Le cinéma français des années 60 (1960-69)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Federico
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Re: Le cinéma français des années 60 (1960-69)

Message par Federico »

Ce n'est sans doute pas un sommet de la comédie mais ce commentaire (et ce casting impressionnant :shock: ) me donne très envie de le découvrir. Et puis Molinaro est un cinéaste inégal mais souvent très sympathique. Il a de toute façon ma reconnaissance éternelle pour avoir réalisé un des plus superbes films populaires que je connaisse (et un de mes films préférés tout court) : Mon oncle Benjamin.

Ça fait drôle de découvrir aussi que France Roche est née en 1921... Et me fait repenser au surnom pas très élégant que lui avait donné un autre critique (dans la revue Cinématographe) : La légende des siècles. :|
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Re: Le cinéma français des années 60 (1960-69)

Message par pak »

riqueuniee a écrit : (au fait, Gautier a dû publier son roman plutôt en 1835...).
1835, voui... Faute de frappe, ou premier cas de roman écrit par un fantôme...
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Le cinéma : "Il est probable que cette marotte disparaîtra dans les prochaines années."

Extrait d'un article paru dans The Independent (1910)

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Re: Le cinéma français des années 60 (1960-69)

Message par riqueuniee »

Superbe film populaire : cette définition de Mon oncle Benjamin est très bien trouvée. Molinaro a oeuvré dans le cinéma populaire de qualité , et a donné à Jacques Brel (peu vu au cinéma , malgré un vrai talent de comédien) deux jolis rôles : dans ce film, et dans L'emmerdeur.
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Re: Le cinéma français des années 60 (1960-69)

Message par riqueuniee »

pak a écrit :1835, voui... Faute de frappe, ou premier cas de roman écrit par un fantôme...
Un ghost writer, quoi... :uhuh:
Dernière modification par riqueuniee le 2 avr. 11, 23:20, modifié 1 fois.
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Re: Le cinéma français des années 60 (1960-69)

Message par pak »

Mouarf !
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Re: Le cinéma français des années 60 (1960-69)

Message par pak »

Federico a écrit :Et puis Molinaro est un cinéaste inégal mais souvent très sympathique. Il a de toute façon ma reconnaissance éternelle pour avoir réalisé un des plus superbes films populaires que je connaisse (et un de mes films préférés tout court) : Mon oncle Benjamin.
J'adore ce film !
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Érotissimo (1968)

Message par pak »

9. Érotissimo de Gérard Pirès (1968) :

Avec : Annie Girardot, Jean Yanne, Francis Blanche, Daniel Prévost, Venantino Venantini, Serge Gainsbourg, Nicole Croisille, Jacques Higelin... Scénario : Nicole de Buron, Gérard Pirès et Pierre Sisser – Musique : William Sheller – Genre : comédie – Production franco-italienne – Date de sortie : 06/06/1969
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Une femme mène une vie conjugale pépère lorsqu'elle découvre dans un magazine un article qui affirme que la femme moderne doit être "érotique". Elle va alors tout mettre en œuvre pour être l'épouse sexy idéale. Mais son mari n'y prête guère attention, accaparé par son boulot et un redresseur fiscal...


Érotissimo est l'un des premiers films de l'esprit post-mai 68, où l'on sent clairement ,ne serait-ce qu'en comparaison de l'année précédente, que quelque chose a changé. La Nouvelle Vague avait secoué le paysage cinématographique français à la fin des années 1950, bien que cela restait un mouvement intellectuel, très parisien de plus, qu'une partie du public a suivi, certes, mais qui relevait finalement plus de la forme que du fond, la censure veillant encore au grain malgré les efforts des jeunes turcs de la contourner. Mai 68 fut une révolution sociale qui toucha toutes les couches de la population, sur le territoire entier, dans tous les domaines, dont le cinéma (qui par définition est un témoin privilégié de son époque), un événement qui aboutira au déverrouillage de certaines portes.

