Tay Garnett (1894-1977)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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bruce randylan
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Re: Tay Garnett (1894-1977)

Message par bruce randylan »

Divorcé malgré lui (Eternally Yours - 1939)

Bien médiocre celui-ci.
David Niven y jour un prestidigitateur un peu volage qui se marrie avec Loretta Young. Fatiguée de vivre dans la crainte de ses tour dangereux (sauter d'un avion menotté), elle obtient le divorce et se fiance à un homme plus simple. Il décide alors de tenter de la récupérer.

Pas grand à en dire, mise en scène très routinière et sans saveur (même les séquences de magie ne fonctionnent pas), pratiquement aucun rythme, les bonnes idées du postulat ne sont pas bien exploitées et le film n'est pas très drôle.
Les acteurs en revanche s'acquittent d'un bon travail et donnent du charme à cette comédie romantique prévisible à l'extrême qui se regarde sans implication. Celà dit, dans le 3ème quart du film, on trouve 10-15 minutes assez réjouissantes quand David Niven s'incruste dans la future belle-famille de son ex-femme et contrarie son rival. On trouve là un tempo enlevé qui n'est pas sans anticiper ce que Blake Edwards pourra faire quelques décennies plus tard.

Les curieux pourront y jeter un coup d’œil dans les différents dvds existant aux USA et en Angleterre (mais sans aucun sous-titres j'imagine)
Dernière modification par bruce randylan le 3 févr. 19, 17:28, modifié 1 fois.
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Re: Tay Garnett (1894-1977)

Message par kiemavel »

bruce randylan a écrit :
Je vois que ce Jewel Robbery est disponible dans le coffret Forbidden hollywood 4 (mais sans sous-titres :( )

Et je continue : les corsaires de la terre (Wild Harvest - 1947)
Merci Bruce pour la rétro Garnett. C'est pas nouveau mais çà donne envie d'avoir un avion privé. De quitter du travail, d'atterrir au Bourget puis taxi (Grouille, je veux pas être en retard)
Visionnage, décollage, couchage. Fichte, t'as des gouts de luxe. Non, rien qu'un fantasme comme çà...

Et sinon, Jewel Robbery est déjà passé sur le sat. français. Je le connais en vost mais ne suis pas feb sur le "rapport de force" One way/Jewell (mais le film est très bon)

"Les corsaires de la terre" alors pour celui là y'a nargage car je ne le connais qu'en vo et dans une copie extraordinairement pourlingue.

Par contre, t'as failli te discréditer en émettant quelques réserves préalables avant d'avoir la révélation sur " One Way..."
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Re: Tay Garnett (1894-1977)

Message par bruce randylan »

kiemavel a écrit : Par contre, t'as failli te discréditer en émettant quelques réserves préalables avant d'avoir la révélation sur " One Way..."
On voit que tu n'es pas là depuis longtemps : je dois n'avoir aucune crédibilité ici bas :mrgreen:
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Re: Tay Garnett (1894-1977)

Message par bruce randylan »

Gosse de riche (She Couldn't Take It - 1937)

Un homme fortuné est envoyé en prison pour fraude fiscale, sur place il se lie d'amitié avec un gangster qui comme lui maquillait ses comptes. Sur le point de mourir, il demande au gangster de devenir le tuteur légal de sa famille qui dilapide sa fortune et se comporte comme des enfants pourris gâtés.

Plutôt plaisant mais loin d'être inoubliable.
Le film comme son traitement est gentillet mais au final il fait le strict minimum sans transcender un scénario qui pouvait annoncer quelques chose de savoureux. Pas la mise en scène la plus inspirée de Garnett mais le rythme est tout à fait décent grâce à l’interprétation, des acteurs principaux (George Raft, Joan Bennett ou Walter Connolly) aux seconds rôles bien gratinés (les anciens partenaires de Raft ou Alan Mowbray qui joue un comédien de théâtre qui ne parle qu'en citations :lol: ). Ca donne quelques scènes assez drôles comme la présentation du personnage Bennett dans un commissariat, G. Raft proche de l'auto-parodie de ses rôles de dur à cuire ou la vraie fausse prise d'otage où les ravisseurs jouent le jeu de Bennett).

Et puis comme dans certain films de cette époque, Garnett n'hésite pas à casser la légèreté pour introduire du pur film noir comme un meurtre assez glaçant qui surprend véritablement. Et puis la poursuite final est assez amusante (elle sera repris dans un court-métrage tardif avec Buster Keaton So You Won't Squawk).

