pak a écrit :10.
L'école des cocottes de Pierre Colombier (1935) :
Avec Raimu, Renée Saint-Cyr, André Lefaur, Henry Roussell, Jean Marconi, Pauline Carton, Ginette Leclerc... Scénario de Paul Armont et Michel Gerbidon (d'après leur pièce
L'école des cocottes, 1918) – Musique de Raymond de Cesse – Genre : comédie – Production française – Date de sortie : 27/09/1935
Une jeune femme suit des cours de bonnes manières afin de favoriser son ascension sociale via les lits de riches prétendants...
Le cinéma français des années 1930 a ses sous-genres bien spécifiques : théâtre filmé, comique troupier, mélodrame, vaudeville mondain, film patriotique... Certains longs-métrages combinant d'ailleurs deux ou trois de ces aspects. C'est le cas de
L'école des cocottes, au croisement du théâtre filmé (le scénario est l'adaptation d'une pièce) et du vaudeville bourgeois.
Genre désuet mais populaire, le théâtre filmé, expression qui existait déjà l'époque, avait pour principe de porter à l'écran des pièces du patrimoine ou contemporaines, et, de ce fait, n'avait pas très bonne presse. A son propos, déjà, en 1931, un critique écrivait : « le cinéma qui se contente de contrefaire le théâtre est un infirme volontaire ».
D'ailleurs ce film a bien du mal à cacher ses origines théâtrales. Les scènes se déroulent dans des décors peu nombreux, et les acteurs apparaissant dans celles-ci ne sont jamais plus de quatre (les rôles principaux et secondaires dépassant à peine la dizaine), le tout filmé principalement en intérieurs.
Étant aussi un vaudeville, le thème principal sonne comme tel, et l'on suit donc une jeune femme peu éduquée qui a décidé, avec l'aide d'un professeur de maintien, de gravir les échelons sociaux avec son unique atout : son charme. Comme dans la plupart des vaudevilles, les sentiments importent peu, ou n'existent pas, le tout étant de ridiculiser les personnages pour provoquer le rire. Hélas, on ne rit pas vraiment.
Pierre Colombier, réalisateur oublié mais auteur de films populaires dans les années 1930 (il a débuté durant les années 1920), spécialiste de comédies tout aussi oubliées (ou presque :
Les rois du sport et
Ignace, tous deux avec Fernandel, ainsi que
Ces messieurs de la santé restent ses plus connus, ou ses moins inconnus), n'a jamais brillé par sa réalisation. Mise en scène, scénario, direction d'acteur, sont d'un autre âge et pas grand-chose ne provoque l'empathie pour un quelconque moment ou aspect du film. Même Raimu déçoit, non par son jeu, mais parce qu'il est mal servi par un rôle peu écrit.
On est toutefois surpris par le ton amer de la fin, alors que la majeure partie de l'histoire se déroulait dans une certaine bonne humeur. L'arrivisme et l'envie de réussir impliquent un déficit de bonheur et un investissement sans limites pour rester à la page, une ambition qui n'autorise donc aucun relâchement. Et en cas d'échec, faut-il accepter son pauvre sort et l'aumône qu'on vous fait, sans chercher à sortir de sa condition ? C'est l'ambiguïté de ce film, montrant une bécasse heureuse d'être femme de chambre car ayant échoué à se hisser dans la société en courtisane, ou un vieux garçon apparemment content d'être seul car n'aimant pas les mondanités. Par extension, un ouvrier devrait être satisfait de son sort car incapable d'être autre chose, une femme pas très jolie se satisfaire d'être seule ? Une morale, comme dit plus haut, d'un autre temps... On pardonne d'autant moins que le réalisateur n'exploite pas le potentiel de Pauline Carton, vite éclipsée du film. Avec le rôle de Raimu bâclé, cela fait un peu trop.
Reste Renée Saint-Cyr, qui avait alors le même pep que celui qu'on lui a connu dans les films de son fils Georges Lautner, auquel elle ajoute une fraicheur bienvenue. C'est tout de même bien mince pour intéresser durablement à cette école pourtant peu conventionnelle...
Étoiles : * . Note : 8/20.
Autour du film :
1. Le film est une adaptation de la pièce
L'école des cocottes de 1918 par ses propres auteurs, Paul Armont et Michel Gerbidon. Comme souvent dans les années 1930, le film reprend une partie du casting de la pièce. Ainsi Raimu y connu le succès en la jouant sur scène en 1919 au théâtre Michel (8ème arrondissement de Paris), puis en 1920 au Théâtre des Variétés (2ème arrondissement).
2. Raimu a joué dans 6 films de Pierre Colombier :
Charlemagne et
Théodore et Cie en 1933,
Ces messieurs de la santé en 1934,
L'école des cocottes en 1935,
Le roi en 1936 et
Les rois du sport en 1937.
3. Un remake sera réalisé sous le même titre en 1957 par Jacqueline Audry (sortie le 21/05/1958), avec Dany Robin, Bernard Blier et Darry Cowl, version encore plus oubliée, bien que plus récente.
4. Une cocotte est une courtisane qui profite de ses charmes, séduisant des bourgeois afin d'être entretenue. Rien à voir avec la prostitution, car travaillant à son compte et aspirant au luxe. Cela implique donc une certaine éducation ou du moins des manières susceptibles d'attirer le pigeon, marié ou non, afin de le rendre dépendant, ou du moins à l'inciter à aider financièrement. Une cocotte pouvait avoir plusieurs amants, mais l'idéal était d'en avoir un riche. Ce genre de courtisanerie commença à se développer après la Révolution de Juillet, dans les années 1830, pour atteindre son apogée sous le second empire, et perdurera jusqu'en 1914. Si ce sont des femmes indépendantes (liberté souvent enviée par les bourgeoises engoncées dans les conventions de l'époque), elles sont toutefois dépendantes de leur beauté. Celle-ci fanée, elles sont vite délaissées. La plupart ont des destins tragiques ou finissent dans la misère, destins qui ont inspiré des romanciers : Émile Zola (
Nana), Alexandre Dumas fils (
La dame aux camélias), Colette (
Chéri), Balzac (
Splendeurs et misères des courtisanes)...