Le Cinéma tchèque et slovaque

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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julien
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Re: Le cinéma tchèque et slovaque

Message par julien »

riqueuniee a écrit :C'est noté. D'autant plus que j'ai l'intention de visionner Lemonade Joe du même Lipsky. Un film qui a l'air assez dans le ton de la fin de l'agent W4C... de Vorlicek (film que j'ai adoré). Par contre, il semblerait qu'il n'y ait pas de films de Vorlicek disponibles sur youtube. (mais je n'ai pas cherché, j'ai découvert presque par hasard -au début- l'existence de ces films, en recherchant le film de Zeman).
Je croiss que je vais faire d'avril le mois du cinéma tchèque et slovaque naphta, grâce à ces diffusions youtube.
Lemonade Joe j'ai un peu moins accroché mais j'ai vu le film dans de mauvaises conditions. Faudrait sans doute que je lui redonne une deuxième chance. C'est un peu une parodie du western américain mâtinés de séquences musicales assez farfelus. En cherchant, on devrait certainement trouver d'autres vidéos. Le cinéma tchèque est beaucoup plus populaires aux USA qu'en France j'ai l'impression. On trouve beaucoup plus d'éditions dvd des films même si l'éditeur Malavida a fait de gros efforts dans ce domaine en éditant quelques beaux fleurons.
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Re: Le cinéma tchèque et slovaque

Message par riqueuniee »

julien a écrit :Un que l'on trouve sur youtube avec sous-titres en anglais, et que je vous recommande chaudement, c'est Happy end, réalisé en 1967 par ce farceur d'Oldřich Lipský. Il a la particularité d'être tourné à l'envers. C'est-à-dire que l'histoire commence par la fin et se termine par le début mais le plus comique c'est que le défilement du film est lui-même à l'envers. Les personnages se déplacent à reculons et leur gestes sont inversés durant tout le film. Seuls les dialogues et le mouvements des lèvres des comédiens sont à l'endroit. Rien que pour ce tour de force technique le film est à voir mais l'histoire, teintée d'humour noir est également assez savoureuse.

Cette video n'est plus disponible (problèmes de droits) ainsi que celles , semble-t-il, de quelques films que 'j'avais repérés (sauf krakatit -mais sans sous-titres- et lemonade Joe), du moins en version d'un seul tenant : les films sont quand même visibles, mais "saucissonnés" (de 6 à 12 ou 13 parties, suivant la longueur du film).
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Re: Le cinéma tchèque et slovaque

Message par Music Man »

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LA CHUTE DU TYRAN /LA GRANDE SOLUTION (Bela nimoc) de Hugo HAAS - 1937
Avec Hugo HAAS et Zdenek STEPANEK

Le docteur Galen a inventé un remède contre la peste blanche, une sorte de lèpre très infectieuse qui vient de s’abattre sur l’Europe. Il parvient à guérir les quelques malades qu’on accepte de lui confier à l’hôpital. Le directeur d’une usine d’armement contracte la peste blanche et supplie le Dr Galen de le sauver : ce dernier lui propose un marché : le remède contre la promesse d’arrêter définitivement la machinerie de guerre et la garantie d’une paix éternelle. ..

