Le Cinéma tchèque et slovaque

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Le Cinéma tchèque et slovaque

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VIRGINITE (Panenstvi) de Otakar Vavar -1937
Avec Lida BAAROVA, Adina MANDLOVA

Une jeune fille dont le père a tenté d’abuser d’elle est contrainte de quitter sa famille. Elle trouve un emploi dans un café. Le propriétaire tente de la séduire en la faisant monter progressivement en grade tandis qu’un riche notable essaie de l’attirer dans son lit avec de l’argent.
Amoureuse d’un jeune compositeur tuberculeux, la jeune fille tente de réunir l’argent nécessaire pour le sauver. Elle accepte d’abord les avances du notable, mais prise de panique le repousse violemment. La mort dans l’âme, elle finit par se résoudre à épouser le propriétaire du café, à la grande joie de ses parents. Hélas, l’homme qu’elle aime mourra avant même qu’elle puisse le sauver.
Ne vous fiez pas seulement à ce résumé pour apprécier ce beau mélodrame, fort bien mis en scène et impeccablement photographié. Comme le titre du film l’indique, la sexualité joue un rôle majeur dans ce film. Après avoir subi les avances de son père, la jeune fille se retrouve confrontée à un monde du travail pénible où les employées font l’objet de harcèlement sexuel. La plupart d’entre elles semblent docilement se prêter à ce jeu car elles n’ont pas d’autres choix. Si la jeune fille, traumatisée, semble être au premier abord effrayée par le garçon qu’elle aime, elle est toutefois sensible à l’émotion qui l’envahit (scène audacieuse où elle se caresse en rentrant chez elle). La longue scène où, à contrecœur, elle gravit l’escalier pour se rendre au rendez-vous du vieux notable vicieux est particulièrement impressionnante (avec en transparence l’œil du notable qui regarde derrière son judas).Quant aux préparatifs du mariage, ils ressemblent plutôt à celui d’un enterrement.
Le climat social misérable de l’Europe centrale des années 30 est particulièrement bien rendu et l’interprétation de qualité. Très bien mise en valeur par la caméra de Jan Roth, Lida Baarova est stupéfiante de beauté et on comprend qu’elle fasse tourner.
dans de têtes dans le film et dans la vie (parmi ses amants, on comptait le monstrueux Joseph Goebbels. Sa vie chaotique sera proposée prochainement dans les vedettes de films musicaux, car la dame chantait souvent dans ses films). Dans un rôle moins important, Adina Mandlova l’autre star du cinéma tchèque d’avant guerre fait preuve d’abattage.
En somme derrière ce qui s’apparente à un mélo, se cache en définitive un film audacieux à découvrir.
Représenta la tchécoslovaquisme à la 6ème mostra de Venise.
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LA VIE D’UN AVENTURIER (Tezký zivot dobrodruha) -1941-
De Martin Frik avec Otomar Korbelár, Ladislav Pesek et Adina Mandlova

L’auteur de livres policiers à succès a la surprise de voir l’un de ses héros, le cambrioleur Fred Frik prendre vie et l’attirer dans une série de mésaventures et de vols qui vont le conduire jusqu’à la police.

Pendant le seconde guerre mondiale, les films américains et anglais n’étaient plus distribués dans les salles du vieux continent(hormis en Grande Bretagne). Aussi, pour plaire aux spectateurs, les producteurs concevaient quelques produits largement inspirés des films hollywoodiens comme cette comédie policière assez bien ficelée qui rappelle les aventures de Nick Carter. Le thème assez original a ensuite inspiré d’autres cinéastes : un romancier est dépassé par son héros de fiction qui prend vie et l’entraîne dans de rocambolesques aventures. L’histoire se complique quand apparaît un autre voleur qui lui aussi se fait passer pour le fameux gentleman cambrioleur. Le dénouement est inattendu et très peu crédible. On se croirait dans une bande dessinée pour adolescents, cette parodie ludique et confuse est parfois drôle, toujours bien jouée (surtout par l‘attachant Ladislav Pesek en romancier ahuri), même si la mise en scène n’a rien d‘exceptionnel. La musique, très jazzy, est excellente.

