Tay Garnett (1894-1977)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Re: Tay Garnett (1894-1977)

Message par Rick Blaine »

Il a vraiment l'air fort sympathique ce film. Qui plus est avec Bogart au casting... :fiou:
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Ann Harding
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Re: Tay Garnett (1894-1977)

Message par Ann Harding »

C'est vraiment une bonne comédie. Mais, Bogey n'y est qu'un second rôle, assez sarcastique. Le film est sorti en DVD aux USA. Mais, il est maintenant épuisé...
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Rick Blaine
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Re: Tay Garnett (1894-1977)

Message par Rick Blaine »

Ann Harding a écrit :C'est vraiment une bonne comédie. Mais, Bogey n'y est qu'un second rôle, assez sarcastique.
Ca à l'air d'être un rôle atypique dans sa carrière des années 30. Et puis en lui même le film à l'air vraiment sympa!

Ann Harding a écrit : Le film est sorti en DVD aux USA. Mais, il est maintenant épuisé...
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Oui, ça fait un moment d'ailleurs, je ne l'ai jamais vu dispo... :(
bruce randylan
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Re: Tay Garnett (1894-1977)

Message par bruce randylan »

La rétro a la cinémathèque est à mi parcours. :D
Quelques avis plus ou moins bref

Bataan (1943)

Garnett signe là un film de guerre vraiment étonnant. Je suis loin d'être un spécialiste mais je ne crois pas avoir déjà vu un film aussi sombre, âpre et violent alors que le conflit n'était pas fini. Vu la noirceur du film, on peut difficilement croire qu'on soit devant un film de propagande même si on en trouve un certains nombre de stéréotypes (sacrifices, japonais cruels et suintants la haine, tensions au sein du groupe de soldats, position à tenir...).
Mais l'approche du cinéaste est quand même d'une dureté stupéfiante pour son époque avec ses éclats de violence qui peuvent évoquer Samuel Fuller notamment quand la mort survient par survivre comme la mort d'un officier au début du film : il marche tandis qu'il fait un discours à ses troupes, une balle le frappe en plein tête mais il continue à marcher encore un ou deux pas en chancelant avant de s'écrouler avec un regard aussi abasourdi que celui du spectateur. Quelques dialogues ou situations présentent ainsi souvent des fulgurances inhabituelles.
De plus, les scènes d'actions sont vraiment spectaculaires à commencer par le bombardement qui ouvre le film et bien-sûr les assauts finaux qui sont très intenses, rageurs et sauvages. Quelques accélérés et le comportement des japonais (pas très malins) viennent un peu tempérer l'enthousiasme mais ça reste quand même bluffant avec Robert Taylor dont je ne suis pas toujours friand mais qui est ici excellent en sombrant dans une folie meurtrière presque glaçante à la fin. Le dernier plan est un vrai uppercut à ce titre.
La mise en scène de Garnett est souvent d'une efficacité et d'une solidité redoutable avec des longs plans à la grue, une noir et blanc oppressant, des poussés d’adrénaline à couper le souffle et une énergie qui n'a pas vieilli. Et il y a beaucoup d'idées de mise en scène brillante comme la découvert d'un sabre japonais dans le brouillard. Et il parvient à faire parfaitement oublier que presque tout le film se déroule dans le même décor.

Ce qui est en plus étonnant c'est que l'humour de Garnett s'intègre en plus très habilement à l'univers violent du film comme le running gag sur les précédents métiers d'une jeune recrue (sans oublier son casque qui s'affaisse sur son visage au rythme de la mitraillette) ou la découverte du camion qui faisait office de protection lors du bombardement.

Une très, très bonne surprise qui surprend très souvent et s'impose en référence du genre. Il existe un DVD aux USA, il est épuisé à l'unité mais on le trouve encore couplé avec Back to Bataan



Les combattants de la nuit (A Terrible Beauty - 1960)

Un autre film de guerre dont le cadre est assez original : l'espoir de l'IRA d'obtenir l'indépendance de l'Irlande en se liant aux nazis pour vaincre l'Angleterre en 1941.
Malheureusement, le résultat n'est pas vraiment mémorable sans être deshonorable.
Mais ça manque de passion et d'implication. On regarde ça avec distance sans jamais vraiment s'intéresser aux personnages. Pourtant le traitement est assez honnête et intègre avec des protagonistes qui ne sont jamais jugés malgré leurs actes et leur affiliation avec les allemands. Ainsi Robert Mitchum semble être un nationaliste un peu perdu qui s’engage dans la lutte presque par une sorte d’obligation sanguine mais il doute de la démarche à suivre.
Mais sa nonchalance habituelle semble contaminer la narration qui est trop relâchée et tombe vers la fin dans artifices et des facilités qui tiennent plus du film noir que du film de guerre documenté et réaliste. Reste quelques éclats dans la réalisation de Garnett et un noir et blanc correct.
Le film souffre aussi d’une fin précipitée qui n’a rien de satisfaisante, on a presque l’impression qu’il manque 15 minutes.
Dernière modification par bruce randylan le 21 mars 15, 09:55, modifié 1 fois.
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Re: Tay Garnett (1894-1977)

Message par bruce randylan »

Ann Harding a écrit :Après cette belle découverte de Okay America, j'ai eu envie de revoir ce qui est certainement un des tous meilleurs films de Garnett.

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One Way Passage (Voyage sans retour, 1932) de Tay Garnett avec Kay Francis, William Powell, Frank McHugh, Aline McMahon et Warren Hymer

Dan (W. Powell) et Joan (K. Francis) se sont rencontrés alors qu'ils traversent le Pacifique de Hong-Kong à San Francisco. Ils tombent amoureux l'un de l'autre. Mais, ils savent que leur histoire sera sans lendemain. Joan est gravement malade et Dan est un criminel recherché par la police voué à la peine de mort...