La peste blanche est l’adaptation d’une des dernières pièces de Karel Capek, un vibrant plaidoyer pour la paix. On a déjà évoqué le nom de cet auteur, considéré comme le créateur du roman de science-fiction (à l’occasion du film Krakatit). Horrifié par la guerre civile espagnole, le dramaturge voulait mettre en garde ses lecteurs contre les dangers imminents d’une guerre mondiale et du nazisme. C’est le combat impossible d’un humaniste idéaliste contre un système et l’absurdité d’une violence organisée.
Le personnage du Maréchal (dont la caméra suit les effrayants mouvements de bottes), dictateur insensible, qui mène son pays à la guerre est inspiré d’Hitler (qui envahira le Tchécoslovaquie peu après).Son message est similaire : il veut faire la guerre pour conquérir de l’espace vital.
Hugo Haas est parvenu à transcrire fidèlement et très sobrement cette fable prémonitoire, sans aucun artifice. On évolue comme dans un cauchemar sépulcral, d’autant plus troublant et angoissant qu’il va devenir une cruelle réalité peu après. Très affecté par l’annexion des sudètes par les troupes nazies en 1938, l’auteur Karel Kapek mourra la même année.
L’acteur-réalisateur Hugo Haas, d’origine juive, sera contraint de quitter la Tchécoslovaquie après l’arrivée des nazis (son frère sera assassiné à Auschwitz): il tournera d’abord un film français de Léo Joannon (documents secrets) avant de s’exiler aux USA où il jouera dans plusieurs films très connus (les mines du Roi Salomon) et réalisera et produira une bonne dizaine de films noirs de série b avec la vamp blonde Cléo Moore. La chute d’un tyran, interdit pendant toute la guerre, ne sortira en France qu’en 1945.
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Re: Le cinéma tchèque et slovaque

Message par Music Man »

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HOTEL MODRA HVEZDA de Martin FRIC - 1941
Avec Natasa GOLLOVA, Oldrich NOVY et Adina MANDLOVA

Zuzana, modeste employée d’hôtel, hérite de sa tante l’hôtel Blue Star. Elle se rend aussitôt dans le luxueux établissement pour se faire connaître…ignorant qu’elle s’est trompée d’hôtel : elle est en fait l’héritière d’un hôtel délabré et déserté, squatté par trois musiciens…

Le cinéma tchèque d’avant-guerre savait concocter ce genre de comédie à la fois élégante et charmante. Les quiproquos se multiplient dans cette aventure cocasse et romantique. C’est réussi, bien mené et interprété avec beaucoup de charme par Natasa Gollova, grande vedette de l’époque. Le film perd un peu son rythme dans la seconde partie mais reste une comédie rétro des plus agréables.
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Anorya
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Re: Le cinéma tchèque et slovaque

Message par Anorya »

Up pour ce topic bien intéressant.
Et comme je commence lentement à découvrir le cinéma Tchèque, je met donc mon avis sur mon second film tchèque découvert dernièrement (le premier étant l'inclassable ovni Valerie au pays des merveilles dont je parlerais prochainement sans doute aussi). :)


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Les diamants de la nuit (Jan Nemec - 1964)


"Je n'ai pas voulu séparer la réalité et les souvenirs, à déclaré Jan Němec. L'ensemble doit transmettre une impression de rêve, peut-être comme dans L'année dernière à Marienbad, mais surtout comme dans une peinture de Chagall, où c'est l'ensemble du tableau qui donne une impression d'étrangeté..."

(Marienbad ? Non, Carlsbad - George Sadoul, Les lettres françaises, 24 mars 1966)



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Pas trouvé d'affiche originale satisfaisante sur ce coup... :|

Deuxième guerre mondiale. Deux jeunes hommes sautent d'un train de déportés. Presque par miracle, ils gagnent la forêt où ils tentent de survivre. Au cours de leur course éperdue, ils revivent encore et encore des scènes de leur vie d'avant, au milieu d'hallucinations causées par la faim, la fatigue et la peur de mourir. Ils sont bientôt pourchassés par un groupe de vieillards armés...



"Dans les montagnes tchèques, moraves ou slovaques, il y eut beaucoup de ces chasses sauvages en 1942-1945. Dans l'une d'elles, le poête Pierre Unik fut le gibier et son corps ne fut jamais retrouvé. Les diamants de la nuit ont souvent évoqué pour moi, les strophes où dans Le Roman inachevé Aragon chanta la disparition de notre ami, en fuite dans une nature froide et hostile."

