Le Western américain : Parcours chronologique II 1950-1954

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jeremy Fox
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Ambush at Tomahawk Gap

Message par Jeremy Fox »

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Les Forbans du désert (Ambush at Tomahawk Gap - 1953) de Fred F. Sears
COLUMBIA


Avec John Hodiak, John Derek, Ray Teal, David Brian
Scénario : David Lang
Musique : sous la direction de Ross DiMaggio
Photographie : Henry Freulich (1.37 Technicolor)
Un film produit par Wallace MacDonald pour la Columbia


Sortie USA : 5 mai 1953


McCord (John Hodiak), Egan (David Brian), Doc (Ray Teal) et The Kid (John Derek), condamnés pour avoir attaqué une diligence contenant la paye de l’armée, ont fini de purger leur peine de cinq ans de prison à Yuma. A peine le temps de se désaltérer à Twin Forks où les autorités fédérales les ont laissé qu’ils doivent repartir, chassés par le shérif qui ne les veut pas dans sa ville d’autant qu’à peine arrivés McCord et Egan se sont violemment battus ; en effet McCord rêvait de ce combat depuis cinq ans, depuis qu’il s’était fait emprisonner pour couvrir le frère d’Egan alors qu’il n’avait rien à voir avec le hold-up. Entre temps Egan a été tué après avoir caché le magot dans la petite ville de Tomahawk Gap. Les quatre hors-la-loi s’y rendent pour essayer de retrouver le butin ; ils découvrent une ville fantôme et une région infestée d’Apaches belliqueux, indiens qui ont déjà croisé leurs routes et qui, après avoir tous été tués, leurs ont laissé sur les bras une captive de la tribu des Navajos (Maria Elena Marques). Beaucoup ne sortiront pas indemnes de cette chasse au trésor en territoire hostile…

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Film à très petit budget tourné en à peine une quinzaine de jours, Les Forbans du désert n’est certes pas un western mémorable mais il se sera néanmoins révélé très plaisant et très efficace, en tout cas bien plus acariâtre et violent que la plupart des westerns de série de cette époque. Le réalisateur en est Fred F. Sears qui, après avoir été enseignant, est arrivé à Hollywood où il a mené l’ensemble de sa carrière à la Columbia, d’abord comme dialoguiste puis comme acteur notamment dans les westerns de Charles Starrett ; c'est ce dernier qui lui permettra de faire ses premiers pas derrière la caméra dès 1949. Pour nous européens, pas grand-chose n’est resté de sa filmographie essentiellement composée de ses trois genres de prédilection, à savoir la comédie musicale (Rock Around the Clock, film qui met non seulement en scène Bill Haley mais également The Platters qui chantent ‘Only You’ parait-il pour la première fois à cette occasion), le fantastique et la science-fiction (The Werewolf, Les Soucoupes volantes attaquent), ainsi que le western au sein duquel il s'illustra à une quinzaine de reprises. Je ne vais pas vous mentir en vous disant connaitre d’autres de ses films mais une chose est certaine, à la vision de Les Forbans du désert, la minable réputation du cinéaste me semble un peu trop sévère et ce visionnage m’a en tout cas donné envie de découvrir d'autres de ses westerns. A bon entendeur...

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Le film narre les aventures d’une bande de quatre hors-la-loi ayant purgé leurs peines et qui partent à la recherche du magot qu’ils avaient dévalisé avant leurs cinq années d’incarcération. Au sein du groupe, McCord, un homme injustement accusé à l’époque suite aux faux témoignages des trois autres pour couvrir le frère de l’un d’entre eux qui avait alors pu s’échapper tranquillement. Les relations entre lui et ses compagnons de fortune s’avèrent ainsi logiquement très tendues, McCord estimant avoir droit à une part du butin pour le temps passé en prison alors qu'il n'avait absolument rien à se reprocher. McCord, c’est John Hodiak, comédien vilipendé par une majorité de critiques pour sa fadeur et qui s’avère pourtant ici tout à fait convaincant dans ce rôle d'homme certes innocent des actes répréhensibles pour lequel on l'a incriminé mais néanmoins brutal et intraitable. Il a d’ailleurs toujours été selon moi très à l’aise, que ce soit dans le rôle inhabituel du patron de Saloon romantique qui partait rêver devant une vallée paradisiaque dans le superbe Harvey Girls de George Sidney, tout aussi bon dans Embuscade (Ambush) de Sam Wood qu’en écossais ayant voulu vivre parmi les Indiens dans le sublime Au-delà du Missouri (Across the Wide Missouri) de William Wellman ; film dont il partagea d’ailleurs l'affiche avec la seule actrice du film de Sears, la mexicaine Maria Elena Marques, inoubliable dans le western élégiaque de Wellman en épouse de Clark Gable. Autre point commun entre les deux films, un personnage d’indienne ne prononçant quasiment aucun mots d’anglais, ce qui est assez original ici et là. Rappelons que John Hodiak décèdera prématurément d’une crise cardiaque à l’âge de 41 ans, soit deux ans après ce western.

