Le Western américain : Parcours chronologique II 1950-1954

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jack Carter
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par Jack Carter »

Jeremy Fox a écrit :Top 30... Top 20... Top 10... Top 5 chamboulés (voir premier post)

Ravi que Scott Brady, cet acteur sur qui j'avais beaucoup misé jusqu'à présent, fasse partie de ce film ; je ne me rappelais pas qu'il faisais partie de la distribution et il est de nouveau génial en tant que Dancing Kid.
rien de surprenant, l'un de mes westerns préférés 8)
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The Life and Death of Colonel Blimp (Michael Powell & Emeric Pressburger, 1943)
feb
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par feb »

On va se régaler pour la prochaine chronique western :D
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par Jeremy Fox »

Je ne comprend d'ailleurs pas comment il ne pouvait pas encore figurer dans mon top 100 ; je vais modifier ça de ce pas. Je vais préparer un texte dithyrambique mais je vous demande d'être patient afin que je le cuisine aux petits oignons :mrgreen:
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Rick Blaine
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par Rick Blaine »

Jeremy Fox a écrit :Je ne comprend d'ailleurs pas comment il ne pouvait pas encore figurer dans mon top 100 ; je vais modifier ça de ce pas. Je vais préparer un texte dithyrambique mais je vous demande d'être patient afin que je le cuisine aux petits oignons :mrgreen:
je sens que cette chronique va être formidable. Je suis prêt à l'attendre! :mrgreen:
feb
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par feb »

Jeremy Fox a écrit :Je ne comprend d'ailleurs pas comment il ne pouvait pas encore figurer dans mon top 100 ; je vais modifier ça de ce pas. Je vais préparer un texte dithyrambique mais je vous demande d'être patient afin que je le cuisine aux petits oignons :mrgreen:
Il faut que je pose un RTT :mrgreen:
Et pense aux captures de Sterling Hayden.... :fiou:
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Jeremy Fox
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The Siege at Red River

Message par Jeremy Fox »

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Le Siège de la rivière rouge (The Siege at Red River - 1954) de Rudolph Maté
20TH CENTURY FOX


Avec Van Johnson, Joanne Dru, Richard Boone, Milburn Stone, Jeff Morrow
Scénario : Sydney Boehm
Musique : Lionel Newman
Photographie : Edward Cronjager (Technicolor 1.37)
Un film produit par Leonard Goldstein pour la 20th Century Fox


Sortie USA : 02 avril 1954


Novembre 1864 à Greensburg dans l’Ohio. Des espions confédérés commandés par le Capitaine Simmons (Van Johnson), volent un prototype de mitrailleuse à l’armée unioniste, espérant grâce à cette nouvelle arme tirant 250 coups à la minute faire pencher la balance de la victoire du côté de leur camp actuellement en mauvaise posture. Les soldats Nordistes partent à la poursuite des détrousseurs mais retrouvent vide d’armes et d’hommes le chariot ayant servi à transporter le ‘Gatling Gun’. La mitrailleuse a en fait été cachée dans un piano que transportent deux colporteurs qui ne sont autres que Simmons et le Sergent Guderman (Milburn Stone) se faisant passer pour messieurs James Farraday et Benjy Thompson. Ils espèrent ainsi traverser les États-Unis incognito jusqu’à ce qu’ils atteignent leur but. Pour trouver leur chemin, ils passent de ville en ville pour vendre un élixir médical ‘miracle’ qu’ils vantent à l’aide d’une chanson (‘Tapioca’) qui est en fait un code grâce auquel ils sont reconnus par des ‘sympathisants Sudistes’ leur glissant en échange un papier sur lequel sont indiquées des instructions pour leur prochaine destination. En arrivant dans l’Ouest, ils aident une infirmière, Nora Curtis (Joanne Dru), dont le chariot s’était embourbé et l’accompagnent jusqu’à Baxter Springs où ils font une nouvelle halte. Simmons est attiré par la jeune femme qui lui apprend que son mari est un officier Yankee. Dans cette ville, nos héros vont être inquiétés par un détective de l’agence Pinkerton, Frank Kelso (Jeff Morrow), à la recherche de l’arme dérobée, alors qu’ils trouvent en Manning (Richard Boone) un associé prêt à les aider à mettre en lieu sûr leur précieux chargement et à les conduire jusqu’à leur objectif, derrière les lignes ennemies. Mais font-ils bien de faire confiance à cet homme odieux et brutal qui semble ami avec les faméliques indiens sur le pied de guerre ?