L'histoire m'a fait penser à un autre film mais impossible de me rappeler lequel :?
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Re: Tay Garnett (1894-1977)

Message par bruce randylan »

Ann Harding a écrit :Image

Stand-In (Monsieur Dodd part pour Hollywood, 1937) de Tay Garnett avec Leslie Howard, Joan Blondell, Humphrey Bogart et Jack Carson

Atterbury Dodd (L. Howard) est envoyé par sa banque de New York pour réaliser un audit sur les comptes de Colossal Studios à Hollywood. Le comptable Dodd est totalement perdu dans le monde fou du cinéma. Il trouve une aide en la personne de Lester Plum (J. Blondell), une ancienne enfant-star qui en est maintenant réduite à servir de doublure-lumière à la star inepte de Colossal Studios...

Cette délicieuse comédie met en valeur les qualités comiques de Leslie Howard qui est ici un petit comptable obsédé par les chiffres qui ignore tout du monde délirant du cinéma. Le film joue sur l'inadéquation de cet innocent qui ignore tout de la vie et du cinéma. Le film en profite pour brosser un portrait fort amusant de la vie des studios. Le réalisateur russe Koslovski (joué par Alan Mowbray) insiste pour avoir de vraies edelweiss pour une scène en studio. Le producteur Quintain (un jeune Humphrey Bogart) est lui porté sur la bouteille et semble plus intéressé par les charmes de la star maison et les courts de tennis que par son travail. La star-maison Thelma Cheri (Marla Shelton) est une actrice totalement incapable qui n'a réussi que grâce à son ondulation des hanches (dixit Quintain). Le très vulgaire Tom Potts (Jack Carson) est lui en charge de publicité. Quant au financier Nassau (C. Henry Gordon), il passe son temps à écouter le résultat des courses de chevaux. Mais, ce dernier a un dessein bien plus noir: il souhaite racheter le studio à vil prix en ayant sciemment poussé à la production une ineptie intitulée, Sex and Satan. Au milieu de petit monde ridicule, il y a la très sensée Lester Plum, dite 'Sugar Plum' (jouée brillamment par Joan Blondell) qui tente de survivre en tant que 'stand-in' (doublure-lumière). C'est elle qui va ouvrir les yeux de Dodd sur les pratiques parfois douteuses du studio. Il part habiter dans sa pension où se croisent des acteurs faméliques qui tentent désespéremment d'obtenir des rôles. Dodd est sidéré d'apprendre que Sugar Plum en tant qu'enfant-star gagnait 4000 dollars par semaine alors que maintenant elle ne survit qu'avec un maigre 40 dollars. Il est également totalement étourdi par le nombre incroyable de réécritures que peut subir un scénario. Le duo Blondell-Howard se révèle parfaitement réussi. Mais, c'est Leslie Howard qui est vraiment la star du film avec son jeu décalé et son humour. Une excellente comédie sur le Hollywood d'antant.
Je tempère un peu l'enthousiasme sur ce film.
C'est un bon film mais ce n'est qu'un "bon" film j'ai envie de dire... alors qu'il aurait vraiment pu être génial.
Mais l'humour, la satire, le rythme restent trop sage dans l'ensemble. Du coup, j'avoue avoir plus souri que vraiment ri alors que le potentiel était pourtant bel et bien là.
J'ai presque envie dire que j'ai suivi ça avec un léger ennui poli car le film ne décolle jamais vraiment. Il y a bien-sûr quelques passages mémorables comme la leçon de Ju-Jitsu qui détourne avec délice les codes romantiques ou le catastrophique film dans le film ("I'll be in St Mauritz in October" :lol: ) mais ça ne concerne au final que peu de scènes.

Dans l'ensemble, les gags et la description de l'univers choisissent la facilité et la superficialité comme les difficultés économiques qui frappent les studios indépendants (voir comment est traité la grève des employés :| ). Sans parler d'un happy end précipité et peu crédible (la façon dont Bogart trouve la solution de sauver le film). Pour le coup, le mélange des genres fonctionnent un peu moins que dans d'autres films sans doute parce que celui-ci en ayant plus d'ambition était forcément attendu au tournant.

