénes chargées d'une émotion si intense qu'on a parfois l'impression de voir naître le Cinéma sous nos yeux.(cf. La scéne où l'enfant fait boire dans ses mains une religieuse dont il sait pas en réalité qu'il s'agit de sa Mère)
C'est que Matarazzo scrute les âmes pour mieux confronter l'innocence et l'avidité qui s'opposent en chacun de nous, la sagesse et la violence qui habillent notre conscience selon les personnes qui nous entourent, nous affectent.
Il ne lui faut pas grand chose ( Une Vallée encaissée, une Mine, une rivière, deux ou trois intérieurs à la sobriété confondante) pour mettre en scéne la grande tragédie du Monde.
En celà, Matarazzo est un grand Réalisateur et ce film une Merveille.
Dernière modification par daniel gregg le 12 juil. 11, 11:56, modifié 2 fois.
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Re: Raffaello Matarazzo (1909-1966)

Message par Akrocine »

Cela tombe bien le coffret Eclipse est sorti le mois dernier

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http://www.criterion.com/boxsets/808-ec ... melodramas
"Mad Max II c'est presque du Bela Tarr à l'aune des blockbusters actuels" Atclosetherange
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Re: Raffaello Matarazzo (1909-1966)

Message par daniel gregg »

Oui pour peu que l'on soit anglophone, car cette édition ne doit disposer que de sous titres anglais ou italiens, non ?
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Re: Raffaello Matarazzo (1909-1966)

Message par Rick Blaine »

STA uniquement.
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Re: Raffaello Matarazzo (1909-1966)

Message par Lino »

Une quinzaine de titres édités en Italie, mais beaucoup n'ont pas de sous-titres (ceux édités sous le label Titanus).

http://www.amazon.it/s?ie=UTF8&search-a ... 1310821649
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Re: Raffaello Matarazzo (1909-1966)

Message par daniel gregg »

Lino a écrit :Une quinzaine de titres édités en Italie, mais beaucoup n'ont pas de sous-titres (ceux édités sous le label Titanus).

http://www.amazon.it/s?ie=UTF8&search-a ... 1310821649
Merci pour le lien. :wink:
La plupart des titres édités par Titanus, dans le meilleur des cas, ne disposent que de st italiens ?
Lino
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Re: Raffaello Matarazzo (1909-1966)

Message par Lino »

daniel gregg a écrit :La plupart des titres édités par Titanus, dans le meilleur des cas, ne disposent que de st italiens ?

La collection Titanus n'a pas de sous-titres (langue italienne seule sur ces DVD).
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Re: Raffaello Matarazzo (1909-1966)

Message par daniel gregg »

Lino a écrit :
daniel gregg a écrit :La plupart des titres édités par Titanus, dans le meilleur des cas, ne disposent que de st italiens ?
Lino a écrit :La collection Titanus n'a pas de sous-titres (langue italienne seule sur ces DVD).

Merci.
Ne pas oublier demain au Cinéma de Minuit :

L'Intrusa, à environ 00h10. :)
Nestor Almendros
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Re: Raffaello Matarazzo (1909-1966)

Message par Nestor Almendros »

Daniel, je me suis permis d'ordonner tes interventions car un topic (plutôt une brève suite d'avis) existait déjà :wink:
J'ai aussi retrouvé un de mes commentaires daté d'avril 2010:

SCHIAVA DEL PECCATO de Rafaello Matarazzo - 1954 (Cinéma de Minuit)