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Deuxième des six westerns réalisés par Rudolph Maté, Siege at Red River s’avère totalement différent du précédent, Marqué au fer (Branded), un western mélodramatique et psychanalytique très attachant avec Alan Ladd et Charles Bickford. Avec pourtant le même scénariste, autant ce premier essai se prenait très au sérieux, autant Le Siège de la rivière rouge se révèle décontracté, flirtant même parfois avec la comédie. Malgré la dissemblance de ton, comme son prédécesseur, un film qui, à défaut d’être stylé ou harmonieux, force la sympathie, notamment grâce une bonne interprétation d'ensemble et à un pimpant Technicolor. Prévenons néanmoins qu’il ne sera pas forcément du goût de tout le monde : si comme moi vous trouvez Van Johnson agréable à fréquenter et Joanne Dru craquante, si à priori les mélanges peu digestes aventure/comédie/western/espionnage ne vous offusquent pas, et si vous n'êtres pas allergiques à quelques chansonnettes, ce film fortement coloré et joyeusement rythmé pourra vous être de temps en temps jubilatoire d'autant que les paysages sont superbes et variés. Mais sinon, la mise en scène de Maté n'a une fois de plus rien d'exceptionnel et le scénario part dans tous les sens au risque d’en laisser certains sur les bas-côtés, notamment au cours d’une très longue scène de pure comédie en plein milieu du film qui passera ou cassera ; une séquence assez datée et s'éternisant un peu trop, qui réunit Joanne Dru et Milburn Stone, le second essayant d’enivrer la jeune femme afin de la mettre ‘hors d’état de nuire’. A ce moment là, on n'a plus tellement l'impression de visionner un western mais une comédie légèrement pataude. Heureusement l'amusante chute 'coquine' avec l'arrivée de van Johnson au petit matin vient rattraper le tout.

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Étonnant de la part de Sydney Boehm, surtout connu pour des scénarios au contraire plutôt sombres et souvent sans la moindre trace d’humour : avant ça il en avait écrit deux autres pour Rudolph Maté dont celui de Midi Gare centrale (Union Station), mais aussi celui fabuleux de The Big Heat (Règlements de compte) de Fritz Lang ou encore celui passionnant de The Raid d’Hugo Fregonese. Par la suite, il signera encore ceux, tout aussi admirables, de The Tall Men (Les implacables) de Raoul Walsh ou de Les inconnus dans la ville (Violent Saturday). Son travail pour Siege at Red River est donc totalement différent. Mais tout d’abord, que ceux qui auraient été attirés par le titre n’attendent ni siège ni rivière rouge ; on se demande bien comment il a pu être choisi à moins que le scénario ait été modifié au dernier moment sans que n’ait été transformé le titre ? Un mystère aussi grand que de savoir ce qui s’est passé dans l’esprit de Boehm pour nous pondre un tel script/patchwork sans grande rigueur ni enjeux dramatiques. Commençant comme un film d’action survolté (il faut dire que Lionel Newman a composé une musique particulièrement exaltée), ce western prend ensuite des chemins de traverse, passant par la comédie (parfois musicale) 'bon enfant' avec quelques détours vers l’espionnage, le drame (
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on ne s’attend pas du tout à la mort du personnage joué par Wilbur Stone d’autant qu’il fut en quelque sorte le ‘clown’ de service [fin du spoiler]) ou encore le film d’aventure. Tout n’est donc pas du meilleur goût, le rythme endiablé est parfois stoppé net par des digressions pas toujours très heureuses ; cependant l’ensemble reste la plupart du temps particulièrement divertissant. Mais la principale jubilation vient de la chanson ‘Tapioca’ écrite par Lionel Newman et Kim Darby qui aurait très bien pu devenir un tube si elle avait été intégrée au sein d’une célèbre comédie musicale. On l’entend ici à plusieurs reprises (et pour cause, il s’agit du code pour que les partisans sudistes se reconnaissent), chantée tour à tour par Van Johnson et même, lors d’une bonne séquence de cabaret, par Peggy Malley. Une mélodie superbement écrite, colorée, entraînante et entêtante.

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On ne peut pas en dire autant de la mise en scène sans style ni personnalité de Rudolph Maté qui confirme néanmoins être un professionnel assez efficace. Rappelons qu’avant de passer à la mise en scène, il fut un très grand chefs-opérateur dont les titres de gloire furent, excusez du peu, La Passion de Jeanne d'Arc et Vampyr de Carl Theodor Dreyer, Vampyr, Le Dernier milliardaire de René Clair, Liliom de Fritz Lang, Stella Dallas de King Vidor, Love Affair de Leo McCarey, Correspondant 17 d'Alfred Hitchcock, To Be or Not to Be d'Ernst Lubitsch ou Gilda de Charles Vidor, pour ne citer que les plus célèbres. Dans la plupart des films qu'il a photographiés, on trouve une certaine stylisation post-expressionniste qu'il laissera tomber une fois passé derrière la caméra en tant que réalisateur dès 1946. Paradoxalement, ses films ne seront en effet ni mémorables ni remarquables plastiquement parlant. On trouve cependant dans ce western de très beaux plans notamment devant Monument Valley ou surtout lors de la dernière partie alors que Van Johnson et Joanne Dru avancent en marchant sur un surplomb du Grand Canyon. Mais là où on se rend compte le mieux de ses limites, c’est lors de la grande séquence de bataille finale entre soldats et indiens. L’attaque du fort est filmée par Rudolph Mate alors que l’impressionnante charge de cavalerie est intégralement tirée du Buffalo Bill de William Wellman. Et la comparaison n’est pas à l’avantage de Maté : d’un côté nous assistons à une séquence pas désagréable à regarder mais néanmoins très banale et manquant singulièrement de souffle et d’ampleur, alors que de l’autre nous sommes témoins d'une époustouflante leçon de mise en scène. Ca fait cependant plaisir de revoir cette magnifique scène d’action même si elle fut réalisé dix ans plus tôt.