(Marienbad ? Non, Carlsbad - George Sadoul, Les lettres françaises, 24 mars 1966)


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Il en est des éditeurs courageux pour distribuer tout un pan du cinéma qui nous est inconnu et regorge pourtant de pépites, tel Malavida qui se consacre en grande partie au cinéma Tchèque et polonais et c'est donc par le biais de leurs sympathiques DVDs que j'ai pu découvrir ce joyau noir fascinant, qui marque par ses partis-pris à la limite de la radicalité et de l'abstraction. Dès l'ouverture, le ton est donné dans une photographie d'un noir et blanc sublime et extrêmement granuleux avec ce long travelling d'où nos deux survivants s'échappent de ce qu'on devine un convoi de la mort : tenues de prisonniers dont on se débarasse dans la course, voix allemandes intimant de s'arrêter et coups de feu avant que l'on entende un bruit de train reprendre son chemin. Le peu de paix gagné sera pourtant d'une courte durée car les visions de la faim et de la fatigue s'insèrent lentement, troublant le spectateur puis le forçant à suivre cette odyssée étrange aux limites du mental et de l'onirisme.

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Plus le film avance et plus il enchevêtre passé et présent, présent et visions, voire passé et visions (par exemple, rattraper un tramway... encore habillé de la "camisole" (un châle plutôt) des prisonniers qu'on va emmener avec les autres). Qu'est-ce qui est réel quand l'iréel s'en mêle et devient aussi important que lui ? Pas étonnant dès lors que George Sadoul ait fait une petite comparaison avec l'art du montage de Resnais même si le film n'a rien à voir avec le rêve filmique toujours dérangeant et "autre" près de 51 ans plus tard que continue d'être L'année dernière à Marienbad. Car ici, l'histoire ne part pas dans plusieurs directions et temporalités, elle en arrive même à rester fluide et linéaire et la fascination provient en grande partie du fait que "ça marche", les temps et visions ne se chevauchent pas, ils collaborent mutuellement afin de décrire les sensations et la perdition, tous sens dehors, de nos deux survivants en sursis (*)

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Il faut dire que pour ce survival, puis simili chasse du comte Zaroff Tchèque soit si prenante, Nemec a su s'inspirer brillamment d'un de ses aînés, l'écrivain Arnost Lustig et l'une des nouvelles de celui-ci issu d'un ouvrage nommé... Les diamants de la nuit. Né à Prague en 1926, l'écrivain avait tout juste 16 ans quand il fut déporté au "ghetto Terezin". C'est pendant un transfert à Dachau qu'il réussira à s'échapper d'un transport, à l'instar de nos deux personnages. Il y a donc une forte part autobiographique qui trouve là un écrin personnel et plus que respectueux de la part du cinéaste (dont c'est alors le premier film) envers l'écrivain.


Le plus fort est d'ailleurs sans doute que Nemec ait pu réaliser un film aussi étrange et fort que celui-ci dans une forme stylistique aussi casse-gueule et réussisse à captiver tout le long, proposant même de micro morceaux de bravoure. Ainsi quand l'un des jeunes rentre dans une maison pour piquer de la nourriture et remarque en même temps qu'elle l'observe, la cuisinière qui s'est arrêtée, un couteau à la main. A ce moment, le cinéaste joue à la fois sur la situation présente tout comme le chaos mental du personnage qui s'imagine attaquer la pauvre femme par la force s'il le faut, à travers des répétitions qui ne sont jamais les mêmes : soit elle tombe comme ça, soit comme ci, soit elle l'attend avec un parfum de luxure dans le canapé qui borde la cuisine... La faim fait tout imaginer, surtout le pire. Du coup, même en ressortant avec des tranches de pain qu'on lui a donné, le doute et le malaise restent en nous : ne l'a t-il pas finalement attaquée ? Oui ? Non ? Un doute aussi terrible que celui qui traverse les personnages de bout en bout.


La scène en question, tiens...

