John Cromwell (1887-1979)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Cathy
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Re: John Cromwell (1887-1979)

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Ann Harding a écrit :Voilà un mélo, que j'ai découvert hier, qui ferait les délices de Francesco. :wink:

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The Enchanted Cottage (Le Cottage Enchanté, 1945) de John Cromwell avec Dorothy McGuire, Robert Young, Spring Byington, Mildred Natwick et Herbert Marshall

Oliver Bradford (R. Young) revient défiguré de la guerre. Il vient se réfugier, loin de sa mère envahissante (S. Byington), dans un cottage au bord de la mer. Laura Pennington (D. McGuire), une jeune fille laide, y travaille comme bonne...

Cette histoire d'amour tirée d'une pièce de Sir Arthur W. Pinero avait déjà été adaptée en 1924 par James S. Robertson avec Richard Barthelmess and May McAvoy. Cette nouvelle version bénéficie d'une équipe de choix au scénario: Herman J. Mankiewicz et DeWitt Bodeen. L'histoire sur le papier accumule les poncifs: la jeune fille laide et solitaire, le héros défiguré et le cottage qui porte bonheur aux amoureux. Pourtant, le film fonctionne plutôt bien. On se laisse prendre par sa petite musique. L'histoire est introduite par Herbert Marshall, un pianiste-compositeur aveugle qui nous raconte cette histoire à la limite du réel. Si les personnages prennent forme et deviennent crédibles, c'est en grande part dû au jeu des acteurs. Que ce soit Mildred Natwick en propriétaire désenchantée du cottage, Robert Young qui réussit à nous faire croire à son mal de vivre, Spring Byington qui est une mère castratrice parfaite, et surtout Dorothy McGuire, toute en douceur et en nuances. L'actrice traverse le film avec un maquillage qui l'enlaidit, sans qu'il soit excessif. Elle répond à la définition de la jeune fille 'plain' comme le dit joliment Oscar Wilde. Ce conte moderne semble être une illustration de cette expression si juste: 'Beauty is in the eye of the beholder.' Transfigurés par leur amour réciproque, ils se voient tous deux beaux alors que le reste du monde les considèrent comme disgraciés. De ce point de vue, le film montre bien la cruauté du monde face à la laideur. Il y a une scène très pénible où Dorothy McGuire attend de trouver un cavalier pour une soirée dansante. Hélas, chaque soldat qui s'avance s'arrête brusquement en voyant son visage et fait mine de partir. De même, Robert Young est rejeté par sa fiancée et ne reçoit de sa mère qu'une pitié dont il n'a que faire. Leur seul ami et confident est le pianiste aveugle, qui lui ne juge pas sur les apparences. Un très joli film, qui n'atteint pas les sommets de The Ghost and Mrs Muir, mais qui est une très jolie surprise.
Je rejoins ton avis sur cette très jolie parabole sur l'amour qui embellit tout et tout le monde, même si le scenario est prévisible, la finesse de l'interprétation rend le film très agréable. Sinon c'est vrai que la copie de TCM n'était vraiment pas belle, dommage car le film mériterait une restauration, très jolie fable en tout cas !
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Cathy
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Re: John Cromwell (1887-1979)

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The company she keeps (1951)

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Une jeune femme qui est condamnée à cinq ans de prison pour un chèque sans provision et le recel d'un manteau, sort en préventive au bout de deux ans.