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Un jour, un chat... (Az prijde kocour/1963) de Vojtech Jasny

Message de Tom Peeping :


Un merveilleux conte pour enfants à la poésie duquel les adultes ne sauraient rester insensibles, Un jour, un chat (Az prijde kocour), film tchèque réalisé par Vojtech Jasny en 1963, est un parfait exemple de la liberté créatrice à laquelle certains réalisateurs pouvaient prétendre lors du court dégel qui survint derrière le Rideau de Fer au cours des années 1960. Je ne connaissais pas l’existence de ce film jusqu’à il y a quelque jours (encore une découverte dûe au hasard du Net) et mon envie de le voir m’a poussé à commander le DVD sur un site tchèque. Sans regret : c’est un film d’une légèreté qui confine à la grâce.

Au début des années 1960, dans une petite ville tchécoslovaque, un vieil homme regarde avec des jumelles les habitants vaquer à leurs occupations depuis la tour d’une église. Il en commente tout seul les faits et actes, les générosités et les bassesses. Dans la salle de classe primaire de l'école de la ville, un maître idéaliste demande à ses jeunes élèves de dessiner ce qu’ils aiment et ce qu’ils n’aiment pas dans le monde qui les entoure. Comme ils aiment bien le vieil homme, qui est une figure de la petite ville, celui-ci vient poser pour eux et se met à leur raconter une drôle d’histoire. Autrefois, une troupe itinérante était passée dans la ville, composée notamment d’un magicien, de sa belle assistante et d’un chat portant des lunettes magiques. Quand l’assistante retirait les lunettes du chat, les gens apparaissaient colorés selon leur personnalité (gris pour les voleurs, jaunes pour les infidèles, violet pour les menteurs, rouge pour les amoureux). Cela avait provoqué une belle pagaille dans la ville car personne n’était prêt à être ainsi dévoilé devant tout le monde. Puis la troupe était partie comme elle était venue. Quelque temps plus tard, une musique foraine se fait entendre à l’entrée de la ville : c’est la troupe itinérante qui est de retour avec le chat à lunettes. Après un spectacle public au cours duquel la jolie assistante retire les lunettes du chat, les personnages se colorent comme par magie, selon leurs qualités et leurs travers, pour le plus grand bonheur des enfants qui eux ne changent pas de couleur. Démasqués, plusieurs notables de la ville veulent alors faire la peau du chat pour l’empailler et le mettre au musée. Et la pagaille de recommencer…

Un jour, un chat est donc un conte (mais aussi une fable) avec des personnages qui sont des archétypes, comme dans tous les contes : le rêveur, le fourbe, la médisante, la gentille… Et l’univers des adultes est bien distinct de celui des enfants : seuls le maître d'école et le vieil homme font le lien entre les deux. Mais l’histoire n’a pas très grande importance, c’est surtout son esprit qui compte. La morale de la fable est qu'il est difficile de garder adulte les préceptes moraux qu'on nous enseigne lorsqu'on est enfant. Quant à l'esprit poétique de tous les instants, c'est lui qui permet de dire par métaphore des choses sans doute très parlantes aux spectateurs qui ont vu le film à sa sortie. Les lunettes semblent bien être la visière que le communisme impose aux individus, dans son idéalisation pervertie de la société. Une fois les lunettes retirées, l’Homme apparaît dans toute sa complexité identitaire. Les enfants, promesse de la nouvelle génération du dégel, sont les premiers à vouloir protéger le chat magique qui leur donne à voir le Monde tel qu’il est lorsqu’il est libéré de la contrainte et des faux-semblants importés de Moscou. Le réalisateur du film, Vojtech Jasny, aura évidemment des démêlés avec la censure soviétique une fois le rideau de fer retombé et partira alors travailler en Allemagne et en Autriche. L’originalité et l’intelligente insolence d’ Un jour, un chat lui ont permis de recevoir le Prix Spécial du Jury et le Prix de la Commission Supérieure Technique au Festival de Cannes 1963.