Érotissimo en ouvre quelques-unes, même si c'est encore timidement. Celles-ci sont liées à l'érotisme, de plus en plus voyant dans le quotidien des français, et à la dénonciation des dérives de la société, ici, et déjà, l'omniprésence de la publicité.

Le ton est à la satire, mais légère, plutôt une gentille moquerie, sans mordant. Normal, la scénariste du film est la romancière Nicole de Buron, populaire dés les années 1960 (son dernier roman a été édité en 2008), notamment grâce à la série Les saintes chéries, avec Micheline Presle et Daniel Gélin, qu'elle a adapté d'un de ses livres, et narrant le quotidien d'une famille française de l'époque. Ses romans sont des récits quasi autobiographiques, narrant la vie de tous les jours avec humour, grossissant le trait à partir de situations vécues, et tournées en gentille dérision. Et c'est exactement le ton de ce film. Gérard Pirès, qui avait quelques courts-métrages à son actif et des participations à l'émission de télévision Dim Dam Dom, magazine féminin culte créé à l'occasion de l'arrivée de la deuxième chaine française en 1965, applique à son premier film les recettes de ses travaux précédents : ambiance pop, moderne (pour l'époque), montage dynamique. Il insère d'ailleurs dans son film des extraits d'émissions de télé et de radio, ainsi que des publicités, omniprésentes via les deux médias déjà cités, mais aussi affiches, magazines, campagnes...

Le cœur de cible des pubs est ce qu'on appelle aujourd'hui la ménagère de moins de 50 ans... Les annonces matraquent à l'envie leurs messages de beauté, de jeunesse, de corps parfaits... Bref, la dictature de l'apparence, passant parfois par du marketing aberrant et débile pour vendre n'importe quoi à ces ménagères, donc, mais aussi à leur moitié. Si ces campagnes de publicités à l'époque s'adressaient à une couche relativement aisée comme on le voit dans ce film, elles vont vite s'étendre à toutes les bourses et on en subit aujourd'hui les conséquences au quotidien.

Pirès parsème son film de fausses pubs pastiches, qui nous montre deux choses : les revendications de mai 68 et les évolutions sociales qui vont suivre ont très vite été récupérées par des financiers (qu'on nomme aussi publicitaires) qui ont vite compris les nouveaux filons à exploiter ; et les campagnes de pubs n'ont pas tellement changé et basaient déjà leur communication sur l'apparence, les fantasmes, les clichés et le nu, même pour vendre de l'huile (pas vraiment le produit qui aide à garder la ligne pourtant... ).
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Cette vision d'une société de consommation de plus en plus en roue libre est l'aspect le plus intéressant du film, car c'est un véritable instantané d'une époque, d'une mutation en cours. Mais c'est aussi son point faible car avec ses couleurs vives (ah le orange, qui fera des ravages en papier peint dans les salles à manger des années 1970), son architecture d'intérieur (les bureaux de l'époque de RTL semblent sortir d'une BD de Barbarella, adapté dans un autre monument pop cinématographique de 1968 par Roger Vadim), sa mode (notamment les tenues portées par l'actrice principale) ancrent irrémédiablement le film dans un univers kitch et suranné.

L'autre atout du film est son trio d'acteurs. Annie Girardot, qui n'était peut-être pas la plus belle des actrices, avait du charme et est régulièrement craquante dans ses scènes, en femme décidée à jouer tous les atouts qu'elle a en main pour réveiller la libido de son homme, victime de la mode et de la pub mais loin d'être potiche. Jean Yanne, lui, mange son pain blanc dans le registre du mari anar un peu beauf. Ce film lui sert de terrain d'entrainement, et il ira encore plus loin dans la satire sur la publicité et les médias, et ce dès son premier film en tant que réalisateur 4 ans plus tard, avec Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. Et en trublion, l'inénarrable Francis Blanche en contrôleur fiscal, désopilant à chacune de ses apparitions, performance dans le genre qui ne sera égalée que par Daniel Prévost dans Le diner de cons, 30 ans plus tard...