Ce film produit par la Warner est un délice. Dès les tous premiers plans, on sait qu'on va passer un moment tout à fait exceptionnel. La caméra se promène, arérienne, dans un bar de Hong Kong, s'attarde un moment sur un groupe de trois chanteurs qui ramassent les pièces qu'on leur jette, puis poursuit le long d'un comptoir où un barman loquace prépare un cocktail. Nous découvrons Dan (W. Powell) qui trébuche face à une femme inconnue, Joan (K. Francis), et au premier coup d'oeil tombe amoureux. Ce simple prémisse est le début d'un des plus beaux films d'amour produits par Hollywood. Nous sommes sur un paquebot en partance pour San Francisco et le voyage de ces deux condammnés sera leur dernière étincelle avant la fin de leur existence. En contrepoint de cette histoire d'amour poignante, il y a le couple comique et nettement moins élégant formé par Aline McMahon, en aventurière qui se fait passer pour une comtesse, et Frank McHugh, un pick-pocket toujours alcoolisé. Le comique apporté par ces deux acteurs permet au film d'échapper aux conventions du mélodrame. McHugh passe tout le film à boire (au goulot) et McMahon chaparde avec dextérité dans les poches de ses victimes. Powell et Francis forment le couple le plus élégant qui soit avec une sorte d'ironie légère et sophistiquée. La concision même du film est l'une de ses qualités premières. Il n'y a pas de sentimentalisme excessif et on reste dans une sorte d'apesanteur durant ces délicieuses 67 min. Le plan final du film est inoubliable: deux verres se brisent sur un comptoir à Agua Caliente où les deux amants s'étaient donnés rendez-vous, tout en sachant qu'ils ne pourraient s'y rendre. Cependant ces deux verres signifient qu'ils ont réussi à venir de l'au-delà. Un vrai bonheur.
Voilà, entièrement d'accord avec tout. Garnett réussit le pari de réaliser à la fois un magnifique film (mélo) romantico-poétique en même temps qu'une comédie brillante aux personnage attachants et à la réalisation enlevée et inspirée. Le tout en 67 minutes ! :shock:
Ce sens du récit, de la concision, cette capacité à faire vivre des personnages, à faire croire à leurs états d'âmes, à leurs motivations en si peu de temps témoignent d'un véritable génie qui n'a plus beaucoup d'équivalent maintenant. Garnett fait largement confiance à la complicité du spectateur avec les conventions du genre pour poser en acquis la magie que d'autres auraient développé sur des dizaines de minutes. D'où une absence de cynisme pour une sincérité qui donne un lyrisme délicieux qui devient sublime dans les derniers instants. L'ultime plan est inoubliable avec en plus une virtuosité dont la rapidité de la caméra renforce la dimension fantastique de cet instant magnifique.

Ce qui est remarquable c'est qu'on est ému (voire bouleversé) alors que l'histoire d'amour ne représente à peine un tiers du récit, Garnett ayant l'élégance et l'intelligence de donner les beaux rôles aux seconds justement. Tous les acteurs sont d'ailleurs formidables jusqu'au moindre figurant.

Admirable. :D



Tragédie foraine (The spieler - 1928)

Deuxième réalisation de Tay Garnett, cette comédie dramatico-policière s'avère assez décevante à cause d'une réalisation trop inégale et malheureusement trop terne dont les idées ne fonctionnent que rarement. Il est possible que l'arrivée du parlant pendant le tournage et la volonté des producteurs d'en faire un film sonore aient alourdi la mise en scène de Garnett.
Toujours est-il qu'à part l'introduction assez savoureuse (où Alan Hale et Clyde Cook sorte de prison pour mettre à profit leur talents de pickpockets dans la sécurité des fêtes foraines), le film manque de personnalité et de caractère. Garnett a l'air d'avancer en tatillonnant en manquant d'assurance. Son style ne fonctionne que ponctuellement. Par exemple les séquences à suspens pourraient être brillantes mais le découpage manque de subtilité avec une dilatation du temps qui tombe à l'eau et des plans trop systématiques.
Dans l'ensemble, on a surtout du mal à croire aux personnages et à l'intrigue amoureuse d'où un certain désintérêt face à des péripéties bien trop prévisible de surcroît.
Et peut-être manque-t-il tout simplement la bonhomie de la moustache d'Alan Hale qui, rasé, manque de charisme et de présence.

C'est étonnant car son premier film Celebrity ,tourné la même année, est une très belle réussite, drôle et touchante. Mais j'en parlerai plus tard :wink:
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Re: Tay Garnett (1894-1977)

Message par daniel gregg »

bruce randylan a écrit :
Ann Harding a écrit :Après cette belle découverte de Okay America, j'ai eu envie de revoir ce qui est certainement un des tous meilleurs films de Garnett.

Image
One Way Passage (Voyage sans retour, 1932) de Tay Garnett avec Kay Francis, William Powell, Frank McHugh, Aline McMahon et Warren Hymer

Dan (W. Powell) et Joan (K. Francis) se sont rencontrés alors qu'ils traversent le Pacifique de Hong-Kong à San Francisco. Ils tombent amoureux l'un de l'autre. Mais, ils savent que leur histoire sera sans lendemain. Joan est gravement malade et Dan est un criminel recherché par la police voué à la peine de mort...