Voilà, je ne parlerais pas de déception mais je m'attendais à plus de surprise, plus d'humour, plus de folie. Reste que les acteurs sont tip top
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Re: Tay Garnett (1894-1977)

Message par bruce randylan »

Cheers for miss bishop (1941)

Fin du XIXème siècle, la fraîchement diplômée Ella Bishop décide de s'engager dans la carrière d'enseignante... Se lançant avec dévotion dans sa profession, elle ne se rend pas compte des conséquence que celà va avoir sur sa vie personnelle et sentimentale.


Rooooohhhhhhh le gros mélo que voilà :mrgreen:

C'est assez édifiant comme film qui emprunte beaucoup à Goodbye Mr Chips).
On croule sous les stéréotypes et les conventions du genre : la jeune qui sacrifie sa vie pour ses élèves et qui règle leurs problèmes en 5 minutes, la frangine qui lui pique son amoureux (belle tête à claque à la psychologie totalement bâclée), le voisin amoureux, éternel rejeté mais qui attendra toute sa vie, la structure en flash-back etc...

C'est un vrai festival de bons sentiments dégoulinants qui sont totalement déconnectés de toute réalité historique, sociale ou psychologique. A ce niveau, il ne faut pas chercher la crédibilité ou la cohérence.

Mais bon, Garnett a la bonne idée de ne pas trop tirer sur la corde et avec à peine plus de 90 minutes au compteur pour retracer 50-60 ans d'une vie, on ne s'ennuie pas trop pour une narration assez rapide. On évite le tire-larmes complaisants. D'ailleurs, ça reste plutôt sobre et chaleureux, loin de l'hystérie et de la lourdeur qui peuvent frapper d'autre films de ce genre.
Il y a une certaine tendresse et douceur qui ne donnent pas envie d'être trop cynique.
Après Garnett n'est certainement pas Henry King et on ne peut pas dire que Cheer for Miss Bishop brille par sa sensibilité et son lyrisme. De plus la mise en scène de Garnett reste souvent illustrative mais contourne astucieusement un budget sans doute modeste d'une production indépendante. Reste que la photo est assez jolie, qu'on retrouve par moment la patte du cinéaste (le running gag sur les fleurs écrasés, une ambiance un peu amer) et que l’interprétation reste convaincante (même avec un maquillage pas toujours heureux).

Donc, oui, je l'avoue... La fin m'a "assez" émue même si les ficelles ne sont vraiment pas subtiles.

Voilà, si vous êtes d'humeur et friand du genre, ce film devrait vous plaire. D'ailleurs, j'ai préféré cette Miss Bishop à Mr Chips



SOS Icerberg (1933 - co-réalisé avec Arnold Fanck)

Co-réalisé avec Arnold Fanck n'est pas le terme adéquat. En réalité, Tay Garnett est parti du film allemand d'Arnold Fanck, a gardé environ 50% des images pour inventer ensuite une nouvelle histoire qu'il a complété avec un nouveau tournage.
Enfin c'est ce que j'ai compris je crois :mrgreen:
(à moins que Tay Garnett et Hans Hinrich - co-directeur de la version allemande - ne soient parties des images de Fanck et aient tous deux inventé leurs histoires en partageant ensuite le tournage et les acteurs... tous cela est un peu floues :| )

Bref.

Les amateurs de Pabst connaissent sans doute Arnold Fanck pour sa participation au chef d'oeuvre l'enfer blanc du Piz Palu. On se n'étonnera pas donc d'être face à un tournage aux conditions extrêmes qui abandonnent l'alpinisme pour la banquise tout aussi glaciale et dangereuse.
On retrouve ici donc des images spectaculaires qui servent à un film haletant et par moment très intenses qui ne manquent pas de suspens. Évidement, il y a plusieurs moments où l'aspect bricolé du montage qui mélange différentes sources cassent un peu la beauté des images (comme les attaques des ours blancs) mais il faut reconnaître que ça s'avère très efficace dans l'ensemble et même palpitant.

Le plus gênant reste tout de même la direction d'acteurs très rigide dues aux tournages dans les deux langues qui fait que les comédiens s'expriment le moins possible et pas très naturellement. D'ailleurs certaines péripéties sont assez maladroites comme celles où l'un des explorateurs sombre dans la folie. Celà dit ça rajoute une ambiance encore plus sombre et pessimiste.