Aujourd’hui, le film peut être vu comme un passionnant témoignage historique de la libération du cinéma tchèque des années 60 et donc de la chose politique de l’époque. Mais c’est l’inventivité visuelle du film qui continue d’étonner : l’utilisation magistrale du format large (1:2.35) qui rend justice à la splendide place publique de la ville (le film a été tourné à Telc, une ville de Bohême classée au patrimoine mondial de l’Unesco) et à sa campagne environnante, le montage qui mélange les longs plans-séquences et les effets psychédéliques, l’irruption de la longue scène de mimes et de marionnettes lors de séquence du spectacle et bien sûr et avant tout, le travail très surprenant sur la couleur (toutes les scènes avec les personnages colorés en gris, jaune, violet ou rouge qui évoluent parmi d’autres en couleurs naturelles). Un jour, un chat est sans doute l'un des films en couleurs les plus étonnants que j'aie pu voir. La musique du film par Svatopluk Havelka ( ?) est formidable, entre jazz, classique et pop sixties.



Les acteurs, dont je ne connaissais aucun visage, sont tous très bons quand on garde à l’esprit qu’ils jouent dans un conte, ce qui n’implique pas un jeu naturaliste de leur part. Jan Werich (qui incarne à la fois le vieil homme et le magicien) semble avoir été une personnalité du cinéma tchèque et Jiri Sovak (le maître d'école) et Emilie Vasaryova (Diana, l’assistante du magicien) semblent être devenus des stars nationales suite à la sortie du film en 1963. Quant aux enfants, ils sont simplement eux-mêmes et apportent une fraîcheur supplémentaire à cette histoire qui en avait déjà beaucoup. Et le chat, malicieux comme tout, avec ou sans lunettes, est une révélation (les gros plans de ses yeux inquisiteurs qui scrutent les personnages sont géniaux).

Bref, Un jour, un chat (connu en anglais sous les titres When the cat comes ou Cassandra Cat) est une excellente surprise, un film d’une rare originalité, constamment créatif, léger, drôle et enrichi par ses différents niveaux de lecture. Je le recommande sans réserve pour les aventuriers de la découverte.



Le DVD tchèque (Filmexport Home Video) présente le film dans un excellent transfert anamorphique à l’image, couleur et son impeccables. Le film est en tchèque avec sous-titres anglais amovibles. Le DVD est truffé de bonus (le film semble être un classique du cinéma tchèque) mais sans sous-titres, je n’ai donc aucune idée de ce qui est dit dans les divers documentaires et interviews.



Avis de Jactari :
J'ai visionné le film hier, après avoir été alléché par la présentation de Tom Peeping.
Je ne regrette pas, c'est une très belle découverte (merci, donc), et il est probable que je le visionnerai à nouveau un jour, après avoir révisé un peu mes cours d'histoire, car je comprends bien l'essentiel de la seconde lecture, mais il y a certainement des références qui m'échappent.

C'est un questionnement un peu accessoire au regard des dimensions politique et technique du film mais je me suis fait la réflexion que dans les films mettant en scène un personnage animal important pour l'histoire (voire, ayant le rôle-titre), il n'est pas rare de voir le nom de l'animal au générique, mais il est absent dans ce film.
Est-ce une pratique si récente ? Ou bien peut-être qu'elle n'a pas de sens dans certains pays où la règlementation sur l'élevage (et le traitement) des animaux domestiques serait différente ?
Quoi qu'il en soit le Tabby de ce film a une bonne tête d'acteur. :D

Avis de joe Wilson :
J'attendais beaucoup de la découverte, qui m'a d'abord laissé perplexe...un peu bousculé par des changements de ton incessants, une approche à la fois excentrique et décalée.
Mais rapidement, la fantaisie du conte m'a happé pour de bon : la mise en scène exprime une liberté rare...de la très belle scène de spectacle à des passages quasi oniriques, Jasny met en avant le triomphe d'une étrangeté poétique. Celle-ci brise tous les carcans d'un univers fermé pour s'accomplir dans le rêve et la troublante beauté d'un regard retrouvé.
Le rythme musical prend une dimension essentielle tant Jasny alterne accélérations euphoriques et moments contemplatifs. La vie quotidienne, qui d'abord a semblé étouffer ces accomplissements, s'approprie peu à peu cette magie qui porte en elle une clarté vibrante.
Dans ses prises de risques, Un jour, un chat trouve une résonance atypique, très riche d'un point de vue historique et sensible (Tom Peeping l'a déjà bien souligné). Et c'est un régal pour les yeux.