Le film peut alors se voir au final non pas comme un film traitant d'un sujet fort en temps de guerre mais un survival doublé d'un fascinant exercice de style qui transcende le tout en un brillant objet poétique. Et si finalement ces diamants de la nuit, c'était ces deux jeunes, encore "purs" car vierges de tous points de vue du spectateur, entre passé et présent mêlés, visions et futur plus qu'incertain ? Ces joyaux teintés d'une humanité qu'elle en brille au fond de la plus obscure des nuits et de l'obscurité de la forêt ?

Un beau film qui hante lentement tel un étrange poison.

4,5/6.








(*) Curieusement, via les sensations et moments contemplatifs et décalés qui parsèment le film, je le rapprocherais plus d'un lointain cousin nommé L'enfance d'Ivan d'Andréï Tarkovski même si les deux films n'ont quasiment rien à voir, hormis leur noir et blanc magnifique et leurs visions étonnantes bien à eux qui les affranchissent du carcan de la réalité.
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Demi-Lune
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Re: Le cinéma tchèque et slovaque

Message par Demi-Lune »

Anorya a écrit :je met donc mon avis sur mon second film tchèque découvert dernièrement (le premier étant l'inclassable ovni Valérie au pays des merveilles dont je parlerais prochainement sans doute aussi). :)
Curieux de lire ton analyse car je suis resté de marbre face à ce film qui m'a semblé bien cheap et à la "poésie" aussi élaborée que dans un Jean Rollin... :|
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Re: Le cinéma tchèque et slovaque

Message par julien »

Anorya a écrit :Curieusement, via les sensations et moments contemplatifs et décalés qui parsèment le film, je le rapprocherais plus d'un lointain cousin nommé L'enfance d'Ivan d'Andréï Tarkovski même si les deux films n'ont quasiment rien à voir, hormis leur noir et blanc magnifique et leurs visions étonnantes bien à eux qui les affranchissent du carcan de la réalité.
Un qui ressemble assez au film de Tarkovski je trouve, c'est le film de Karel Kachyna, Vive la République ! Il me semble qu'il est sortit également récemment chez Malavida. Il est par contre un peu plus classique au niveau de la réalisation que le film de Nemec. Jan Nemec était un cinéaste très prometteur à ses débuts. Dommage qu'il se soit fait ensuite phagocyter par le régime communiste de l'époque. Il s'en est moins bien tiré que son comparse Milos Forman.

Anorya a écrit :

La scène en question, tiens...
Un effet probablement influencé par les théories du montage des attractions de Lev Koulechov.
Dernière modification par julien le 5 août 12, 13:47, modifié 1 fois.
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Re: Le cinéma tchèque et slovaque

Message par Anorya »

Demi-Lune a écrit :
Anorya a écrit :je met donc mon avis sur mon second film tchèque découvert dernièrement (le premier étant l'inclassable ovni Valérie au pays des merveilles dont je parlerais prochainement sans doute aussi). :)
Curieux de lire ton analyse car je suis resté de marbre face à ce film qui m'a semblé bien cheap et à la "poésie" aussi élaborée que dans un Jean Rollin... :|
Cheap, je ne dirais pas ça... champêtre plutôt. :mrgreen:
juliiiiien a écrit :Un qui ressemble assez au film de Tarkovski je trouve, c'est le film de Karel Kachyna, Vive la République ! Il me semble qu'il est sortit également récemment chez Malavida. Il est par contre un peu plus classique au niveau de la réalisation que le film de Nemec.
Classique peut-être mais quand tu dis qu'il lui ressemble, c'est dans l'histoire, les partis-pris oniriques ou la réalisation ? Tu as des captures ? :o
Julien a écrit : Un effet probablement influencé par les théories du montage des attractions de Lev Koulechov.
ça a le mérite d'être assez efficace en tout cas :D
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Re: Le cinéma tchèque et slovaque

Message par julien »

Oui c'est surtout les séquences oniriques qui font penser au film de Tarkovski.