Un vrai et excellent film d'aventures aux images incroyables qui donnent littéralement froid aux dos pour son tournage à haut risque (l'acteur qui nage en pleine mer glacée et peine à monter sur de iceberg n'a pas l'air de vraiment jouer la comédie :shock: )

Il semblerait que la version allemande soit la meilleure (et donne un bien plus grand rôle à Leni Riefenstahl - qui aurait d'ailleurs participé à la mise en scène). On peut trouver les deux version dans un DVD américain sorti chez Kino qui commence à se faire rare (je viens de le commander du coup)

Image
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Re: Tay Garnett (1894-1977)

Message par bruce randylan »

Un yankee à la cour du roi Arthur (A Connecticut Yankee in King Arthur's Court - 1949)

Pas fameux en effet mais je m'attendais à bien pire en fait.

le film possède une décontraction et une nonchalance qui me donne envie d'être indulgent. Mais, c'est vrai que la réalisation est assez indigeste avec notamment des séquences musicales très décevantes ( filmés le plus platement possible) et un scénario accumulant les facilités les plus paresseuses (l'évasion de prison :lol: ). Niveau implication émotionnelle et film prenant, on repassera quoi.

Mais bon, quelques séquences amusantes (William Bendix se demandant comment fonctionne un pistolet, Bing Crosby donnant un cour de jazz accéléré) et Rhonda Fleming porte bien le technicolor.
Donc vraiment pas terrible mais c'est la pas la purge annoncée.


The flying fool (1929)

Bon, là par contre, c'est bel et bien une purge. La raison n'est pas à chercher bien loin : il s'agit de son premier film parlant et Tay Garnett a l'air totalement paralysé par la technique qui l'étouffe totalement. On a tous les défauts qu'on imagine du début du parlant. La caméra est désespérément immobile et figée, les acteurs n'osent pas bouger, les cadrages ne sont qu'une succession de tableaux en plans américain sans aucune respiration au dessus des têtes pour ne pas montrer les perches des micros, la photo est moche et plate etc... Le pire c'est que le scénario est également nul avec son histoire inconsistante de deux frères aviateurs casse-cous, amoureux de la même femme (on se demande bien ce qu'ils lui trouvent d'ailleurs).
Voilà mais en plus d'être raté the Flying fool est aussi un film fauché car les séquences aériennes sont totalement pathétiques et disons le incompréhensibles tellement le montage est chaotique et brouillon. Même là dessus, le constat est terrible.

Tay Garnett essaye de faire ce qu'il peut et parvient quand même à sauver quelques rares moments comme celui où les deux frères parlent des qualités de la femme qu'ils aiment (sans savoir qu'ils s'agit de la même) et qu'ils prennent les mêmes poses songeuses. Il tente aussi un peu de jouer sur le son avec quelques actions qui se déroulent hors champs (comme le running gag de la blague accompagnée au ukulélé).

63 minutes qui paraissent interminables. Et ce n'est qu'à moitié surprenant que le cinéaste se soit lâché juste après avec des films virtuoses où la caméra effectue des mouvements incroyables comme pour mieux laver son honneur.
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Re: Tay Garnett (1894-1977)

Message par feb »

bruce randylan a écrit :Le pire c'est que le scénario est également nul avec son histoire inconsistante de deux frères aviateurs casse-cous, amoureux de la même femme (on se demande bien ce qu'ils lui trouvent d'ailleurs).
Si tu parles de Marie Prevost, il faut être "indulgent" car en 1929 elle est déjà bien accroc à l'alcool et elle commence à forcer un peu trop sur la fourchette. Il suffit de la voir dans Ladies of Leisure ou Sporting Blood pour s'en rendre compte.
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Re: Tay Garnett (1894-1977)

Message par bruce randylan »

Ouais, ça doit être elle. Mais je suis pas du tout indulgent vu que ça n'aide pas à croire à l'histoire :mrgreen:

Sinon, c'est pas encore fini !

Madame Parkington (1944)

Le jour de son anniversaire, une veuve très âgée reçoit la visite de ses enfants et de ses petits-enfants. A la tête d'un immense empire économique, elle réalise que l'argent à rendu sa famille totalement cynique et égoïste. Elle se remémore également sa jeunesse.

L'histoire est sombre et pessimiste avec une charge violente contre l'arrivisme, la recherche du pouvoir et la corruption morale que crée l'argent. La galerie de personnages n'est pas vraiment glorieuse et égratigne quand même pas mal une certaine idée du capitalisme. Entre les hypocrisies et les humiliations sociales, l'ambition démesurée, la volonté d'écraser l'autre, l'arrogance... On est loin de la gentille saga familiale idéalisé et romantique. Il y a des séquences d'une grande amertume (voire d'une profonde violence psychologique) comme l'immense banquet en l'honneur de la grossesse de Greer Garson, déserté par les invités qui se déroule dans un grotesque pathétique, à peine maquillé d'un humour grinçant où les chaises vides sont comblés par les serviteurs et les musiciens.