Avis de Lupinnipul :
Du haut de son balcon, le camarade Oliva, un homme mûr, à la fois sage et espiègle, observe les habitants de son village et nous conte leurs histoires. Robert, l'instituteur, initie les jeunes au pouvoir du libre arbitre et exacerbe leur imaginaire. Robert a aussi une aventure amoureuse avec la secrétaire de l'école, qui, elle, le trompe avec le directeur... Un jour, une troupe de cirque débarque, avec à sa tête un magicien qui est le sosie parfait d'Oliva, et surtout Diana, une créature de rêve qui porte sur les genoux un chat portant des lunettes. Particularité étrange et pour le moins déconcertante: une fois les lunettes retirées, le regard du chat fait changer la couleur des gens en fonction de leurs vices et vertus ! Ainsi, le rouge indique un amoureux, le violet est un menteur, le gris, un voleur et le jaune, un infidèle...A l'idée que les secrets les plus honteux puissent être révélés, la panique gagne les habitants et, rapidement, certains complotent contre l'infâme félin...

L'arrivée de la troupe est prétexte à une grande variété de séquences oniriques, plus ou moins originales. Pêle-mêle, Jasny emprunte quelques artefacts propres au cirque, au théâtre noir ou encore à la pop culture pour nourrir un propos satirique qui fustige l'infidélité, la bêtise, le mensonge et l'hypocrisie. Le film évoque également les légendes populaires (on pense au joueur de flûte de Hamelin par exemple) et certaines scènes du début ou son intemporalité m'ont rappelé le Ballon rouge de Lamorisse. La poétique de Un jour, un chat...est donc riche d'influences. Le film ouvre aussi une nouvelle voie dans le cinéma tchèque, car si Milos Forman, la même année, prépare le terrain à la nouvelle vague socio-réaliste avec son As de pique, ce film de Jasny est vraisemblablement l'un des points de départ d'une série de films dégagés des processus narratif traditionnels: Jaromil Jires et surtout Vera Chytilova sont déjà dans les starting-blocks pour suivre Jasny et pousseront même l'allégorie dans des coins bien plus sombres et plus adultes. Un jour, un chat... peut également servir de point de repère pour l'étude du langage cinématographique d'un Warmerdam ou d'un Kaurismaki. C'est un type de farce typiquement européen, absurde et concret à la fois.
En valorisant la figure de l'instituteur, par ses côtés gentiment libertaire et transi d'amour, et les enfants, dont le rôle dans le film passe de l'anecdotique au prépondérant, le scénario positionne le film comme une critique de la société à la papa et de ses figures tutélaires corrompues ou dépravées, fustige la bureaucratie, le conservatisme et donc, bien entendu, l'occupant soviétique. Quoi de plus banal en 1963, finalement ? Même si le film est parfois maladroit (en insistant notamment lourdement sur l'opposition entre "couleurs", Jasny s'appuie sur un manichéisme primaire du plus mauvais effet), ou longuet, l'ensemble est tout de même une œuvre intéressante, originale et profondément optimiste, qui séduira les amateurs de contes débridés - et les fans des sus-cités (Chytilova, Jires) ou du polonais Wojciech Has. 3/5lupinnipul
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Re: Le cinéma tchèque

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Lemonade Joe (1964) de Oldrich Lipský
avec Karel FIALA, Olinka BEROVA

. Ce western parodique est réellement surprenant et ne peut qu’enchanter les cinéphiles. De Ford aux dessins animés de Tex Avery, en passant par les westerns musicaux de Gene Autry ou Roy Rogers, les clins d’œil et références ne manquent pas dans cette farce par moment hilarante.