Gérard Pirès, avant d'être le représentant officiel des moyens de transport les plus divers (la voiture dans Taxi, les rollers dans Riders, les avions dans Les chevaliers du ciel, et tout ce qui peut rouler, voler, flotter ou exploser dans le débile Double zéro), était réalisateur, et signe pour son premier film une comédie pop montée avec pep. Il semble beaucoup s'amuser, comme les comédiens, et le spectateur pourvu que ce dernier arrive à passer outre de l'âge du film. Car si la forme a vieilli, le fond, lui, est plus que jamais d'actualité.
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Étoiles : * * . Note : 13/20.


Autour du film :

1. Érotissimo, film atypique pour l'époque, fut un succès surprise. Sorti au mois de juin 1969, sans grosse concurrence, il va rester à l'affiche tout l'été et bénéficier d'un bouche-à-oreille favorable du public malgré les réactions tièdes de la critique. Il finira douzième du box-office français 1969 avec 2 102 017 entrées. Succès qui lancera la carrière de Gérard Pirès, qui continuera sa collaboration avec Nicole de Buron pour Elle court, elle court la banlieue en 1972 , Attention les yeux ! en 1975 et Rends-moi la clé en 1981. Il aura un accident de moto au début des années 1980, et une longue convalescence l'éloignera des plateaux cinéma. Il retournera derrière la caméra pour réaliser... plus de 400 spots de publicité ! En 1997, il revient au cinéma et donne dans le commercial, en signant le carton Taxi pour Luc Besson. Les idéaux de mai 68 sont bien loin...

2. Michel Polnareff devait composer la musique du film, mais il ne put terminer sa partition dans les délais, aussi ne reste quasiment d'elle que la musique de la chanson La femme faux-cils (paroles de Jean-Loup Dabadie) interprétée par Annie Girardot dans une scène. Chanson qui n'apparait d'ailleurs pas sur le disque de la B.O. qui ne contient que les compositions de William Sheller appelé pour remplacer au pied levé Polnareff.
3. Au détour des scènes on aperçoit des figures de la radio et de la télévision de l'époque : Henry Chapier, Fabrice, Jacques Martin, Patrick Topaloff, Serge Gainsbourg, Nicole Croisille, Jacques Higelin, Jacques Ballutin, Jacques Martin, Daniel Prévost, Pierre Grimblat, Anne-Marie Peysson... La plupart d'entre eux, bien que certains soient oubliés, feront partie du paysage audiovisuel des années 1970-80, voire plus pour quelques-uns.

4. Le film fut sélectionné au Festival International de Berlin de 1969 où il remporta le prix UNICRIT attribué par la critique.
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Re: Le cinéma français des années 60 (1960-69)

Message par riqueuniee »

Les saintes chéries , ça fait partie de mes souvenirs d'enfance. Quant à l'orange, il n'avait pas envahi que les murs des salons . C'était la couleur des années 70. Tout était orange : les stations de métro, la carte orange, et...Casimir ("né" en 1974).
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Re: Le cinéma français des années 60 (1960-69)

Message par pak »

Le salon de mes parents, la Peugeot 104, mon mange-disque, les robots Seb, le machin en plastique à manivelle pour essorer la salade de la cuisine, la carte orange (forcément... )... :lol:
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Re: Le cinéma français des années 60 (1960-69)

Message par riqueuniee »

Ah oui, le petit électro ménager était souvent en orange. J'ai encore une balance orange, achetée à la fin des années 70 . Et j'ai un livre de recettes SEB de cette période, plein de mixers, moulins à café électriques (tiens, ça a disparu, vu qu'on ne trouve pratiquement plus de café en grains), etc, avec de l'orange dedans.
J'oubliais : les sièges de train en marron et orange, et les premiers TGV, qui étaient tout orange. (lancés en 1981, mais conçus avant...)
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Re: Le cinéma français des années 60 (1960-69)

