Le Cinéma tchèque et slovaque

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

Répondre
Music Man
Assistant opérateur
Messages : 2297
Inscription : 16 févr. 06, 21:23

Re: Le cinéma tchèque et slovaque

Message par Music Man »

Bravo Julien pour ce festival. Les photos sont super :wink: :)
Ca donne vraiment envie : beaucoup de films d'atmosphère, des photos intrigantes, de sujets originaux...
Dommage que ce "festival" ne soit pas diffusé sur une chaine de télé
julien
Oustachi partout
Messages : 9039
Inscription : 8 mai 06, 23:41

Re: Le cinéma tchèque et slovaque

Message par julien »

Music Man a écrit :Dommage que ce "festival" ne soit pas diffusé sur une chaine de télé
Oui c'est dommage ! Il y a eu pas mal d'efforts quand même de la part de certains éditeurs, comme Malavida par exemple qui a déjà sortit pas mal de films en dvd. Souhaitons que ça continue.

Panelstory (Histoires Préfabriquées) de Věra Chytilová (1979)

Image

Véritable bête noire du cinéma tchèque, Chytilová fut l'une des figures marquantes de la nouvelle vague. Aprés deux films remarqués, Les Petites Marguerites et Les Fruits du Paradis, qui connurent quelques démélés avec la censure du régime de l'époque, elle traverse sept années de chômage forcé, avant de reprendre la caméra en 1976, avec la comédie loufoque, Le Jeu de la Paume.

Trois ans plus tard, elle réalise Panelstory, une peinture corrosive, sur le soi disant miracle économique communiste de l'époque. Le film est monté de manière brutale et volontairement hachée, dans une forme proche du documentaire, ou du style frénétique à venir de Lars Von Trier.

A travers plusieurs petites histoires montés en parallèles, le film, décrit la vie chaotique des habitants d'une cité HLM de la banlieue de Prague, où rien ne fonctionne vraiment car tout est encore à l'état de construction. Les débris des travaux jonchent le sol, le bruit des machines est permanent et les défauts de constructions évidents... La pluie rend le sol boueux, les toits sont manquants, l'ascenseur ne fonctionne jamais et des échelles sont parfois nécessaires pour pouvoir accéder à certains appartements. A causes de coupures d'eaux intempestives certains habitants en sont même réduit à boire l'eau de leurs chiottes...

Le film tourne nettement en dérision, les campagnes publicitaires communistes, qui promettaient alors à la population de superbes habitations, dotés de tout le confort moderne que l'on pouvait rêver à l'époque. Chauffage central, machines à laver, salle de bain etc. Le film montre évidemment une réalité qui est tout autre. Pour autant, la réalisatrice ne verse pas tellement dans la caricature facile à l'encontre du régime politique et brocarde davantage le comportement immoral des habitants de l'immeuble, dépeints comme de véritables pantins hystériques qui s'agitent, comme à l’intérieur d'un théâtre de marionnettes...

A une époque de normalisation, où le cinéma tchèque était quasiment dénué de tout esprit critique et d'humour caustique, Panelstory a le grand mérite de porter un regard lucide et décapant sur la condition de vie sociale des gens. Le film fut donc à juste titre interdit de diffusion sur tout le territoire tchèque.

Bande Annonce :



On notera également (comme on peut le voir sur cette vidéo) la partition extrêmement iconoclaste et dérangeante - mais adaptée tout a fait au ton du film - signée Jirí Sust, qui avait déjà oeuvré sur Les Petites Marguerites.
Image
"Toutes les raisons évoquées qui t'ont paru peu convaincantes sont, pour ma part, les parties d'une remarquable richesse." Watki.
julien
Oustachi partout
Messages : 9039
Inscription : 8 mai 06, 23:41

Re: Le cinéma tchèque et slovaque

Message par julien »

Siréna (La Sirène) de Karel Steklý (1947)

Image Image

En 1889, dans une petite ville de Bohème, des mineurs entament une grève pour obtenir de meilleures conditions de travail.

Le film est adapté de l'oeuvre littéraire d'une féministe farouche, Marie Majerová, exclue avec d’autres intellectuels du parti communiste pour avoir protesté contre les aberrations staliniennes. Bien qu'assez daté, et un brin caricatural, l'opposition entre la classe ouvrière et la bourgeoisie dirigeante manque pas exemple assez de nuances ; le film reste assez intéressant par le traitement visuel de son sujet, filmé de manière très authentique un peu à la manière du néoréalisme italien. De nombreux plans sont d'ailleurs tournés en extérieurs, sur un véritable site minier.

Image Image

La musique du compositeur Emil František Burian, une personnalité assez importante du monde musical, qui a un peu touché à tout les genres, apporte également une tension et une force dramatique puissante, grâce notamment à l'emploi d'un pupitre de cuivres massifs et violemment dissonants.

