La critique autrefois

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Commissaire Juve
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Re: La critique autrefois

Message par Commissaire Juve »

Ann Harding a écrit :
Commissaire Juve a écrit :Le type qui a écrit ça -- le professeur Henri Agel
Je te conseille de jeter un oeil sur le bonus DVD du Nouveau Testament de Guitry où tu pourras voir en chair et en os le Sieur Agel descendre en flammes Guitry:
Spoiler (cliquez pour afficher)
Sur le disque du film, il y avait un supplément très intéressant : un extrait d'une émission d'Armand Panigel (vers 1965) où il discutait de Guitry avec Robert Lamoureux, Jacques Siclier, Henri Agel et François Truffaut. j'ai entendu plusieurs choses ahurissantes durant cette émission. En même temps, elle m'a permis de me replonger dans cette époque où la 'qualité française' en prenait pour son grade. Tout d'abord, j'ai été très amusée par les considérations d'Henri Agel, drapé dans sa dignité de professeur, qui appelle Guitry un petit-maître. Après tout, pourquoi pas ? Mais, son argumentation devient particulièrement spécieuse lorsqu'il décrète que Guitry est un affreux petit-bourgeois qui n'avait de succès qu'auprès des provinciaux et autres gens de peu de lettres. Il y a là un mélange de mépris, de condescendance et de préjugés assez effarant ! :shock: Truffaut, bien sûr, défend Guitry, ainsi que Pagnol. Par contre, Il descend en flammes, d'une phrase, René Clair, Julien Duvivier et Jacques Feyder. :o :shock: Il en rajoute même pour dire que Les Gens du Voyage (1939, J. Feyder) est un film absolument sans aucun intérêt... :roll: A-t-il même vu ce film ? Franchement, je me le demande. Enfin, il m'a semblé que dans les années 60, les critiques se faisaient leur opinion avec des préjugés. Certains cinéastes sont sur la Liste A: Renoir, Pagnol, Guitry, Gance. Par contre, les autres comme Feyder, Duvivier et Clair, sont au purgatoire. Les raisons me semblent peu claires et certainement pas du tout motivées. Je crois que malheureusement il reste des traces de cette classification totalement arbitraire chez les critiques. Heureusement, les cinéphiles de base eux préfèrent juger par eux-mêmes en regardant les films!

Tu me rassures. En parlant de "type" (au début, j'avais écrit "mec"), je pensais avoir commis un crime de lèse-majesté.
Commissaire Juve a écrit :...

- l'un commercial ou penchant fort sensiblement de ce côté, incarné par des metteurs en scène sans ambition
- l'autre intrépidement pur et désintéressé

"Marie-Octobre" contre "La tête contre les murs"
"Archimède le clochard" contre "Hiroshima mon amour"
"Les tricheurs" contre "Les 400 coups"
Perso -- à part "Hiroshima" -- je peux aimer les deux. C'est tout bénef ! 8)
La vie de l'Homme oscille comme un pendule entre la douleur et l'ennui...
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Re: La critique autrefois

Message par Federico »

Truffaut vu par Télérama au fil des sorties de ses films.

Y a eu parfois des baffes qui se sont perdues telle cette critique de Tirez sur le pianiste...
« S'il voulait détruire les histoires cousues de fil blanc, pourquoi n'a-t-il pas choisi un scénario bien à lui, vraiment neuf ? Pourquoi retrouvons-nous derrière un personnage authentique ces clichés, des situations cent fois aperçues, ces poncifs de la nouvelle et de la vieille vague ; il fallait un lit et une coucherie, comme dans A bout de souffle… »
Jean Collet, Télérama n°569 (1960)
...mais aussi des analyses qui firent mouche comme pour Les 2 Anglaises et le Continent
« Ces personnages qui préfèrent l'attente à la jouissance immédiate, qui rêvent leur amour plus qu'ils ne le vivent, ressentent des émotions plus fortes – et par contre-coup le spectateur – que les héros à la mode des films érotiques. »
Claude-Marie Trémois, Télérama n°1143 (1971)
The difference between life and the movies is that a script has to make sense, and life doesn't.
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Re: La critique autrefois

Message par Commissaire Juve »

Aujourd'hui, ça n'est pas mieux : ils sont plus que jamais donneurs de leçons et, plus un film choque le bourgeois, plus ils applaudissent !
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Re: La critique autrefois

Message par kiemavel »

