Le Western américain : Parcours chronologique II 1950-1954

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

villag
Accessoiriste
Messages : 1944
Inscription : 24 févr. 08, 09:48
Localisation : la rochelle

Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par villag »

Du même Douglas, on attend tjs en z2 :ONLY THE VALIANT ( Fort invincible ) .....!
F d F ( Fan de Ford )
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99431
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par Jeremy Fox »

villag a écrit :Du même Douglas, on attend tjs en z2 :ONLY THE VALIANT ( Fort invincible ) .....!
Tiens, d'ailleurs, après Raton pass, ce sera ma prochaine critique probablement ici même la semaine prochaine :wink:
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99431
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Raton Pass

Message par Jeremy Fox »

Image

Raton Pass (1951) de Edwin L. Marin
WARNER



Avec Steve Cochran, Patricia Neal, Dennis Morgan, Scott Forbes, Dorothy Hart, Basil Ruysdael
Scénario : Thomas W. Blackburn, James R. Webb
Musique : Max Steiner
Photographie : Wilfred M. Cline
Une production Saul Elkins pour la Warner


Sortie USA : 07 avril 1951

Avec Raton Pass, la Warner a sans doute souhaité marcher sur les plates bandes de la Paramount et de ses Furies sorti l’année précédente mais ne s’est malheureusement pas donné les moyens pour pouvoir sincèrement rivaliser avec l’excellent mélodrame westernien d’Anthony Mann. Sans même vouloir faire aussi bien, le studio au W était-il obligé une fois encore de tomber dans tous les travers qu’on lui reproche depuis ces deux dernières années quant il s’agit de western ? Pourquoi ce prologue pontifiant et déjà vu 1500 fois qui n’a de plus pas grand-chose à voir avec l’intrigue ? Pourquoi sous prétexte d’avoir Dennis Morgan sous les mains l’obliger à pousser la chansonnette alors que le ton du film est on ne peut plus noir ? Pourquoi lors des chevauchées faire des gros plans sur les acteurs principaux qui seront alors obligatoirement filmés devant des transparences hideuses ? Mais au vu du duo de scénaristes, on aurait pu s’attendre à bien pire ; en effet, individuellement, ils avaient déjà été les auteurs de deux des plus mauvais westerns vus jusqu’ici, Montana pour James R. Webb et Sugarfoot pour Thomas W. Blackburn. Contrairement à ces derniers, Raton Pass s’avère néanmoins plutôt plaisant à défaut de bon !

Image
En 1880, au Nouveau Mexique, deux familles se disputent les terres autour de la ville de Raton. D’un côté les Pozner, de l’autre, bien plus puissants, les Challon. Le patriarche des Challon (Basil Ruysdael) vient justement d’inviter les Pozner à les rencontrer dans un endroit neutre (en l’occurrence le saloon) car il souhaite leur acheter un nouveau bout de terrain ; ayant besoin d’argent et pouvant difficilement aller à son encontre, les Pozner acceptent. C’est à ce moment qu’arrive en diligence l’ambitieuse Ann (Patricia Neal) ayant fait le voyage avec un homme que l’on accueille avec une extrême froideur dans cette ville, un tireur d’élite nommé Van Cleave (Steve Cochran). Ann qui cherche à se faire une place comprend tout de suite où se situe son intérêt et se jette immédiatement à la tête de l’héritier des Challon, le souriant Marc (Dennis Morgan). Il ne lui faut pas longtemps pour se faire épouser et se faire donner en dot par beau papa la moitié du ranch. Quand son époux ramène à la maison Prentice (Scott Forbes), banquier et propriétaire d’une ligne de chemin de fer, dans le but de lui demander un financement pour un projet d’irrigation, imaginez les yeux remplis de convoitise de la jolie Ann devant un homme encore plus riche que son tout nouveau mari et devinez si elle ne va se lancer dans de nouvelles roucoulades ! Ca ne manque pas ; de retour d’un convoyage de bétail, Marc tombe nez à nez avec sa femme qui se trouve blottie entre les bras de Prentice. La femme adultère ne se démonte pas et propose à son mari de lui racheter sa part du ranch avec l’aide financière de Prentice. Marc accepte mais c’est pour mieux se venger par la suite en demandant de l'aide pour se faire à la famille Pozner. Quant à Ann, elle compte bien faire place nette de tous ceux qui se mettront en travers de son chemin ; dans ce but, elle décide de louer les services de son compagnon de voyage, l’inquiétant Van Cleave…