John Cromwell aime l'univers pénitencier, d'ailleurs il tournera quelques années plus tard Femmes en cage qui montrera le côté prison, alors qu'ici le réalisateur parle de la dure réinsertion des prisonniers et plus particulièrement des jeunes femmes. Il est intéressant de voir que la jeune femme fait cinq ans de prison pour des choses finalement relativement bénines.
Le film évoque donc les problèmes que peut rencontrer une ex-détenue qui peut se faire réincarcérer à la moindre erreur. On voit la jeune femme sortir de prison et petit à petit se reconstituer une véritable vie, avec l'aide d'une jeune femme chargée de sa probation dont elle piquera au passage le fiancé. Le film répose d'ailleurs sur les relations entre les deux femmes, les doutes de Mildred devenue Diane pour permettre une meilleure réintégration, la scène du magasin et du manteau démontre assez bien les doutes qui peuvent naître dans sa tête partagée entre son ancienne et sa nouvelle vie. On y voit aussi sa détermination à s'en sortir quand elle affronte une autre ex-détenue prête à voler des médicaments, ou sa confrontation avec sa responsable de probation qui démontre une grandeur d'âme évidente. Il y a naturellement les relations amoureuses qui se nouent dans cette jolie scène au procédé narratif assez curieux, comme si une voix off commentait ce qui se passe. Le film est porté par Jane Greer dont le visage peut paraître très angélique ou alors devenir celui d'une véritable femme fatale, Lisabeth Scott apparaît bien terne à ses côtés, même si son rôle nécessite cette distanciation, quant à Dennis O'Keefe, il est parfait en journaliste amoureux et prêt à tout pour sauver celle qu'il aime.
John Cromwell signe ici un film passionnant, très agréable, une belle découverte !
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Cathy
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Re: John Cromwell (1887-1979)

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Ann Vickers (1933)

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Au début du XXème siècle, une jeune femme qui a fait quelques jours de prison pour avoir mordu l'oreille d'un policier dans une manifestation de suffragette, décide de devenir travailleur social et devient directeur de prison.

Attention spoilers

John Cromwell adapte dans son film, un roman de Jane Murfin. On ne peut rêver intrigue plus "pré-codesque" que celle-ci. En effet la jeune femme tombera amoureuse d'un soldat, se donnera à lui, tombera naturellement enceinte avant de se faire avorter, elle deviendra assistante sociale dans une prison, sera virée de celle-ci et en dénoncera les excès, elle deviendra alors directrice de prison et rencontrera un magistrat marié qui vit séparé de sa femme, elle en aura un enfant, celui-ci ira en prison pour détournement de fonds ! Il semble que dans le livre, l'héroïne est mariée et a donc une relation extra-conjugale, était-ce alors plus moral que ce soit l'homme qui ait une relation extra-conjugal ? Bref il est étonnant de voir aussi clairement abordé le thème de l'avortement qui se déroulera à Cuba. Au départ on se dit que tout va être suggéré comme le fait qu'elle se donne à son amant soldat, le fait qu'elle est enceinte, on se dit qu'elle a avorté, mais elle le dit finalement clairement. On se demande dans quelle direction va aller le film, va-t'on voir encore un portrait d'une femme qui va tomber de charybde en scylla, mais pas du tout. Cromwell montre que l'univers pénitencier et carceral l'a toujours passionné. L'évocation de la prison est assez belle, avec des scènes clés, le repas, la révolte de prisonnière, l'exécution par pendaison d'une autre, le tout seulement rythmé par la musique et l'apparition régulière en surimpression du visage de l'héroïne qui est horrifiée. Lorsqu'elle devient directrice de prison, curieusement celle-ci n'est plus montrée, on voit juste sa confrontation avec une détenue. A partir du moment où elle devient directrice de la prison, on s'attache plus à sa vie personnelle et sa rencontre avec ce magistrat, sa nouvelle grossesse que cette fois-ci elle mènera à terme, même si son amant n'arrive pas à divorcer. Irene Dunne est magistrale comme toujours dans ce rôle de femme libre avant l'heure tout comme Walter Huston est pour une fois plein de charme dans son rôle. Bruce Cabot et Edna May Olivier complètent le casting, le premier dans le rôle de l'amant d'une histoire, et la seconde en tante pleine de compassion. Là encore une jolie découverte, qui montre l'intérêt du réalisateur pour ce milieu carcéral qu'il retrouvera plusieurs par la suite, mais cette fois-ci de l'intérieur !
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Ann Harding
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Re: John Cromwell (1887-1979)

Message par Ann Harding »

Cathy a écrit :Ann Vickers (1933)
John Cromwell adapte dans son film, un roman de Jane Murfin.
En fait, c'est un roman de Sinclair Lewis adapté par Jane Murfin (et pas mal édulcoré au passage).
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Ann Harding
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Re: John Cromwell (1887-1979)

Message par Ann Harding »

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The Fountain (Fontaine, 1934) de John Cromwell avec Ann Harding, Brian Aherne, Paul Lukas et Jean Hersholt

Durant la première guerre mondiale, l'anglaise Julie von Marwitz (A. Harding) vit avec la famille de son oncle, le baron Van Leyden (J. Hersholt) en Hollande. Elle se retrouve face à son ami d'enfance, Lewis Allison (B. Aherne) qui en tant que prisonnier de guerre est envoyé en résidence chez Van Leyden. Mais, son époux, un officier Allemand (P. Lukas) est renvoyé dans ses foyers après de graves blessures...