Ce film produit par la Warner est un délice. Dès les tous premiers plans, on sait qu'on va passer un moment tout à fait exceptionnel. La caméra se promène, arérienne, dans un bar de Hong Kong, s'attarde un moment sur un groupe de trois chanteurs qui ramassent les pièces qu'on leur jette, puis poursuit le long d'un comptoir où un barman loquace prépare un cocktail. Nous découvrons Dan (W. Powell) qui trébuche face à une femme inconnue, Joan (K. Francis), et au premier coup d'oeil tombe amoureux. Ce simple prémisse est le début d'un des plus beaux films d'amour produits par Hollywood. Nous sommes sur un paquebot en partance pour San Francisco et le voyage de ces deux condammnés sera leur dernière étincelle avant la fin de leur existence. En contrepoint de cette histoire d'amour poignante, il y a le couple comique et nettement moins élégant formé par Aline McMahon, en aventurière qui se fait passer pour une comtesse, et Frank McHugh, un pick-pocket toujours alcoolisé. Le comique apporté par ces deux acteurs permet au film d'échapper aux conventions du mélodrame. McHugh passe tout le film à boire (au goulot) et McMahon chaparde avec dextérité dans les poches de ses victimes. Powell et Francis forment le couple le plus élégant qui soit avec une sorte d'ironie légère et sophistiquée. La concision même du film est l'une de ses qualités premières. Il n'y a pas de sentimentalisme excessif et on reste dans une sorte d'apesanteur durant ces délicieuses 67 min. Le plan final du film est inoubliable: deux verres se brisent sur un comptoir à Agua Caliente où les deux amants s'étaient donnés rendez-vous, tout en sachant qu'ils ne pourraient s'y rendre. Cependant ces deux verres signifient qu'ils ont réussi à venir de l'au-delà. Un vrai bonheur.
Voilà, entièrement d'accord avec tout. Garnett réussit le pari de réaliser à la fois un magnifique film (mélo) romantico-poétique en même temps qu'une comédie brillante aux personnage attachants et à la réalisation enlevée et inspirée. Le tout en 67 minutes ! :shock:
Ce sens du récit, de la concision, cette capacité à faire vivre des personnages, à faire croire à leurs états d'âmes, à leurs motivations en si peu de temps témoignent d'un véritable génie qui n'a plus beaucoup d'équivalent maintenant. Garnett fait largement confiance à la complicité du spectateur avec les conventions du genre pour poser en acquis la magie que d'autres auraient développé sur des dizaines de minutes. D'où une absence de cynisme pour une sincérité qui donne un lyrisme délicieux qui devient sublime dans les derniers instants. L'ultime plan est inoubliable avec en plus une virtuosité dont la rapidité de la caméra renforce la dimension fantastique de cet instant magnifique.

Ce qui est remarquable c'est qu'on est ému (voire bouleversé) alors que l'histoire d'amour ne représente à peine un tiers du récit, Garnett ayant l'élégance et l'intelligence de donner les beaux rôles aux seconds justement. Tous les acteurs sont d'ailleurs formidables jusqu'au moindre figurant.

Admirable. :D


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Tragédie foraine (The spieler - 1928)

Deuxième réalisation de Tay Garnett, cette comédie dramatico-policière s'avère assez décevante à cause d'une réalisation trop inégale et malheureusement trop terne dont les idées ne fonctionnent que rarement. Il est possible que l'arrivée du parlant pendant le tournage et la volonté des producteurs d'en faire un film sonore aient alourdi la mise en scène de Garnett.
Toujours est-il qu'à part l'introduction assez savoureuse (où Alan Hale et Clyde Cook sorte de prison pour mettre à profit leur talents de pickpockets dans la sécurité des fêtes foraines), le film manque de personnalité et de caractère. Garnett a l'air d'avancer en tatillonnant en manquant d'assurance. Son style ne fonctionne que ponctuellement. Par exemple les séquences à suspens pourraient être brillantes mais le découpage manque de subtilité avec une dilatation du temps qui tombe à l'eau et des plans trop systématiques.
Dans l'ensemble, on a surtout du mal à croire aux personnages et à l'intrigue amoureuse d'où un certain désintérêt face à des péripéties bien trop prévisible de surcroît.
Et peut-être manque-t-il tout simplement la bonhomie de la moustache d'Alan Hale qui, rasé, manque de charisme et de présence.

C'est étonnant car son premier film Celebrity ,tourné la même année, est une très belle réussite, drôle et touchante. Mais j'en parlerai plus tard :wink:
Il faut que je revois au plus vite ce One way passage, déjà qu'immédiatement après l'avoir découvert, je m'étais demandé si je n'avais pas raté un truc.
Peut être tout simplement parce que j'en attendais trop.
En tout cas tu as bien de la chance de pouvoir faire cette rétrospective.
feb
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Re: Tay Garnett (1894-1977)

Message par feb »

One Way Passage est un superbe film porté par le couple Francis/Powell mais il souffre de 2 "défauts" :
- Frank McHugh est assez insupportable.
- La comparaison avec Jewel Robbery, petite pépite que je trouve supérieure au film de Garnett...en tout cas j'ai eu le malheur de le voir après le film de Dieterle et le film de Garnett m'a paru un poil moins enthousiasmant.
bruce randylan
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Re: Tay Garnett (1894-1977)

Message par bruce randylan »

feb a écrit :One Way Passage est un superbe film porté par le couple Francis/Powell mais il souffre de 2 "défauts" :
- Frank McHugh est assez insupportable.
- La comparaison avec Jewel Robbery, petite pépite que je trouve supérieure au film de Garnett...en tout cas j'ai eu le malheur de le voir après le film de Dieterle et le film de Garnett m'a paru un poil moins enthousiasmant.
Jamais entendu parler du Dieterle (celà dit pour la petite dizaine de ses films que j'ai vu, je suis loin d'être fan).