Image
Tout comme celui de The Furies d’Anthony Mann, pas facile à raconter ce script assez dense sur le papier (mais trop superficiel et vite expédié en réalité). N’a encore même pas eu le temps d’être évoqué le personnage de la nièce des Pozner qui n’a d’yeux que pour l’héritier de la famille adverse, interprété par la charmante Dorothy Hart (déjà croisée ici dans les sympathiques La Vallée Maudite – Gunfighters de George Waggner et La Fille des Prairies – Sam Bass and Calamity Jane de George Sherman). Encore un scénario mélangeant drame familial, tragédie passionnelle, mettant en scène des personnages avides et cupides, ambitieux au point de tout écraser sous leur passage aux côtés d’autres plus blancs, presque idéalistes comme la mexicaine jouée par Dorothy Hart justement. Malheureusement, que ce soient les uns ou les autres, ils n’ont pas été écrits avec nuance et ne subissent que très peu d’évolution tout du long. La méchanceté de certains personnages aurait pu être réjouissante si elle avait été tempérée et crédible ; si Steve Cochran (L’enfer est à lui – White Heat de Raoul Walsh) est très convaincant en tueur sans état d’âme, on a du mal à imaginer que Patricia Neal puisse être ce monstre famélique et égocentrique. On se serait plutôt attendu à trouver Barbara Stanwyck ou Bette Davis mais quoi qu’il en soit, deux ans après son inoubliable prestation dans Le Rebelle (The Fountainhead) de King Vidor, Mme Gary Cooper se révèle quand même à nouveau très talentueuse même si son personnage a été écrit à la truelle. Je regrette néanmoins qu’Eleanor Parker n’ait pas accepté le rôle qui lui avait été dévolu ; la voir en femme fatale impitoyable m’aurait sacrément intéressé. Basil Ruysdael se tire parfaitement de son rôle de patriarche tout à la fois féroce et droit, loin des Cattle Baron inhumains que l’on avait plus l’habitude de voir. Quant à Dennis Morgan, moins irrésistible que dans Cheyenne de Raoul Walsh, il fait cependant bonne figure mais un peu en deçà de ses partenaires.

Image
Bref, c’est bien joué, l’histoire est assez captivante mais menée trop rapidement pour qu’on ait le temps de s’attacher aux personnages et surtout peu mise en valeur par une mise en scène sans souffle ni ampleur ; on se situe à cent lieues de King Vidor ou d’Anthony Mann mais on s’en serait douté, Edwin L. Marin n’ayant jusqu’ici jamais brillé par son talent même si étant à l’origine de quelques films assez sympathiques (nous ferons le bilan lorsque nous aborderons son ultime opus). Raton Pass sera effectivement son avant dernier film, le cinéaste décédant quelques mois après la sortie de celui-ci, avant même que son ultime western ne fasse son apparition sur les écrans. Même si dans l’ensemble la réalisation de Edwin L. Marin s’avère assez plate, Raton Pass se situe quand même dans une honnête moyenne (cent coudées au dessus de Sugarfoot par exemple), le réalisateur se lâchant de temps à autre par l’intermédiaire de beaux mouvements de caméra notamment sur le visage de son actrice principale. Mais c’est surtout à Max Steiner que nous devons au film de se hisser lors de quelques séquences à des niveaux auxquels on ne l’attendait pas ; en effet, l’immense compositeur nous ayant donné quelques dizaines de chefs-d’œuvre durant les années 30 et 40 s’était un peu endormi sur ses lauriers ses derniers temps signant coup sur coup de multiples partitions sans intérêts ; la musique qu’il a composé pour ce western nous redonne de l’espoir, notamment le thème affecté à Patricia Neal.