Message par Federico »

Oui, cet orange "teupeurouère" était omniprésent mais plus on entra dans les années 70 plus il tira vers le maronnasse style skai de siège de R16 ou de veste de chasse d'élu RI avant que le noir prenne le dessus à l'orée des 80's.
Erotissimo est une photographie de cette époque, pas méchante mais un peu lourde. A tout prendre, je préfère le Pirès d'Elle court, elle court la banlieue.
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Re: Le cinéma français des années 60 (1960-69)

Message par riqueuniee »

Pour les sièges (de train Corail -encore de l'orange...), c'était alternativement de l'orange et du marron.
En ce qui concerne Elle court, elle court la banlieue, le film, s'il n'est pas toujours très léger, vise assez juste. Peut-être parce qu'il est inspiré par une étude sérieuse sur les difficultés de transport en grande banlieue à l'époque, quatre heures de transport par jour. Un thème qui n'est pas totalement passé de mode, mais qui ne se pose plus de la même façon.
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Furia à Bahia pour OSS 117 (1965)

Message par pak »

10. Furia à Baya pour OSS 117 d'André Hunebelle (1965) :

Avec Frederick Stafford, Mylène Demongeot, Raymond Pellegrin, Perrette Pradier, François Maistre, Guy Delorme... Scénario de Pierre Foucaud, André Hunebelle et Jean Halain (d'après le roman Dernier quart d'heure de Jean Bruce, 1955) – Musique de Michel Magne – Genre : espionnage – Production franco-italienne – Date de sortie : 02/07/1965
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Des hommes politiques sont assassinés au Brésil lors d'attentats-suicides perpétrés par des meurtriers kamimazes agissant comme en état d’hypnose. Hubert Bonnisseur de la Bath, alias OSS 117, est envoyé sur place par la CIA pour enquêter...

Dans les années 1950/60, l'espionnage a le vent en poupe en France. Les romans populaires du genre, poliment surnommés romans de gare, fleurissent dans les présentoirs des librairies. Les collections abondent, comme celles des éditions du Fleuve Noir (dans les 1800 romans), des éditions de l'Arabesque (600 romans), des Presses Noires Espionnage, du Gerfaut, des Presses de la Cité, etc... Elles ont toutes des héros récurrents, comme Coplan, Nick Carter, Luc Ferran, le Vicomte, Nick Jordan et bien-sûr OSS 117. Il y en a eu bien d'autres. Ces personnages et romans étaient créés et écrits par des auteurs français ou belges se cachant derrière des pseudonymes bien souvent à consonance américaine (Jean Bruce, l'auteur des OSS, ou Paul Kenny... ) mais pas que (Claude Joste, Pierre Nemours... ). Il reste de nos jours un avatar de cette mode (sous)littéraire, Gérard de Villiers et sa collection S.A.S. débutée en 1965 aux Presses de la Cité, alors que la mode est à son apogée et qui continue à publier (au moment où j'écris ces lignes, on attend le n°190 des aventures de Malko Linge, alias S.A.S. ), romans que personne n'avoue lire mais qui s'écoulent à plus de 200 000 exemplaires à chaque parution... Beaucoup de ces personnages récurrents ont vu au moins une de leurs aventures adaptées au cinéma, comme Coplan, Nick Carter ou S.A.S. (pour ce dernier, c'est assez calamiteux, voir les films S.A.S à San Salvador de Raoul Coutard en 1982 ou La veuve noire d'Andrew V. McLaglen en 1991). Et bien-sûr OSS 117 qui nous occupe ici.