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Le chef de groupe, c’est le plus antipathique de tous, Egan, interprété par l'imposant grand blond David Brian. Dès sa première apparition on le voit cracher sur la carriole qui vient de le déposer en ville, son visage haineux le rendant d’emblée assez inquiétant. Il n’évoluera guère tout du long, à la fois psychopathe et obsédé sexuel sans la moindre once d’amabilité. Déjà parfait en en chef de gang dans le jubilatoire Springfield Rifle (La Mission du Commandant Lex) de André de Toth, capable même de voler la vedette à Randolph Scott comme par exemple dans Fort Worth (La Furie du Texas) de Edwin L. Marin grâce à son personnage de méchant flamboyant, David Brian se révèle ici à nouveau convaincant même si son personnage est écrit à la serpe. Plus intéressantes les relations qui se tissent entre les deux derniers membres du gang, le vieux Doc et le jeune The Kid, le plus âgé ne cessant tout au long du film de conseiller à son cadet de ne pas poursuivre dans cette mauvaise voie, de se calmer et de ne provoquer personne afin de rester en vie. Amour filial ou amour homosexuel comme le laisse sous entendre François Guérif dans sa présentation du film sur le DVD Sidonis ? On peut effectivement se poser des questions. Quoiqu’il en soit, cette grande attention protectrice du vieil homme pour le plus jeune de la bande s’avère parfois assez touchant grâce surtout au toujours excellent Ray Teal (on l’a vu tourner avec presque tous les grands du western hollywoodien : Dwan, Ray, De Toth, Mann Curtiz, Boetticher…), le jeu de John Derek se révélant en revanche toujours aussi limité avec ses pénibles et perpétuels roulements d’yeux. Pour résumer, des personnages certes taillés à la serpe mais néanmoins consistants par leur solide caractérisation d’autant que la plupart des comédiens s’y coulent à merveille.

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Si le scénario manque de finesse et parfois même de rigueur -quelques idées feront lever les yeux aux maniaques de la crédibilité-, on ne peut pas dire qu’il n’en donne pas pour leur argent aux amateurs de suspense et d’action. Rudes bagarres à poings nus, brutales attaques d’indiens tout d’abord au sein du désert et ensuite -et longuement- dans la Ghost Town mise sans dessus dessous auparavant par les outlaws eux-mêmes afin de retrouver le butin… le film n’est pas en manque de mouvement. La violence s’avère même très inhabituelle pour un western de série de cette époque, les Fistfight étant teigneux, le sadisme s’invitant à plusieurs reprises, les coups de fusils dans le ventre à bout portant ou les enfoncements de lances et flèches faisant très mal, Fred F. Sears sachant utiliser avec force efficacité les brusques entrées dans le champ de ces armes de mort ou de ces figurants belliqueux d’ailleurs assez convaincants tout aussi bien par leur apparence que par leur habileté à tomber ou à se battre. Signalons également une chose que je n’avais encore jamais remarqué dans le genre, le bruit effroyablement puissant des flèches venant se ficher sur les façades en bois qui renforce encore la violence des combats. Malgré les moyens minimes accordés au film, on peut dire que les équipes techniques se sont bien débrouillées, aidées en cela par un très beau Technicolor –avec cette touche ‘virile maronnasse’ typique des westerns Columbia et faisant ressortir les quelques accessoires plus colorés-, un choix de thèmes musicaux assez bien appropriés même s’ils proviennent pour la plupart de scores pour de précédents westerns du studio –dont celui qui revient à de nombreuses reprises et que l’on entend dès le générique de début- et un réalisateur qui rythme assez bien son film. Parmi les quelques images marquantes, on se souviendra surtout de l’arrivée dans la ville fantôme alors qu’une tempête de vent et de sable fait rage et donne du mal à se mouvoir aux protagonistes. Mauvaise idée en revanche que ce flash back qui ne sert pas à grand-chose et qui est totalement redondant avec le monologue.