Cette production RKO est certainement typique des mélodrames faits sur mesure pour leur star féminine Ann Harding. Mais, contrairement, à bien d'autres mélo de l'époque, il garde une résonnance moderne en évitant les clichés de la mère ou de l'amante sacrificielle. Au contraire, ici, l'intrigue nous touche car elle montre une femme réelle en proie à un choix douloureux et impossible. Julie von Marwitz est déchirée de bien des façons. Elle est anglaise et vit dans une Hollande neutre, mais pro-germanique, alors que la Grande Guerre bat son plein. En plus, elle est mariée à un officier allemand (un excellent Paul Lukas) qui est parti au front. Ses sentiments vis à vis de lui sont complexes. Il y a un mélange d'admiration et de sympathie, mais pas véritablement d'amour. Elle souhaite cependant la victoire de l'Angleterre ce qui la met en conflit avec sa famille d'accueil, celle de son oncle. Cette dérive des sentiments est encore accrue par l'arrivée de Lewis Allison (B. Aherne) qu'elle a toujours aimé sans se l'avouer. Alors qu'elle se torture l'esprit pour sortir de cette impasse, son époux revient gravement blessé. Il est de toute évidence passionnément épris de sa femme. Le trouvant soudain diminué, elle se retrouve dans le registre de la compassion qui lui premet de développer des sentiments plus tendres à son égard. Mais, au fond d'elle-même, elle ne peut se passer de Lewis. Et contrairement à un mélo traditionnel, c'est le mari qui réalise les vrais sentiments de sa femme et va pratiquement se sacrifier pour la délivrer du poids du remords. Le film à sa sortie fut un échec. Il ne correspondait pas à ce que le public attendait en terme de divertissement: le film est lent et se déroule presqu'à huis-clos avec les trois personnages principaux pratiquement tout le temps à l'écran. Mais, pour un public d'aujourd'hui, l'introspection au cinéma n'est certainement pas un défaut. Les dialogues feutrés entre Julie, Lewis et Rupert sont par moment poétiques et toujours émouvants. Ils tentent de mettre des mots sur leurs sentiments sans toujours y parvenir. Il reste un élément de mystère dans la relation entre Julie et Lewis, censure oblige certainement. Mais, finalement, ce non-dit est tout bénéfice pour le film qui gagne en profondeur. Ce film de John Cromwell fait partie des touts meilleurs films d'Ann Harding. Il mérite d'être découvert pour mesurer le talent de cette actrice oubliée. Le film est disponible en DVD en Z2 (Espagne).
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Demi-Lune
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Re: John Cromwell (1887-1979)

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Depuis ton départ (1944)

Impression très mitigée pour cette fresque selznickienne.
Le fait de l'avoir vu en VO sans sous-titres a dû peser. Il faudra une révision mais je ne suis pas sûr que ça change grand-chose.
En l'état, j'ai trouvé qu'on avait affaire à un film frustrant. Frustrant car passionnant en tant que document instantané, et faiblard en tant que film.