Pour One way passage, le mélange des genres et la partie mélodrame nettement en retrait m'avait un peu décontenancé sur le moment mais il est vieilli vraiment très très bien. Mais, c'est vrai que sa narration est vraiment atypique avec quasiment 2 films en un.

Sinon

le poignard mystérieux (Slightly Honorable - 1939)

Une excellente surprise :D
Ce n'est assurément pas un grand film mais voilà une comédie policière truculente pleine d'humour et de surprises. Ici, la méthode Garnett fonctionne à plein régime : avec un scénario banal pour ne pas dire sans grand intérêt, Tay Garnett développe les seconds rôles, ajoute une multitudes de gags et surprend par quelques ruptures de tons. Dans celui-ci, car ce n'est pas toujours le cas chez lui, l'humour s’intègre parfaitement à l'intrigue. Ca commence d'ailleurs très fort avec des vues paradisiaques d'îles tropicales tandis qu'un texte évoque la chaleur, le calme, le repos, la douceur... Puis tout s'arrête. Un carton sur fond noir apparaît brutalement : "oui, mais c'est à milliers de kilomètres" avant d’enchaîner rapidement sur une voiture sortant de la route pour s'écraser dans un ravin.

A partir de là, l'histoire suit donc un avocat qui se retrouve soupçonné du meurtre de son ancienne maîtresse sur fond de loi sur corruption. Tout cela passionne peu Garnett qui préfère donc des moments légers qui sont assez irrésistibles comme l'interrogatoire avec l'adjoint saoul et les suspects qui se retrouvent en chaussettes :lol:
Le tempo est dans ce genre de moment un régal de précision et tout s'enchaîne assez vite. Il s'amuse aussi avec un faux suspens comme ce couteau, pièce à conviction, que le héros plante dans le plafond alors que la police fait une perquisition chez lui et que l'objet menace de tomber à tout moment.
A côté de ça, il surprend par des changements brutaux de styles avec des idées formidables comme la mouche sur la secretaire qui fait passer du rire au drame en quelques secondes. Brillant ! et je ne serais pas surpris que Johnnie To ait repris l'idée dans l'excellent A hero never dies.

Après, le cinéaste ne parvient pas à maintenir la cadence jusqu'à la fin et le dernier tiers souffre de quelques baisses de régimes pour une légère lassitude du public.
Le poignard mystérieux est une oeuvre mineure et sans grande prétention mais le plaisir est là et on s'y amuse beaucoup. Pour ma part, je suis ravi :)


La femme aux cigarettes blondes (Trade Winds - 1938)

Celui-là est un peu plus décevant car il décline plusieurs éléments de One way passage comme l'histoire d'amour avec un criminel (ici, une criminelle) qui se déroule en grande partie sur un bateau de croisière. Mais le charme n'y est plus vraiment. Les ficelles sont plus voyantes et surtout la réalisation y est beaucoup plus figée. Il faut dire que le film se déroule aux quatre coins du globe et que Garnett lui-même est allé film les nombreux extérieurs lors d'un long tour du monde. Du coup, il y a un très grand nombre de transparences qui ne permettent pas à la réalisation de s'épanouir, la caméra étant obligée d'être fixe la pluspart du temps. De plus les trucages sont loin d'être discrets puisque le tournage à Hollywood et les extérieurs ont une qualité radicalement différente. Dommage car les plans filmés par Garnett lors de son voyage proposes des images très belles et dépaysantes qui changent des reconstitutions de pacotilles.
Celà dit, le casting est plutôt bon et l'ensemble reste assez amusant comme le running gag du policier un peu benêt persuadé que la meurtrière a fuit pour l'Australie. Les nombreux changements de pays donnent un rythme plutôt soutenu mais qui faiblit dès que les personnages se posent trop longtemps. Contrairement à One way passage, Garnett n'arrive pas à nous faire croire aux personnages. Il faut dire que l'histoire est tout de même abracadabrante. Le dénouement de l'intrigue avec la découverte du vrai meurtrier est même incompréhensible.

On peut dire que c'est un curiosité pas déplaisante mais trop inégale.
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Re: Tay Garnett (1894-1977)

Message par feb »

bruce randylan a écrit :
feb a écrit :One Way Passage est un superbe film porté par le couple Francis/Powell mais il souffre de 2 "défauts" :
- Frank McHugh est assez insupportable.
- La comparaison avec Jewel Robbery, petite pépite que je trouve supérieure au film de Garnett...en tout cas j'ai eu le malheur de le voir après le film de Dieterle et le film de Garnett m'a paru un poil moins enthousiasmant.
Jamais entendu parler du Dieterle (celà dit pour la petite dizaine de ses films que j'ai vu, je suis loin d'être fan).
Je te le conseille vivement bruce car, si tu as aimé One Way Passage, tu ne seras pas insensible au charme de Jewel Robbery. Le Pre-Code est toujours présent (mais ici c'est la comédie qui prend le dessus) et le couple vedette est un pur régal à regarder :wink:
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Re: Tay Garnett (1894-1977)

Message par bruce randylan »

Je vois que ce Jewel Robbery est disponible dans le coffret Forbidden hollywood 4 (mais sans sous-titres :( )



Et je continue : les corsaires de la terre (Wild Harvest - 1947)

Un film bien sympathique avec un sujet qui sort un peu du lot : on suit un groupe d'hommes possédant des moissonneuses batteuses et qui parcourent les Etats-unis au moment des récoltes pour trouver des exploitations agricoles qui les embaucheraient. Ils subissent la concurrence de grosses entreprises qui peuvent se permettre de brader leurs prix et de travailler le dimanche. Ils doivent aussi faire face à de nombreux problèmes qu'ils soient naturels (incendie, orage) ou humains (alcoolisme, manque de présence féminine, vie de nomades...).

