La Captive aux yeux clairs (Howard Hawks - 1952)
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La captive aux yeux clairs
Mon film préféré de tous les temps, le plus beau de Hawks. Rien ne me semble ici jamais surligné. Aucune démonstration. On suit le parcours de ces hommes et on devine ce qui les motive, les relie, les soude. La rivalité des deux amis quant à l'indienne est absente du récit. On devine à la manière qu'ils ont d'agir qui ils sont et ce qu'ils veulent vraiment. Je ne trouve pas le film contemplatif, ni même élégiaque. C'est un film d'action ponctué de scènes sublimes de bivouacs, parmi les plus belles du cinéma. Comment comprendre que les producteurs aient coupé durant toutes ces années la confession finale d'Oncle Zeb, celle qui finit par engager Boone à retourner auprès de Teal Eye. Et encore cette autre bivouac où Zeb raconte ce pays qu'il a jadis connu, le Grand Teton et où il chante la poésie des paysages de ses souvenirs.
Tous les personnages me semblent attachants. Les scènes de nuit sont réellement les plus dramatiques avec, en particulier, le retour de Jim disparu qui accuse Streck en confondant les balles. Ici ce sont les blancs qui ont monté les indiens black foot contre l'équipage de Francis. Et lorsque les indiens surgissent alors que le navire n'arrivait plus à avancer, Hawks suggère le soulagement et la joie. C'est la vue des indiens qui procure cette euphorie.
On retrouve Dudley Nichols à diverses reprises. Comment ne pas songer à Stagecoach lorsque une flèche vient subitement se planter dans le cou d'un marin en train de danser. A la joie suggérée par le jeu innocent des marins cède l'horreur et la stupéfaction.
Le film est souvent drôle. Bien entendu on pense à la scène où Jim se fait amputer le bras qui fit dire à Wayne qu'il accepterait de Hawks de tourner n'importe quelle scène d'enterrement. Mais je pense aussi aux retrouvailles avec Zeb dans la prison, aux échanges verbaux, aux insultes, au sac de plomb que Boone fait tomber de sa main. Je pense aussi à Labadie, à ses chansons. Toutes les scènes de The Big Sky sont surprenantes. Le film me semble d'un équilibre parfait, harmonieusement découpé.
Douglas chante "Oh whisky leave me alone" (morceau que reprendront en choeur après une nuit arrosée les protagonistes de Hatari dix ans plus tard). La partition de Tiomkin est l'une de ses plus belles: douce et mélancolique, elle est le thême d'une certaine mélancolie dont le film n'est jamais étranger. Des deux amis, l'un restera avec la belle. L'oncle repartira avec ses souvenirs. L'avenir de Jim n'est pas décidé. Connaitra t il le même sort que ses camarades condamnés à errer et à rêver à la femme laissée et abandonnée. (le thême du film donne lieu à une autre grande scène de bivouac où les soldats pleurent en pensant à la femme lointaine: a t on déjà vu Hawks oser le sentimentalisme? Pour la seule fois de sa carrière, à ma connaissance, il s'aventure dans la douleur et l'amertume pour une scène qui rappelle le meilleur de Ford)
Hawks pensait que Douglas suggérait assez mal l'amitié. Il se trouve que j'ai vu et revu ce film depuis quinze ans et que Douglas me semble l'ami idéal. Il veille sur les autres, se montre coopératif, amusant, parfois volubile. Lorsque Teal Eye apparait la première fois, il adresse un immense sourire à Boone. Sourire communicatif où se devinent les premiers soubresauts d'une rivalité qui tout au long du film sera tue. Mais lorsque Boone ne voudra pas rester auprès de sa femme, Jim lui jettera un regard aussi noir que son sourire était lumineux à la première approche de l'indienne de leur coeur.