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Sorte de mélange entre La Ville abandonnée (Yellow Sky) de William Wellman et du Trésor de la Sierra Madre de John Huston, sans évidemment pouvoir se comparer avec ces deux chefs d’œuvres, Ambush at Tomahawk Gap n’en demeure pas moins un western sanglant et tendu qui mérite que l’on y jette plus qu'un œil par le fait de ne pas nous imposer de héros au sens littéral du terme, pour ses comédiens, son décor funeste, sa férocité singulière, la brutalité de ses séquences d’action ou encore le twist 'ironico-nihiliste' très hustonien de son dernier plan. Une plutôt bonne surprise qui confirme que la série B westernienne n’a pas fini de nous dévoiler ses probablement nombreux 'bons éléments' encore inconnus au bataillon !
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Re: Shane

Message par feb »

Jeremy Fox a écrit :Par contre, les floutés sur son visage ne sont pas du meilleur effet je trouve.
Oui c'est vrai surtout qu'ils contrastent trop fortement avec les plans sur Van Heflin ou Alan Ladd.
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Re: Shane

Message par Wagner »

Jeremy Fox a écrit : Puis, par la saveur poétique toute particulière de la somptueuse et saisissante photographie de Loyal Griggs (qui remporta à juste titre un Oscar), nous avons l’impression de nous retrouver à voir l’un de ses films pour enfants de Clarence Brown, tel que Jody et le faon (The Yearling). En effet, comme dans ce chef-d’œuvre, un Technicolor lumineux et magnifique nous laisse stupéfait : la beauté fulgurante de ces premiers plans de paysages aux cieux immenses et bleus, un élan venant s’abreuver dans une rivière limpide, est indiscutable. Un romantisme, un "rousseauisme" même, faussement naïf puisqu’il sera plus tard battu en brèche. Comme dans le magnifique film de Clarence Brown cité ci-dessus, l’enfant va devoir maintenant être confronté à la violence et à la mort.

Mort représentée par le personnage du tueur joué par Jack Palance, Wilson, le double maléfique de Shane
Une discussion mériterait d'être engagée là-dessus. Dès la première scène Joey s'affaire à faire semblant de tirer sur des animaux, ce qui ne ressort pas d'un comportement innocent au sein d'une nature édenique avec les lions qui composent avec les girafes. Au contraire la mort est présentée d'emblée comme une composante essentielle de l'environnement du personnage. La montagne ne renvoie pas seulement à une belle nature majestueuse, c'est d'abord un rappel du cycle de la vie qui intègre la mort dans son fonctionnement. La scène d'enterrement se déroule avec la montagne en arrière-plan alors que Joey s'affaire à regarder une jument nourrir son petit, rappel d'une terre qui donne et reprend et de l'idée que la mort fait partie de la vie. Tout cela est à mon sens posé dès la première scène du film. De la même manière Shane disparaît dans la montagne à la fin parce que son personnage appartient à une race destinée à disparaître afin qu'une nouvelle civilisation puisse s'installer.
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Re: Shane

Message par Jeremy Fox »

Wagner a écrit :
Jeremy Fox a écrit : Puis, par la saveur poétique toute particulière de la somptueuse et saisissante photographie de Loyal Griggs (qui remporta à juste titre un Oscar), nous avons l’impression de nous retrouver à voir l’un de ses films pour enfants de Clarence Brown, tel que Jody et le faon (The Yearling). En effet, comme dans ce chef-d’œuvre, un Technicolor lumineux et magnifique nous laisse stupéfait : la beauté fulgurante de ces premiers plans de paysages aux cieux immenses et bleus, un élan venant s’abreuver dans une rivière limpide, est indiscutable. Un romantisme, un "rousseauisme" même, faussement naïf puisqu’il sera plus tard battu en brèche. Comme dans le magnifique film de Clarence Brown cité ci-dessus, l’enfant va devoir maintenant être confronté à la violence et à la mort.