Le ton est plutôt décontracté avec quelques gags made in Garnett qui en profite d'ailleurs pour livrer deux bagarres qu'il affectionne tant. La première se déroule avec des dizaines d'opposants pour un moment très plaisant, drôle et parfaitement rythmé. La seconde, un mano à mano, clôture le film et s'impose donc comme un peu plus dramatique et douloureux mais sans départir de sa bonne humeur et de sa légéreté.
De toute façon dans l'ensemble le film s'assume comme un divertissement solide qui soucie du bien-être du spectateur. On s'ennuie pas, les acteurs sont très bons (Alan Ladd en tête) et le film possède quelques séquences fortes. Outre les 2 bagarres, il y a un fulgurant incendie dans champs de blé qui transforme les terre en une véritable fournaise. Sans oublier une poursuite en voiture/camions également intense et saisissante avec le personnage d'Alan Ladd qui saute de camions en camions (lancés à pleine vitesse) pour rejoindre l'arrière du convoi afin de jeter une moissonneuse sur leurs poursuivants. Vraiment épatant et spectaculaire avec un cascadeur qui n'a pas froid aux yeux.

Après, le film trimbale son lot de clichés qui gravitent essentiellement autour du personnage féminin, vraiment pas écrit finement et avec sobriété. Cela dit, la relation triangulaire ne manque de relief et permet de (re)lancer le dernier tiers. Et puis ça donne une séquence réjouissante où Dorothy Lamour essaye de séduire Alan Ladd dans une grange alors que ce dernier reste stoïque pour ne pas dire cinglant. :mrgreen:

Voilà, encore une fois, c'est certainement pas un classique ni même un chef d'oeuvre mais Tay Garnett livre un excellent film populaire, qui respecte son cahier des charges balisé mais le fait avec talent, application et par moment un bon sens du spectacle. :D


Cross of Lorraine (1943)

Tourné la même année que Bataan, voilà un film de guerre qui tombe pleinement dans la pure propagande sans la moindre retenue. Ca se déroule avec des Français envoyés dans un camp de prisonniers en Allemagne.
Bien-sûr à part un individu qui collabore avec les teutons, tous les personnages sont des vaillants résistants. La crédibilité et la nuance du scénario ne sont vraiment pas la qualité première avec des stéréotypes à la pelle que ce soit du côté des "héros" ou des allemands. Les sabots sont aussi gros que les ficelles avec pour résultat une oeuvre qui a pris un sacré coup de vieux même si la réalisation tient la route. On trouve celà dit quelques passages intéressant comme ce qui tourne autour de Gene Kelly (dans un rôle sombre donc) que les allemands tentent de briser humainement et psychologiquement.

A l'image de la vision idéaliste et romanesque des civils français qui sont tous résistants et prêts aux sacrifice (comme brûler leur village :o ), ce film semble presque déconnecté de toute réalité. On se demande si les scénaristes ont fait la moindre recherche pour savoir comment se dérouler l'Occupation en France. Petite consolation purement cinématographique, la bataille finale qui se déroule dans le petit village frontalier est une formidable séquence anthologique avec un découpage à la fois nerveux, précis, dynamique qui témoigne d'un sens de l'action, du mouvement et de l'espace bluffant. Un morceau de bravoure violent et épique où les corps tombent par dizaine dans une chorégraphies virtuose.
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Re: Tay Garnett (1894-1977)

Message par bruce randylan »

Celebrity

1ère réalisation de Garnett, voilà une comédie drôle et touchante où un boxer, pas forcément talentueux, décide de se faire remarquer en acquérant une culture qu'il mettrait en avant dans la presse. Son ami, colocataire et imprésario demande à une actrice de théâtre de se faire passer pour sa fiancée.

Une histoire assez simple et très souvent prévisible mais faite avec du coeur et de la générosité. Le film fait souvent penser à Capra, ce qui n'est pas étonnant puisque Garnett était co-scénariste avec lui sur les films d'Harry Langdon. On retrouve donc ce mélange d'humour, de tendresse et de romantisme pour personnage un peu gauche et naïf mais sensible et plein de bonne volonté.

Cet humour permet de caractériser très rapidement et avec brio les personnages dès les premières scènes avec la conversation entre Robert Armstrong et Clyde Cook dans leur modeste appartement pendant qu'ils se préparent à manger une omelette. Garnett dose parfaitement ses gags, la progression de l'histoire et la description de l'état d'âme des personnages.
L'ironie n'est jamais bien loin comme lors de la la pièce de théâtre qui introduit les personnages féminins qui jouent (et passent) pour des femmes pieuses mais qui n'hésitent pas à boire de l'alcool dès que possible, y compris sur scène. :mrgreen:
Le reste de l'intrigue est sans surprise : on sait immédiatement que le boxer va tomber amoureux de sa fausse fiancée, qu'elle va s'attacher à elle mais que le destin (sous les traits d'un méchant) va devoir les séparer pour mieux les rapprocher au moment du match final. Mais Garnett contourne le problème avec quelques moments vraiment drôles qui sont autant de respiration dans le récit comme l'hilarant moment où Robert Armstrong évoque l'histoire de Lincoln devant un public féminin avec son anti-sèche qui se fait la malle :lol:
Et puis, comme je le disais, son traitement ne manque pas d'émotion et le dernier tiers se fait bien plus émouvant. Il y a là une vraie sensibilité qui nous fait rendre les personnages terriblement vivants et touchants. Le cinéaste est autant à l'aise dans la légèreté que dans l'intimiste à l'image de la dernière scène qui se déroule dans la salle de spectacle vide où se tenait le match de boxe juste avant.
Il faut d'ailleurs préciser que c'est Mitchell Leisen qui s'est occupé de la direction artistique et qu'il livre lui aussi un joli travail.