Tay Garnett fait preuve ainsi d'une certaine audace en rendant l'héroïne complice de cette déchéance morale puisqu'elle accepte volontairement de fermer les yeux sur les agissements de son mari (certes jusqu'à un certain point) et qu'elle reproduira les mêmes erreurs avec ses propres enfants qui deviendront de véritables monstres inhumains, imbues de leurs positions, inconscient de leurs actions et fermés au monde qui les entoure.

Garnett dessine également des relations assez complexes et inhabituelles entre les 2 personnages féminins : l'épouse et l'ancienne maitresse. Les scènes entre Agnes Moorehead et Greer Garson sont souvent très belles et assez émouvantes car pleines de sous-entendues entre elles.
Il faut dire que le réalisateur cherche à éviter les pièges du mélodrame en évacuant les séquences les plus tire-larmes comme la mort du mari qui ne sera évoqués que de manière pudique et très élégante au début du film mais jamais montré à l'image alors que ça aurait du constituer le point culminant de n'importe quel autre films.
Au contraire, il préfère jouer sur l'apaisement et la légèreté in-extremis en injectant des éléments de la comédie de remariage pour une séquence délicieuse et savoureuse où Greer Garson rencontre le Prince de Galles (joué par un truculent Cecil Kellaway). C'est par ce glissement vers la légèreté que l'héroïne réalise à quel point elle a raté l'éducation de ses enfants et tentent de se rattraper avec sa petite fille.

Bien-sûr les ficelles ne sont pas forcément plus fines mais le film avait besoin de cette chaleur avec avoir dépeint - par moment avec un sentiment proche de la claustrophobie - la déliquescence des liens familiaux.

A cause de se genre de défauts et quelque autre problème (le film est un peu trop long, l'écriture manque par moment de subtilité, la réalisation n'est pas toujours à la hauteur), le film n'est pas le chef d’œuvre qu'il aurait pu être mais il reste une belle réussite où Garnett fait preuve d'un vrai raffinement, d'une certaine sophistication pour un divertissement plutôt intelligent.

En tout cas, le film vieillit décidément très bien et mérite mieux que ces quelques lignes assez brouillonnes (le problème de parler du film 3 semaines après sa découverte)
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Re: Tay Garnett (1894-1977)

Message par bruce randylan »

le dernier négrier (The slave ships - 1937)

Alors que la loi américaine interdit désormais le commerce d'esclaves, un groupe d'hommes continue de se livrer à se genre de pratique en espérant éviter les patrouilles gouvernementales.


Le traitement du film a fait grincer pas mal de dents. Si le film prend évidement parti contre les esclavagistes, les négriers ne sont pas forcément dépeint comme des monstres antipathiques. On pourrait même dire qu'ils sont attachants, bon vivants, drôles et qui possèdent une certaine fougue. D'ailleurs quand le héros décide d'arrêter la traite, il ne le fait pas par conviction politique voire humaniste mais par amour pour sa récente épouse, une femme issue de la bourgeoisie qui ne supporte pas les traitements infligés aux noirs.

Pour certains, ça témoigne d'une certaine inconscience venant de la part des auteurs et du réalisateur (50 ans de cinéma américain évoque un film détestable). Pour ma part, j'ai plutôt envie d'y voir une manière finalement assez juste et crédible de montrer la mentalité de l'époque. Ca apporte une ambiguïté étonnante aux personnages pour un film qui oscille de toute façon régulièrement entre la légèreté et le drame. Il faut voir Wallace Beery passer du bon bougre rigolard à un monstre qui attache les esclaves à l'encre qu'il jette à l'eau pour éviter que les autorités ne trouve sa "cargaison" sur son navire.
Il se dégage d'un coup une violence morale et visuelle éprouvante qui choque profondément.

Celà dit, le film n'évite pas les maladresses comme le personnage de Mickey Rooney dont le revirement n'est pas très satisfaisant. Sans oublié un "happy end" qui pour le coup laisse un arrière gout douteux en bouche.

En tout cas, le film est une très bonne curiosité qui met le spectateur dans une situation embarrassante à plus d'un titre et j'ose espérer que cela est volontaire. Par ailleurs, la réalisation est très solide avec un beau noir et blanc, des scènes d'actions assez intenses, des interprètes excellent en contre-emploi et quelques passages vraiment réussis quoiqu'il en soit.