Au niveau de la morale hawksienne: jamais elle ne m'a semblé aussi profondément exposée qu'ici. Le groupe est soudé. La communauté s'entraide. Les faibles sont punis. Les fautes rachetés. Le sentimentalisme absent. L'action prime. Lorsqu'on parle dans The Big Sky, c'est pour raconter les souvenirs ou demander à boire. Pour fomenter une action.
J'aime Hawks et j'aime la plupart de ses films (en particulier Only angels have wings; Hatari; Red River; Rio Bravo; To have and have not donc les oeuvres d'action mais aussi Le sport favori de l'homme; Allez coucher ailleurs) mais aucun ne me touche aussi profondément que The Big Sky. Ce film me semble le plus beau de tous les films. Et d'en parler, je sens déjà que je dénature ce sentiment. Comme il a été dit ici: on aimerait que cela dure des heures encore. Et attendre comme Boone dans les bras de sa belle indienne (un mannequin qui disparut, selon Mac Carthy, dans des circonstances mystérieuses) le retour du navire avec sur le pont, Jim Deakins et Oncle Zeb en train de s'enfiler une cruche de tord boyau puis levant les bras pour saluer leur vieil ami.
Tous les personnages me semblent attachants. Les scènes de nuit sont réellement les plus dramatiques avec, en particulier, le retour de Jim disparu qui accuse Streck en confondant les balles. Ici ce sont les blancs qui ont monté les indiens black foot contre l'équipage de Francis. Et lorsque les indiens surgissent alors que le navire n'arrivait plus à avancer, Hawks suggère le soulagement et la joie. C'est la vue des indiens qui procure cette euphorie.
On retrouve Dudley Nichols à diverses reprises. Comment ne pas songer à Stagecoach lorsque une flèche vient subitement se planter dans le cou d'un marin en train de danser. A la joie suggérée par le jeu innocent des marins cède l'horreur et la stupéfaction.
Le film est souvent drôle. Bien entendu on pense à la scène où Jim se fait amputer le bras qui fit dire à Wayne qu'il accepterait de Hawks de tourner n'importe quelle scène d'enterrement. Mais je pense aussi aux retrouvailles avec Zeb dans la prison, aux échanges verbaux, aux insultes, au sac de plomb que Boone fait tomber de sa main. Je pense aussi à Labadie, à ses chansons. Toutes les scènes de The Big Sky sont surprenantes. Le film me semble d'un équilibre parfait, harmonieusement découpé.
Douglas chante "Oh whisky leave me alone" (morceau que reprendront en choeur après une nuit arrosée les protagonistes de Hatari dix ans plus tard). La partition de Tiomkin est l'une de ses plus belles: douce et mélancolique, elle est le thême d'une certaine mélancolie dont le film n'est jamais étranger. Des deux amis, l'un restera avec la belle. L'oncle repartira avec ses souvenirs. L'avenir de Jim n'est pas décidé. Connaitra t il le même sort que ses camarades condamnés à errer et à rêver à la femme laissée et abandonnée. (le thême du film donne lieu à une autre grande scène de bivouac où les soldats pleurent en pensant à la femme lointaine: a t on déjà vu Hawks oser le sentimentalisme? Pour la seule fois de sa carrière, à ma connaissance, il s'aventure dans la douleur et l'amertume pour une scène qui rappelle le meilleur de Ford)
Hawks pensait que Douglas suggérait assez mal l'amitié. Il se trouve que j'ai vu et revu ce film depuis quinze ans et que Douglas me semble l'ami idéal. Il veille sur les autres, se montre coopératif, amusant, parfois volubile. Lorsque Teal Eye apparait la première fois, il adresse un immense sourire à Boone. Sourire communicatif où se devinent les premiers soubresauts d'une rivalité qui tout au long du film sera tue. Mais lorsque Boone ne voudra pas rester auprès de sa femme, Jim lui jettera un regard aussi noir que son sourire était lumineux à la première approche de l'indienne de leur coeur.