Mort représentée par le personnage du tueur joué par Jack Palance, Wilson, le double maléfique de Shane
Une discussion mériterait d'être engagée là-dessus. Dès la première scène Joey s'affaire à faire semblant de tirer sur des animaux, ce qui ne ressort pas d'un comportement innocent au sein d'une nature édenique avec les lions qui composent avec les girafes.
En même temps, on ne peut pas non plus parler de confrontation à la violence et à la mort ; tous les enfants ont joué à faire semblant de tirer au pistolet ou au fusil justement puisque leur comportement est encore innocent je suppose. Quant à la montagne, je ne l'ai jamais ressenti comme synonyme de mort mais pourquoi pas, ton raisonnement se tient aussi.

Quant à la scène finale, elle semble effectivement vouloir dire ce que tu énonces (ça ne fait même presque aucun doute) : il est révolu le temps des gunfighter, place à la civilisation. J'ai l'impression d'ailleurs, que comme Jeremy Fox, il part pour mourir, blessé à mort semble t'il.
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Re: Shane

Message par Wagner »

Jeremy Fox a écrit :En même temps, on ne peut pas non plus parler de confrontation à la violence et à la mort ; tous les enfants ont joué à faire semblant de tirer au pistolet ou au fusil justement puisque leur comportement est encore innocent je suppose. Quant à la montagne, je ne l'ai jamais ressenti comme synonyme de mort mais pourquoi pas, ton raisonnement se tient aussi.

La montagne est le symbole de la nature qui rappelle à elle l'homme au moment de sa mort, la macrocosme qui intègre le microcosme. Elle a également exactement cette signification dans la scène d'enterrement de Spencer's Mountain et Delmer Daves est encore plus explicite là-dessus avec un panoramique qui passe du cercueil à la montagne dans le lointain. Shane choisit pour sa part de conclure la scène d'enterrement par un plan (avec ponctuation dramatique de la musique) de la montagne au téléobjectif (une sorte de "gros plan" envahissant, qui signifie par la présence physique considérable donné à la montagne qu'elle est toujours là même lorsqu'on y pense pas) avant qu'on retrouve la ville et Jack Palance, le personnage qui a donné la mort.

S'agissant de Joey, je dirais que la première scène montre d'emblée sa fascination pour la violence qui n'ira que s'accentuant jusqu'à la crise de nerfs de sa mère qui voit son fils s'entêter dans ses jeux de mort avec son pistolet. Le film est donc assez habile dramatiquement en présentant dès les premiers plans toute sa thématique. Il n'y a pas d'incursion brutale de la mort qui sort d'on ne sait où, elle a toujours été là, comme la montagne.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par someone1600 »

Un film dont la reputation m avait decourager de le decouvrir. Ton avis me convainc du contraire.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par Jeremy Fox »

someone1600 a écrit :Un film dont la reputation m avait decourager de le decouvrir. Ton avis me convainc du contraire.
:o Il a une mauvaise réputation au Canada ? Car aux USA, c'est un des westerns les plus admirés.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par someone1600 »

plutot sur les forums ... donc souvent des forumeurs francais.
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Law and order

Message par Jeremy Fox »

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Quand la poudre parle (Law and order, 1953) de Nathan Juran
UNIVERSAL


Avec Ronald Reagan, Dorothy Malone, Preston Foster, Alex Nichol, Chubby Johnson, Dennis Weaver
Scénario : John et Gwen Bagni, D.D. Beauchamp
Musique : Joseph Gershenson
Photographie : Clifford Stine (Technicolor)
Un film produit par John W. Rogers pour la Universal