Pour un premier film, c'est une vraie réussite et on peut presque regretter que Garnett n'a pas plus creuser ce filon là.


Main street to broadway (1953)

Une comédie dramatique qui se déroule dans l'univers de Broadway sur un auteur dramatique qui essaye de faire ses preuves. On lui commande une pièce légère.

C'est un film très mineur qui semble surtout avoir été conçu pour permettre un grand nombre de guest stars qui jouent leurs propres rôles : Rex Harrison, Agnes Moorehead, Tallulah Bankhead, Ethel Barrymore, Louis Calhern, Joshua Logan, Rodgers & Hammerstein... Ca donne par moment un côté film à sketch assez curieux qui semble quasiment indépendant du récit principal. Il y a des passages assez drôle (la scène de ménage entre Rex Harrison et Helen Hayes), d'autres qui semblent presque sorti d'un documentaire (les compositeurs Rodgers & Hammerstein) et d'autres plus gênant (Ethel Barrymore tellement malade que ça en devient morbide).
Certains ont en revanche une vraie place dans l'histoire comme Tallulah Bankhead auto-parodique qui rêve d'un rôle simple de ménagère, femme au foyer :mrgreen:
Mais bon, l'histoire n'est pas très passionnante, la mise en scène trop sage. C'est dommage car l'histoire pourrait avoir un potentiel façon le magnifique ou la fête en henriette à l'image de la scène trop courte où l'écrivain matérialise au fur et à mesure l'intrigue de sa pièce et le caractère de ses personnages qui n'hésitent pas non plus à interpeller son créateur. C'est d'ailleurs le seul vrai moment où la photo de James Wong Howe sort de l'anonymat.

Celà dit, la dernière partie n'est pas à négliger avec l'héroïne hésitant entre deux hommes. Même si les protagonistes restent tout de même fortement stéréotypés, il n'en demeure pas moins touchants et filmé avec une certaine délicatesse en les révélant humains et sincères. Le film d'ailleurs n'hésite pas à devenir plus grave et sombre, puisque l'échec n'est jamais bien loin et est considéré comme nécessaire.
Mais ça serait oublier que Tay Garnett a régulièrement fait preuve d'une lucidité pleine d’amertume durant sa carrière (sans tomber dans un fatalisme ou le drame pure). Mais il lui arrive fréquemment de nuancer sa légèreté par des moments plus pessimiste.

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Re: Tay Garnett (1894-1977)

Message par bruce randylan »

Bon, fin de la Rétro Garnett pour ma part. :)
J'aurais manqué 2 films (Ma favorite spy, comédie pas drôle et trop statique d'après ce qu'on m'a dit et opération traquenard, un vraie purge reconnu par Garnett lui-même). Par ailleurs 4 titres (dont un film à sketch) n'ont pas été projeté dans ce cycle dont Destination Unknown et challenge to be free qui avait l'air plutôt pas mal.

Bon, comme j'ai 14 films à évoquer, autant ne pas perdre de temps :mrgreen:

Prestige (1932).

Le jour même de son mariage, un lieutenant français est envoyé en Indochine pour s'occuper d'un camp de prisonnier locaux. Sur place, il sombre dans l'alcoolisme tandis que son épouse fait son possible pour le rejoindre et le sortir de ce poste.

Curieux film que voilà avec une histoire trouble dont on a dû mal à voir la finalité. Les qualités comme ses défauts sont très ambiguës et on se demande où commence l'audace et où débutent les maladresses. On ne comprend ainsi jamais l'obstination des supérieurs militaires à confier au mari cette situation et pourquoi ils refusent de le laisser sortir. Et surtout on ne sait jamais vraiment quoi les auteurs pensent du colonialisme (Une scène douteuse peut laisser place à scène plus progressiste) ou de la place des femmes (Ann Harding parait tour à tour forte et indépendante puis assez réactionnaire et agaçante). Bref, moralement et psychologiquement parlant, j'ai trouvé le film difficile à cerner quant aux motivations même si on sent bien sûr une charge quand même très dure contre les autorités militaires et leur honneurs/devoirs.

En fait on sent que Garnett ne s'est pas trop impliqué dans le scénario pour l'un de ses films les plus sombre et qui ne comporte aucune trace de son humour... De la à dire qu'il s'agit de l'un de ses moins personnels, il n'y qu'un pas... car on sent qu'il s'est surtout concentré sur l'aspect technique qui est tout simplement ahurissant.
Il avait déjà fait preuve d'une réelle virtuosité dans Son homme et Chicago mais là, c'est vraiment à un niveau supérieur.
C'est bien simple, je ne crois pas avoir vu des mouvements de caméra aussi spectaculaires à cette époque (et il faudra attendre quelques années avant qu'Ophuls atteignent ce niveau là).
Certain plan-séquence sont vraiment époustouflants. Au début on trouve par exemple un mouvement rapide qui part d'une cour militaire pour monter très rapidement en travelling avant vers une fenêtre où se trouve les invités du mariage. Le plan suivant se situe de l'autre côté de la fenêtre où la caméra glisse d'un personnage à l'autre. Elle s'avance, recule (sans jamais faire le même trajet) effectue des mouvements en arc de cercle, franchit des portes, le tout avec une fluidité impressionnante.