Au niveau de la morale hawksienne: jamais elle ne m'a semblé aussi profondément exposée qu'ici. Le groupe est soudé. La communauté s'entraide. Les faibles sont punis. Les fautes rachetés. Le sentimentalisme absent. L'action prime. Lorsqu'on parle dans The Big Sky, c'est pour raconter les souvenirs ou demander à boire. Pour fomenter une action.
J'aime Hawks et j'aime la plupart de ses films (en particulier Only angels have wings; Hatari; Red River; Rio Bravo; To have and have not donc les oeuvres d'action mais aussi Le sport favori de l'homme; Allez coucher ailleurs) mais aucun ne me touche aussi profondément que The Big Sky. Ce film me semble le plus beau de tous les films. Et d'en parler, je sens déjà que je dénature ce sentiment. Comme il a été dit ici: on aimerait que cela dure des heures encore. Et attendre comme Boone dans les bras de sa belle indienne (un mannequin qui disparut, selon Mac Carthy, dans des circonstances mystérieuses) le retour du navire avec sur le pont, Jim Deakins et Oncle Zeb en train de s'enfiler une cruche de tord boyau puis levant les bras pour saluer leur vieil ami.
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- n'est pas Flaubert
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Je me joins aux éloges précédents, puisque The Big Sky est mon western de Hawks préféré. Et qui veut saisir le charme singulier de ce film doit se pencher sur la question de son rythme, comme cela est fait depuis quelques posts. Le rythme de The Big Sky, c'est celui de la vie, dont les doux soubresauts sont pareils à ceux du fleuve dont Douglas et Dewey Martin remontent le cours ; c'est un rythme débarrassé de l'artifice que lui adjoint parfois le cinéma. Si le western est de tous les genres celui par excellence où l'homme se confond avec la nature et épouse son rythme, alors The Big Sky est une belle définition du western.
- Watkinssien
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Un magnifique western autant qu'un superbe film d'aventures !
Une oeuvre sereine et cette limpidité, cette simplicité dans la narration, l'évidence dans le choix des cadres, dans le positionnement des personnages, rendent finalement le métrage complexe en filigrane, subtil et d'une totale puissance émotionnelle.
Morceaux de bravoure, accalmies superbes, La captive aux yeux clairs est une oeuvre majeure ! Tout simplement !
Une oeuvre sereine et cette limpidité, cette simplicité dans la narration, l'évidence dans le choix des cadres, dans le positionnement des personnages, rendent finalement le métrage complexe en filigrane, subtil et d'une totale puissance émotionnelle.
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Devant cette pluie de messages admiratifs, je me joins aux louanges.
The Big Sky est tout simplement un de mes souvenirs les plus marquants en salle, par la sensation rare de bien-être qui m'a saisi à la sortie.
Il y a en effet une sérénité intense qui s'expose dans le rythme, les drames et les joies sont exposées avec la même sensibilité fugace. Hawks épouse une vie en mouvement, suivant le flot de la rivière. C'est avec cette continuité et cette fluidité que le film touche au grandiose. En s'accrochant à la simplicité des émotions, l'homme peut atteindre un rayonnement apaisé face au passage du temps.
La maîtrise de Hawks, dans sa capacité à rendre chaque séquence lumineuse, transcende les balancements entre morceaux de bravoure et temps de repos. Elle transmet un émerveillement tenace.
The Big Sky est tout simplement un de mes souvenirs les plus marquants en salle, par la sensation rare de bien-être qui m'a saisi à la sortie.
Il y a en effet une sérénité intense qui s'expose dans le rythme, les drames et les joies sont exposées avec la même sensibilité fugace. Hawks épouse une vie en mouvement, suivant le flot de la rivière. C'est avec cette continuité et cette fluidité que le film touche au grandiose. En s'accrochant à la simplicité des émotions, l'homme peut atteindre un rayonnement apaisé face au passage du temps.
