Je me joins tardivement aux supporters du film. J'avais découvert LA CAPTIVE AUX YEUX CLAIRS il y a une dizaine d'années avec le master de la pitoyable édition Montparnasse (pas d'autre mot
) qui était suffisamment mauvais pour ne jamais me faire rentrer dans le film. C'était aujourd'hui l'occasion de redécouvrir un film estimé dans un genre que j'apprécie davantage désormais et dans une copie bien meilleure (mais toujours imparfaite).
Je suis décidément très fan de ces westerns qui délaissent le désert et les chevaux pour les paysages de montagne et de forêts, qui sortent de la petite ville isolée et des intrigues locales (bandit contre shérif) pour s'approprier l'Histoire et insuffler au genre un (second) souffle bienvenu. Car LA CAPTIVE AUX YEUX CLAIRS est peut-être plus encore un grand film d'aventures qu'un western. Malgré des figures communes, comme les indiens ou la Compagnie de fourrures qui veut régner de force sur le territoire (remplaçant ici l'éternel proprétaire terrien dominateur), on est presque dans une histoire nouvelle grâce à un décor finalement inhabituel: peu de westerns se sont aventurés dans les forêts du nord et dans la vie des colons ou des trappeurs - on peut citer parmi les plus connus LE GRAND PASSAGE, SUR LA PISTE DES MOHAWKS, LA RIVIERE DE NOS AMOURS ou LA COLLINE DES POTENCES.
Bref, le résultat est visuellement très riche, Hawks profitant du périple pour enraciner son film dans la Nature luxuriante de son pays. On peut aussi noter qu'à l'instar de Ford sur LES MOHAWKS, le scénario respecte un certain sens de l'Histoire avec cette langue française beaucoup utilisée dans le film (comme à l'époque).
Comme on l'a déjà souligné, le film est une sorte de parcours initiatique extrêmement prenant, gage du savoir-faire narratif de Hawks, aux personnages très bien écrits, bien développés, bien utilisés, et à l'intrigue finalement assez simple (c'est ce qui m'aura peut-être le plus frustré). On pourra noter, concernant le scénario, que certains acteurs peu charismatiques (je pense évidemment à Dewey Martin) s'en sortent finalement honorablement grâce à la qualité d'écriture de leurs personnages. Ce que j'ai peut-être le plus apprécié dans le film, c'est la discrétion des faces à faces: les confrontations ne sont jamais tournées d'une façon attendue, voyante, lourde. Malgré des développements classiques (par exemple le rapprochement avec "Yeux de BIche") ils sont finalement très subtils, très introvertis, peu explicites. C'est au spectateur, dans le ressenti, de faire le même chemin que les personnages. C'est une façon admirable de raconter une histoire, je trouve, d'éviter la redite (les clichés) en contournant l'action tout en en gardant les enjeux.
C'est aussi un film pro-indien, deux ans après LA FLECHE BRISEE de Daves, qui touche à la sagesse bien au-delà du message politique ("toutes les croyances se valent"). On est dans la démonstration subtile, encore une fois. Les Crows sont montés contre l'équipage par les conspirateurs blancs de la Compagnie des Fourrures, Zeb a connu un drame conjugal poignant avec une indienne, les deux rivaux sont séduits par "Yeux de Biche" (personnage plus complexe que l'aspect décoratif qu'on pouvait craindre).
Bref un film très agréable, au souffle empathique. Une belle histoire, un parcours captivant, de beaux décors (même ceux en studio sont très réussis - dommage que l'éclairage trop clair lors des scènes nocturnes trahisse une forêt tournée en studio), un bon casting (globalement). Vivement une bonne restauration!
Pour l'anecdote on pourra reconnaitre Jim Davis dans le rôle de Streak: c'était Jock Ewing dans la série DALLAS. Plus cinéphilique, on trouve dans le rôle de l'indien simplet "Poordevil" l'acteur chouchou de John Ford, Hank Worden, qui apparait dans presque tous les films du réalisateur - dans des rôles souvent minuscules. Cela fait longtemps que je l'observe car je l'ai découvert dans la série TWIN PEAKS (le vieux serveur balbutiant) et reconnu ensuite, à ma grande surprise, dans les classiques du western. Mais il est vrai que cette série est un catalogue d'acteurs très estimés (et depuis oubliés) dans les années 50 et 60...