John Cromwell (1887-1979)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Ann Harding
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John Cromwell (1887-1979)

Message par Ann Harding »

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Je pense que ce réalisateur de studio mérite un topic. Il n'a jamais atteint le statut d'auteur. Mais, il offre généralement des films bien réalisés sous l'égide de la RKO ou de David O. Selznick. Ce natif de l'Ohio a d'abord travaillé à Broadway où il a été repéré au début du parlant. Il a d'abord été embauché comme 'dialogue director' avant de s'élancer seul dans la mise en scène. Il en outre le papa de l'acteur James Cromwell qui fait une belle carrière de character actor de nos jours.

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Double Harness (La femme aux gardénias, 1933) de John Cromwell avec Ann Harding, William Powell et Henry Stephenson

A San Francisco, Joan Colby (A. Harding) flirte avec le riche célibataire John Fletcher (W. Powell). Un soir, elle s'arrange pour que son père, le colonel Colby (H. Stephenson), la trouve chez Fletcher en situation compromettante. John Fletcher est alors obligé de l'épouser...

Ce film pre-code disparut de la circulation pendant plus de 70 ans à cause de son scénario qui le rendait inapte à une ressortie. Il y avait de plus des problèmes de droits sur sur ce film RKO produit par Merian C. Cooper. TCM l'a restauré et ressortit en 2006 en DVD. Ce film marie avec bonheur la comédie et le mélodrame. Ann Harding trouve là l'un de ses rôles les plus intéressants face à un partenaire de choix, William Powell. Le film débute comme une comédie. En Joan Colby, Ann Harding nous donne sa philosophie du mariage qui, selon elle, est un contrat commercial où les sentiments n'entrent pour rien. Voyant sa jeune soeur dépensière et frivole convoler en justes noces, elle décide elle aussi de se marier. Pour se faire, elle suit un célibataire endurci, et fort riche, dans son appartement un soir. William Powell est formidable en coureur de jupons qui n'a pas la moindre intention de subir les chaînes conjugales. Leurs premières scènes sont rythmées par un dialogue étincelant, pleins de sous-entendus. Les deux acteurs forment un couple tout à fait crédible où chacun joue sa partie avec finesse et intelligence. La mise en scène de Cromwell est fluide et suit les protagonistes avec intelligence. Obligé d'épouser celle qu'il considérait comme une amie d'un soir, John Fletcher ne se dérobe pas, mais pense divorcer rapidement. Mais, évidemment, les sentiments s'en mêlent des deux côtés. Ann tombe amoureuse de son mari et lui, n'est certainement pas insensible, quoi qu'il en dise. Le film accuse une petite baisse de régime au milieu avant de repartir pour un final comique avec Reginald Owen en maître d'hôtel obséquieux. On ne peut qu'admirer la performance d'Ann qui donne humanité et émotion à son personnage. Lorsqu'elle doit révéler à son mari la machination qu'elle a conçue pour l'épouser, son visage reflète un mélange de soulagement et de désespoir. Un très joli film qui doit beaucoup au couple Powell-Harding.

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Since You Went Away (Depuis ton départ, 1944) de John Cromwell avec C. Colbert, Jennifer Jones, Shirley Temple, Robert Walker & Joseph Cotten
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Anne Hilton (C. Colbert) après le départ de son mari pour le front se retrouve seule avec ses deux filles adolescentes, Jane (J. Jones) et Bridget (S. Temple). Elles prennent un pensionnaire dans leur maison, le vieux Colonel Smolett (Monty Wooley) qui se plaint constamment...

