Jean Epstein (1897-1953)
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Re: Jean Epstein (1897-1953)
Ca m'est arriv& avec mon ancien lecteur : il refusait absolument de lire certains DVD (des DVD français, en plus...), je ne sais pas pourquoi.
- Ann Harding
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Re: Jean Epstein (1897-1953)
L'Auberge rouge (1923, Jean Epstein) avec Léon Mathot, Gina Manès et David Evremond
1825, M. Herrmann, un riche hollandais, organise un dîner entre amis. On lui demande de raconter une histoire qui fait peur et il leurs conte ce qui est arrivé dans une auberge d'Alsace en 1790. Deux étudiants en médecine, Prosper Magnan (L. Mathot) et Frédéric Taillefer (D. Evremond) se sont arrêtés dans une auberge par une nuit de tempête. Ils obtiennent avec beaucoup de mal une chambre pour passer la nuit. Un courtier en diamants arrive et ils décident de partager leur chambre avec lui. Le lendemain, ce dernier est découvert égorgé le lendemain matin, et Prosper est accusé du meurtre...
En 1923, la société Pathé-Consortium commande à Jean Epstein une adaptation d'une nouvelle de Balzac. Le jeune metteur en scène qui se veut à pointe de l'innovation technique au cinéma, va utiliser tous les procédés en cours à l'époque. Avec cette histoire de meurtre (dont le scénario est très différent de celui d'Aurenche et Bost pour le film d'Autant-Lara), il a affaire à un morceau de choix riche en atmosphère. Mais, malheureusement, comme souvent chez Epstein, la structure du récit et le développement des personnages n'est pas vraiment convaincant. Comme le fait remarquer avec justesse son contemporain, le metteur en scène Henri Fescourt: "On put reprocher à cette bande des déséquilibres. Les moyens dramatiques n'atteignent pas toujours l'effet souhaité." Les deux cinéastes qui inspirèrent le plus Epstein sont Marcel L'Herbier et Abel Gance. Il réutilise leurs innovations au niveau du montage, de la caméra subjective ou mobile. Mais contrairement, à ses deux confrères, Epstein n'insère pas très bien ces effets dans son récit, ce qui a pour effet de mettre en exergue des scènes plutôt que d'assurer la continuité du récit. Quant à la direction d'acteur, ce n'est certainement pas le fort de Epstein. Le vétéran Léon Mathot, qui est déjà au cinéma depuis une décennie, semble passablement figé. Et il n'exploite guère la sensualité de la belle Gina Manès, qui sera bien mieux exploitée par Abel Gance dans Napoléon (1927) ou par Jacques Feyder dans Thérèse Raquin (1928) (si on en croit les critiques de l'époque car le film est perdu). Ceci dit, malgré sa trame assez lâche, le film conserve un certain attrait. Epstein nous faire voyager dans les pensées meurtrières de Prosper avec force caméra subjective. La construction avec une série de flash-back n'est pas vraiment nouvelle. L'Herbier l'a déjà utilisée par exemple das L'Homme du large (1920) avec plus de bonheur d'ailleurs. Il est difficile d'apprécier pleinement la cinématographie avec une copie contretypée assez floue dans toutes les scènes en soft-focus. Epstein est un théoricien du cinéma qui avait du mal à mettre en pratique ses idées sur un récit.
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Re: Jean Epstein (1897-1953)
Du nouveau concernant le coffret Jean Epstein qui était prévu pour 2012 chez Potemkine, et qui a manifestement été repoussé sine die ?
- Tommy Udo
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Re: Jean Epstein (1897-1953)
Il me semble qu'il était annoncé par Potemkine pour le second semestre...
Mais c'est apparemment le silence complet pour l'instant
Mais c'est apparemment le silence complet pour l'instant
- Watkinssien
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Re: Jean Epstein (1897-1953)
Un lien assez émouvant de Gance rendant hommage à Epstein :
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- Ann Harding
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Re: Jean Epstein (1897-1953)
J'ai écouté ça avec un léger sourire. Il faut dire que j'ai lu les carnets (inédits) de Gance à la BnF où il a la dent très dure contre Epstein. Evidemment, près de 30 ans plus tard, il a un ton tout différent. Il ne peut que saluer l'artiste d'avant-garde tué par le système (comme lui).Watkinssien a écrit :Un lien assez émouvant de Gance rendant hommage à Epstein :
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Re: Jean Epstein (1897-1953)
Impression un peu mitigée.
D'un côté, le film possède de réelles qualités formelles. Beaucoup d'images mémorables. Epstein travaille son atmosphère à l'aide d'une photo inquiétante et d'effets visuels assez remarquables (notamment l'abondance du ralenti que, de mémoire, je n'avais pas vu utilisé dans un film muet avant celui-ci). Cela confère une étrangeté aux images, comme si elles étaient effectivement hantées par quelque force malsaine - les séquences de "frémissement" de la maison Usher font preuve, à ce titre, d'un beau travail sensitif sans nul recours au son. Le film tente de synthétiser les approches esthétiques du surréalisme français et de l'expressionnisme allemand, ce qui débouche sur quelques scènes hybrides saisissantes, comme celle où les surimpressions du montage, en alternance avec les très gros plans flous sur Roderick, traduisent la perte de soi d'une Madeline réifiée au bord de l'évanouissement, celle de la procession funéraire soulevée à raison par Père Jules, ou cette fin spectrale où la ritualisation de la lenteur accompagne la sortie du tombeau de Madeline, vision fantomatique que les effets de vent rendent glaçante (les flottements de ses bandeaux, dissimulant son visage, sont irréels). Le film, de ce point de vue, anticipe les approches formelles de Vampyr (qui reste toutefois supérieur) ou de Cocteau.