La première adaptation des aventures de OSS 117 date de 1956, OSS 117 n'est pas mort, suivie d'une seconde non officielle avec Michel Picolli dans le rôle titre mais avec un nom de personnage modifié, les auteurs n'ayant pas jugé bon de payer les droits d'auteur (Le bal des espions, 1960). Mais le 23 janvier 1963 déboule dans nos salles Dr. No, dont le héros est un certain James Bond 007, et c'est le succès immédiat. Comme par hasard, le 18 février, débute le tournage de OSS 117 se déchaine. En effet, enchainant les succès populaires avec ses films de cape et d'épée, Hunebelle voit là un filon potentiel. Et il a raison, son film faisant dans les 2,3 millions d'entrées. Le suivant, Banco à Bangkok pour OSS 117 attire près de 3 millions de spectateurs ! Le succès de l'espionnage n'est plus que littéraire, il est désormais aussi cinématographique. Hunebelle, qui lança entretemps la saga Fantômas (autre carton au box-office), va alterner durant 5 années entre le voleur masqué et le 007 franchouillard (d'ailleurs le deuxième Fantômas reprendra le titre du premier OSS qu'aura réalisé Hunebelle, OSS 117 se déchaine devenant Fantômas se déchaine... ).

Furia à Bahia pour OSS 117 est donc le troisième opus réalisé par André Hunebelle. A revoir ce film, il est clair qu'il servit de référence principale à la parodie que réalisera Michel Hazanavicius en 2007, OSS 117 : Rio ne répond plus... tellement les similitudes, autres que celle évidente du lieu géographique (le Brésil), y font penser : même exotisme de pacotille, gestuelle forcée de Frederick Stafford qui semble se déplacer aux commandements du réalisateur et non de sa propre volonté et que Jean Dujardin saura si bien imiter, méchants à penchants « nazillants », intrigue prétexte montrant une enquête vaguement suivie par un agent français dont le seul talent semble être de rencontrer de jolies femmes qui comme par hasard le mènent volontairement ou non sur les bonnes pistes sans qu'il ne doive faire un effort quelconque de déduction puisque de toutes manières, des méchants l'attendent systématiquement dans un coin pour lui sauter sur le râble...
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Comme d'habitude, oserai-je dire, Hunebelle signe une réalisation plus illustrative qu'inspirée, même s'il semble presque plus à l'aise que dans ses films en costumes. Mais on a beau lui donner des dizaines de figurants, des extérieurs somptueux (non filmés par lui d'ailleurs, mais par ses réalisateurs de seconde équipe, Jacques Besnard et Michel Lang, futurs réalisateurs de nanars comme La situation est grave... mais pas désespérée ou Te marre pas... c'est pour rire ! pour le premier, Le cadeau ou A nous les garçons pour le second), et quelques sous, il n'en fait quasiment rien, à l'image de l'attaque finale de la base ennemie, pataude, sans dynamisme ni ampleur, qui fait bien pâle figure devant les scènes équivalents des James Bond de l'époque, modèles visés et limite plagiés.

L'inspiration n'est pas au rendez-vous, et certaines scènes sont inutiles, faisant office de remplissage afin d'ajouter de l'action gratuite, à l'image d'une bagarre dans un avion qui n'apporte rien d'autre qu'agitation vaine dans un décor à la noix (pas une seconde on se croit dans un avion). Seuls les plans des chutes d'Iguazú sont un tant soit peu impressionnants, mais c'est à la fin et bien trop tard.
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Et ce n'est pas Frederick Stafford avec sa démarche de robot téléguidé qui va relever le niveau tant il est à la limite de l'inexpressivité. Une scène le montre clairement : il est en voiture avec Mylène Demongeot, lorsque de hautes flammes s’élèvent brusquement en mur devant le véhicule, l'actrice sursaute et imprime alors l'angoisse sur son visage, lui ne bronche pas d'un sourcil... Mylène Demongeot est d'ailleurs la plus impliquée du casting, même si son rôle se sert pas à grand-chose d'autre qu'à faire la femme hurlante à chaque danger qui se présente. Raymond Pellegrin, lui, a l'unique rôle un peu complexe mais il intervient tardivement dans le film et son revirement final est bien peu crédible.