Le film vaut surtout pour sa séquence finale, explosive, tournée avec de nombreux figurants. Le jour de la Fête-Dieu, une petite fille est agressée par un policier. Cet acte augmente la colère des ouvriers qui se ruent sur la maison du patron de la mine et fracassent un piano en signe de révolte. Ils seront ensuite encerclés comme des rats par l'armée nationale et abbatus sans pitié. A la fin du film, le travail recommence mais les revendications restent présentes.

Image Image

Pas de dvd ni d'extraits vidéos disponible.
Image
"Toutes les raisons évoquées qui t'ont paru peu convaincantes sont, pour ma part, les parties d'une remarquable richesse." Watki.
julien
Oustachi partout
Messages : 9039
Inscription : 8 mai 06, 23:41

Re: Le cinéma tchèque et slovaque

Message par julien »

Svatební košile (La Fiancée du Spectre) de Josef Kábrt (1978)

Image

Et pour terminer, un petit film d'animation très étonnant, inspiré par un conte fantastique de Karel Jaromír Erben. Erben fut un peu, à l'instar de Charles Perrault en France ou des frères Grimm en Allemagne, l'un des plus grands poètes national de son pays. Ses poèmes et ballades, traitent notamment de thèmes populaires et de légendes, évoluant dans un monde de créatures transcendantales.

Dans ce poème, connu également sous le nom de "Chemises de Noces" ; une jeune fille, désespérée de ne pas revoir son fiancé, parti depuis de longs mois, s'adresse à Dieu par ces paroles : " Rends-moi mon chéri ou abrège les jours de ma vie". Pour ce péché blasphématoire elle se retrouve maudite. Son fiancé vient alors la chercher mais se révèle être, une entité maléfique, qui l’emmène dans un cimetière pour le restant de ces jours. A la fin de l'histoire, grâce à une prière fervente, elle pourra heureusement conserver la vie et le salut de son âme.

Josef Kábrt, illustrateur de génie, a commencé sa carrière dans les prestigieux studios d'animation de Jiří Trnka. Il participe notamment à la fameuse production franco-tchèque, La Planète Sauvage de René Laloux. Dans ses films, il utilise une animation assez archaïque mais au style graphique absolument superbe. On lui doit également la confection des dessins d' Odyssea, un long métrage d'animation, d'excellente facture également, réalisé par Jiri Tyller et inspiré de l'Odyssée d'Homère.

Dans le film, on pourra en particulier apprécier la très belle séquence nocturne cauchemardesque, soulignée par une partition dramatique glaçante de Luboš Fišer, lorsque la jeune fille, après s'être fait délester de sa croix protectrice, se fait embarquer par le spectre, dans une course folle, en direction du cimetière.

Pas de dvd du film, mais on peut le visionner intégralement sur youtube :

Première partie :



Seconde partie :



En 1885, le poème d'Erben fut également mis en musique par Antonín Dvořák, dans une vaste cantate lyrique pour solistes, choeur et orchestre. Une oeuvre d'envergure mais à l'écriture un peu traditionnelle. Très amateur de la poèsie d'Erben, Dvořák a d'ailleurs mis d'autres de ces histoires en musique, dans des poèmes symphoniques très inspirées, dont notamment les conte macabres : Le Lutin des Eaux et La Sorcière de Midi.
Image
"Toutes les raisons évoquées qui t'ont paru peu convaincantes sont, pour ma part, les parties d'une remarquable richesse." Watki.
Anorya
Laughing Ring
Messages : 11846
Inscription : 24 juin 06, 02:21
Localisation : LV426

Re: Le cinéma tchèque et slovaque

Message par Anorya »

Comme Music Man, bravo pour toutes ces chroniques Julien, ça donne foutrement envie de voir ces films. Je n'ai pas encore tout lu, je prend mon temps (le cinéma Tchèque ça se savoure non ? :mrgreen: ) mais je me régale. :D
Image
riqueuniee
Producteur
Messages : 9706
Inscription : 15 oct. 10, 21:58

Re: Le cinéma tchèque et slovaque

Message par riqueuniee »

Janosik le rebelle(Martin Fric, 1936).
Une belle découverte .Scenario et dialogues sont assez sommaires,et l'interprétation très inégale, mais la mise en scène (il y a beaucoup d'extérieurs, et de belles trouvailles visuelles) rend le film très plaisant. Le film raconte l'histoire d'un brigand (genre Cartouche ou Mandrin) en Slovaquie au début du XVIIIème siècle (je ne sais pas si c'est totalement fictif, ou basé sur un personnage réel comme pour Cartouche). La bande-son fait un large usage des musiques et chansons traditionnelles (on voit aussi quelques danses). Il y a quand même deux chansons sans doute écrites pour le film, pour permettre à l'interprète principal de chanter...
Un film , compte tenu du sujet, plus slovaque que tchèque (peut-être d'ailleurs interprété en slovaque ?).
julien
Oustachi partout
Messages : 9039
Inscription : 8 mai 06, 23:41

Re: Le cinéma tchèque et slovaque

Message par julien »