J'ai recherché sur le forum une trace de ce film et je n'en ai trouvé aucune. Je serais donc la première à parler de ce long film de 177 min produit et écrit par David O. Selznick durant les dernières années de la guerre. Ce film a été pour moi une vraie découverte. C 'est une saga du quotidien d'une famille américaine ordinaire durant les années de guerre qui comme le fera Wyler avec The Best Years of Our Lives (1946) pour l'après-guerre, s'attache aux personnages et nous les fait lentement découvrir dans leurs complexités. Le film bénéficie d'un casting prestigieux, mais, réussit à conserver la simplicité de son propos. Claudette Colbert n'a jamais été aussi vraie et émouvante dans le rôle d'Anne Hilton. Ce qui m'a totalement captivée c'est la justesse de l'atmosphère au sein de cette famille. Le dialogue est un ainsi tour à tour badin, tragique ou humoristique suivant les humeurs des personnages qui déroulent le fil de leurs pensées.
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Quant à l'image, cela a été un choc pour moi de voir le travail incroyable de Stanley Cortez (Lee Garmes est également crédité au générique). Vous n'avez qu'à regarder les quelques captures que je poste. Ces immenses paysages où se perdent Jennifer Jones et Robert Walker pour leur dernière promenade à la campagne avant leur séparation alors qu'ils chantent 'My Darling Clementine'.
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Et il y a une utilisation de la profondeur de champ absolument superbe combinée parfois avec l'utilisation des ombres.
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Mais, au-delà de ces effets de lumière, le film réussit à être incroyablement émouvant et humain. Je pense que Selznick a dû travailler avec une batterie de collaborateurs sur ce film (comme il le faisait toujours!), mais, son scénario fonctionne d'une manière remarquable. On a vraiment l'impression de ressentir ce sentiment de solitude intolérable lorsqu'un être cher vous manque. Les personnages secondaires sont également très bien dessinés et cohérents. Agnes Moorehead est une voisine d'une intolérable hypocrisie, Joseph Cotten est parfait en ancien soupirant de Colbert, Monty Wooley est un vieux ronchon colérique, Alla Nazimova, une immigrante récente amie de Colbert. On sent également ce désir d'aller au-delà des races et des origines sociales (comme le fera également The Best Years of Our Lives) qui a uni - brièvement - les américains pendant la guerre. Les blessés noirs ou blancs sont soignés ensemble et Colbert, issue de la bourgeoisie devient l'amie de Nazimova, une immigrante récente, en travaillant dans une usine. Mais, le film évite le prêchi-prêcha en conservant sa simplicité de propos. j'avoue avoir plusieurs fois été au bord des larmes en le regardant. Claudette Colbert a les larmes aux yeux quand Nazimova lui dit qu'elle est pour elle l'image de la femme américaine telle qu'elle avait imaginée en arrivant en Amérique face à la Statue de la Liberté. Quel hommage à Colbert, la petite française immigrée, de devenir le symbole de l'Amérique !
Enfin, je ne peux que vous pousser à découvrir rapidement ce film de John Cromwell, qui porte la patte de son producteur. Il est disponible en Z1 US avec des sous-titres français.

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The Silver Cord (1933, J. Cromwell) avec I. Dunne, Joel McCrea, Laura Hope Crews et Frances Dee

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Christina Phelps (I. Dunne), une femme chercheur, suit son époux David (J. McCrea) en Amérique. Ils attérissent chez la mère de David (L. Hope Crews) qui se révèle une mère ultra-possessive et névrosée...

Ce film peu connu dans la carrière d'Irene Dunne lui donne un rôle de femme forte comme celui d'Ann Vickers (1933, J. Cromwell) où elle était directrice d'une prison pour femme. Mais ici, son adversaire est une Laura Hope Crews d'anthologie en mère ultra-possessive. Elle manoeuvre ses deux fils avec un machiavélisme incroyable pour éloigner toutes les femmes qui les entourent. Elle est tout miel avec eux alors qu'elle n'est que fiel et venin pour ses brus. Le film a un côté théâtre filmé qui n'est finalement pas désagréable avec un échange verbal entre Dunne et Crews qui a beaucoup de punch. Le film appelle un chat, un chat et montre les déviances de cette mère odieuse. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser à Tennessee Williams pour l'atmosphère lourde de ressentiments et de jalousie. Mais, le film est adapté d'une pièce de Sidney Howard qui a écrit plusieurs oeuvres de qualité avant de passer scénariste de cinéma. J'ai passé un très bon moment avec ce petit film pre-code qui méritrait d'être mieux connu. :)
feb
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Re: John Cromwell (1887-1979)

Message par feb »