D'un autre côté, le film a beau durer 1h10, il se montre curieusement très lent. J'avoue avoir eu parfois du mal à lutter contre l'ennui. On pourra rétorquer que cette lenteur est consubstantielle au travail d'atmosphère fantastique d'Epstein, mais j'ai surtout ressenti un problème de rythme au montage. Un peu comme avec Marcel L’Herbier, certaines scènes sont assez inutilement étirées en longueur, et le montage n'est d'ailleurs pas toujours très clair. La fin, par exemple, est très confuse. L'acteur qui joue Roderick n'évite pas la théâtralité et je crois que la fin de la nouvelle de Poe était encore plus glaçante que celle d'Epstein.
Au final, comme avec L'inhumaine, l'ensemble s'avère une découverte enrichissante mais j'aurais aimé adhérer plus que ça. A revoir dans de meilleures conditions.
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Re: Jean Epstein (1897-1953)
La chute de la maison Usher (1928) - Jean Epstein – Jean Debucourt, Marguerite Gance, Charles Lamy. Roderick Usher inquiet pour la santé de son épouse envoie une missive à son ami Allan pour le convaincre de le rejoindre d’urgence dans son château. A l’auberge, après avoir essuyé de nombreux refus Allan convainc un cocher de la conduire aux frontières de ce lieu fantastique qui inspire la crainte. Sur place il ne peut que constater l’état d’affaiblissement de Madeline Roderick qui s’aggrave à mesure qu’elle pose pour son peintre de mari. L’atmosphère est de plus étrange et pesante et le lieu, le temps et les éléments semblent au aussi avoir leur vie propre.
De son propre aveu Epstein se disait plus intéressé par les capacités qu’offrait la technique cinématographique et le médium cinéma que l’histoire en elle-même. Il aimait explorer une idée, proposer une vision en utilisant et expérimentant tous les possibles dont il disposait. La chute de la maison Usher s’inscrit cependant dans un récit fictionnel (choix qu’il délaissera au profit du documentaire. Il s’éloignera en effet des studios parisiens pour tourner notamment en Bretagne sur les Iles de Molène et Ouessant).
Epstein était donc un explorateur et aussi un grand théoricien du cinéma. Il écrivait énormé-ment sur le sujet (la cinémathèque française conserverait 200 à 300 cartons contenant ses archives !). Le passage à la mise en scène était pour lui le temps de l’expérience visuelle. Avec la chute de la maison Usher il Multiplie les effets (ralentis, accélérés, superposition, montage) distord le temps, empèse l’atmosphère, trouve des rythmes aériens, crée du fantastique influencé peut être par le Nosferatu de Murnau. Bref, il nous livre ici un film étonnant avec l’étrange impression d’évoluer dans un univers parallèle onirique et fantastico-gothique. Plus que l’histoire qui n’est qu’un prétexte, des visions imprègnent notre rétine et nous égare dans le labyrinthe du doute. Située aux frontières du réel la maison Usher n’a pas fini de nous hanter.
De son propre aveu Epstein se disait plus intéressé par les capacités qu’offrait la technique cinématographique et le médium cinéma que l’histoire en elle-même. Il aimait explorer une idée, proposer une vision en utilisant et expérimentant tous les possibles dont il disposait. La chute de la maison Usher s’inscrit cependant dans un récit fictionnel (choix qu’il délaissera au profit du documentaire. Il s’éloignera en effet des studios parisiens pour tourner notamment en Bretagne sur les Iles de Molène et Ouessant).
Epstein était donc un explorateur et aussi un grand théoricien du cinéma. Il écrivait énormé-ment sur le sujet (la cinémathèque française conserverait 200 à 300 cartons contenant ses archives !). Le passage à la mise en scène était pour lui le temps de l’expérience visuelle. Avec la chute de la maison Usher il Multiplie les effets (ralentis, accélérés, superposition, montage) distord le temps, empèse l’atmosphère, trouve des rythmes aériens, crée du fantastique influencé peut être par le Nosferatu de Murnau. Bref, il nous livre ici un film étonnant avec l’étrange impression d’évoluer dans un univers parallèle onirique et fantastico-gothique. Plus que l’histoire qui n’est qu’un prétexte, des visions imprègnent notre rétine et nous égare dans le labyrinthe du doute. Située aux frontières du réel la maison Usher n’a pas fini de nous hanter.
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Re: Jean Epstein (1897-1953)
Merci Watkinsssien pour ce lien vers une archive rare et émouvante, malgré les propos que Gance a pu tenir sur Epstein dans les années 20 et qu'Ann Harding a cités par ailleurs.