Si l’utilisation du sépia et de filtres colorés évoque également les vieux westerns de Tom Mix ou William S Hart, on peut même se demander parfois, si le film n'épingle pas aussi les westerns (contemporains)de Sergio Leone. Visuellement, c’est souvent très réussi (je pense au passage du héros tout de blanc vêtu dans un paysage de western où apparaissent au loin des monuments qui n’ont rien à faire dans ce décor). Les chansons sont sympas, notamment celle du héros doublé par Karel Gott, la voix d’or de Prague. Quant à Olinka Berova, elle est parfaite en oie blanche, illuminée essayant de répandre la bonne parole anti-alcoolique dans les saloons enfumés. Son innocence et sa grande beauté enflamment le coeur du cavalier, redresseur de torts, qui veut remplacer l’alcool par du coca cola ! (une pique contre l’impérialisme américain). En revanche son filet de voix ne risque pas de lui ouvrir une grande carrière dans la chanson ou de faire de l’ombre à Karel Gott !
Dernière modification par Music Man le 29 déc. 12, 18:08, modifié 1 fois.
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Re: Le cinéma tchèque

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Marketa Lazarová (František Vlácil)- 1967
avec Josef KEMR

Avis de Julien :
Cette vaste fresque historique, joyaux du cinéma tchèque, vient récemment d’être éditée en dvd par le label anglais Second Run dans une copie qui permet enfin de profiter des somptueuses images noir et blanc prise par le chef opérateur Bedřich Batka. Le film, réalisé par František Vláčil se présente comme une chronique Moyenâgeuse et s’appuie sur le livre homonyme de l’écrivain Vladislav Vančura, publié en 1931. Le réalisateur cite également plusieurs passages de son ouvrage, Tableaux de l’histoire de la nation tchèque, écrit entre 1939 et 40.

Vančura qui collabora au script du film a également à son actif la réalisation de films important, tels que Du Côté du soleil (1933) et Marijka l’infidèle (1934) qui compte une musique signée Bohuslav Martinů. Des films malheureusement qui sont très difficile à trouver. Très intéressé par le surréalisme, le symbolisme et les techniques de montage du cinéma soviétique, Vančura a certainement contribué à donner au film cette touche singulière où coexiste plusieurs genres. Lyrisme poétique, épopée guerrière, violence, érotisme, expérimental…


Le réalisateur et son coscénariste František Pavliček, lui-même dramaturge, ont transposé l’histoire dans le haut Moyen Âge, au début du XIIe siècle, au moment où le christianisme naissant affrontait violemment le paganisme. L’intrigue décrit un monde barbare et violent où s’oppose deux armées rivales, tombés sous la domination du Christianisme allemand. En parallèle à l’action, on suit le parcours tumultueux de deux jeunes femmes, appartenant chacune à l’un des deux clans : Alexandra et Marketa Lazarová, interprétée par Magda Vášáryová. Cette dernière, enlevée par un chevalier païen, doit quitter le cloître et le service de Dieu, auxquels elle a été promise.

La narration, complexe, elliptique, parfois confuse utilise de nombreux flash-back et flashforward qui peuvent rappeler les techniques non narrative d’Alain Robbe-Grillet et du nouveau roman. La structure du film se divise en plusieurs chapitres qui s’ouvre chacun sur des cartons. Une technique narrative qui rappelle un peu Les Chevaux de Feu de Serguei Paradjanov ; on y retrouve d’ailleurs, comme dans ce denier, une abondance d’images poétiques et de métaphores qui n’ont rien d’artificiel ou de surajouté, une mobilité de la caméra, ainsi qu’une utilisation de la bande son particulièrement riche de sens.


Le réalisateur a aussi été fortement influencé par les méthodes de l’opéra. Comme le signale l’excellent critique américain Peter Hames dans le livret qui accompagne le dvd, il se serait inspiré de la forme musicale de la Sinfonietta de Leos Janáček. A cela s’ajoute une partition envoûtante signée Zdenek Liška, l’un des compositeurs de musiques de films tchèques les plus originaux qui a d’ailleurs largement contribué à l’émergence artistique de la Nouvelle vague Tchèque en collaborant avec des réalisateurs comme Věra Chytilová, Ján Kadár ou encore le slovaque Juraj Jakubisko.