Merci Ann pour ce nouveau topic. :wink:
Pour info, en juin TCM diffusera un film du réalisateur The Racket (remake de 1951 du film du même nom réalisé par Lewis Milestone en 1928)
TCM a écrit :Vendredi 24 Juin 2011 - 01.15
Samedi 25 Juin 2011 - 09.20
Et suite à l'acquisition des droits d’exploitation du catalogue RKO en avril dernier, j'espère qu'on pourra un jour profiter des films dont tu parles Ann comme ce Double Harness :wink:
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Ann Harding
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Re: John Cromwell (1887-1979)

Message par Ann Harding »

Voilà un mélo, que j'ai découvert hier, qui ferait les délices de Francesco. :wink:

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The Enchanted Cottage (Le Cottage Enchanté, 1945) de John Cromwell avec Dorothy McGuire, Robert Young, Spring Byington, Mildred Natwick et Herbert Marshall

Oliver Bradford (R. Young) revient défiguré de la guerre. Il vient se réfugier, loin de sa mère envahissante (S. Byington), dans un cottage au bord de la mer. Laura Pennington (D. McGuire), une jeune fille laide, y travaille comme bonne...

Cette histoire d'amour tirée d'une pièce de Sir Arthur W. Pinero avait déjà été adaptée en 1924 par James S. Robertson avec Richard Barthelmess and May McAvoy. Cette nouvelle version bénéficie d'une équipe de choix au scénario: Herman J. Mankiewicz et DeWitt Bodeen. L'histoire sur le papier accumule les poncifs: la jeune fille laide et solitaire, le héros défiguré et le cottage qui porte bonheur aux amoureux. Pourtant, le film fonctionne plutôt bien. On se laisse prendre par sa petite musique. L'histoire est introduite par Herbert Marshall, un pianiste-compositeur aveugle qui nous raconte cette histoire à la limite du réel. Si les personnages prennent forme et deviennent crédibles, c'est en grande part dû au jeu des acteurs. Que ce soit Mildred Natwick en propriétaire désenchantée du cottage, Robert Young qui réussit à nous faire croire à son mal de vivre, Spring Byington qui est une mère castratrice parfaite, et surtout Dorothy McGuire, toute en douceur et en nuances. L'actrice traverse le film avec un maquillage qui l'enlaidit, sans qu'il soit excessif. Elle répond à la définition de la jeune fille 'plain' comme le dit joliment Oscar Wilde. Ce conte moderne semble être une illustration de cette expression si juste: 'Beauty is in the eye of the beholder.' Transfigurés par leur amour réciproque, ils se voient tous deux beaux alors que le reste du monde les considèrent comme disgraciés. De ce point de vue, le film montre bien la cruauté du monde face à la laideur. Il y a une scène très pénible où Dorothy McGuire attend de trouver un cavalier pour une soirée dansante. Hélas, chaque soldat qui s'avance s'arrête brusquement en voyant son visage et fait mine de partir. De même, Robert Young est rejeté par sa fiancée et ne reçoit de sa mère qu'une pitié dont il n'a que faire. Leur seul ami et confident est le pianiste aveugle, qui lui ne juge pas sur les apparences. Un très joli film, qui n'atteint pas les sommets de The Ghost and Mrs Muir, mais qui est une très jolie surprise.
Dernière modification par Ann Harding le 29 mai 11, 17:10, modifié 3 fois.
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Re: John Cromwell (1887-1979)

Message par Ann Harding »

feb a écrit :Merci Ann pour ce nouveau topic. :wink:
Pour info, en juin TCM diffusera un film du réalisateur The Racket (remake de 1951 du film du même nom réalisé par Lewis Milestone en 1928)
TCM a écrit :Vendredi 24 Juin 2011 - 01.15
Samedi 25 Juin 2011 - 09.20
Et suite à l'acquisition des droits d’exploitation du catalogue RKO en avril dernier, j'espère qu'on pourra un jour profiter des films dont tu parles Ann comme ce Double Harness :wink:
Pour lire une critique de la version muette de The Racket (1928): c'est ici. :wink:
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Re: John Cromwell (1887-1979)

Message par feb »