Depuis ton départ sort aux États-Unis alors que vient d'être engagée la plus massive contre-offensive militaire de l'Histoire, et je n'ose imaginer quelle a dû être la réaction des spectateurs US de l'époque qui devaient avoir chacun un proche au combat. Pour la plupart d'entre eux, le film a dû rejouer sous leurs yeux ce qu'ils vivaient au quotidien. Depuis ton départ participe en effet à l'effort de guerre mais par l'autre bout de la lorgnette : en s'intéressant à la vie des familles des soldats mobilisés, en leur absence. Démarche finalement rare au cinéma et qui motivait mon désir de voir le film.
Avec sa superproduction, Selznick adresse un message de soutien moral aux épouses et aux enfants de militaires, bien obligés de continuer à vivre, la boule au ventre, dans le confort protecteur de leur petite vie middle-class. Montrer la Seconde Guerre mondiale au travers des familles séparées, sur le sol américain, conduit à mettre le doigt sur l'état d'esprit de la société de l'époque, qui cherche à camoufler du mieux qu'elle peut son angoisse viscérale de la perte de l'être aimée derrière une affectivité exacerbée et une quête de l'insouciance éphémère. Bal, bowling, messe, flirts, sont autant de moments précaires au gré desquels la société américaine et tout particulièrement les femmes, conjurant l'absence d'un père, d'un mari ou d'un compagnon, se rassemble, se serre les coudes et tente de mettre momentanément sous clé leur peur. Le film tente de parler de la difficulté psychologique pour la famille d'avoir à dépasser l'angoisse de l'incertitude et de l'impuissance (l'attente de lettres, etc), et à continuer tranquillement leur petite vie alors même que cette situation est culpabilisante. D'un côté l'étouffement du foyer familial (la mère courage Claudette Colbert, qui ne vit que dans l'attente des lettres de son mari), de l'autre la volonté d'y échapper en participant à l'effort de guerre (sa fille Jennifer Jones qui devient infirmière auprès des amputés de guerre en rééducation).
C'est ce qui rend pour moi le film intéressant, parce qu'il fixe un envers du décor souvent passé sous silence dont il est l'immédiat spectateur. Je ne sais pas ce que valent les autres "homefront movies" produits durant la Seconde Guerre mondiale, mais Depuis ton départ a une valeur de document à recommander quand bien même l’œuvre en elle-même soit inaboutie. On sent une sincérité dans la démarche de Selznick qui, sous les oripeaux de la grosse fresque hollywoodienne, recherche l'authenticité des caractères en donnant la parole aux habituels laissés pour compte.
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Insatisfaisant et très bancal, le film le reste. Malheureusement. Trop long (environ 3 heures), le film souffre du côté mégalo de son producteur qui se ressent dans l'éparpillement du scénario. Une meilleure structure et un montage plus serré n'auraient pas fait de mal car on fait parfois du surplace à cause de tous ces différents personnages. La sauce a du mal à prendre. Par ailleurs, pour un film qui se veut être un mélo digne et lucide, que toute la première partie soit autant parasitée par un humour lourdaud relève du non-sens pour moi. En tant que fils de militaire (parti au combat), je sais ce que c'est que de vivre une telle absence et je sais à quel point rire et s'évader est impératif pour conjurer son impuissance et son inquiétude, mais le film en fait trop dans ce registre (les gags avec le bouledogue, la chique de Jennifer Jones, etc) et du coup ça amoindrit la tension émotionnelle : avec tant de légèreté, les femmes Hilton finissent parfois par paraître peu concernées. Le drame reprend heureusement peu à peu ses droits, n'en signant plus que le superflu de ces touches d'humour.
J'aurais également à redire sur le jeu des comédiens. Jennifer Jones ne fait que minauder, Shirley Temple fait sa crise d'adolescence et Robert Walker manque de charisme, lui qui en dégageait pourtant un max dans L'Inconnu du Nord-Express. Quant à Joseph Cotten, il a l'air un peu déphasé.
Surtout, carton rouge à la musique de Max Steiner, ou à côté de la plaque avec ses airs guillerets, ou faisant pleurer le violon sans vergogne pour arracher la larmichette. Gonflant.
C'est finalement ce qui m'a déçu, cette lourdeur-loukoum de mélo pénible, le côté grosse machine mielleuse. Ça ne m'a pas du tout convaincu. Le thème est beau, mais il est mal traité et on aboutit à une pâtisserie limite bienheureuse. Tout le monde est gentil, la mère gère en permanence, ses filles sont dociles pour ne pas lui compliquer la tâche, tout le monde prend les nouvelles tragiques relativement bien (!)... le film reste tributaire du fait qu'il participe d'un effort de guerre et ne peut donc y aller trop fort dans le désespoir psychologique même s'il aborde un sujet sensible. C'est difficile de le lui reprocher si on se replace dans le contexte, mais le film donne du coup l'impression d'édulcorer la réalité en la recouvrant d'un vernis acceptable pour le public de 1944, une forme de philosophie de vie sur laquelle les spectateurs pourraient méditer pour faire face à leurs propres tragédies familiales (cf. comment Jennifer Jones gère émotionnellement ses heures sombres... pas crédible une seule seconde). Si les choses étaient si simples que ça !...
A côté de ça, le film possède de réelles qualités cinématographiques : la photo de Stanley Cortez avec un travail intéressant sur le clair-obscur, le spectaculaire formel à la Selznick qui surgit souvent comme un cheveu dans la soupe, l'esprit général étant quand même largement dominé par les scènes d'intérieur. Ce qui donne l'impression, comme avec Duel au soleil, que plusieurs réalisateurs ont réalisé différents bouts. On compte pas mal de plans démesurés avec des matte-painting de premier ordre signés Jack Crosgrove. Je pense notamment à la séquence de bal militaire sous un hangar de bombardier ou la séquence de la gare qui sera parodiée dans Y a-t-il un pilote dans l'avion.
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AtCloseRange
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Re: John Cromwell (1887-1979)