En ce qui concerne La Chute de la Maison Usher, je rejoins Demi-Lune et Frances : ce film possède d'indéniables qualités plastiques et visuelles, mais on peut en effet regretter ces petits problèmes de rythme. Cela confirme que Jean Epstein était surtout intéressé par les audaces formelles et les images originales, davantage que par un fil narratif rigoureux. Par ailleurs, et de mémoire, il me semble qu'Epstein a combiné deux nouvelles de Poe pour son film : La Chute de la Maison Usher bien entendu, mais avec des éléments tirés du Portrait ovale. En tout cas, cette adaptation de Poe figure parmi les plus marquantes que j'ai pu voir avec les films de Roger Corman et Le Chat noir d'Edgar G. Ulmer.
En ce qui concerne La Chute de la Maison Usher, je rejoins Demi-Lune et Frances : ce film possède d'indéniables qualités plastiques et visuelles, mais on peut en effet regretter ces petits problèmes de rythme. Cela confirme que Jean Epstein était surtout intéressé par les audaces formelles et les images originales, davantage que par un fil narratif rigoureux. Par ailleurs, et de mémoire, il me semble qu'Epstein a combiné deux nouvelles de Poe pour son film : La Chute de la Maison Usher bien entendu, mais avec des éléments tirés du Portrait ovale. En tout cas, cette adaptation de Poe figure parmi les plus marquantes que j'ai pu voir avec les films de Roger Corman et Le Chat noir d'Edgar G. Ulmer.
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Re: Jean Epstein (1897-1953)
Publié dans une très belle collection cinéma chez Seghers dans les années 1970. Cela doit encore pouvoir se trouver.
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Re: Jean Epstein (1897-1953)
Par ailleurs, au niveau des DVD, on attend toujours la sortie du coffret coédité par Potemkine et la Cinémathèque française. Espérons que 2014 soit enfin la bonne année... Gaumont a par ailleurs publié fin 2012 Finis terrae dans sa collection à la demande. Je n'ai pas encore acquis ce DVD, mais j'avais vu ce film lors de sa diffusion sur Arte en 2010. J'en avais gardé un bon souvenir, notamment grâce à la manière dont le cinéaste utilisait les décors naturels.
J'ai aussi découvert il y a peu que l'INA avait mis gratuitement en ligne l'un des tout premiers films d'Epstein, Pasteur, tourné en 1922 : http://www.ina.fr/video/VDD09005644.
On peut aussi visionner sur la toile deux documentaires très intéressants, l'un de Claude-Jean Philippe, l'autre de Séverine Vermersch. Le premier s'intitule Jean Epstein ou le Cinéma pour lui-même et date de 1977-1978. Il est un peu court, mais très pédagogique : Le second, daté de 1989, a pour titre Qui voit Ouessant et s'intéresse à la période bretonne d'Epstein :
J'ai aussi découvert il y a peu que l'INA avait mis gratuitement en ligne l'un des tout premiers films d'Epstein, Pasteur, tourné en 1922 : http://www.ina.fr/video/VDD09005644.
On peut aussi visionner sur la toile deux documentaires très intéressants, l'un de Claude-Jean Philippe, l'autre de Séverine Vermersch. Le premier s'intitule Jean Epstein ou le Cinéma pour lui-même et date de 1977-1978. Il est un peu court, mais très pédagogique : Le second, daté de 1989, a pour titre Qui voit Ouessant et s'intéresse à la période bretonne d'Epstein :
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Re: Jean Epstein (1897-1953)
Tu as très bien fait Lino d'attirer notre attention sur ces deux ouvrages. On arrive effectivement encore à les dégoter d'occasion, mais souvent à un prix assez élevé, malheureusement... J''ajoute aussi à ma liste de films disponibles en ligne ce documentaire militant de 1938, Les Bâtisseurs, commandé par la CGT : http://parcours.cinearchives.org/Les-fi ... 3-0-0.html.
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Re: Jean Epstein (1897-1953)
Glané via Potemkine...
Donc près de Nymphomaniac, le coffret Epstein qu'il est beau et chouette. Haro ! Haro !
Pourvu qu'il y ait ce bijou qu'est Le tempestaire.
2014 est déjà beau d'emblée.
Donc près de Nymphomaniac, le coffret Epstein qu'il est beau et chouette. Haro ! Haro !
Pourvu qu'il y ait ce bijou qu'est Le tempestaire.
2014 est déjà beau d'emblée.
- Tommy Udo
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Re: Jean Epstein (1897-1953)
Très bonne nouvelleAnorya a écrit :Donc près de Nymphomaniac, le coffret Epstein qu'il est beau et chouette. Haro ! Haro !
Pourvu qu'il y ait ce bijou qu'est Le tempestaire.
2014 est déjà beau d'emblée.
ça fait longtemps qu'on l'attend^^
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- Doublure lumière
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Re: Jean Epstein (1897-1953)
Exactement, je suis du même avis ! Espérons que cette fois, la date annoncée sera la bonne.