La maîtrise de Hawks, dans sa capacité à rendre chaque séquence lumineuse, transcende les balancements entre morceaux de bravoure et temps de repos. Elle transmet un émerveillement tenace.
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Film splendide en effet!; mais une chose me turlupine, plus je revois ce film et moins je comprend pourquoi ce n'est pas Kirk Douglas qui reste avec l'indienne; ( d'apres les potins, Douglas se serait rattrappé pendant le tournage)Watkinssien a écrit :Un magnifique western autant qu'un superbe film d'aventures !
Une oeuvre sereine et cette limpidité, cette simplicité dans la narration, l'évidence dans le choix des cadres, dans le positionnement des personnages, rendent finalement le métrage complexe en filigrane, subtil et d'une totale puissance émotionnelle.
Morceaux de bravoure, accalmies superbes, La captive aux yeux clairs est une oeuvre majeure ! Tout simplement !
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andrino a écrit : Film splendide en effet!; mais une chose me turlupine, plus je revois ce film et moins je comprend pourquoi
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I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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La captive aux yeux clairs est tout simplement une superbe leçon de vie: sur la relation de l'homme à la nature, à la communauté, à l'amitié, au couple, au désir et à l'amour.
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Dernière modification par O'Malley le 3 août 10, 19:11, modifié 1 fois.
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la captive aux yeux clairs
On peut cracher sur l'édition Montparnasse, d'accord. Mais pour qui aimait ce film avant de le découvrir en dvd, quelle joie d'avoir pu enfin se délecter de la version originale sans la demie-heure coupée par la RKO. Pour qui supportera cette copie horrible, rappelons que jusqu'à l'an 2002 on ne pouvait voir ce film qu'en version colorisée ou alors sans la confession finale de Oncle Zeb (qui donne tout son sens au film), sans la séquence initiale où Jim doit payer pour traverser la rivière et surtout sans le premier bivouac qui lie l'amitié entre Jim et Boone. Jim transporte un cerceuil et les deux hommes face à l'immensité de la nuit et de la nature évoquent leur rapport à la mort et à Dieu. Jamais Hawks ne s'est permis d'être aussi explicite que lors de ces scènes. Dudley Nichols lui aurait réussi.
Rappelons que lors de la première, le film reçut le meilleur acceuil de mémoire d'hommes et de studio selon Hawks et Mc Carty. Il fut amputé bon gré mal gré et se solda par un semi échec. (Hawks réitérera la même expérience, la même déception, la même analyse de l'échec à propos d Man's favorite Sport)
Rappelons que lors de la première, le film reçut le meilleur acceuil de mémoire d'hommes et de studio selon Hawks et Mc Carty. Il fut amputé bon gré mal gré et se solda par un semi échec. (Hawks réitérera la même expérience, la même déception, la même analyse de l'échec à propos d Man's favorite Sport)
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Re: La captive aux yeux clairs (Howard Hawks, 1952)
vu hier soir sur arte je ne me suis pas ennuyé une seconde pendant les 2h20.
la captive aux yeux clairs est un formidable film d'aventures avec de très bons acteurs.un film humaniste et simple,
assurément un très grand film de hawks qui décidément ne m'a pas encore déçu.
la captive aux yeux clairs est un formidable film d'aventures avec de très bons acteurs.un film humaniste et simple,
assurément un très grand film de hawks qui décidément ne m'a pas encore déçu.
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Re: La captive aux yeux clairs (Howard Hawks, 1952)
Je plussoie à 100 %. Je l'avais pas revu depuis longtemps, un grand moment de cinéma à la télévision hier soir pour moi.makaveli a écrit :vu hier soir sur arte je ne me suis pas ennuyé une seconde pendant les 2h20.
la captive aux yeux clairs est un formidable film d'aventures avec de très bons acteurs.un film humaniste et simple,
assurément un très grand film de hawks qui décidément ne m'a pas encore déçu.
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