Une photo ici :

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Re: Le cinéma tchèque et slovaque

Message par bruce randylan »

Demi-Lune a écrit :
Anorya a écrit :je met donc mon avis sur mon second film tchèque découvert dernièrement (le premier étant l'inclassable ovni Valérie au pays des merveilles dont je parlerais prochainement sans doute aussi). :)
Curieux de lire ton analyse car je suis resté de marbre face à ce film qui m'a semblé bien cheap et à la "poésie" aussi élaborée que dans un Jean Rollin... :|
Tu peux déjà lire la mienne sur 1kult via un compte rendu sur l'étrange festival édition lyonnaise 2010 :wink:

http://www.1kult.com/2010/04/13/de-laut ... de-lecran/
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Toute cette semaine sur DvdClassik :

FESTIVAL DU CINEMA TCHÉCOSLOVAQUE DES FILMS QU'ON CONNAIT PAS

Allez hop, je commence :

Trápení (Tourments) de Karel Kachyňa. (1961)

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Le film relate l'histoire d'amitié entre une jeune fille orpheline et un cheval sauvage indomptable. C'est un peu une sorte de Crin-Blanc, à la tchèque et il y a d'ailleurs fort à parier que Kachyňa ait profondément était influencé par le film de Lamorisse. On pouvait craindre un film pour enfants un peu mièvre, sauf que l'on voit de suite que l'on a affaire à une solide équipe technique. Alors si l'histoire n'est certes pas d'une grande originalité, on peut néanmoins apprécier la beauté du cadre (scope noir et blanc), qui fait bien ressortir les plaines immenses de la bohème du sud, l'efficacité du montage, qui apporte au film un rythme très soutenu et jamais ennuyeux, la musique, délicieusement impressionniste, signé Jan Novák (probablement l'une de ses meilleures) ainsi que le charme de la jeune héroïne, interprétée avec une grande maturité par Jorga Kotrbová, qui trouve ici son premier rôle à l'écran. On peut regretter que Kachyňa n'ait plus vraiment retrouvé dans ses films suivants, cette beauté lyrique qui traverse fréquemment le film, en particulier lors d'une très belle séquence onirique, où la jeune fille s'imagine s'enfuir de chez elle, en traversant un lac sur son cheval. Mais bon à cette époque le communisme ne se mêlait pas vraiment de cinéma et les réalisateurs bénéficiaient encore d'une certaine liberté artistique. Pas de dvd de disponible, pas même en Tchéquie, mais bon c'est le genre de film qui ne rentre pas trop dans les cases. Pas assez maniéré pour intéresser les cinéphiles et quelque peu daté pour plaire au grand public.

Extrait :

Dernière modification par julien le 16 août 12, 12:28, modifié 6 fois.
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Krotká (Krotkaia la douce) de Stanislav Barabáš. (1967)

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Ce film, réalisé pour la télévision tchèque, est l'adaptation d'une nouvelle peu connue de Dostoievski. Peu aprés son mariage, avec un riche commerçant, une jeune femme se suicide en se jetant par la fenêtre. Tout au long du film, l'homme, en proie à un trouble extrême, se remémore le souvenir de son épouse et essaye de comprendre les raisons de son geste. Tourné quasiment en huis clos dans un petit appartement bourgeois, le film de Stanislav Barabáš, composé de plusieurs flash-back, et de monologues en voix off, évite la dimension théâtrale que l'on aurait pu redouter et étonne par la rigueur de sa réalisation, la minutie du cadre, et du découpage, composé de nombreux plans serrés sur le visage des personnages.