Ann Harding a écrit :Pour lire une critique de la version muette de The Racket (1928): c'est ici. :wink:
:shock: Ann tu es incroyable, tu as tout vu :mrgreen: Merci pour le lien !
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Jeremy Fox
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Re: John Cromwell (1887-1979)

Message par Jeremy Fox »

J'ai un gros faible pour la version Mitchum de The Racket ; excellent souvenir en tout cas.
feb
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Re: John Cromwell (1887-1979)

Message par feb »

Jeremy Fox a écrit :J'ai un gros faible pour la version Mitchum de The Racket ; excellent souvenir en tout cas.
Ça c'est tombé dans la bonne oreille :fiou: :mrgreen:
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Re: John Cromwell (1887-1979)

Message par bogart »

Jeremy Fox a écrit :J'ai un gros faible pour la version Mitchum de The Racket ; excellent souvenir en tout cas.


Très bon souvenir également de ce film découvert lors d'une diffusion télé.
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Cathy
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Re: John Cromwell (1887-1979)

Message par Cathy »

Je rapatrie mes critiques des Cromwell

L'emprise, Of human bondage (1934) -John Cromwell

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Un jeune peintre sans avenir, et qui a un pied bot, entame des études de médecine. Il tombe fou amoureux d'une serveuse futile qui se sert de lui.

John Cromwell signe ici la première adaptation du roman de Sommerset Maugham. Le film dégage une ambiance assez désagréable, de par son sujet, et le caractère de ses personnages principaux. L'emprise est finalement double dans l'histoire, car si l'homme est amoureux et vient sans cesse au secours de cette jeune femme, elle aussi cherche finalement à le recontacter et à l'humilier régulièrement. Le personnage de Mildred est un personnage très fort et assez odieux, serveuse futile qui joue des sentiments des hommes, et qui mieux que Bette Davis pouvait interpréter ce rôle de transformation, de la jeune femme fraiche, lumineuse, à la déchéance finale. Quelle actrice est apparue comme cela sans aucun maquillage. Elle en fait certes des tonnes, mais cela passe, car c'est un grand numéro d'actrice. Il est assez incompréhensible d'ailleurs qu'elle n'ait pas eu l'Oscar pour cette interprétation, sa grande scène d'humiliation montre tout ce que ce sera sa carrière avec ces portraits de femmes aux caractères si entiers, si forts. Leslie Howard s'avère absolument parfait dans cet homme sans envergure qui se laisse totalement envouté par cette femme, supporte mal son handicap. La scène de l'auscultation à l'hopital est assez terible d'ailleurs avec la désinvolture avec laquelle ce médecin traite ce cas médical sans se soucier de la personne. A noter aussi la manière dont John Cromwell utilise sa caméra pour faire face aux interprètes quand il dialogue, nous mettant à la place de Mildred ou de Philip. Frances Dee offre le parfait contraste de Bette Davis dans ce rôle de jeune femme simple, aimante, douce. Mais il est sûr que l'ambiance est particulièrement noire, malsaine, notamment la découverte de Mildred totalement décharnée ! Le film n'en demeure pas moins une très bonne adaptation du roman qui fit l'objet de deux autres films un avec Eleanor Parker et Paul Henreid en 1946 et un avec Kim Novak et Laurence Harvey en 1964. Dommage par contre que le film tombé dans le domaine public ne bénéficie pas d'une édition digne de son importance, si la copie de l'édition visionnée était correcte, les sous-titres étaient remplis de fautes d'orthographe !

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Depuis ton départ, Since you went away (1944) - John Cromwell

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Pendant la seconde guerre mondiale, un publicitaire intègre l'armée laissant chez lui son épouse et ses deux filles. Celles-ci prennent un locataire, l'ainée des deux filles rencontre l'amour, le père est porté disparu.