On trouve bon nombre de plan-séquences de ce niveau là :
- celle où la caméra effectue un très long et ample travelling lors du mariage qui anticipe tout simplement le plan célèbre de Jeunes et innocents d'Hitchcock ( en se rapprochant moins près du visage tout de même mais le procédé est le même chez Garnett mais avec encore plus d'ampleur !!)
- celui où Ann Harding est à la réception d'un hôtel, sort dans la rue, monte dans une calèche qui progresse sur une bonne centaine de mètres avant de s'arrêter devant une gare où elle rentre dans le hall.
- Celui où Ann Harding arrive dans le camp de prisonnier : la caméra la précède descendant de débarcadère, remonte un sentier jusqu'à l'entrée du fort qu'elle traverse tandis que la caméra effectue en même temps un 360°(le montage casse celà dit le plan en 2 par un insert quand elle arrive devant les portes du fort mais on sent qu'il s'agit d'un seul et même plan)
- celui qui part d'une tour de garde, redescend pour montrer une indigène en train d'escalader l'arbre sur lequel le mirador est installer, puis redescend sur un officier qui installe un dialogue avec elle avant de rentrer dans le fort qu'il traverse en partie jusqu'à une cabane de prisonniers où la caméra rentre aussi.

Ces tours de force sont d'autant plus impressionnants qu'ils sont tourné en extérieur, en son direct et qu'ils sont - encore une fois - d'une fluidité et d'une rapidité stupéfiante. Celui avec l'amazone qui descend de l'arbre, on passe d'elle à l'officier en bas dans une série de travellings montant/descendant en diagonale tout en effectuant des rapides panoramas qui viennent recadrer les acteurs sans que la caméra tremble ou effectuer des sacades. :shock:

Bon, le film ne repose pas que sur ses mouvements d'appareil car on trouve aussi une scène au montage image/son tout aussi maîtrisée lors de l'exécution où les autres prisonniers entament un chant tribal qui s’accélère progressivement pour un résultat assez viscéral et intense.



Prestige est donc un film vraiment déstabilisant dans le fond mais sa forme est démentielle. Cet exercice de style mérite vraiment que le film sorte de l'oubli où il a échoué.
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bruce randylan
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Re: Tay Garnett (1894-1977)

Message par bruce randylan »

Professional Soldier (1936)

Victor McLaglen est un mercenaire spécialiste des missions impossibles et suicidaires. Alors qu'il passe du bon temps à Paris, un proche du roi d'un pays indéterminé lui demande de kidnapper son souverain et de le mettre en sûreté afin de pouvoir renverser ses conseillers corrompus qui prévoient un coup d'état. Il s'avère que le souverain est un enfant d'une douzaine d'années que McLagen va devoir garder plusieurs jours.

Une histoire invraisemblable bourrées d'incohérences, de facilités et de bon sentiments mais ce n'est pas à négliger pour autant.
Ce n'est pas que le film soit forcément très drôle (c'est loin d'être le plus abouti de Garnett sur ce point), possède une réalisation solide ou soit toujours bien rythmé mais Professional soldier propose des personnages attachants avec un joli duo entre Victor McLaglen et le jeune Freddie Bartholomew (Capitaine Courageux de Fleming ou Le Pacte d'Henry King). Pour peu, je dirais même qu'il est presque émouvant par moment, surtout vers la fin. Mais une émotion assez humble et modeste, comme conscient de ses propres limites.

A part ça, le film reste malgré ses défauts grâce à quelques passages amusants, une réalisation qui n'a rien de bâclée (le rapide mouvement de caméra qui accompagne Freddie Bartholomew pendant le baseball) et des ruptures de tons par moments surprenantes. Ainsi le running gag des faits d'armes improbables de Victor McLaglen et sa mitraillette prend corps bel et bien dans la fin pour une excellent scène d'action tout droit sorti d'un western spaghetti ou d'un Terminator : McLagen y avançe doucement en portant dans ses bras une lourde sulfateuse pour mieux dégommer des figurants déboulant par dizaines de tous les coins de l'image. C'est par ailleurs très bien mises en scène et ça a un côté assez jouissif, très comic book. :D

Voilà, un peu d'humour, un peu de suspens, un peu d'émotion, un peu d'action. Le mélange des genres est bien dosé. Ca suffit à faire agréablement passé le temps durant 75 minutes même si le film n'est certainement pas un grand film. Mais son absence de prétention joue en sa faveur. C'est au final l'un des films de Garnett qui s'impose discrètement dans le souvenir des spectateurs.
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Re: Tay Garnett (1894-1977)

Message par Ann Harding »

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Her Man (Son Homme, 1930) de Tay Garnett avec Phillips Holmes, Helen Twelvetrees, Marjorie Rambeau et Ricardo Cortez

Frankie (H. Twelvetrees) est entraîneuse dans un bouge de La Havane sous la coupe de son souteneur Johnny (R. Cortez). Elle rencontre un jour Dan (P. Holmes), un marin qui propose de la sortir de là...