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Zdeněk Liška à la musique, trouve une fois de plus le ton approprié. Juste aprés la cérémonie du mariage, au lieu de mettre une musique pompière de circonstance,Liška compose un thème trés mélancolique pour piano et clarinette, qui anticipe déjà sur le drame à venir. Au niveau de l'interprétation, il manque sans doute une fièvre, une angoisse de la part des acteurs, qui aurait sans doute pu donner davantage de tension au récit mais Barabas n'est pas Zulawski et se contente plutôt de miser sur un minimum d'effet et une direction d'acteur relativement sobre. Dans le rôle de la jeune épouse, on relèvera d'ailleurs l'interprétation tourmentée de Magda Vášáryová, déjà aperçue dans Marketa Lazarová, et qui commencait alors à se faire un nom dans le cinéma de la nouvelle vague tchèque. Pas de dvd disponible.

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Re: Le cinéma tchèque et slovaque

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Pražské Noci - Les Nuits de Prague (1968)

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Une bizarrerie insolite, sorte de Creepshow à la tchèque, produite par les fameux studios de Barrandov, comme seul les slaves sont capable d'en faire. Le film se divise en quatre courts métrages gothiques basés sur de vieilles légendes praguoises obscures (d'où le titre du film), réalisés par quelques réalisateurs prestigieux du renouveau du cinéma tchèque. Miloš Makovec, Jiří Brdečka et surtout Evald Schorm, qui se distingue assez nettement du lot par son court-métrage, La Pantoufle de pain.

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L'histoire est celle d'une riche comtesse, que les passions libertines entraînent jusqu'à la mort, lorsqu'elle tente de séduire Satan en personne. La réalisation, insolite et originale, la musique de Klusák et les chorégraphies réglées par Růžena Mazalová ne manquent pas d'élégance. On notera aussi l'interprétation de Teresa Tuszyńska, assez irrésistible dans le rôle principal de la comtesse. Un petit bijou, noir et vénéneux, que Fellini n'aurait probablement pas désavoué. Le court de Brdečka, situé durant la dynastie de l'Empereur Rodolphe, raconte la naissance du monstre du Golem. Assez peu développé, il vaut surtout pour son travail sur l'ambiance, le traitement visuel des décors ainsi que pour la prestation du compositeur Jan Klusák, dans le rôle du Rabbin Löw, qui donne naissance à la créature inanimée.

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Les autres courts-métrages, qui ouvrent et referment le film sont un peu plus dispensables et servent surtout de fil conducteur aux deux autres histoires ; cependant le dernier volet, réalisé sous la forme d'une comédie musicale macabre à la Stephen Sondheim, vaut quand même le détour pour la composition absolument décalée du génial Zdeněk Liška (les plus dingues sont décidément de la partie), qui accompagne par des chansons à l'humour noir, les crimes et les méfaits d'une aubergiste empoisonneuse de clients fortunés. Au final, le film est à prendre pour ce qu'il est. Une sorte de cocktail expérimental assez déséquilibré mais qui témoigne surtout de la belle vitalité artistique que pouvait avoir le cinéma tchèque de cette époque.

Extrait du court, réalisé par Jiří Brdečka :



Není dvd.
Dernière modification par julien le 16 août 12, 12:25, modifié 4 fois.
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Probuzení (l'Eveil) de Jiří Krejčík (1959)

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En suivant le parcours d'une jeune fille échappée d'un camp de redressement pour aller rejoindre une bande de délinquants, le film dresse le portrait de la jeunesse des classes moyennes de la fin des années 60, en butte avec l'autorité parentale moralisatrice, et qui erre sans but fixe.

Un peu oublié aujourd'hui, la carrière de Jiří Krejčík mériterait que l'on s'y attarde vu qu'il a pas mal contribué à l'émergence de la nouvelle vague tchèque ; inspirant entre autres, Miloš Forman et Věra Chytilová. Sur le plan international, il est principalement réputé pour son film, Monsieur Principe Supérieur, qui condamne ouvertement le régime nazi. Tiré d'une pièce de théâtre qui évoque un peu La Fureur de Vivre, ce film là est par contre beaucoup moins connu. Peter Hames n'en parle même pas dans son bouquin consacré à la Nouvelle vague du cinéma tchèque, ce qui est quand même pas normal... Alors même s'il ne s'agit pas d'une oeuvre majeure, le film se distingue aisément, par sa liberté de ton et la dynamique de sa mise en scène, des réalisations pantouflardes ou des comédies vaudevillesques poussives que l'on pouvait trouver à la même époque. La spontanéité des dialogues, la fraîcheur des interprètes, où brille notamment la jeune Jana Brejchová ainsi que la fluidité du montage, insufflent un rythme assez nouveau pour l'époque qui s'inscrit parfaitement dans le courant émergent du jazz et de la musique rock. Le film annonce d'ailleurs les réalisations à venir de Forman, comme par exemple l'As de Pique ou Les Amours d'une Blonde.