Comme la plupart des films européens qui ont surfé sur le succès de James Bond, le résultat est peu emballant et a très mal vieilli. L'unique intérêt aujourd'hui est le parallèle entre les interprétations de Frederick Stafford et celle de Jean Dujardin qui s'est largement inspiré du premier pour la reprise du rôle dans Le Caire nid d'espions et Rio ne répond plus...
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Étoiles : * . Note : 9/20.

Autour du film :

1. En dehors des deux pastiches réalisés par Michel Hazanavicius en 2005 (Le Caire nid d'espion) et en 2007 (Rio ne répond plus), il y a eu 7 adaptations officielles des aventures d'OSS 117 : OSS 117 n'est pas mort de Jean Sacha (1956), OSS 117 se déchaine d'André Hunebelle (1963), Banco à Bangkok pour OSS 117 (André Hunebelle, 1964), Furia à Bahia pour OSS 117 (1965), Atout cœur à Tokyo pour OSS 117 (Michel Boisrond, 1966), Pas de roses pour OSS 117 (André Hunebelle, 1968), OSS 117 prend des vacances (Pierre Kalfon, 1970). Une unique adaptation télévisuelle clôt cette série : OSS 117 tue le taon (André Leroux, 1971). A celles-ci s'ajoutent deux autres officieuses, les auteurs adaptant un roman d'OSS 117 sans en posséder les droits : Le bal des espions (Michel Clément et Umberto Scarpelli, 1960, l'espion étant renommé Brian Cannon) et Cinq gars pour Singapour (Bernard Toublanc-Michel, 1967, l'espion ayant pour nom cette fois Art Smith). A cette liste s'ajoute Le Vicomte règle ses comptes (Maurice Cloche, 1967), tiré d'un roman ayant pour héros OSS 117 de Jean Bruce, mais à qui on a donné dans le film le surnom d'un autre héros de roman d'espionnage, le Vicomte, créé par Fred Noro et, de plus, le film est interprété par Kerwin Mathews qui a joué OSS dans les deux premières adaptations d'Hunebelle...