Sortie USA : 13 mai 1953


"Peu de motifs d’étonnement à priori au sein de cet agréable divertissement ; et pourtant il nous réserve quelques petites surprises scénaristiques [...] Si la mise en scène de Nathan Juran ne fait pas d’éclats particuliers, elle demeure néanmoins fonctionnelle et s’avère même parfois assez efficace notamment lors des scènes d’action [...] Une histoire qui se tient bien avec le mélange idéal de romance, d’humour (dans les dialogues surtout) et d’action se terminant par un traditionnel happy end, un bon score ainsi qu’un casting une fois encore parfaitement bien choisi pour au final un honnête divertissement, certes routinier mais sacrément plaisant." Voici ce que j'écrivais il y a quelques semaines à propos de Gunsmoke (Le tueur du Montana), le précédent western signé Nathan Juran, sorti sur les écrans américains seulement trois mois auparavant. On pourrait réécrire mot pour mot la même chose concernant Law and Order, western encore plus réussi.

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1882. Après une longue poursuite, le Marshall Frame Johnson (Ronald Reagan) parvient à arrêter l’assassin Durango Kid qu’il ramène à Tombstone pour qu’il y soit jugé équitablement. La population préfèrerait cependant un lynchage immédiat ; Frame ne se sentant plus en phase avec les habitants de la ville, qui n’ont pas l’air d’apprécier la paix qui y règne, décide de partir avec ses frères Lute (Alex Nichol) et Jimmy (Russell Johnson) pour s’occuper d’un ranch dans une ville nommé Cottonwood. Jeannie (Dorothy Malone), sa bien-aimée, tenancière d’un saloon, devra l’y rejoindre quand leur futur havre de paix sera retapé. Mais Cottonwood est sous la coupe de Kurt Durling (Preston Foster), un voleur de bétail et de chevaux qui a réussi à corrompre même le shérif et qui avait déjà eu maille à partir avec Frame quelques années plus tôt. Le juge et quelques honnêtes notables prient Frame de reprendre sa fonction de Marshall mais il refuse préférant désormais sa tranquillité. Son frère Lute en revanche accepte la proposition mais sera tué peu de temps après alors que dans le même temps son frère Jimmy est accusé de meurtre. Malgré sa répugnance à reprendre du service, il se sent pourtant dans l’obligation de le faire et son premier décret est d’interdire le port des armes dans l’enceinte de la ville. Ce qui n’est pas du goût de tout le monde…

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Ceux qui auraient pensé que le personnage du Marshall Frame ressemblait par bien des points à Wyatt Earp ne ne sont pas trompés de beaucoup. Mais revenons en arrière ! Générique traditionnel sur un beau thème musical dans la lignée de ceux signés Herman Stein ou Hans J. Salter. Un cavalier en suit un autre au sein de magnifiques paysages désertiques (les mêmes qui accueilleront un final tout aussi réussi au milieu des rochers). Après avoir rattrapé un meurtrier suite à une efficace scène de bagarre, le Marshall Frame s’arrête avec son prisonnier devant la pancarte indiquant l’entrée de la ville dont il a en charge de faire respecter la loi. Dessus est indiquée "Vous êtes à Tombstone où l’ordre règne. Ici reposent ceux qui pensaient le contraire". Travelling latéral qui découvre derrière la pancarte un morceau de terre jonché de tombes.

Durango (le bandit) : - Les gens sont durs à convaincre par ici.
Frame (le shérif) - Ou alors ils ne savent pas lire.
Durango - Vous les avez tous descendus ?
Frame - Seulement ceux que l’on n’a pas pendus !
Durango - Ca ne laisse pas grand choix. Pourquoi ne pas m’avoir descendu ?
Frame - Je suis là pour faire régner l’ordre, pas pour tuer.
Durango - Ici on dirait que c’est la même chose.
Frame - Vous avez au moins la satisfaction d’être pendu dans la légalité.
Durango - C’est à vous que ça donne satisfaction. De toute façon il n’y a pas d’autres issues que la mort.