Image

Sur une intrigue au départ plutôt fascinante et prometteuse, le film de Marin se contente d’avancer sans se soucier de psychologie au risque de ne pas nous faire adhérer à ses protagonistes. Même si plus il se déroule plus il perd de son intérêt et de son imprévisibilité, ce western aura eu le mérite de nous offrir une de ces rocambolesques et dramatiques histoires familiales dont beaucoup de spectateurs sont friands. Ca ne manque pas d’action ni de fusillades, de coups bas ni de retournements de situations mais tout ceci reste bien trop sage, le studio ayant à priori voulu que son film ne s'éloigne pas trop de la convention. Si on ne cherche pas à le comparer à Duel au Soleil ou à The Furies, on pourra suivre le film sans ennui ; si en revanche on a encore ses deux films en tête, c’est peine perdue. Pas mauvais cependant, juste trop banal et trop fade.
daniel gregg
Producteur Exécutif
Messages : 7030
Inscription : 23 févr. 04, 23:31

Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par daniel gregg »

Oui, c'est vrai que ce portrait de femme arriviste, coûte que coûte est séduisant, mais si, comme tu le dis, le scénario est gringalet, c'est dommage.
A suivre le Gordon Douglas : miam !
Lord Henry
A mes délires
Messages : 9466
Inscription : 3 janv. 04, 01:49
Localisation : 17 Paseo Verde

Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par Lord Henry »

C'est quand même curieux de retrouver Patricia Neal ici, après ses débuts chez King Vidor. Fort heureusement, 1950, c'est aussi l'année du formidable Breaking Point de Michael Curtiz. Au bout du compte, Hollywood sera passé à côté de l'actrice, une personnalité un peu trop forte dont on ne sut pas réellement quoi faire, et l'actrice elle-même a fini par trouver plus de satisfactions sur les planches. Après, malheureusement, ses problèmes de santé ont pris le relais.
Image
daniel gregg
Producteur Exécutif
Messages : 7030
Inscription : 23 févr. 04, 23:31

Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par daniel gregg »

Lord Henry a écrit :C'est quand même curieux de retrouver Patricia Neal ici, après ses débuts chez King Vidor. Fort heureusement, 1950, c'est aussi l'année du formidable Breaking Point de Michael Curtiz. Au bout du compte, Hollywood sera passé à côté de l'actrice, une personnalité un peu trop forte dont on ne sut pas réellement quoi faire, et l'actrice elle-même a fini par trouver plus de satisfactions sur les planches. Après, malheureusement, ses problèmes de santé ont pris le relais.
D'ailleurs, il vaut quoi ce Douglas Sirk : Week end with father, avec Van Heflin, qu'elle tourna la même année que ce western de Marin ?
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99431
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par Jeremy Fox »

Lord Henry a écrit :Au bout du compte, Hollywood sera passé à côté de l'actrice.
Je trouve aussi ; elle aura quand même eu d'autres rôles marquants ; dans Hud de Martin Ritt, je l'ai trouvé extraordinaire.
Lord Henry
A mes délires
Messages : 9466
Inscription : 3 janv. 04, 01:49
Localisation : 17 Paseo Verde

Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par Lord Henry »

Elle est aussi extraordinaire dans le Kazan, un film prémonitoire s'il en fût:

Image
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99431
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par Jeremy Fox »

C'est peut-être son physique un peu particulier qui a fait reculer certains producteurs et cinéastes.
Julien Léonard
Duke forever
Messages : 11824
Inscription : 29 nov. 03, 21:18
Localisation : Hollywood

Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par Julien Léonard »

Même banal, j'avoue être tenté par ce western. Je le mets sur ma liste d'attentes, au cas où il sortirait. L'actrice est très belle. :oops:
Image
Lord Henry
A mes délires
Messages : 9466
Inscription : 3 janv. 04, 01:49
Localisation : 17 Paseo Verde

Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par Lord Henry »

Jeremy Fox a écrit :C'est peut-être son physique un peu particulier qui a fait reculer certains producteurs et cinéastes.
Il faut dire aussi que l'échec cuisant du Rebelle a plombé son début de carrière. Le film reposait en partie sur ses épaules et il était censé l'installer d'emblée au rang de star. Il est probable que le studio ait perdu confiance en elle.
Image
O'Malley
Monteur
Messages : 4579
Inscription : 20 mai 03, 16:41

Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par O'Malley »

Lord Henry a écrit :
Jeremy Fox a écrit :C'est peut-être son physique un peu particulier qui a fait reculer certains producteurs et cinéastes.
Il faut dire aussi que l'échec cuisant du Rebelle a plombé son début de carrière. Le film reposait en partie sur ses épaules et il était censé l'installer d'emblée au rang de star. Il est probable que le studio ait perdu confiance en elle.
En effet, car cette même année 1951, elle a aussi tourné Opération dans le Pacifique avec John Wayne qui reste un film de guerre très dispensable... Ceci explique sûrement son départ pour la Fox tout de suite après.