Message par AtCloseRange »

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AtCloseRange a écrit :
Ann Harding a écrit :Since You Went Away (Depuis ton départ, 1944) de John Cromwell avec C. Colbert, Jennifer Jones, Shirley Temple, Robert Walker & Joseph Cotten
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Anne Hilton (C. Colbert) après le départ de son mari pour le front se retrouve seule avec ses deux filles adolescentes, Jane (J. Jones) et Bridget (S. Temple). Elles prennent un pensionnaire dans leur maison, le vieux Colonel Smolett (Monty Wooley) qui se plaint constamment...

J'ai recherché sur le forum une trace de ce film et je n'en ai trouvé aucune. Je serais donc la première à parler de ce long film de 177 min produit et écrit par David O. Selznick durant les dernières années de la guerre. Ce film a été pour moi une vraie découverte. C 'est une saga du quotidien d'une famille américaine ordinaire durant les années de guerre qui comme le fera Wyler avec The Best Years of Our Lives (1946) pour l'après-guerre, s'attache aux personnages et nous les fait lentement découvrir dans leurs complexités. Le film bénéficie d'un casting prestigieux, mais, réussit à conserver la simplicité de son propos. Claudette Colbert n'a jamais été aussi vraie et émouvante dans le rôle d'Anne Hilton. Ce qui m'a totalement captivée c'est la justesse de l'atmosphère au sein de cette famille. Le dialogue est un ainsi tour à tour badin, tragique ou humoristique suivant les humeurs des personnages qui déroulent le fil de leurs pensées.
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Quant à l'image, cela a été un choc pour moi de voir le travail incroyable de Stanley Cortez (Lee Garmes est également crédité au générique). Vous n'avez qu'à regarder les quelques captures que je poste. Ces immenses paysages où se perdent Jennifer Jones et Robert Walker pour leur dernière promenade à la campagne avant leur séparation alors qu'ils chantent 'My Darling Clementine'.
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Et il y a une utilisation de la profondeur de champ absolument superbe combinée parfois avec l'utilisation des ombres.
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Mais, au-delà de ces effets de lumière, le film réussit à être incroyablement émouvant et humain. Je pense que Selznick a dû travailler avec une batterie de collaborateurs sur ce film (comme il le faisait toujours!), mais, son scénario fonctionne d'une manière remarquable. On a vraiment l'impression de ressentir ce sentiment de solitude intolérable lorsqu'un être cher vous manque. Les personnages secondaires sont également très bien dessinés et cohérents. Agnes Moorehead est une voisine d'une intolérable hypocrisie, Joseph Cotten est parfait en ancien soupirant de Colbert, Monty Wooley est un vieux ronchon colérique, Alla Nazimova, une immigrante récente amie de Colbert. On sent également ce désir d'aller au-delà des races et des origines sociales (comme le fera également The Best Years of Our Lives) qui a uni - brièvement - les américains pendant la guerre. Les blessés noirs ou blancs sont soignés ensemble et Colbert, issue de la bourgeoisie devient l'amie de Nazimova, une immigrante récente, en travaillant dans une usine. Mais, le film évite le prêchi-prêcha en conservant sa simplicité de propos. j'avoue avoir plusieurs fois été au bord des larmes en le regardant. Claudette Colbert a les larmes aux yeux quand Nazimova lui dit qu'elle est pour elle l'image de la femme américaine telle qu'elle avait imaginée en arrivant en Amérique face à la Statue de la Liberté. Quel hommage à Colbert, la petite française immigrée, de devenir le symbole de l'Amérique !
Enfin, je ne peux que vous pousser à découvrir rapidement ce film de John Cromwell, qui porte la patte de son producteur. Il est disponible en Z1 US avec des sous-titres français.
Les captures m'avaient intrigué mais je serais beaucoup, beaucoup moins enthousiaste. Finalement, le meilleur du film, il est dans ces captures sauf que le film ne ressemble à ça que le temps de ces quelques plans. D'ailleurs, on a l'impression (confirmé par ce que j'ai lu chez Tavernier) que certaines de ces séquences (notamment quelques unes avec Moorehead) n'ont pas été filmées par le même réalisateur.
En tout cas, le reste du temps, c'est extrêmement plan-plan avec du sucre à tous les étages (musique sirupeuse au possible et omniprésente de Max Steiner, interprétation adhoc de Jennifer Jones, de la très énervante Shirley Temple en pleine adolescence ou d'un Robert Walker extrêmement fade).
Moorehead et Cotten ont l'air de sortir d'un autre film.
Je n'ai pas trouvé que le Wyler était un grand film mais dans mon souvenir, c'était bien plus émouvant et digne que ce film qui se regarde mais d'un oeil détaché.
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Profondo Rosso
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Re: John Cromwell (1887-1979)