Les ranchers du Wyoming (Cattle king - 1963)

Je vais pas prendre le temps d'en parler longuement de celui-là. C'est un ratage intégrale. Tellement cheap et bâclé que la réalisation est d'un amateurisme pathétique. Sans oublier, un scénario sans intérêt, des acteurs qui s'ennuient autant que le spectateur, une absence totale de rythme...
Bref, une belle calamité où il n'y a rien à sauver (ce qui est quand même la seule fois chez Garnett il me semble).
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Re: Tay Garnett (1894-1977)

Message par bruce randylan »

Le dernier Garnett découvert à la cinémathèque qui me restait à évoquer ici :)

The fireball (1950)

Un adolescent rebelle s'enfuit de l'orphelinat où il a grandi pour vivre de ses propres ailes. Il tombe par hasard sur une paire de patins à roulettes qui le conduisent à prendre des courts dans le cadre de compétitions amateurs. Il va alors tout faire pour intégrer une équipe de Roller derby.

Production indépendante voilà un petit film qui repose beaucoup sur un Mickey Rooney en grande forme sans trop en faire dans le cabotinage excessif. En tout cas son jeu survitaminé correspond assez bien à son personnage de grande gueule maladroit et un peu gauche en quête de reconnaissance après avoir grandi des années dans l'anonymat d'un pensionnat.
La première partie est vraiment plaisante et assez drôle avec une construction narrative qui tient presque du domino cascade dans la façon où Rooney se met à ce sport. Garnett en profite pour glisser comme à son habitude quelques détails décalés (le danseur de jazz en patins qui interloque tout le monde) sans oublier la manière dont Rooney se met sur les feux de la rampe en se moquant publiquement du champion du Roller Derby en passant à la télé pour s'attirer la sympathie du public.
Bref, une partie assez amusante et légère, pas toujours prévisible de surcroît et dont les plans en extérieur apportent un petit plus sympathique. Quant aux séquences de compétitions de roller derby, elles sont assez spectaculaire entre les collisions, les corps qui volent par dessus les rails de sécurité et autres chutes douloureuses. Il y a bien-sûr plusieurs rétro-projections mais une bonne majorité des courses sont filmés en live. On sent en tout cas la dureté du sport de manière assez surprenante.

Mais le film se vautre par contre assez lamentablement dans la morale bien gonflante quand Rooney prend la grosse tête et n'est plus intéressé que par sa carrière en devenant un monstre imbu de lui-même, égoïste et carriériste à l'extrême n'hésitant pas à mettre dangereusement ses partenaires. Évidement, le destin lui apprendra l'humilité après un grave accident qui manque de le laisser paralyser. Le problème, c'est que le personnage est devenu un telle ordure qu'on souhaite presque qu'il reste handicapé tant on ne s'attache plus lui. Ca fait un moment qu'on est sorti du film et qu'on a plus envie d'y retourner. La dernière demi-heure apparaît alors vraiment longuette. D'ailleurs le scénario abuse incroyablement des grosses ficelles comme le personnage de Pat O'Brien qui ré-apparaît comme par magie histoire d'assèner son préchi-precha.

Dommage car le début était attachant et bien enlevé.
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Re: Tay Garnett (1894-1977)

Message par Supfiction »

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bruce randylan a écrit :
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Stand-In (Monsieur Dodd part pour Hollywood, 1937) de Tay Garnett avec Leslie Howard, Joan Blondell, Humphrey Bogart et Jack Carson

Atterbury Dodd (L. Howard) est envoyé par sa banque de New York pour réaliser un audit sur les comptes de Colossal Studios à Hollywood. Le comptable Dodd est totalement perdu dans le monde fou du cinéma. Il trouve une aide en la personne de Lester Plum (J. Blondell), une ancienne enfant-star qui en est maintenant réduite à servir de doublure-lumière à la star inepte de Colossal Studios...