John Cromwell signe avec ce film un très beau mélodrame fort conventionnel toutefois. Il n'y a rien de bien original dans cette histoire qui semble une adaptation moderne des quatre filles du Dr March avec le fauteuil qui permet de lire les lettres paternelles, le père parti à la guerre, la famille féminine laissée seule chez elle, le vieil ours ronchon, l'ami de la famille sympathique boute en train.
Nous sommes à la fois dans un mélodrame flamboyant, mais aussi dans une comédie familiale typique, avec le personnage de ce vieil officier un peu rigide et ses déméles avec Soda, le bulldog qui rappelle le fameux Spike des Tex Avery et autre Tom et Jerry, l'alternance de scènes joyeuses et de scènes destinées à tirer les larmes. C'est une saga typique de cette époque, évoquant la vie de ceux qui restent aux USA attendant les valeureux soldats. Il n'y a aucune surprise dans cette histoire, tout est cousu de fils blancs, les relations entre jeune fille et soldat, les victimes de la guerre, le syndrôme du soldat que William Dieterle décrira avec tellement plus de subtilité dans I'll be seeing you. Le happy end qui arrivera et en plus naturellement le soir de Noel.
Le film a tout de même le charme de ces comédies américaines avec ces personnages hauts en couleur que ce soit la mère fière et digne qui fait tout pour ses filles, dont l'ainée qui découvre ses premiers émois amoureux. Mais là où William Wyler signe un chef d'oeuvre absolu sur le retour des héros dans Les plus belles années de notre vie qu'il évoque irresistiblement, John Cromwell se contente d'illuster le roman dont est tiré le film. Il signe par contre de magnifiques gros plans de ses acteurs, le tout est filmé de manière assez conventionnelle et les fameux plans signalés plus haut semblent totalement incongrus dans ce film, comme rapportés, et finalement n'apportent âs grand chose au film. Maintenant les interprètes sont tous parfaits en premier lieu Claudette Colbert qui abandonne ses rôles de femme frivole et capricieuse pour celui de la mère de famille courageuse, Jennifer Jones prête sa beauté à l'ainée et Shirley Temple son charme adolescent à la plus jeune des soeurs. Il y a aussi le personnage de Tony interprété par Joseph Cotten, fort séduisant en sympathique ami de la famille qui apporte légèreté à la famille. Monty Wooley campe un charismatique locataire, quant à Robert Walker, il retrouve son personnage d'éternel tourmenté. Il y a aussi Hattie McDaniel, elle aussi dans son emploi habituel d'employé de maison plein de bon sens mais aussi de préjugés et puis naturellement Agnes Moorehead sensationnelle dans son rôle "d'entremetteuse" de luxe. Par contre le personnage de l'émigrante qui arrive comme un cheveu sur la soupe est totalement inutile et semble plutôt destiné à donner bonne conscience aux américains, avec les louanges d'une étrangère envers une femme américaine. Sans doute grâce à ce casting, le film est fort agréable à regarder malgré sa longueur et ses conventions.

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Femmes en cage - Caged (1950) - John Cromwell

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Une jeune veuve de 19 ans se retrouve dans une prison pour femmes. Petite jeune fille timide, elle s'affirme peu à peu dans cette prison dirigée par une directrice qui considèe qu'il faut aider les prisonnières et secondée par une gardienne humiliatrice.

John Cromwell réalise ici une sombre évocation de l'univers pénitenciaire américain. Mais contrairement aux autres films qui traitent souvent d'hommes en prison, ici c'est une prison entièrement féminine qui est le centre de ce film. Tout se passe en prison, le film commençant par l'arrivée de la jeune femme entourée par d'autres condamnées dans l'univers carcéral et se terminant par sa sortie. Les seuls hommes ne sont que des personnages totalement secondaires, juges chargés d'examiner les remises de peine, ou alors bandits.
Plusieurs portraits de femmes sont décrits, la prostituée, la tueuse condamnée à perpétuité, la voleuse, autant de femmes différentes. Peut-être que ce film a fait mouche à l'époque, mais aujourd'hui il semble rassembler tous les clichés du monde carcéral avec ses femmes en révolte, la matonne odieuse, la directrice au grand coeur, le mitard, tous ces clichés qu'on retrouve aussi dans les films traitant des prisonniers.
Le gros problème de ce film est sans doute Eleanor Parker qui semble jouer comme un lapin pris dans les lumières d'un phare, écarquillant sans arrêt les yeux pour montrer sa peur du milieu, même si elle a la fragilité de la jeune femme qui est en prison malgré un crime très léger (complicité de vol). On a du mal à croire en sa métamorphose en femme "fatale" à la fin du film, on sent quelque part la performance adulée par les Oscars, d'ailleurs elle y sera nominée pour ce rôle tout comme Hope Emerson. Celle-ci prête sa silhouette imposante près d'1m90 à la gardienne odieuse, typique de ce style de films, si elle s'en tire remarquablement bien, le rôle tire quand même là encore à la caricature. La seule qui ne semble pas caricaturale est Agnès Moorehead absolument parfaite en directrice de prison.
Si John Cromwell dénonce les travers de ces prisons et ce qu'on pourrait améliorer à travers notamment la directrice, la réalisation est impeccable, comme la révolte des femmes ou ces portraits divers, et malgré ce côté qui peut sembler une fois encore caricatural, le film se laisse totalement voir, même s'il est prévisible.
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Re: John Cromwell (1887-1979)