Principalement axée sur le chœur (Féminin et Masculin), la musique évoque tour à tour le Chant Grégorien et les chansons du Moyen Âge. Partition étrange, expressive, exécutée sur des instruments primitifs, Flûte, xylophone, tambourins (Le compositeur en aurait même inventé pour l’occasion.) ; à mi chemin entre les rythmes archaïques de Carl Orff et le chant éthéré de Maurice Ohana ; souvent en contrepoint avec l’image, elle suit les mouvements nerveux de la caméra et contribue pleinement à la réussite du film.

Voici un extrait du film, où l’on peut voir le parcours chaotique du jeune Kristián, chevalier de l’armée des Saxons qui après une sanglante bataille, se retrouve seul au milieu d’un no man’s land – sorte de projection mentale de sa propre folie. Amoureux de la jeune Alexandra, qui appartient au clan rival, il est assailli de visions hallucinantes et entend la voix de son propre père qui lui ordonne de se débarrasser d’elle.

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Re: Le cinéma tchèque

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Trois noisettes pour Cendrillon (Tri orísky pro Popelku) de Vaclav Vorcilek
1974 - Tchécoslovaquie/Allemagne de l’Est
Avec Libuse Safrankova, Pavel Travnicek

Les pays de l’Est et notamment la république tchèque sont les grands spécialistes du conte de fée filmé, et probablement les plus habiles dans ce domaine. C’est vraiment par hasard, que j’ai eu l’occasion de visionner ce film pour la première fois, la renommée du metteur en scène ayant retenu mon attention. Si l’on parcourt les forums sur le net, ce film semble être gravé dans la mémoire de nombreux spectateurs qui l’ont vu à la télé française dans les années 80 et qui le recherchent avidement sur DVD. C’est en tous les cas, un film archi connu en Allemagne et en république tchèque, rediffusé à chaque Noël par la télé.
Même si ce n’est vraiment pas ma tasse de thé, ni « ma came » pour reprendre les mots de Nestor, le film est plutôt bien mené, avec un coté féerique reposant davantage sur une atmosphère (vallées enneigées, chevauchées, hiboux, colombes venant à la rescousse de Cendrillon…) que sur des trucages. Si le prince charmant n’est pas bien malin, Cendrillon est beaucoup moins falote que dans le dessin animé de Disney. Elle tire à l’arc, se révèle un chasseur émérite. Du coup, même si le film a de quoi faire rêver les petites filles, il n’est pas nunuche. En tous les cas, la jeune comédienne qui tient le rôle principal est vraiment ravissante. Je n’ai guère apprécié les scènes de chasse à cour (la mort du renard, qui essaie de retirer la flèche qui le transperce, me semble « limite » pour un public enfantin.)
Karel Gott, le plus célèbre chanteur de son pays, chante de sa glorieuse voix une jolie mélodie sentimentale C’est kitschouille, certes mais un peu de marshmallow n’est pas mauvais pour la santé.
En résumé, même si j’ai nettement préféré le Peau d’âne de Jacques Demy, et sa fantaisie, c’est dans le genre, un bon film. Cela dit, il me reste à découvrir Vorcilek dans des genres me tenant plus à cœur.
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Re: Le cinéma tchèque

Message par Music Man »

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Le songe d'une nuit d'été ( Jiri Trnka - 1959 )


Avis de Bruce Randylan :

Trnka voit les choses en grand ou plutôt en large pour ses marionnettes : du cinémascope !