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Pour vous faire une petite idée, parmi les cinq autres westerns de Rudolph Maté, celui qui a le plus de points communs dans le style et le ton avec Siege at Red River est sans aucun doute le plus rigoureux et tout aussi divertissant Les Années sauvages (The Rawhide Years) avec Tony Curtis, qui sortira en salles deux ans plus tard. Le Siège de la rivière rouge est un film sympathique et dépaysant à défaut d’être mémorable, nous faisant voyager de l’Ohio au Sud des États-Unis au sein de paysages qui ne correspondent probablement pas à la réalité géographique (pas plus que les faits relatés ne correspondent à la vérité historique) mais qui n’en sont pas moins superbes. Peu de substance dramatique mais beaucoup de charme grâce également à un casting assez réjouissant, Joanne Dru en tête, actrice qu’il est toujours agréable de retrouver, mais aussi Van Johnson que l’on est étonné de trouver ici (plus habitué à le voir dans les comédies musicales MGM) mais qui n’a pas perdu son capital sympathie et qui ne nous fait pas forcément regretter les deux comédiens préalablement choisis pour ce rôle, Tyrone Power et Dale Robertson. Mais c’est Richard Boone qui, dans les quelques séquences dans lesquelles il apparait, dévore l’écran, s’étant apparemment une fois de plus régalé de jouer les ordures intégrales, son personnage violentant les femmes et tuant sans aucun remords. Romance, humour, action, retournements de situations, changements de ton ; le mélange n’est pas toujours convaincant (après une heure de film familial et 'bon enfant', le final qui se veut plus sérieux n'a logiquement plus le même impact dramatique), et on ne trouve pas grand-chose d’intéressant sur le fond, mais niveau divertissement il y en a pour tout le monde et l’ensemble demeure sans cesse charmant jusqu’à ce dernier facétieux plan, le cinéaste décidant de cacher le traditionnel baiser final par un cheval venant nous le masquer. Aussitôt vu aussitôt oublié mais pas désagréable pour autant.
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par Jeremy Fox »

Pour te faire patienter, j'ai remarqué qu'il y avait aussi cette actrice dans le film ; sait-on jamais ?!

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feb
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par feb »

Ah non pas elle...Mercedes McCambridge à la rigueur, mais pas Crawford :mrgreen:
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par L'étranger... »

J'ai mis très longtemps à découvrir ce western, tout simplement parce que le personnage principal est une femme ! Bin oui, pour moi, le western est avant tout une histoire d'hommes... quelle erreur monumentale (le pire c'est que j'ai refais la même avec les 40 tueurs de Fuller) ! Johnny Guitar est un western flamboyant (ce seul mot résume le film à merveille), mais le pire dans tout cette histoire c'est que le personnage masculin principal a un réel manque de charisme ! Sterling Hayden est un très bon acteur, mais -surtout dans le western-, il ne dégage aucune "aura" particulière, ce qui rend les deux rivales principales encore plus fascinantes. C'est plus qu'un bon western, c'est un très grand film de l'histoire du cinéma !
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par Jeremy Fox »

L'étranger... a écrit :J'ai mis très longtemps à découvrir ce western, tout simplement parce que le personnage principal est une femme ! Bin oui, pour moi, le western est avant tout une histoire d'hommes... quelle erreur monumentale (le pire c'est que j'ai refais la même avec les 40 tueurs de Fuller) ! Johnny Guitar est un western flamboyant (ce seul mot résume le film à merveille), mais le pire dans tout cette histoire c'est que le personnage masculin principal a un réel manque de charisme ! Sterling Hayden est un très bon acteur, mais -surtout dans le western-, il ne dégage aucune "aura" particulière, ce qui rend les deux rivales principales encore plus fascinantes. C'est plus qu'un bon western, c'est un très grand film de l'histoire du cinéma !
D'accord avec tout ça sauf avec le fait que Hayden soit un très bon acteur ; bien dirigé, il était génial (ici en l’occurrence) mais au vu de tous ses westerns précédents, c'est moins flagrant. Il faut dire que les scénarios et les dialogues étaient tellement mauvais qu'il pouvait avoir des excuses... Dans le film qu'il avait tourné juste avant, Arrow in the Dust, Hayden était tout bonnement ridicule
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Re: Riding Shotgun

Message par Jeremy Fox »