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Voilà le premier échange de dialogue entre l’assassin et le shérif qui donne un peu le ton de ce western de série mené tambour battant et avec un très grand professionnalisme par un Nathan Juran plutôt inspiré et diablement efficace. Les dialogues parfois assez piquants (surtout dans la bouche de Chubby Johnson) viennent rajouter au plaisir que les seuls "fondus" du genre pourront prendre à ce western qui se révèle être avant tout un véhicule pour Ronald Reagan, ce dernier ne faisant néanmoins pas d'ombre au reste du casting une nouvelle fois parfaitement bien choisi par les équipes Universal. Car si les non-amateurs s'y ennuieront ferme, le décorum et le style Universal ont encore eu raison de mon objectivité ; résultat, j'ai pris un immense plaisir devant ce petit western de série B. Les héros ont de la prestance et de la répartie : ils auraient pu faire un défilé de mode avec leurs chemises ne faisant pas un pli, colorées et rutilantes, leurs chapeaux classieux ; les femmes sont charmantes et, qui plus est, splendidement maquillées et vêtues ; les 'Bad Guy' ont la gueule de l'emploi et se révèlent cruels à souhait ; les intérieurs sont coquets avec même rideaux vichy aux fenêtres ; les paysages sont magnifiques ; et une fois encore, aucune utilisation de transparences ne vient gâcher notre plaisir. Rien que de l'humour (à petite dose et uniquement au sein de punchlines réjouissantes), de l'action, de la romance et du drame : il est parfois fort agréable de se contenter de si peu notamment lorsque tout ceci concocté avec autant de sérieux.

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W.R. Burnett, l’auteur du célèbre 'Little Caesar' adapté par Mervyn LeRoy en 1931 avec James Cagney, est également celui de 'Saint Johnson' dont deux adaptations virent le jour avant le western de Nathan Juran, toutes deux déjà avec comme titre original Law and Order ; par Edward L. Cahn en 1932 puis par Ray Taylor en 1940, avec respectivement Walter Huston puis Johnny Mack Brown en Frame Johnson. Dans 50 ans de cinéma américain, Tavernier et Coursodon parlent à propos du film qui nous concerne de "remake honteux" ; j’avoue ne pas très bien comprendre ce qui les a poussés à dire ceci n’ayant pas eu l’occasion de voir les versions précédentes mais une chose est certaine, le film n’a rien de honteux en lui-même ; il s’agit d’un western de routine comme tant d’autres mais pas pire que bon nombre d’entre eux et même bien plus agréable que certains classique. Il s'agit du troisième film du réalisateur dont les titres de gloire seront les célèbres 7ème voyage de Sinbad et Jack le tueur de géants, qui doivent d’ailleurs bien plus à leurs effets spéciaux (Ray Harryhausen pour le premier) qu’à la qualité de leur mise en scène. Nathan Juran n'est peut-être qu'un artisan mais un solide artisan, ce qui peut donner des choses bien agréable : la preuve !

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Ne nous attendons donc à rien d’extraordinaire : c’est conventionnel, bourré de clichés, sans aucun éclair de génie mais c’est du travail très bien fait. Nous pourrions en dire de même de l’interprétation de Ronald Reagan : aucune raison de sauter au plafond mais une certaine présence et une stature qui faisait de lui un cow-boy tout à fait crédible, dans la lignée de ceux interprétés par Randolph Scott, un personnage à la fois rigide et déterminé mais profondément humain. Il en va de même ici où il campe une sorte de Wyatt Earp allant être une nouvelle fois obligé d’épingler son étoile pour aller nettoyer la ville dans laquelle il voudrait s’établir dans le calme avec sa dulcinée. Comme nous le disions d'emblée, beaucoup de points communs avec Wyatt Earp à commencer par la première ville dans laquelle on le voit avec ses frères (2 au lieu de 3), la fameuse Tombstone (où aura lieu le Gunfight de OK Corral), sa décision d'interdire les armes à feu au sein de la ville... "Ce n’est pas aujourd’hui que je vais instaurer la tradition du lynchage" dira-t-il en s’opposant ainsi à la population entière de la ville qui voudrait des méthodes plus expéditives. Voyant que les voies légales n’intéressent pas ses concitoyens, il jettera l’éponge dans un premier temps : "Je suis fatigué de vouloir donner ce que personne ne semble vouloir", à savoir le calme et la paix. Nous sommes donc assez éloignés de l’image qu’on se fait habituellement de Ronald Reagan aspirant ici plus à la fastidieuse vie de fermier qu’à la violence ("J'en ai marre de tuer"). Pour redonner confiance à ses concitoyens, il ira jusqu'à poursuivre son propre frère accusé de meurtre pour le livrer à la justice. Lui même ne sera pas le responsable direct des morts qui tomberont lors de ces conflits pour faire rétablir la paix.