A glorious cinémascope qui permet à l'animateur de mettre en valeur ses fabuleux décors et de mettre en images la grande valse des personnages pour un délire visuel et coloré d'un imagination débordante.
L'univers fantasmagorique de l'univers de la pièce de Shakespeare se prête naturellement à ce délire visuel avec ces créatures en pagaille, ses elfes, lutin, esprit de la forêt et autres fées miniatures qui ne perdent pas une occasion de se transformer ou de se fondre aux paysages.
Le spectacle est d'une rare poésie qui puise sa fascination dans son seul langage visuel puisqu'il est à 90% muet ( seul un narrateur en voix-off intervient de temps en temps pour introduire une nouvelle scène ). Cet absence de dialogue est ce qui symbolise le mieux ce "songe" auquel nous convie Trnka : une danse des corps, une ôde à l'amour, une invitation à rêver, un testament de foi pour l'imaginaire où tout est possible dans cet univers onirique.

Peut-être même un peu trop car il n'est pas toujours facile de comprendre l'histoire ni de différencier les différents esprits de la forêt. Ca pourrait d'ailleurs aussi être un peu répétitif s'il n'y avait pas la dernière séquence pour conclure sur un dernier quart d'heure ébouriffante de poésie et de trouvailles visuelles virtuoses.

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Re: Le cinéma tchèque

Message par Randolph Carter »

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VALERIE AND HER WEEK OF WONDERS de Jaromil Jires (1970):le film,tiré du roman de Vítězslav Nezval," Valérie ou la semaine des merveilles"raconte l'éveil à la sexualité d'une jeune fille,à travers une histoire gothique mêlant phantasmes et personnages réels dans une atmosphère envoûtante qui en fait un pur joyau du cinéma érotico-fantastique.Il semblerait qu'il existe une édition dvd outre atlantique,mais ça reste à vérifier.
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Re: Le cinéma tchèque

Message par julien »

Le film devrait prochainement être édité chez Malavida, en VF et VOSTF. C'est assez étonnant comme film, surtout de la part de Jaromil Jireš, qui faisait en général des films beaucoup plus politico-réalistes. Ici on est plus proche par moment de l'esprit fantasque des films de la Hammer.
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Re: Le cinéma tchèque

Message par Randolph Carter »

Merci pour l'info,Julien.J'avais vu le film à sa sortie en France,film plutôt mal accueilli,notamment par Charlie-Hebdo(c'était peut-être Hara-Kiri Hebdo) qui,si mes souvenirs sont bons,n'y avait vu que le bric-à-brac le plus éculé du fantastique et passant complètement à côté de la dimension oniro-poétique de l'oeuvre de Jirès.J'attends donc la sortie du dvd avec impatience.
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Re: Le cinéma tchèque

Message par Amarcord »

Randolph Carter a écrit : Il semblerait qu'il existe une édition dvd outre atlantique,mais ça reste à vérifier.
L'édition anglaise existe depuis longtemps déjà >>>>> http://www.amazon.co.uk/Marketa-Lazarov ... 014&sr=1-1
julien a écrit : Le film devrait prochainement être édité chez Malavida, en VF et VOSTF.
C'est chose faite aussi depuis quelque temps >>>>> http://www.amazon.fr/Marketa-Lazarova-J ... 774&sr=1-1
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Re: Le cinéma tchèque

Message par julien »

On parlait de Valérie. Il est pas encore sortit chez Malavida. Apparemment c'est prévu pour septembre.
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Randolph Carter
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Re: Le cinéma tchèque

Message par Randolph Carter »

Je retiens également Marketa Lazarova pour mes prochains achats Malavida. :D
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Re: Le cinéma tchèque

Message par Juventor »

Un coffret des films de Frantisek Vlacil est paru aux Royaumes-unis chez Second run dvd qui comprend Marketa Lazarova, La vallée des abeilles et Adélaïde ainsi qu'un documentaire (Sentiment) consacré à Vlacil.

http://www.dvdbeaver.com/film3/dvd_revi ... ection.htm

On peut acquérir les trois films séparément.
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Re: Le cinéma tchèque

Message par Amarcord »

Le cinéma de l'Est à l'honneur sur la Fnac : Zulawski, Wajda, Has, Marketa Lazarova... Tous (ou presque) les Malavida sont à 15€ pièce ou 30€ les 3 ! A ma connaissance, c'est la première fois que ces DVD reviennent à 10€ pièce ! Il y a 35 DVD dispos >>> http://recherche.video.fnac.com/n193002 ... PerPage=15
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