Patapin a écrit :Jérémy, what is a Posse ? En angliche, c'est un détachement, une troupe. Il doit s'agir d'une poursuite organisée, si je ne m'abuse.
Justement, Sterling Hayden et Joan Crawford viennent te répondre eux aussi. La définition d'un Posse (traduit par milice dans la VF) dans Johnny Guitar

Johnny : A posse is an animal : it moves like one and thinks like one.
Vienna : They 're men with itchy fingers and a coil of rope around their saddle horns, looking for somebody to hang, and after riding a few hours, they don't care much who they hang.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par L'étranger... »

Jeremy Fox a écrit :
L'étranger... a écrit :J'ai mis très longtemps à découvrir ce western, tout simplement parce que le personnage principal est une femme ! Bin oui, pour moi, le western est avant tout une histoire d'hommes... quelle erreur monumentale (le pire c'est que j'ai refais la même avec les 40 tueurs de Fuller) ! Johnny Guitar est un western flamboyant (ce seul mot résume le film à merveille), mais le pire dans tout cette histoire c'est que le personnage masculin principal a un réel manque de charisme ! Sterling Hayden est un très bon acteur, mais -surtout dans le western-, il ne dégage aucune "aura" particulière, ce qui rend les deux rivales principales encore plus fascinantes. C'est plus qu'un bon western, c'est un très grand film de l'histoire du cinéma !
D'accord avec tout ça sauf avec le fait que Hayden soit un très bon acteur ; bien dirigé, il était génial (ici en l’occurrence) mais au vu de tous ses westerns précédents, c'est moins flagrant. Il faut dire que les scénarios et les dialogues étaient tellement mauvais qu'il pouvait avoir des excuses... Dans le film qu'il avait tourné juste avant, Arrow in the Dust, Hayden était tout bonnement ridicule
Bin, je pense pareil mais j'ai voulu éviter de froisser les (le ?) fans du bonhomme. :mrgreen: :oops:
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par Jeremy Fox »

Mais bon, sa manière de dire "My Name is Johnny.... Guitar" est tellement inoubliable qu'on lui pardonne sa médiocrité de jeu dans de nombreux films :mrgreen:
someone1600
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par someone1600 »

j avais manquer quelques chroniques ces derniers temps mais je viens de finir de me mettre a jour. lâche pas Jeremy c est toujours un bonheur de te lire.
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Jeremy Fox
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Johnny Guitare

Message par Jeremy Fox »

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Johnny Guitare (Johnny Guitar, 1954) de Nicholas Ray
REPUBLIC


Avec Sterling Hayden, Joan Crawford, Mercedes McCambridge, Ben Cooper, Scott Brady, Ernest Borgnine, Ward Bond, John Carradine, Royal Dano, Paul Fix
Scénario : Philip Yordan d'après un roman de Roy Chanslor
Musique : Victor Young
Photographie : Harry Stradling Sr (Trucolor 1.37)
Un film produit par Herbert J. Yates pour la Republic


Sortie USA : 26 mai 1954

Deux séquences au cours desquelles, le temps de quelques secondes, le compositeur Victor Young se laisse aller à la facilité illustrative humoristique, dont celle qui voit l'entrée titubante d'Ernest Borgnine dans le saloon après son combat à poings nus contre Sterling Hayden. Egalement, lors d'une scène entre les deux acteurs principaux alors qu'ils se trouvent en carriole, une transparence dont la vitesse de défilement est bien trop rapide et qui pourrait toujours prêter à sourire de nos jours. Et voilà ! Me voici enfin débarrassé des critiques négatives à l'encontre de l'un des plus beaux westerns de l'histoire du cinéma ; et on ne peut pas dire que j’ai été au départ de parti pris en affirmant ceci, n'ayant jamais été spécialement fan du cinéaste. Bref, oublié ce laborieux début d'année 1954 pour le genre qui nous intéresse ici ; Nicholas Ray vient nous remettre sur les rails, et avec quel génie ! Un petit miracle cinématographique qui revient de loin, ayant même fait partie à l’époque des films ‘camp’, ceux que l’on regardait entre copains sur les campus américains pour des parties de rigolade et de moquerie à cause de leur ridicule involontaire (sic !)