Pour en revenir à Raton Pass, je rejoins l'analyse de Jeremy Fox mais en étant un peu plus sévère. J'avais trouvé ce western vraiment médiocre. Le film commence sur une intrigue qui s'avère prometteuse avec ce personnage de femme forte, ambitieuse et amorale mais je me rappelle surtout d'une seconde partie laborieuse qui enchaîne les gunfights sans trop d'intérêt et sans aucun soucis de dramaturgie... J'avais failli arrêter avant la fin...

Sinon, Steve Cochran était en effet un très bon acteur, le meilleur jeune premier estampillé fifties de la Warner à mon goût, bien plus intéressant que les fades Jeffrey Hunter, Tab Hunter ou Troy Donahue... Il n'hésitait pas à jouer des personnages ambigus, voir franchement antipathiques. Mention spéciale à sa prestaton de salaud dans Storm Warning de Stuart Heisler
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99431
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par Jeremy Fox »

O'Malley a écrit :. Mention spéciale à sa prestaton de salaud dans Storm Warning de Stuart Heisler
Ah oui exact ; très bon, comme le film d'ailleurs.
someone1600
Euphémiste
Messages : 8853
Inscription : 14 avr. 05, 20:28
Localisation : Québec

Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par someone1600 »

C'est vrai qu'a premiere vu, le scénario a l'air intéressant... enfin bon, j'ai un enregistrement TCM du film, je regarderai bien un jour... lol. :wink:
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99431
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Only the Valiant

Message par Jeremy Fox »

Image

Fort Invincible (Only the Valiant, 1951) de Gordon Douglas
WARNER



Avec Gregory Peck, Ward Bond, Barbara Payton, Gig Young, Lon Chaney Jr, Neville Brand, Jeff Corey, Steve Brodie
Scénario : Edmund N. North & Harry Brown
Musique : Franz Waxman
Photographie : Lionel Lindon
Une production William Cagney pour la Warner


Sortie USA : 13 avril 1951


Quatrième western de Gordon Douglas, Only The Valiant atterrit dans les salles de cinéma américaines seulement une semaine après Les Rebelles du Missouri (The Great Missouri Raid) du même réalisateur. Après avoir évoqué quelques années de la vie aventureuse de célèbres hors-la-loi (en l’occurrence les frères James), le cinéaste s’essaie au western de cavalerie, sous-genre né seulement trois années auparavant avec Fort Apache de John Ford et qui commençait sérieusement à fleurir en ce début de décennie. Avec Rio Grande, Ford venait de mettre un terme à son indispensable et insurpassable trilogie ; les autres pouvaient désormais s’y engouffrer, presque tous les grands spécialistes du genre allant en tâter un jour ou l’autre. Si la première demi-heure de Only the Valiant est assez traditionnelle, nous plongeant dans la description du petit monde d’une garnison à la fin du 19ème siècle tout en narrant la situation conflictuelle entre l’armée américaine et la nation indienne (comme l’avaient déjà fait John Ford justement ou Sam Wood au travers du très bon Embuscade), la seconde partie est plus originale, sorte de huis-clos en plein air comme l’avait été l’année précédente La Révolte des Dieux Rouges (Rocky Mountain) de William Keighley. Seulement, même si le film de Gordon Douglas s’avère un peu plus captivant que ce dernier, on pourrait néanmoins lui faire en gros les mêmes reproches. Avant de les exposer, attardons nous deux minutes sur le pitch du film.