2. C'est le premier rôle de Frederick Stafford. Comme son pseudonyme ne l'indique pas, Stafford n'est ni anglo-saxon, ni français, mais autrichien d'origine tchèque et se nommait Friedrich Strobel von Stein. C'était avant tout un sportif de haut niveau (hockey sur glace et natation, il a même participé aux épreuves de natation des Jeux Olympiques de Londres en 1948). Né en Tchécoslovaquie en 1928, il vécut longtemps en Australie. Il était marié avec l'actrice allemande Marianne Hold. En l'accompagnant à Bangkok sur le tournage d'une coproduction franco-italo-allemande (l'oublié Les diamants du Mékong), il fut repéré par le secrétaire d'André Hunebelle qui lui proposa de faire des essais. Hunebelle, qui cherchait un remplaçant à Kerwin Mathews, l'acteur américain qui joua dans ses deux OSS 117 précédemment réalisés et demandait un cachet exorbitant pour un troisième épisode, fut séduit par la carrure de l'autrichien qui s'était reconverti en représentant de produits pharmaceutiques. Le succès de Furia à Bahia pour OSS 117 lança sa carrière à l'écran. Il reprit le rôle d'OSS 117 dans Atout cœur à Tokyo pour OSS 117 de Michel Boisrond, avant de laisser la place à John Gavin pour le suivant (Pas de roses pour OSS 117) et d'entamer une carrière dans le cinéma d'action italien durant une dizaine d'années. Son titre de gloire restera son rôle principal dans L'étau d'Alfred Hitchcock. Il décède prématurément à l'âge de 51 ans dans un accident d'avion en Suisse en 1979.
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3. Le personnage d'OSS 117 a été créé par Jean Bruce en 1949. De son vrai nom Jean Brochet, l’écrivain est né en 1921 dans la Sarthe. Avant d'écrire, il entra à l'école nationale de police. Durant la seconde guerre mondiale, il devient résistant puis, celle-ci finie, mène une existence assez chaotique : acteur, imprésario, employé de mairie, agent de renseignement, inspecteur de la Sûreté, secrétaire de maharadjah ( ? ), joaillier... Un destin digne d'un de ses propres romans. Les débuts d'OSS 117 sur le papier sont laborieux et l'agent y agit face à la mafia. Mais les années 1950, c'est le début de la guerre froide, les tensions est-ouest, les troubles dans les colonies, un contexte international où le communisme devient une espèce de monstre menaçant les pays de l'ouest et le capitalisme. L'auteur va orienter les aventures de son personnage en ce sens dès le cinquième roman, et le succès est alors immédiat. Jean Bruce écrira 88 romans mettant en vedette son héros récurrent. Le succès étant tel qu'après sa mort suite à un accident de voiture en 1963, sa famille prendra la plume pour que l'espion de papier continue sa lutte anti-communiste. Ainsi sa veuve en écrira 143 de plus jusqu'en 1985, sa fille et son fils vont ensuite continuer la série jusqu'en 1992, ajoutant 24 nouvelles aventures. Romans traduits en 17 langues, édités dans 21 pays et écoulés à 75 millions d'exemplaires. Malgré l'incontestable succès en librairie, la carrière de l'espion au cinéma, bien que les films d'Hunebelle furent de beaux succès, tourna court et restera un phénomène de mode, n'atteignant jamais le statut de son illustre collègue anglais, James Bond 007.
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4. Gros succès de l'année 1965 puisque le film se hissera à la onzième place du box-office français avec 2 686 432 entrées. Bien-sûr, c'est presque peu de chose devant les 6 675 000 entrées faites par Goldfinger sorti la même année et second du box-office 1965. Mais cela restera une bonne année pour Hunebelle puisque s'est hissé en sixième place Fantômas se déchaine avec un peu plus de 4 millions d'entrées.

Bande annonce là : http://www.dailymotion.com/video/xhvz1n ... shortfilms
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Extrait d'un article paru dans The Independent (1910)

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Message par Kevin95 »

Dommage que tu n'ai pas apprécié Furia à Bahia pour OSS 117 car il s'agit sans aucun doute du meilleur opus de la saga OSS 117. Il ne faut (je pense) pas voir ces films comme des films d’espionnage tendu, épique voir équivalant aux aventure d'un certain agent 007 mais comme des tentatives maladroites, naïves et par extension jouissives de film de genre dans un pays (la France) finalement assez pauvre (contrairement aux italiens qui eux ont exploité à outrance la mode James Bond). A voir avec une certaine distance c'est certain mais personnellement c'est avec beaucoup de plaisir que je revois ces films qui en autre bénéficient d'un exotisme carte postale assez drôle, d'un score pop génial de Michel Magne et pour ce film ci du charisme de Raymond Pellegrin et de la beauté de Mylène Demongeot.
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Re: Le cinéma français des années 60 (1960-69)

Message par pak »

Effectivement, c'est le meilleur de la série, et ça fait un peu peur. J'ai vu les autres (sauf le dernier, OSS 117 prend des vacances qui semble être une calamité d'après ce que j'ai pu en lire), notamment grâce à feu Cinéma de quartier de Jean-Pierre Dionnet.

C'est le seul sur lequel j'ai eu le courage d'écrire, à cause des similitudes évidentes avec les actuelles parodies. Mais je vais attendre un peu avant de causer d'un autre OSS...
Le cinéma : "Il est probable que cette marotte disparaîtra dans les prochaines années."

Extrait d'un article paru dans The Independent (1910)

http://www.notrecinema.com/
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