Oui Janosik, que l'on peut aussi rapprocher de Robin des Bois, est un personnage très populaire dans la culture slave. (Pas seulement en slovaquie en fait). Il y a eu d'autres films qui ont était tourné et même une série tv. A noter aussi qu'il existe une précédente version en muet, qui fut tourné en 1921 par Jaroslav Siakel. Sur le film de Fric, le compositeur de la musique c'est Milos Smatek. Un spécialiste de ce répertoire, qui mélange chansons populaires et orchestre symphonique. Il est donc fort possible que ça soit lui qui ait spécialement composé les chansons que l'on entend dans le film.
Image
"Toutes les raisons évoquées qui t'ont paru peu convaincantes sont, pour ma part, les parties d'une remarquable richesse." Watki.
riqueuniee
Producteur
Messages : 9706
Inscription : 15 oct. 10, 21:58

Re: Le cinéma tchèque et slovaque

Message par riqueuniee »

Le personnage se rapproche plus de Cartouche que de Robin des Bois (du moins dans la version que j'ai vue, adaptée d'une pièce, d'après le générique). En ce qui concerne la musique du film, il y a une musique originale (pas mal, mais qui ne doit rien à la musique traditionnelle), les deux chansons interprétées par le personnage principal (pas traditionnelles non plus), qui semblent avoir été placées là pour que l'interprète principal puisse avoir quelque chose à chanter.
Les musiques et chants traditionnels sont utilisés quasiment toujours "en situation" : orchestre de bal, groupe de musiciens à l'auberge, paysans et/ou brigands qui se mettent à chanter ou à danser. En dehors des musiciens du bal, ces parties là sont interprétées par des musiciens et chanteurs traditionnels.
Dernière modification par riqueuniee le 15 oct. 12, 20:54, modifié 1 fois.
julien
Oustachi partout
Messages : 9039
Inscription : 8 mai 06, 23:41

Re: Le cinéma tchèque et slovaque

Message par julien »

J'ai pas vu le film en entier mais j'avais visionné quelques extraits sur youtube. Il est disponible en entier mais seulement en VO. Il y a des prises de vues extérieures assez belles. Je crois qu'il n'existe pas de dvd, avec sous-titres anglais ou français non ?
Image
"Toutes les raisons évoquées qui t'ont paru peu convaincantes sont, pour ma part, les parties d'une remarquable richesse." Watki.
riqueuniee
Producteur
Messages : 9706
Inscription : 15 oct. 10, 21:58

Re: Le cinéma tchèque et slovaque

Message par riqueuniee »

Les extérieurs sont en effet très beaux.
J'ai vu le film samedi soir à la Cinémathèque, dans une copie sous-titrée en français.
julien
Oustachi partout
Messages : 9039
Inscription : 8 mai 06, 23:41

Re: Le cinéma tchèque et slovaque

Message par julien »

Ah OK !
Image
"Toutes les raisons évoquées qui t'ont paru peu convaincantes sont, pour ma part, les parties d'une remarquable richesse." Watki.
julien
Oustachi partout
Messages : 9039
Inscription : 8 mai 06, 23:41

Re: Le cinéma tchèque et slovaque

Message par julien »

J'en profite pour signaler une bonne nouvelle. La parution en dvd d'Alice, le chef-d'oeuvre de Jan Švankmajer, adapté de Lewis Carroll, en version originale tchèque, sous-titré en français ! (dvd toute zone, en provenance de Tchéquie avec l'affiche originale peinte par Eva Svankmajerova.)

Reste à savoir quelle sera la qualité de l'image.

Image

Je vais essayer d'avoir des infos. Je vous tiens au courant.
Image
"Toutes les raisons évoquées qui t'ont paru peu convaincantes sont, pour ma part, les parties d'une remarquable richesse." Watki.
Avatar de l’utilisateur
El Dadal
Producteur Exécutif
Messages : 7259
Inscription : 13 mars 10, 01:34
Localisation : Sur son trône de vainqueur du Quiz 2020

Re: Le cinéma tchèque et slovaque

Message par El Dadal »

Il en existe un joli blu-ray en Angleterre chez BFI (donc sans STF, mais avec STA).
julien
Oustachi partout
Messages : 9039
Inscription : 8 mai 06, 23:41

Re: Le cinéma tchèque et slovaque

Message par julien »

Ben oui mais voila, t'as pas les sous-titres en français ; mais c'est vrai que l'image doit sûrement être très belle sur ce dvd, parce que le BFI en général il font bien les choses. Le coffret des courts métrages de Svankmajer qu'ils avaient précédemment édité était superbe, au niveau du rendu visuel.
Image
"Toutes les raisons évoquées qui t'ont paru peu convaincantes sont, pour ma part, les parties d'une remarquable richesse." Watki.
julien
Oustachi partout
Messages : 9039
Inscription : 8 mai 06, 23:41

Re: Le cinéma tchèque et slovaque

Message par julien »

Une publicité gratuite pour ce petit joyau féérique de Karel Zeman, édité en dvd chez Malavida :

Image
Image
"Toutes les raisons évoquées qui t'ont paru peu convaincantes sont, pour ma part, les parties d'une remarquable richesse." Watki.
Répondre