Image
Au Nouveau-Mexique dans le dernier quart du 19ème siècle, un détachement de soldats arrive à Fort Invincible situé à la sortie d’un passage fréquemment utilisé par les Apaches lorsqu’ils décident de partir pour des raids meurtriers. Le bastion vient d’être mis à sac et brûlé, tous ceux qui s’y trouvaient, massacrés. Mais Tuscos, le chef indien est fait prisonnier par le Capitaine Richard Lance (Gregory Peck) qui, obéissant aux ordres de ses supérieurs au lieu d’écouter les conseils de l’éclaireur Joe Harmony (Jeff Corey), décide de le conduire à Fort Winston. En arrivant là-bas, le Colonel Drumm avoue à Lance qu’il aurait préféré voir le prisonnier mort car il craint maintenant que les Apaches viennent délivrer leur chef et qu’ils ne trouvent qu’une faible résistance, l’effectif des Tuniques Bleues étant limité à l’intérieur de ce fortin. Il prend alors la décision de faire conduire Tuscos dans une forteresse mieux défendue ; mais l’escadron chargé du ‘transfert’, commandé par le lieutenant Holloway (Gig Young), se fait décimer en cours de route. A Fort Winston, tout le monde fait reposer cette tragédie sur les épaules de Lance y compris la femme dont ce dernier est amoureux ; cette dernière croit en effet que c’est Lance qui a choisi Holloway pour commander la troupe dans l’intention d’éliminer son rival. Dénigré par tous, haï par ses hommes, il décide pour retrouver une certaine aura de monter une mission suicide : dans l’attente de 400 hommes en renfort, aller surveiller la passe située aux abords de Fort Invincible pour empêcher les indiens de repartir à l’attaque. Il établit une liste de six soldats qui devront l’accompagner ; il choisit les hommes qui le détestent le plus, la lie de l’escadron composée de soudards, poltrons, psychopathes en tous genres…

Image
La première partie débute d’une manière fulgurante par de puissantes images du fort venant d’être pillé par les Indiens ; un soldat fiché par des flèches sur la porte d’entrée, un autre couché au milieu des flammes transpercé par une lance… Puis le scénariste ne tarde pas à nous brosser un portrait assez passionnant de l’officier qui commande l’escouade, le Capitaine Lance interprété par Gregory Peck qui a étrangement toujours affirmé qu’il s’agissait de son plus mauvais rôle. Refusant d’écouter l’éclaireur qui lui demande de tuer le chef indien, ce qui ferait selon lui cesser définitivement les combats, Lance, ne voulant pas désobéir aux injonctions de ses supérieurs, refuse au risque d’envenimer la situation. Très à cheval sur les principes et la discipline, il ne veut pas non plus quitter le fortin sans que ses hommes aient tout remis en ordre ; une excessive maniaquerie qui fait monter la colère chez ses soldats. De retour au fort Winston, il se fait réprimander par son supérieur qui lui explique qu’il ne faut pas être aussi obtus et que certains ordres ne doivent pas être suivis à la lettre si on estime qu’ils provoqueront plus de mal que de bien. Lance écoute mais ne 'moufte' pas et ne réplique rien ; tout comme lors de cette superbe séquence au cours de laquelle il veut s’expliquer à la femme qu’il aime qui croit qu’il a expressément envoyé son rival à la mort. Nous spectateurs savons qu’il n’en est rien et il nous est assez difficile de le voir se faire admonester par la jolie Barbara Payton sans qu’elle ne lui laisse la parole une seule seconde ; voyant qu’il n’arrivera pas à se faire entendre, il tourne les talons et sort de la pièce sans se retourner. A ce moment là, ayant également assisté à son dénigrement par ses propres hommes de troupe, on commence à le prendre en pitié même si on lui reconnait dans le même temps les torts exposés ci-avant dus à une trop grande rigidité. Lance, par sa raideur et son respect trop poussé des coutumes militaires, pourrait s'apparenter au personnage de Thursday (Henry Fonda dans Fort Apache) mais contrairement à ce dernier très compétent ; un personnage avec ses défauts et faiblesses, un officier de cavalerie richement décrit et finalement très attachant. Certains trouveront Gregory Peck assez terne ; j’estime au contraire qu’il n’en finit pas de nous dévoiler un certain charisme à travers la sobriété de son jeu. Dans la peau de cet officier impopulaire, il me semble ici parfait tout comme dans n'importe quel autre de ses films. Un immense acteur !