Je me suis fait cueillir comme un bleu. C'est un film qui a probablement eu un énorme succès à l'époque. L'orientation populaire est évidente avec, régulièrement, un scénario qui se laisse aller à de grosses ficelles. Ainsi, la mise en place laisse augurer un film plutôt opportuniste aux effets peu subtils, la trame principale semble toute tracée pour une oeuvre qui se laissera voir sans surprises. Et c'est justement là que vient l'intérêt de SCHIAVA DEL PECCATO puisque de ce personnage à l'élan maternel honorable et tire-larme, le scénario va, pendant un temps, se pencher sur une vision plus sociale, certes racontée à gros trait mais tout à fait pertinente. L'héroine, entraineuse de petite vertu qui souhaite acquérir une dignité pour adopter une petite fille, restera longtemps "esclave du péché" (la traduction du titre), systématiquement réduite à l'état d'objet sexuel par une société "dirigée" par les hommes, en tout cas orientée pour les hommes: eux, malgré les faiblesses de leurs moeurs, ne seront jamais inquiétés. Au contraire, la pauvre Mara sera régulièrement rabaissée dans sa quête de respectabilité. Elle n'a pour elle qu'une volonté farouche de sortir d'un passé déshonorant et réducteur pour s'émanciper en tant qu'individu.
Malgré un ton qui vise le plus grand nombre et qui ne nous épargne pas quelques facilités ou lourdeurs, je ne bouderai pas le petit plaisir que j'ai eu à découvrir ce film (et aux larmes de la dernière scène).
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Re: Raffaello Matarazzo (1909-1966)

Message par daniel gregg »

Et tu as bien fait ! :wink:
D'ailleurs te souviens tu qu'elle était la durée exacte du film, à sa diffusion au CDM ( Schiava del peccato), car il me manque la fin ?
Nestor Almendros
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Re: Raffaello Matarazzo (1909-1966)

Message par Nestor Almendros »

daniel gregg a écrit :Et tu as bien fait ! :wink:
D'ailleurs te souviens tu qu'elle était la durée exacte du film, à sa diffusion au CDM ( Schiava del peccato), car il me manque la fin ?
Je n'en ai aucune idée :(
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Re: Raffaello Matarazzo (1909-1966)

Message par Ann Harding »

L'Intrusa (1955, R. Matarazzo) avec Lea Padovani et Amadeo Nazzari

Luisa (L. Padovani) est retrouvée inconsciente dans une barque. Le médecin (A. Nazzari) du village la soigne et lui trouve un emploi. Il l'épouse un peu plus tard...

Il semble que Matarazzo est devenu un réalisateur 'culte' après avoir été ravagé par la critique dans les années 50. Dans un vieux numéro de Positif de 1976, j'ai retrouvé quelques articles sur ce réalisateur qui attirait les foules dans les années 50 en Italie. Il avait apparemment commencé sa carrière en tournant des comédies. Mais, les années 50 font de lui le roi du mélo lacrymal. J'avais vu précédemment les deux Matarazzo diffusés au Cinéma de Minuit, dont Nestor a parlé ci-dessus. Comme lui, j'avais trouvé les films assez moyens. Mais, pour cette Intrusa, les bras m'en sont tombés devant une intrigue tellement bourrée de clichés que j'avais l'impression de voir un roman-photo tiré de Nous Deux. La pauvre Lea Padovani est retrouvée inconsciente après avoir dérivé dans une barque, mais son maquillage est absolument parfait, ses cheveux en place et ses ongles manucurés. Son histoire d'amour avec le médecin du village est totalement dépourvue d'intérêt. Il faut dire qu'Amadeo Nazzari est un acteur incroyablement figé, une vraie buche dans le style Rock Hudson. Il est absolument incroyable de penser que ce Nazzari ait été le chouchou N°1 du public italien à l'époque. :shock:...surtout si on le compare aux formidables interprètes masculins du cinéma italien comme Vittorio de Sica ou Marcello Mastroianni. Les rebondissements de l'intrigue sont tellement tirés par les cheveux que ça en devient comique. La pauvre Lea a été séduite et abandonnée. Elle a perdu l'enfant qu'elle attendait et elle est maintenant stérile. Miracle! Elle se retrouve face à son ancien séducteur. La femme de celui-ci est enceinte et son médecin de mari va l'accoucher. Puis, le mari devient jaloux du séducteur avant d'avouer qu'il n'a épousé la pauvre Lea que par pitié. Oh la la....Evidemment, tout est bien qui finit bien au final. Avec une telle intrigue on pourrait espérer au moins une mise en scène inspirée. A vrai dire, il se passe bien peu de chose au niveau visuel. Nous sommes claquemurés presque du début à la fin dans une maison où les acteurs se lancent dans des discours interminables sur leurs tourments intérieurs. Franchement, j'adore le cinéma italien, les comédies de Camerini, les mélo de Soldati ou les comédies de Risi, Germi et Monicelli. Mais, les qualités de ce Matarazzo m'échappent complètement...
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