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Dorothy Malone joue les utilités mais elle est parfaitement bien mise en valeur, demeure toujours aussi belle et se révèle attachante lorsqu’elle déclare sa flamme à son partenaire d'une manière assez originale ('You're big and you're ugly and you're stupid, and I happen to be in love with you.') ; le couple qu'elle forme avec Ronald Reagan s'avère plutôt convainquant. En revanche, Miss "New Jersey 1952", Ruth Hampton, si elle possède des atouts non négligeables, ce n’est pas dans son jeu d’actrice qu’on les trouvera (c'est d'autant plus dommage que c'était Susan Cabot qui avait été sollicité au départ) ! Le reste de la distribution s'avère avoir été recrutée avec perfection : Preston Foster est un méchant qui a de l’allure, Dennis Weaver a une belle gueule de salaud et Alex Nicol possède beaucoup de classe, aussi à l'aise lorsqu'il s'agit de jouer les massacreurs (Tomahawk) que dans la peau d'un homme de loi comme il l'est ici, comme il l'était déjà dans The Redhead of Wyoming aux côtés de Maureen O'Hara. Quant à Chubby Johnson, il est égal à lui-même dans la peau de ce croque-mort à la recherche de clients (on se croirait dans Lucky Luke)

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Quelques autres raisons de se réjouir : une très belle photo en Technicolor, un montage incisif, une très bonne partition dont certains thèmes auraient été écrits par Henry Mancini, une belle course poursuite finale entre les deux frères aux milieu de paysages rocailleux et désertiques, un appel à la non violence de la part de l'acteur Reagan ainsi que des détails et images rétrospectivement assez cocasses de ce dernier se faisant traiter de froussard, essuyant la vaisselle ou encollant un lai de tapisserie. Sans oublier une mise en scène qui réserve quelques très beaux cadrages ou mouvements de caméra comme celui qui suit un couple en un panoramique à 180° filmé de derrière un bosquet. Le côté positif de ce type de films est que nous les oublions aussi vite que nous les avons visionné et que, de ce fait, il n’est pas déplaisant de les revoir la semaine suivante d’un œil presque neuf. Prévisible et sans surprises mais bougrement agréable, Nathan Juran sachant se contenter d'un faible budget sans que ça ne se remarque trop. De la série B comme je l'aime !
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par Lord Henry »

une très bonne partition dont certains thèmes auraient été écrits par Henry Mancini,
Notamment, le générique.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par Jeremy Fox »

Lord Henry a écrit :
une très bonne partition dont certains thèmes auraient été écrits par Henry Mancini,
Notamment, le générique.
Merci :)

Et bien si on a beaucoup de mal à reconnaître son style, le thème est néanmoins vraiment très bon, dans la lignée de ce qu'ont fait de mieux les compositeurs de la Universal dans le domaine du western.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par Flavia »

Très bonne critique comme d'habitude :) j'ai beaucoup de mal avec Ronald Reagan acteur :|
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par Jeremy Fox »

Flavia a écrit :Très bonne critique comme d'habitude :) j'ai beaucoup de mal avec Ronald Reagan acteur :|

Quand tu auras vu Kings Row de Sam Wood ou Le mariage est pour demain de Allan Dwan, peut-être changeras tu d'avis :)
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par feb »

J'ai bien apprécié l'acteur dans The Killers ou encore dans Cattle Queen of Montana....même si je pense que pour ce dernier il pourrait y avoir n'importe qui en face de Barbara, ça ne changerait rien :oops: :mrgreen:
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par Flavia »

Jeremy Fox a écrit :
Flavia a écrit :Très bonne critique comme d'habitude :) j'ai beaucoup de mal avec Ronald Reagan acteur :|

Quand tu auras vu Kings Row de Sam Wood ou Le mariage est pour demain de Allan Dwan, peut-être changeras tu d'avis :)
Vu le casting de Kings Row ça donne envie, si ce film est diffusé un jour, je suivrai ton conseil. :)
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