Message par Ann Harding »

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In Name Only (L'Autre, 1939) de John Cromwell avec Carole Lombard, Cary Grant, Kay Francis et Charles Coburn

Alec Walker (C. Grant) fait la connaissance d'une jeune artiste Julie Eden (C. Lombard). Il voudrait l'épouser, mais il est déjà marié avec la très calculatrice Maida (K. Francis) qui lui refuse le divorce...

Ce mélo reprend les situations habituelles que l'on s'attend à trouver dans un mélodrame bien troussé. Mais, à ceci près que c'est l'homme qui est ici la victime du destin plus que la femme. Il a épousé une femme qui n'en voulait qu'à son argent et il est dans une situation inextricable face à la douce Julie qu'il souhaite épouser. Il est intéressant de voir comment le réalisateur Cromwell traite ce renversement des genres: homme victime contre femmes fortes. Et bien le résultat est tout à fait réussi. Cary Grant est ici un homme désespéré qui n'arrive plus à reprendre goût à la vie. Il a découvert peu de temps après son mariage que Maida ne l'a épousé que par intérêt et recherche d'une position sociale. Ils vivent comme des étrangers tandis que celle-ci trompe son monde (en particulier ses beaux-parents) en leur faisant croire que tout va bien entre eux. Alec refait surface lorsqu'il rencontre Julie, une jeune veuve avec une petite fille. Il pense pouvoir refaire sa vie. Mais, c'est sans compter sur la machiavélique Maida qui a tout combiné pour l'en empêcher. La prestation de Cary est parfaitement jugée en homme faible et honnête, sans défense face à sa garce d'épouse. Kay Francis, dont la carrière marquait le pas à l'époque, est une Maida froide et calculatrice. Face à elle, j'ai été une fois de plus séduite par la prestation de Carole Lombard. Elle est à la fois forte et fragile, avec un naturel confondant. Si on ajoute que la cinématographie est de toute beauté sur ce DVD Warner Archive, je ne peux que recommander chaudement ce très beau mélo qui ravira les amateurs de Carole Lombard et de Cary Grant.
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Re: John Cromwell (1887-1979)

Message par feb »

Ta présentation du film donne clairement envie Ann :wink: Et la présence de Kay Francis et de Carole Lombard sur l'affiche ne font que la confirmer :D
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Re: John Cromwell (1887-1979)

Message par Rick Blaine »

feb a écrit :Ta présentation du film donne clairement envie Ann :wink: Et la présence de Kay Francis et de Carole Lombard sur l'affiche ne font que la confirmer :D

Pas mieux!!
Je crois que je vais me procurer ça sous peu!
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Re: John Cromwell (1887-1979)

Message par Cathy »

Je reposte ici ma critique de l'Autre que j'avais enregistré lors de sa diffusion sur TCM (donc avec stf :fiou:)

L'autre, In name Only (1939) - John Cromwell

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Un homme mal marié tombe amoureux d'une jeune veuve qui vit seule avec sa petite fille.