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Arizona. Un homme à cheval (Sterling Hayden), sans armes mais avec une guitare sur le dos (il se fait d'ailleurs appeler Johnny Guitar), arrive dans un saloon isolé qui appartient à Vienna (Joan Crawford). Cette dernière a acheté cet établissement, persuadé que le futur tracé du chemin de fer passera un jour à proximité. Elle refuse donc de quitter les lieux malgré le fait que les éleveurs de la région cherchent à la faire partir pour deux raisons : ils lui reprochent son intérêt pour les travaux du chemin de fer auxquels ils s'opposent, craignant l'arrivée massive de colons avec tout ce que cela implique (barbelés, partage des terres, des points d'eau... fin de leur règne) ; ils la soupçonnent également d'abriter l'équipe de Dancing Kid (Scott Brady) sur qui ils font reporter tous les maux. Pour se protéger de l’hostilité grandissante qui l’entoure, Vienna a donc fait venir Johnny (qu’elle sait fine gâchette) afin de l'embaucher en tant que garde du corps. Emma Small (Mercedes McCambridge), riche propriétaire terrienne dont le frère vient d'être tué lors d'une attaque de diligence, arrive en trombe dans le saloon à la tête d'un groupe d'homme dont le shérif. Elle demande l’arrestation de Dancing Kid qu’elle accuse (par dépit amoureux) d’être l’assassin de son frère. En effet, Dancing Kid est désormais l’amant de Vienna ; d’où la haine viscérale d'Emma envers l’homme qu’elle n’a pas réussi à avoir et encore plus envers sa maîtresse actuelle ! Quant au Kid, il comprend assez rapidement que Johnny et Vienna se sont auparavant connus et même aimés. Vienna se retrouve du coup tiraillée entre les deux hommes, son amour pour Johnny refaisant surface malgré elle. Les passions sont exacerbées et la jalousie attise les animosités ; la violence ne va pas tarder à exploser d’autant que les hommes du Kid, pour se venger d’être jugés comme indésirables, décident d’attaquer la banque avant de fuir la région…

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Au vu de l’essai de narration de l’intrigue ci-dessus, on devine aisément la richesse inouïe d’un scénario brassant aussi bien des thèmes courants du western (l’arrivée du chemin de fer et ses conséquences, d'ailleurs repris aussi par Sergio Leone dans son film le plus célèbre ; les conflits entre éleveur et fermiers…) que des sujets plus mélodramatiques (triangle amoureux, jalousies, rancunes, amour renaissant…), action, tragédie et romance venant s’imbriquer à la perfection pour nous donner un irréprochable modèle d’écriture d’autant que les dialogues ne sont pas en reste, les répliques cultes fusant comme rarement au sein d’un western, sans que ça ne fasse trop théâtral ni collier de ‘mots d’auteur’. Pas si étonnant que ça de la part du scénariste de Histoire de détective (Detective Story) de William Wyler ou de l’Homme de la plaine (The Man from Laramie) d’Anthony Mann. Voilà en deux mots pour le fond tout en sachant que la forme ne démérite pas : Johnny Guitar est également un véritable poème cinématographique, un western hors norme, unique par son ton et son esthétique. Au final, aussi bien les fans de westerns traditionnels et de mélodrames que les amateurs de curiosités ou de pures œuvres d'art et essai pourront tout autant apprécier les uns que les autres.

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Et c'est la première des richesses de Johnny Guitar d'être susceptible de rallier le plus grand nombre derrière lui... de nos jours. Car l'année de sa sortie, nous étions quasiment dans une situation inverse : une grande majorité lui était tombée dessus y compris la critique française contrairement à ce que l’on veut bien nous laisser entendre (elle se rattrapera la décennie suivante avec Truffaut comme chef de file). Pour ne prendre qu'un seul exemple, la rédaction de Positif dans son ensemble l'avait d'ailleurs ‘répudié’, jugeant le film "plein de parlotte et d'effets, [...] trop de verbiage dans un film qui s'écoute parler. [...] Pour quelques images frappantes, que de séquences à la dérive, de scènes réalisées médiocrement ou proprement sabotées. Désintérêt de l'histoire ?" Une leçon à rappeler de cet état de fait : ne jamais préjuger de la notoriété d'un film à l'avance, le statut de 'classique' ne se révélant pas forcément les premières années, les 'classiques' instantanés s'avérant finalement assez rares. Le public en revanche lui fit une ovation au point de sauver de la faillite la Republic, le studio (avec un aigle en logo) dirigé par Herbert J. Yates. Celui-là même qui nous avait déjà offert ce sublime cadeau à la toute fin des années 40 : La Charge héroïque (She Wore a Yellow Ribbon) de John Ford. Ne nous auraient-ils laissés que ces deux films que cette compagnie et son patron auraient mérités un respect éternel de la part des amoureux du western ! Mais arrêtons de tourner autour du pot pour nous reconcentrer sur ce qui fait l'originalité de ce western.

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Générique d’introduction sur un thème magnifique de Victor Young. Un cavalier solitaire, une guitare sur le dos ; des couleurs irréelles, un visage blafard sur fond de ciel au bleu électrique. Une explosion qui fait voler en morceaux la montagne rouge. Une attaque de diligence vue au travers d’un plan séquence en lointaine plongée. Une tempête de vent soulevant la poussière et un saloon posé dans un endroit désert, adossé à une barre rocheuse. L'homme y pénètre et tombe nez à nez avec deux croupiers seuls, inoccupés et muets dans l'immense salle de jeu au plafond haut, attendant d'éventuels clients ; ambiance à la limite du fantastique. L’homme qui susurre tranquillement : "My name is Johnny... Guitar". Un piano situé dans un renfoncement de l’établissement, sorte de grotte. Onirisme. Un des serviteurs parle face caméra semblant s’adresser au spectateur. Le bruit de la roulette pour faire plaisir à la patronne qui aime l’entendre tourner à vide. Celle-ci qui apparait, enfin, les cheveux courts, ‘masculinement’ et tout de noir vêtue, les lèvres maquillées d'un rouge vif, les yeux écarquillés. L'homme et la femme semblent se connaître et, à peine dix minutes que le film a commencé, les dialogues de se mettre de la partie, véritable festival de répliques cinglantes, laconiques, ou poétiques.