Extrait :



Pas de dvd disponible.
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Re: Le cinéma tchèque et slovaque

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Zbehovia a Pútnici (Déserteurs et Nomades) de Juraj Jakubisko (1968)

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Tourné en Slovaquie, Déserteurs et Nomades, n’est probablement pas le film le plus accessible de la carrière originale de Juraj Jakubisko, surnommé à juste titre, le « Fellini de l’est » . Il demeure quand même très intéressant car c’est le premier film ou le réalisateur a vraiment pu laissé libre cours à son imaginaire débridée, mêlant dans un cocktail explosif, surréalisme, folklore, drame et humour noir.

Le film se divise en trois partie. La première a lieu durant la première guerre mondiale et s’ouvre sur des images très violentes prises au milieu du front armée. On y suit les pérégrinations d’un jeune soldat qui déserte l’armée et trouve refuge, avec d’autres de ses comparses, dans un petit village, qui deviendra bientôt le théâtre d’atrocités sanglantes.

La seconde histoire, se situe pendant la seconde guerre mondiale au moment de la libération de la Slovaquie par les soldats russes, qui se feront ensuite anéantir par les officiers allemands dans une orgie sanglante…

Ça se gâte un peu dans la dernière partie, sans doute la plus allégorique mais probablement la moins inspirée. On a l’impression qu’ils avaient plus un rond pour tourner, comme si tout le budget du film, s’était évaporé dans les deux autres histoires. Situé dans un futur proche, durant une hypothétique guerre apocalyptique, il s’ouvre sur une séquence de cauchemar, tourné en vert monochrome, à l’intérieur d'un abri souterrain peuplé de vieillards, à poils et mal famés. Un couple s’échappe de cet enfer, et tente ensuite de recomposer une humanité dissoute. Mais l’homme se révélera être une personnification de la mort en personne...
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Foutraque, brouillon dans sa construction, et souvent improvisé, le film a néanmoins les défauts de ses qualités et possède une vitalité et une invention formelle étonnante. Le cadre, souvent malmené par une caméra très mobile, tenu le plus souvent à l’épaule, par Jakubisko lui-même, regorge de mille et un détails, un peu comme une peinture de Breughel, où défile des personnages hystériques et haut en couleurs. Plus une allégorie sur la cruauté de la guerre qu’un véritable film politique à message ; le film bascule constamment entre le drame, la poésie et la farce noire et absurde.

Ajoutons également une partition musicale inventive du compositeur Štěpán Koníček, tour à tour inspiré du folklore slovaque, de la musique tzigane, mais aussi du classique et de la pop... Jakubisko avait semble t-il trouvé là un compositeur à la mesure de son style bigarré, bien qu'il ne collaborera plus avec lui par la suite. Le film fut co-produit par l’Italie mais ne trouva aucun distributeur à l’étranger. Aujourd’hui encore, il semble assez largement ignoré. Très peu visible à la télévision, il n’existe pas en dvd. (Même Malavida, qui a pourtant déjà édité deux films du réalisateur, de la même période n’a semble t-il, pas encore était preneur). Il s’agit pourtant de l’un des films les démesurés de son auteur.

Petit extrait :

Dernière modification par julien le 18 août 12, 17:42, modifié 1 fois.
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