John Cromwell signe ici une comédie dramatique qui traite du douloureux problème de la séparation, du divorce, et surtout de la maîtresse, "l'autre". Le film fait preuve d'un peu de manicheisme, avec la femme garce brune et la maîtresse douce, angélique et blonde. Code Hayes oblige, les deux amants ne peuvent pas vivre ensemble sans être punis, et naturellement la femme refusera le divorce, mais par une pirouette finale, on sait que les deux amants finiront par se retrouver avec la bénédiction des parents, en passant évidemment par la case maladie, mais celle-ci permettra de montrer aux parents du mari la véritable nature de la femme et la maîtresse. Les deux femmes sont interprétées par Carole Lombard qui était plus habituée à l'époque aux screwball et est parfaite une maîtresse tendre qui ne veut pas briser un couple et Kay Francis, dans un rôle de garce obnubilée par la richesse. Cary Grant est parfait dans ce rôle de mari malheureux et qui n'aura la solution que dans la maladie. Une comédie dramatique sombre classique mais finalement portée par ses interprètes.
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Re: John Cromwell (1887-1979)

Message par AtCloseRange »

Ann Harding a écrit :Voilà un mélo, que j'ai découvert hier, qui ferait les délices de Francesco. :wink:

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The Enchanted Cottage (Le Cottage Enchanté, 1945) de John Cromwell avec Dorothy McGuire, Robert Young, Spring Byington, Mildred Natwick et Herbert Marshall

Oliver Bradford (R. Young) revient défiguré de la guerre. Il vient se réfugier, loin de sa mère envahissante (S. Byington), dans un cottage au bord de la mer. Laura Pennington (D. McGuire), une jeune fille laide, y travaille comme bonne...

Cette histoire d'amour tirée d'une pièce de Sir Arthur W. Pinero avait déjà été adaptée en 1924 par James S. Robertson avec Richard Barthelmess and May McAvoy. Cette nouvelle version bénéficie d'une équipe de choix au scénario: Herman J. Mankiewicz et DeWitt Bodeen. L'histoire sur le papier accumule les poncifs: la jeune fille laide et solitaire, le héros défiguré et le cottage qui porte bonheur aux amoureux. Pourtant, le film fonctionne plutôt bien. On se laisse prendre par sa petite musique. L'histoire est introduite par Herbert Marshall, un pianiste-compositeur aveugle qui nous raconte cette histoire à la limite du réel. Si les personnages prennent forme et deviennent crédibles, c'est en grande part dû au jeu des acteurs. Que ce soit Mildred Natwick en propriétaire désenchantée du cottage, Robert Young qui réussit à nous faire croire à son mal de vivre, Spring Byington qui est une mère castratrice parfaite, et surtout Dorothy McGuire, toute en douceur et en nuances. L'actrice traverse le film avec un maquillage qui l'enlaidit, sans qu'il soit excessif. Elle répond à la définition de la jeune fille 'plain' comme le dit joliment Oscar Wilde. Ce conte moderne semble être une illustration de cette expression si juste: 'Beauty is in the eye of the beholder.' Transfigurés par leur amour réciproque, ils se voient tous deux beaux alors que le reste du monde les considèrent comme disgraciés. De ce point de vue, le film montre bien la cruauté du monde face à la laideur. Il y a une scène très pénible où Dorothy McGuire attend de trouver un cavalier pour une soirée dansante. Hélas, chaque soldat qui s'avance s'arrête brusquement en voyant son visage et fait mine de partir. De même, Robert Young est rejeté par sa fiancée et ne reçoit de sa mère qu'une pitié dont il n'a que faire. Leur seul ami et confident est le pianiste aveugle, qui lui ne juge pas sur les apparences. Un très joli film, qui n'atteint pas les sommets de The Ghost and Mrs Muir, mais qui est une très jolie surprise.
Je rejoins l'avis positif d'Ann. Un joli mélo à l'ambiance féérique porté par un excellent casting. La copie de TCM est malheureusement un peu abîmée et ne permet pas tout à fait d'apprécier le photo du film à se juste valeur.
riqueuniee
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Re: John Cromwell (1887-1979)

Message par riqueuniee »

J'ai enregistré le film (diffusé sur TCM il y a quelques jours), je ne l'ai pas encore regardé. D'après les avis postés, il y a des chances que ça me plaise...
Info qui n'a rien à voir avec le film : John Cromwell , c'est le père de James Cromwell (qu'on a pu voir récemment dans The Artist)
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