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Non seulement la mise en place de l’intrigue et la présentation des personnages est fabuleuse (jusqu’à la réunion de tous les protagonistes dans le saloon de Vienna au bout d’à peine ¼ d’heure de film) mais, tout comme Autant en emporte le vent (Gone with the Wind) de Victor Fleming ou, pour en rester dans le western, Duel au soleil (Duel in the Sun) de King Vidor, le film de Nicholas Ray se poursuivra encore jusqu’à son final par une succession quasi ininterrompue de séquences d’anthologies, de fulgurances visuelles ou musicales. A ce dernier propos, si j'ai quelque peu malmené Victor Young ici et là, notamment pour son score du Banni (The Outlaw) de Howard Hughes, excepté les deux fautes de goûts relevées en tout début de texte, il nous livre ici une partition formidable (comme précédemment celle de Shane) et a écrit l'un des thèmes les plus inoubliables du genre, repris et chanté par Peggy Lee à la toute fin du film. Lorsqu’à la guitare solo viennent s’ajouter les violons, reprenant avec stridence la principale mélodie lors de la sublime séquence de ‘la demande en mariage’ ("Dis-moi un mensonge. Dis-moi que toutes ces années tu m'as attendu. Dis-le moi..."), les frissons viennent vous parcourir l'échine et l’émotion qui vous submerge est à son comble grâce à la parfaite osmose entre interprétation, dialogue, musique et image.

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Parmi le florilège des autres images marquantes : l’entrée fracassante dans l’établissement de Vienna d’Emma à la tête de sa ‘milice’, tous habillés en noir ; la manière qu’à Sterling Hayden de rattraper un verre au vol alors qu’il allait tomber du comptoir ; le touchant baiser d’adieu du Kid à Vienna lors du hold-up ; le fracas du lustre qui provoque l’incendie puis le visage diabolique de Mercedes McCambridge qui s’en réjouit ; le saloon en feu, les cavaliers passant et repassant devant en contre jour (images qui ressemblent assez à celles similaires dans Gone with the Wind) ; la mort poignante de John Carradine ; la traitrise forcée de Ben Cooper ; Joan Crawford au piano dans sa robe blanche ; la même, la corde au cou, venant de voir son compagnon d’infortune se faire lyncher ; Hayden et Crawford devant un magnifique coucher de soleil de studio en profitant pour dénoncer le lynchage et les milices ; l’image les voyant sortir de la rivière main dans la main avec un sourire de bonheur sur les lèvres ; la cabane de Dancing Kid et de sa bande perchée en haut d’un promontoire rocheux découvert après un panoramique à 90° ; le passage sous la cascade pour y arriver ; le violent ‘Gunfight’ final avant le sublime baiser qui précède le The End… Le fait d’énumérer toutes ses séquences me confirme dans le fait que Nicholas Ray a parfaitement réussi ce que Fritz Lang avait en partie raté avec son Rancho Notorious (L'Ange des maudits) qui s’avère en comparaison bien trop timoré et trop sage. Si autant d’images restent gravées en nous, c’est qu’également le travail sur la couleur, les costumes, le maquillage et les décors est extraordinaire. On pourrait passer des heures à décrire les vêtements portés par Joan Crawford, la façon d’éclairer les séquences nocturnes, les discrètes touches de couleur qui attirent le regard (la tasse dans la main de Sterling Hayden, les lèvres rouge-carmins de Joan Crawford…) mais le mieux est d’aller admirer le travail par soi-même.

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Quant à la réalisation, on pourrait faire le parallèle avec la musique classique et ses deux périodes successives qu’étaient la période classique (18ème siècle avec Mozart, Haydn…) et la période romantique (19ème siècle avec Brahms, Schubert…). Il s’agit probablement du premier western ayant abandonné le classicisme dans sa façon d’être réalisé au profit d’un romantisme exacerbé ; fi de la minutie et de la sobriété du classicisme, bienvenue à l’effervescence des éléments constitutifs d'une mise en scène, que ce soit au travers des angles de prises de vues, des mouvements de caméra, de l’utilisation de la couleur, du filmage des scènes d'action (les scènes de violence étant rares mais fulgurantes avec utilisation pour certains plans de la caméra sur l'épaule)… On trouve même d'autre plans d’une modernité étonnante comme la sortie de la rivière par les deux amants qu’on dirait tirée d’un film de la Nouvelle Vague et l’on se surprend à tomber sur des plans en caméra subjective. Malgré cette nouvelle manière de tourner un western et sa volonté de proposer plusieurs grilles de lectures (dont une d’entre elle est un pamphlet antimaccarthyste ; nous y reviendrons rapidement), Johnny Guitar n’est jamais ni solennel ni prétentieux. Il s’agit d’un film plus viscéral qu'intellectuel, d’un lyrisme étourdissant, formidablement bien rythmé et réussissant à maintenir une tension constante ; bref, jamais ennuyeux, constamment captivant.