Image
Trois excellents premiers quarts d’heure parfaitement bien écrits même s’ils se révèlent sans grande surprise. Et paradoxalement, le bât blesse dès la plus originale seconde partie qui pourrait avoir été le modèle des futurs films de commandos dont le plus justement célèbre sera Les Douze Salopards (The Dirty Dozen) de Robert Aldrich. Pour l’accompagner lors de sa mission suicide, Lance recrute des fortes têtes (blasés, lâches, ivrognes, déserteurs, meurtriers, violents, racistes…) qui tous pour diverses raisons souhaiteraient le voir mort et qui tous arrivent dans cette forteresse où ils vont rester cloitrés jusqu’à la fin du film dans une ambiance on ne peut plus crispante. Une ‘portion théâtrale’ au sein d’un film se devrait au moins de disposer de protagonistes fastueusement croqués, de leur faire subir une intéressante évolution psychologique, de leur mettre en bouche de percutants (ou tout simplement bons) dialogues pour arriver à passionner le spectateur qui se trouve enfermé à leurs côtés qui plus est dans un décor de carton-pâte assez cheap. Mais contrairement au personnage de Lance, les autres soldats seront dessinés à la hache, sans nuances, tout comme les indiens d’ailleurs. La meilleure façon de faire de ces derniers des ennemis implacables et inquiétants aurait peut-être été de ne jamais les montrer comme l’avait fait Raoul Walsh dans Aventures en Birmanie (Objective Burma) qui possède d’ailleurs plus d’un point commun avec le western de Gordon Douglas ; au contraire, dans Fort Invincible, non seulement on les voit mais ils sont presque tous interprétés par des blancs assez mal grimés ce qui les rend caricaturaux et leur fait perdre de la vraisemblance. Pour en revenir aux soldats, certes les acteurs sont bien choisis, certes Ben Johnson est fabuleux dans le rôle de cette grande gueule dont le whisky est la passion première, certes Lon Chaney Jr a une trogne pas possible (mais quel vilain cabotinage le concernant), mais nous aurions aimé que leurs personnages aient été plus ‘dégrossis’ à l’écriture. Et puis le scénario devient lui aussi assez schématique à l’image de la scène la plus célèbre, celle ou Lance va réunir ses homme et leur dire chacun leur tour le motif de leur enrôlement pour cette dangereuse besogne. Enfin, alors que l’ambiance plantée avait réussie à être extrêmement tendue, alors que le cinéaste était arrivé à nous tenir en haleine, notamment lors d’une séquence d’attente et d’attaque nocturne qui n’a presque rien à envier au film de Walsh suscité, voilà que les scénaristes se mettent à nous proposer des séquences assez grotesques qui cassent involontairement tout le sérieux qu’ils avait réussi à mettre en place.

Image
Un exemple : alors que deux des soldats ont été faits prisonniers par les indiens, liés ensemble à un poteau, ils se chamaillent puisque l’un étant un ex confédéré, l’autre un unioniste pur et dur, ils ne se supportent pas. Alors qu’on leur enlève leurs liens, voilà qu’ils se ‘mettent sur la gueule’ avec une fureur aveugle alors qu’ils auraient pu unir leur efforts pour faire face à la situation dramatique dans laquelle ils se trouvaient ou pour essayer de fuir. Et les indiens hilares de regarder ce navrant spectacle ! Et que dire des soldats semblant se réjouir derrière leur nouveau joujou qu’est la mitrailleuse (n’oublions pas que Charles Marquis Warren, auteur de l’histoire dont a été tiré le scénario, n’était pas franchement progressiste, réalisateur plus tard de quelques westerns parmi les plus racistes qui soient) ! Quant à l’improbable Happy End… Bref, le film n’a pas tenu toutes se promesses de départ. Quoiqu’il en soit, même s’il se révèle factice et schématique ce n’en fait pas un mauvais film pour autant. Outre tout un premier tiers excellent, Gordon Douglas nous démontre avec peu de moyens à sa disposition son savoir faire en terme de gestion de l’espace, de maitrise du cadre et d’instauration d’une atmosphère tendue ainsi que son efficacité lorsqu’il s’agit de filmer des scènes d’action. L’obsédante menace due à la proximité de la passe qui ressemble à un tunnel fantôme est assez bien rendue, aidée en cela par une magnifique photographie en noir et blanc assez ‘dure’ qui renforce le sentiment d’oppression de l’ensemble.

Image
Non pas une grande réussite du genre mais un plaisant exercice de style parfaitement bien réalisé et interprété. Le cinéaste ne peut pourtant pas encore prétendre côtoyer les plus grands avec ce western auquel il est même pour l’instant permis de préférer, toujours de Gordon Douglas, The Nevadan avec Randolph Scott. Mais le réalisateur qui avait fait ses armes dans le long métrage avec devant sa caméra Laurel et Hardy n’a pas dit son dernier mot. Il va falloir donc patienter encore un peu pour découvrir ses westerns les plus réussis. En attendant, Only the Valiant est déjà une honorable entrée en matière.
Répondre