Message par Profondo Rosso »

L'Autre (1939)

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Alec Walker (Cary Grant) fait la connaissance d'une jeune artiste Julie Eden (Carole Lombard). Il voudrait l'épouser, mais il est déjà marié avec la très calculatrice Maida (Kay Francis) qui lui refuse le divorce...


Un beau mélo qui se penche sur la difficulté à refaire sa vie, renforcée bien sûr par le contexte moral de l'époque. L'originalité est ici de faire du personnage le plus fragile et victime du destin un homme. Cet homme, c'est Alec Walker (Cary Grant) vivant un mariage malheureux avec une femme (Kay Francis) l'ayant épousé pour son argent jusqu'à sa rencontre avec la jolie veuve Julie Eden (Carole Lombard). Le poids des conventions va rendre cette situation inextricable par le refus de l'épouse intéressée de divorcer, rendant le couple illégitime de plus en plus coupable. L'infidélité est tacitement acceptée tant qu'on ne brise pas la sacro-sainte entité du mariage et tout pousse, de la meilleure amie perfide et pressante (Helen Vinson) aux parents moralisateurs à ne rien changer de cet état de fait. C'est contre cette fatalité que va se rebeller le personnage de Cary Grant, déterminé et vulnérable à la fois. Ici ce sont les femmes qui mènent le jeu. Carole Lombard offre une magnifique prestation dramatique avec cette jeune femme amoureuse et hésitante dont la sincérité va redonner symboliquement puis littéralement lors de la conclusion gout à la vie à un Cary Grant brisé par une morale inhumaine. Face à elle Kay Francis compose une épouse perfide à souhait et manipulatrice, le masque bienveillant et la beauté dissimulant un monstre d'égoïsme. Une des meilleures compositions de l'actrice qui parvient à être détestable et jouant à merveille de son aura de douceur et de glamour pour exprimer la superficialité du personnage.

Cary Grant et Carole Lombard tout en sobriété poignante composent un couple magnifique où les moments romantiques comme de désespoir s'ornent d'une grande intensité et montrent l'étendue du registre des deux acteurs plus souvent vus dans des rôles léger et comiques. Face à leur amour bien des obstacles pas forcément aux mauvaises intentions mais guidés mais une morale vaine (la sœur de Julie jouée par Katharine Alexander, les parents d'Alec ou on retrouve un Charles Coburn bourru) ou alors la simple perfidie (la meilleure amie et ses piques acérées), le poids des apparences devant être maintenu au détriment du bonheur de l'individu. Le très beau final l'éprouve jusqu'au bout mais notre couple aux abois restera plus uni que jamais tandis que les masques tombent enfin. Une belle découverte ! 5/6
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Jeremy Fox
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Re: John Cromwell (1887-1979)

Message par Jeremy Fox »

L'emprise chroniqué par Justin Kwedi ainsi que le test du DVD Lobster
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