Cette délicieuse comédie met en valeur les qualités comiques de Leslie Howard qui est ici un petit comptable obsédé par les chiffres qui ignore tout du monde délirant du cinéma. Le film joue sur l'inadéquation de cet innocent qui ignore tout de la vie et du cinéma. Le film en profite pour brosser un portrait fort amusant de la vie des studios. Le réalisateur russe Koslovski (joué par Alan Mowbray) insiste pour avoir de vraies edelweiss pour une scène en studio. Le producteur Quintain (un jeune Humphrey Bogart) est lui porté sur la bouteille et semble plus intéressé par les charmes de la star maison et les courts de tennis que par son travail. La star-maison Thelma Cheri (Marla Shelton) est une actrice totalement incapable qui n'a réussi que grâce à son ondulation des hanches (dixit Quintain). Le très vulgaire Tom Potts (Jack Carson) est lui en charge de publicité. Quant au financier Nassau (C. Henry Gordon), il passe son temps à écouter le résultat des courses de chevaux. Mais, ce dernier a un dessein bien plus noir: il souhaite racheter le studio à vil prix en ayant sciemment poussé à la production une ineptie intitulée, Sex and Satan. Au milieu de petit monde ridicule, il y a la très sensée Lester Plum, dite 'Sugar Plum' (jouée brillamment par Joan Blondell) qui tente de survivre en tant que 'stand-in' (doublure-lumière). C'est elle qui va ouvrir les yeux de Dodd sur les pratiques parfois douteuses du studio. Il part habiter dans sa pension où se croisent des acteurs faméliques qui tentent désespéremment d'obtenir des rôles. Dodd est sidéré d'apprendre que Sugar Plum en tant qu'enfant-star gagnait 4000 dollars par semaine alors que maintenant elle ne survit qu'avec un maigre 40 dollars. Il est également totalement étourdi par le nombre incroyable de réécritures que peut subir un scénario. Le duo Blondell-Howard se révèle parfaitement réussi. Mais, c'est Leslie Howard qui est vraiment la star du film avec son jeu décalé et son humour. Une excellente comédie sur le Hollywood d'antant.
Je tempère un peu l'enthousiasme sur ce film.
C'est un bon film mais ce n'est qu'un "bon" film j'ai envie de dire... alors qu'il aurait vraiment pu être génial.
Mais l'humour, la satire, le rythme restent trop sage dans l'ensemble. Du coup, j'avoue avoir plus souri que vraiment ri alors que le potentiel était pourtant bel et bien là.
J'ai presque envie dire que j'ai suivi ça avec un léger ennui poli car le film ne décolle jamais vraiment. Il y a bien-sûr quelques passages mémorables comme la leçon de Ju-Jitsu qui détourne avec délice les codes romantiques ou le catastrophique film dans le film ("I'll be in St Mauritz in October" :lol: ) mais ça ne concerne au final que peu de scènes.

Dans l'ensemble, les gags et la description de l'univers choisissent la facilité et la superficialité comme les difficultés économiques qui frappent les studios indépendants (voir comment est traité la grève des employés :| ). Sans parler d'un happy end précipité et peu crédible (la façon dont Bogart trouve la solution de sauver le film). Pour le coup, le mélange des genres fonctionnent un peu moins que dans d'autres films sans doute parce que celui-ci en ayant plus d'ambition était forcément attendu au tournant.

Voilà, je ne parlerais pas de déception mais je m'attendais à plus de surprise, plus d'humour, plus de folie. Reste que les acteurs sont tip top



Deux extraits qui donnent toutes fois très envie. L'association dans une comédie du flegme britannique de Leslie Howard et de la bouillonnante américaine Joan Blondell est une très bonne idée je trouve!
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Re: Tay Garnett (1894-1977)

Message par Profondo Rosso »

One way passage (1932)

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Dan Hardesty, un meurtrier qu'escorte Steve Burke, et Joan Ames, une femme qui n'a plus que quelques mois à vivre, se rencontrent sur le bateau qui mène de Hong Kong à San Francisco et vont vivre durant la traversée un grand amour.

En cette année 1932, les spectateurs américains auront eu le plaisir d'apprécier la complicité du couple William Powell/ Kay Francis dans la délicieuse comédie de William Dieterle Jewell Robbery et cette alchimie s'avère tout aussi forte dans le registre plus dramatique de ce One way passage. Le postulat aurait pu tirer l'ensemble vers une tonalité mélodramatique trop appuyée mais cette romance va prendre un tour aussi subtil que poignant. On démarre par un classique "boy meets girl" autour duquel viendra se greffer tout le background des personnages. Ils n'existent l'un pour l'autre que par ce moment où Dan (William Powell) est bousculé dans un bar de Hong Kong par la belle Joan (Kay Francis) et que le charme opère entre eux dès cette brève rencontre. Ils chercheront tout au long du film à retrouver cette étincelle et complémentarité fugace, quel qu'en soit le prix et il sera lourd tant tout deux sont des êtres sursis.