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Le casting du film est aussi fameux que le reste et devrait rassurer les aficionados du genre qui se retrouveront en terrain connu ; le scénariste et le metteur en scène ayant décidé de décrire tous les seconds rôles avec la même minutie, l'ensemble des comédiens y a trouvé son compte. A tout seigneur tout honneur, puisque, malgré son titre, le film est avant tout l'histoire d'un violent antagonisme entre deux femmes, commençons par les deux rivales. Tout d'abord Joan Crawford, actrice que l’on ne présente plus, ayant déjà l’essentiel de sa carrière derrière elle et dont le film s'est construit autour et pour elle sur les ordres du producteur qui tenait à ce qu'elle soit heureuse sur le tournage. Elle trouve en Vienna l’un de ses rôles les plus inoubliables, une femme indomptée et indépendante qui pensait ne plus jamais tomber amoureuse et pouvoir ainsi s’occuper sainement de ses affaires financières mais dont la passion qu’elle avait eu pour un tireur d’élite (qu’elle pensait éteinte) va renaître malgré elle ; quel bonheur de la voir au final tomber dans les bras de son amant de cœur, purifiée par l’eau de la cascade, prête à refaire sa vie dans la quiétude et la tendresse. "J'aurais du me faire examiner. Il n'y avait aucune excuse pour que le film soit si mauvais et pour moi de jouer dedans" dira-t-elle plus tard mais nous ne le lui en tiendrons pas rigueur tellement elle nous aura ébloui dans la peau de ce personnage. Ce qui est certain c'est que les relations qu'elle eut avec Mercedes McCambridge sur le tournage furent aussi orageuses que celles qui liaient leurs deux personnages ; d'où peut-être le paroxysme qu'atteignent certaines scènes durant lesquelles elles se retrouvent face à face. La rivale de Joan Crawford 'surjoue' peut-être un peu mais cette outrance se marie bien au ton mélodramatique du film, à cette artificialité ambitionnée. Une femme aigrie et revêche, malade de jalousie et prête aux pires extrêmes pour assouvir sa 'vengeance' de refoulée, symbole de tout ce que détestent les auteurs dans la société américaine moralisatrice dans laquelle ils évoluent. Elle préfèrera détruire l'homme qu'elle aime secrètement plutôt que le voir en aimer une autre, au cours d'une séquence de 'gunfight' parmi les plus sèches, rapides et efficaces jamais vues jusqu'ici.

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Johnny 'Guitar' Logan, espèce de chien dans un jeu de quilles, spectateur du drame pendant un bon moment avant qu'il n'y prenne part à son tour par passion, c’est Sterling Hayden qui, après pas mal de prestations médiocres dans des westerns qui ne l’étaient pas moins, prouve que, bien dirigé, il pouvait être excellent, son timbre de voix faisant ici merveille dans les répliques mémorables que Philip Yordan lui a concocté : "What does a man really need? Just a smoke and a cup of coffee.". La séquence déjà abordée du "mens moi", autrement dit de la déclaration d’amour, est d’un lyrisme ébouriffant (grâce aussi à l’envolée de la musique de Victor Young) et l’on peut dire qu’il s’agit probablement de l’une des plus belles scènes d’amour de l’histoire du cinéma. On ne se serait jamais attendu à voir le comédien aussi juste et attachant lors d'une scène de ce style ! Le Dancing Kid, l’amant actuel de Vienna qui va devoir céder sa place, n’est autre qu’un acteur dont j’ai toujours dit le plus grand bien en ces lieux et qui confirme ici son talent, un ‘beau gosse’ du nom de Scott Brady. Une belle gueule mais également un sacré charisme ; la séquence du hold-up où, avant de quitter la ville, il empoigne Vienna de force pour lui voler un dernier baiser d’adieu est elle aussi pleine de fougue et vraiment très émouvante. Nicholas Ray profite ici de ce personnage pour prendre une fois de plus la défense des 'rebelles' qu’il ‘romantise’ à loisir : au moment où il est quasiment tiré d'affaire, le Kid va vouloir néanmoins revenir en arrière chercher son complice blessé au risque de se faire capturer par la milice.