Tay Garnett a élaboré lui-même l'intrigue de ce film en s'inspirant de la célèbre chanson Frankie and Johnny. Il souhaitait embaucher un acteur musclé et beau gosse pour le rôle du marin Dan. Il proposa Dean Jagger au studio Pathé. Pas de chance, le studio avait déjà emprunté une des stars de la Paramount de l'époque sous la forme de Phillips Holmes, un beau blond que l'on associe plus aux personnages timides et intériorisés d'Une Tragédie américaine (An American Tragedy, 1931) de von Sternberg qu'à un grand costaud qui joue des mécaniques. Ce film lui permet de montrer une autre facette de son talent: il peut aussi jouer un marin qui chante et se bagarre. Sur un sujet somme toute peu original, Garnett réussit un film tout en mouvement (à une époque où les films sont souvent statiques) tel que le début du film qui nous montre Annie (Marjorie Rambeau) qui retourne au Thalia, le bouge de La Havane où elle travaille, après avoir été refoulée par les autorités américaines. On la suit dans les rues grouillantes des bas quartiers avec un long travelling fluide. Garnett n'oublie pas son passé de gagman et il est particulièrement fier du gag récurrent où James Gleason tente régulièrement sa chance dans une machine à sou. Le malheureux introduit pièce après pièce dans celle-ci, sans résultat alors que son compère gagne à tous les coups. Le film a été tourné entièrement en studio - au grand regret des membres de l'équipe de tournage - et seuls quelques extérieurs ont été filmés sur place pour quelques transparences. Il y a cependant une vraie atmosphère dans ce film grâce aussi aux excellents seconds rôles comme Marjorie Rambeau en vieille entraîneuse alcoolique ou un étonnant Franklin Pangborn, habitué des personnages efféminés, qui décoche ici quelques coups de poing pour recouvrer son chapeau dérobé par des marins ivres. Le film se termine par une bagarre homérique entre le marin Dan face à souteneur de Frankie (à nouveau Ricardo Cortez dans un rôle de mauvais garçon) qui fait penser à Raoul Walsh. Un très bon cru dans la filmographie de Tay Garnett.
bruce randylan
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Re: Tay Garnett (1894-1977)

Message par bruce randylan »

Ann Harding a écrit :Image
Her Man (Son Homme, 1930) de Tay Garnett avec Phillips Holmes, Helen Twelvetrees, Marjorie Rambeau et Ricardo Cortez
ah ben j'allais justement en parler.

Je suis dans l'ensemble pleinement d'accord avec toi : un très bon Tay Garnett qui a tout de même pris un certain coup de vieux (l’interprétation - surtout féminine, les décors qui font très studios, un romantisme désuet), ce qui n'est pas forcément le cas de tous ses films de cette période (notamment Chicago qui ne fait vraiment pas son âge).

Mais à part ça, Garnett témoigne d'un sacré sens du mouvement et du rythme, mélangeant allègrement les genres et les registres. L'humour y est très plaisant (outre le coup de la machine à sous, tout ce qui tourne autour du chapeau volé est brillant), les sursauts de violence assez glaçant et sec (le piège pour poignarder les victimes) et Phillips Holmes qui possède une présence fascinante. Un jeu à la fois très artificiel tout en étant hypnotique avec un mélange d'animalité, de fragilité, de décontraction et d'espièglerie. J'avoue avoir beaucoup pensé à Marlon Brando durant le film. Pour le coup, son jeu est très moderne.

En tout cas, le film ne manque pas d'idée de mise en scène et de style (ahhhhh ces lettres gravées dans le sable que viennent effacer la mer). Un bon cru malgré quelques réserves qui rappellent que le film a quand même plus de 80 ans !


Timber Tramps (1973 - sorti en 1975)

Deux vieux bûcherons de la vieille école ne supporte plus le confort grandissant des exploitations dans lesquelles ils travaillent. Ils saisissent l'opportunité d'aller travailler en Alaska, sur un terrain encore sauvage, loin de la civilisation.

L'ultime film de Garnett ne jouit pas d'une grande réputation. C'est vrai que le film est excessivement fauché et - on peut le dire - raté voire consternant

Pourtant, le film est assez touchant. A 80 ans, Tay Garnett reste toujours lui-même : un explorateur qui n'a pas tourné le dos à ses premiers amours. On retrouve dont un sens de l'humour bon enfant, ses fameuses bagarres, les voyages, les romantiques grandes gueules, les beuveries...
Évidement, avec l'âge et un budget dérisoire, la flamboyance et l’exubérance burlesque de ses films des années 30 ont l'air de ressembler à un sous Terrence Hill / Bud Spencer à la réalisation très, très approximative. On a l'impression qu'aucun plan ne raccorde avec le précédent, la post-synchronisation est lamentable, les décors intérieur catastrophiques, l'humour ne vole jamais très haut (cf le hippie jeté à l'eau :mrgreen: ), le casting semble tout droit sortit d'une maison de retraite (presque contre la volonté des pensionnaires aurais-je envie de dire vu le jeu très "éteint" de Joseph Cotten )... Mais à quelques reprises on sent que Tay Garnett a encore de bons restes comme quelque extérieurs très bien mis en valeurs, des plans parfois spectaculaires de chutes d'arbres et des éclats ci et là tel ce travelling avant sur Eve Brent debout au milieu de son camp.
Et malgré toutes ses nombreuses lacunes, on sent que le film a été fait avec sincérité et sans le moindre cynisme.

Alors on peut se moquer du résultat cheap et on peut ricaner devant des acteurs grabataires mais on peut aussi regarder avec indulgence et une certaine tendresse ce film totalement anachronique tourné en Alaska dans des conditions assez rudes par un homme malade, très âgé et qui restait un amoureux de son métier, toujours prêt à partir à l'aventures.

J'aimerai vraiment pour ça découvrir The Mad Trapper tourné un an plus tôt dans des conditions encore plus rude et faisait preuve semble-t-il d'une belle vitalité.

La fille de Tay Garnett était présente durant toute la durée de cette rétrospective et a présenté ce film qu'elle n'avait jamais vu. Mais étant présente sur le tournage elle avait quelques anecdotes (parfois émouvantes) à raconter. Malheureusement, je n'ai pas eut l'occasion d'en écouter beaucoup. :cry:
Elle avait l'air en tout très émue d'être là et de participer à cet évènement.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
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