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Condamné par la loi pour Dan coupable d'un meurtre et escorté en bateau jusqu'à San Francisco par le flic dur à cuire Steve Burke (Warren Hymer) et par son corps avec une Joan souffrant d'une maladie incurable et n'ayant que quelque mois à vivre. Cette traversée en bateau sera donc le commencement, l'épanouissement et la fin de leur histoire d'amour sans qu'aucun d'eux n'ose jamais l'avouer à l'autre. Ce moment exaltant vaut bien tous les risques qu'ils sont prêts à prendre. En dépit de son geôlier patibulaire, Dan aura ainsi plusieurs fois l'occasion de s'évader avant la destination fatale mais les circonstances et ses sentiments l'empêcheront toujours de s'éloigner de Joan. Celle-ci pourrait prolonger ses jours en se ménageant mais plutôt que de survivre enfermée dans un sanatorium, elle préférera user de ses dernières forces pour vivre pleinement cette romance.

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Tay Garnett fait preuve d'une finesse rare ne le voyant jamais tomber dans un sentimentalisme facile. Point besoin de violon, de larmes ou de péripéties forcées quand un échange de regard entre William Powell et Kay Francis suffit. Après le coup de foudre initial, ce sera toujours ce motif qui ramènera les protagonistes l'un vers l'autre. Alors qu'il semblait pouvoir réussir une fuite audacieuse, la vision de Joan parmi les passagers du bateau ramène à bord. L'énergie et l'allant de Joan subsiste tant qu'elle est en compagnie de Dan, mais elle menace de s'effondrer dès qu'il semble lui échapper. L'amour est une plénitude et une malédiction que nos héros semblent prêts à vivre car ils savent que ce sera pour eux la dernière fois sans deviner que l'issue tragique leur sera commune. Garnett traduit toute cette palette de sentiment par la grâce de ces interprètes qu'il n'a de cesse de magnifier. Toute malice disparait des traits sévères de William Powell pour laisser place à une expression faite d'apaisement et de regret. Les souffrances de Kay Francis ne semblent plus exister lorsque ses yeux clairs s'illuminent à la vue de Dan.

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Les gros plans sur leurs visages nimbés de la photo immaculée de Robert Kurrle les dotent d'une grâce de tous les instants. Lorsque Garnett daigne les réunir dans le cadre, la magie opère tout autant que ce soit dans un versant sobre et intimiste (Dan et Joan accoudés vu de dos à observer l'horizon côte à côte) ou flamboyant et passionné (le baiser sur le sable lors de l'escale à Honolulu). Les évènements ne semblent jamais submerger ce couple choisissant d'aller individuellement à sa perte pour mieux vibrer à deux. Du coup pas d'éclat même lorsque la vérité sera tardivement découverte, la séparation se faisant aussi sobre que poignante. C'est ce sentiment d'inéluctable résigné mais passionné qui fait toute la beauté du film, Garnett laissant une seconde chance à travers la rencontre du policier et l'arnaqueuse jouée par Aline MacMahon. Les deux romances se répondent ainsi en refusant une vision binaire : la passion, complicité et la tragédie de l'instant de Dan et Joan trouve son reflet dans l'humour (amené aussi par les facéties de Frank McHugh qui détendent l'atmosphère), la maladresse et l'ouverture vers l'avenir du policier et Barrel House Betty. Après cela, l'échafaud comme la maladie peuvent frapper, le voyage sans retour les précédant aura été magnifique à suivre. Un magnifique mélo. 5,5/6

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Jeremy Fox
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Re: Tay Garnett (1894-1977)

Message par Jeremy Fox »

bruce randylan a écrit :

Les ranchers du Wyoming (Cattle king - 1963)

Je vais pas prendre le temps d'en parler longuement de celui-là. C'est un ratage intégrale. Tellement cheap et bâclé que la réalisation est d'un amateurisme pathétique. Sans oublier, un scénario sans intérêt, des acteurs qui s'ennuient autant que le spectateur, une absence totale de rythme...
Bref, une belle calamité où il n'y a rien à sauver (ce qui est quand même la seule fois chez Garnett il me semble).

J'écrirais mon succinct avis plus tard au sein du parcours mais ça rejoindra le tien. Pas grand chose à sauver.
bruce randylan
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Re: Tay Garnett (1894-1977)

Message par bruce randylan »

C'est pas faute d'avoir prévenu :twisted:
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