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Les seconds rôles sont pour la plupart aussi attentivement croqués, possèdent tous autant de relief. Tout d'abord ce complice de Dancing Kid qui n'est autre que le jeune Ben Cooper (le Jesse James du très bon La Femme qui faillit être lynchée d'Allan Dwan) nous faisant lui aussi forte impression dans la fameuse séquence où on l'intimide afin qu'il se mette à table et trahisse ses amis ; John Carradine, le 'serviteur' de Vienna qui reste en arrière plan jusqu'à sa mort touchante : "tout le monde me regarde. C'est la première fois que je me sens important" ; Ward Bond, le meneur du Posse aux côtés d'Emma, acteur emblématique de la famille fordienne à qui les auteurs du films ont joué un sale tour en lui faisant quasiment interpréter son propre rôle sans qu'il s'en rende compte, celui d'un homme fascisant, s'acharnant lui aussi sur des innocents par pragmatisme et pour sauvegarder son mode de vie. Malgré ce rôle ingrat, son talent fait qu'il nous émeut quant à la fin on se rend compte qu'il n'a rien compris à tout ce qui s'est passé et à cette montée paroxystique de la violence ; son regard perdu et interloqué nous ferait presque lui pardonner d'être en grande partie à l'origine de ce bain de sang ; Ernest Borgnine, déjà très efficace dans la peau d'une brute épaisse. On croise aussi Paul Fix, Royal Dano, Rhys Williams, tous des habitués du western dont les visages vous diront certainement plus que leurs noms.

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Si le message antimaccarthyste était voulu par le réalisteur et son scénariste, nous ne sommes pas obligés d’en tenir compte pour apprécier Johnny Guitar, les auteurs n’ayant pas oubliés dans le même temps d’écrire une histoire simple et fluide passant par tous les passages obligés du western : chevauchées, bagarres à poings nus, fusillades, poursuites ou Gunfights. Quant au thème de la peur de voir les colons débarquer en masse et envahir le territoire que les grands éleveurs s'accaparaient en toute impunité jusque là, il n'est pas nouveau, s'agissant même d'un des sujets les plus récurrents du genre. Si donc en l'occurrence certaines séquences sont à double sens et possèdent plusieurs degrés de lecture, si l’allégorie contre le sénateur de l’époque est donc parfaitement claire (la suspicion, l'interrogatoire et la chantage exercé envers Turkey dans le but, sous la menace, de le faire mentir pour dénoncer ses complices en échange de quoi il aurait la vie sauve), et a d'ailleurs valu aux auteurs des problèmes avec la censure, on peut facilement l'élargir à une dénonciation de la haine provenant de l'incompréhension envers des situations et des personnages hors-normes et qui dérangent l'ordre établi. Ici envers une maîtresse-femme non seulement propriétaire d'un établissement mais probablement complice de malversations, envers des jeunes ayant fait fortune sans qu'on sache d'où elle provient, envers des personnes tablant sur le progrès pour faire fortune, progrès qui au contraire marquerait la fin du règne des ranchers. Au travers de ce film, les deux auteurs ne se cachent pas avoir voulu faire une analogie entre l'Amérique de la fin du 19ème et celle de l'époque du tournage du film, dénonçant la pruderie, le puritanisme et la pudibonderie faisant naître la paranoïa et la haine de l'autre et notamment de ceux qui ne veulent pas entrer dans le moule. "Je dois dire que j'ai toujours été obsédé par le thème de Johnny Guitar : vous n'avez pas le droit de vivre ici, pour telle ou telle raison, aussi fichez le camp, sinon..." disait Philip Yordan ; nobles et simples intentions de départ qui ont trouvées leur écho dans la chasse aux sorcières ; d'où une vision possible du film en tant que parabole.

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Mais il serait vraiment dommage de ne résumer Johnny Guitar qu'à un film à thèse (au risque d'en faire fuir certains) sans mentionner par ailleurs sa très grande valeur en tant que spectacle formidablement divertissant. A tel point qu'on se rapproche par moments du Serial avec ces images de 'tunnel' sous la cascade, de passages souterrains partant du saloon pour ressortir dans la nature, de cabane perchée en haut d'une colline quasi inaccessible... Des décors presque surréalistes renforcés par l'utilisation du Trucolor, procédé photographique vite tombé en désuétude à cause de son rendu par trop saturé et encore plus irréaliste que le Technicolor, mais qui ici renforce l'atmosphère baroque, onirique, flamboyante et presque fantasmagorique du film (un "western rêvé" disait François Truffaut). L’étonnante fluidité de la narration, la richesse inouïe des thématiques brassées, la noblesse des intentions, la puissance des sentiments, l’exacerbation des passions, l'émotion à fleur de peau, l’atmosphère d’onirisme dégagée par la constante inventivité de la mise en scène font de Johnny Guitar non seulement un western unique mais un film unique qui, une fois qu’il aura réussi à vous captiver, ne vous lâchera plus, des images, des répliques et des mélodies allant probablement vous entêter pendant un bon moment ! Un sublime, fascinant et romantique poème d’amour fou qui se clôture sur un happy-end inoubliable : Que nous sommes heureux pour ce couple (enfin libéré de ce maelstrom de haine et de jalousies) qui va enfin pouvoir vivre en paix. Un chef-d'oeuvre !
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