Federico a écrit :Y a eu parfois des baffes qui se sont perdues telle cette critique de Tirez sur le pianiste...
« S'il voulait détruire les histoires cousues de fil blanc, pourquoi n'a-t-il pas choisi un scénario bien à lui, vraiment neuf ? Pourquoi retrouvons-nous derrière un personnage authentique ces clichés, des situations cent fois aperçues, ces poncifs de la nouvelle et de la vieille vague ; il fallait un lit et une coucherie, comme dans A bout de souffle… »
Jean Collet, Télérama n°569 (1960)
Je suis étonné par le style de Collet à cet époque…"Il fallait un lit et une coucherie" :? . Et puis, quant au scénario "bien à lui"…ce n'était certes pas un scénario original de Truffaut mais avec Marcel Moussy (pour l'anecdote…qui n'intéresse personne, c'était les noms et prénoms de mon grand-père maternel :wink: ) ils ont tellement malaxé le roman de Goodis...Plus tard, en conclusion d'un très bon papier, Jean Collet écrivait ceci : " Le film est un immense éclat de rire tragique. Écartelé entre la série noire et le conte de fée ("J'ai voulu, disait Truffaut, aborder ce sujet, à la manière d'un conte de Perrault"), il transforme notre angoisse en euphorie. Le secret de cette métamorphose redoutable, c'est l'humour. Et c'est avec un humour Hitchcockien qu'on peut savourer la scène finale -douce amère- jusque dans son ultime réplique. ///Source : Le cinéma de François Truffaut. Jean Collet (1977). Je ne sais pas ou en est la critique au sujet de Truffaut aujourd'hui. Je n'ai rien lu depuis le "dictionnaire" paru il y a pas mal d'années mais le bouquin de Collet m'avait jadis paru le plus personnel et le plus passionnant sur le cinéaste sur les 5 ou 6 que j'ai lu. Par ailleurs, les deux hommes étaient amis. Certaines des lettres à Jean Collet ont été publiés dans la correspondance de Truffaut.
Federico a écrit : ...mais aussi des analyses qui firent mouche comme pour Les 2 Anglaises et le Continent

« Ces personnages qui préfèrent l'attente à la jouissance immédiate, qui rêvent leur amour plus qu'ils ne le vivent, ressentent des émotions plus fortes – et par contre-coup le spectateur – que les héros à la mode des films érotiques. »Claude-Marie Trémois, Télérama n°1143 (1971)
D'accord avec le reste mais "rêvent leur amour…" ? ça couche beaucoup chez Truffaut, y compris dans celui là (mais beaucoup moins que dans le roman de Roché). Les personnages ne laissent rien passer au contraire car en dehors des histoires d'amours principales impliquant Claude et ses deux anglaises, il y a les aventures secondaires des uns et des autres. C'était d'ailleurs déjà le cas dans Jules et Jim adapté du même romancier (…et dans la correspondance de Henri-Pierre Roché, celle de Helen Hessel et par les écrits de Franz, on s'aperçoit que dans ses deux romans, Roché a simplifié des relations amoureuses encore plus compliquées dans la réalité). Pour revenir " aux deux anglaises", il y a aussi de grands élans amoureux. Je me souviens plus particulièrement de la rousse Muriel Brown marchant dans la campagne anglaise en lançant des : "Claude, je vous aime…" sur la musique de Delerue :oops: Et sinon, pour revenir sur cette histoire de "un lit est une boucherie", c'est vrai quelquefois parce que, parait qu'il y avait " du rouge sur son or ".
Commissaire Juve a écrit :Aujourd'hui, ça n'est pas mieux : ils sont plus que jamais donneurs de leçons et, plus un film choque le bourgeois, plus ils applaudissent !
Ben, faut avouer qu'il ne faut pas grand chose, de simples rumeurs pour les mettre dans la rue, les défenseurs de la famille en ce moment :wink: Font pas trop chier à la sortie des cinés depuis un moment mais ça ne saurait tarder…Un zizi ou deux hommes qui s'embrassent sur une affiche, c'est vrai que c'est dégueulasse :arrow: …Les gosses, ça posent des questions, ça les intriguent mais guère plus…Le problème c'est les parents qui trouvent que le cinéma devient de plus en plus dégueulasse, alors que ce qui est le reflet de cette époque (qui selon moi ne fait que débuter) ce n'est pas une permissivité plus grande, c'est que ce public se crispe et serre les fesses en se disant "çà ne passera pas par moi" :shock: D'autre part, la presse spécialisée donneuse de leçons, oui si tu veux mais elle est dans son rôle quand elle défend un certain cinéma, cad des films dont il est à peine question dans les autres médias (en dehors des radios publiques) depuis que la télévision se contente presque exclusivement de lancer des produits à coups de bandes annonces ou qui permet aux metteurs en scène et comédiens de s'exprimer mais brièvement svp entre la chronique rigolote de machin, le journal et la recette de cuisine de Momone.

Ta formulation précédente (que j'avais lu tout à l'heure, oui, j'ai l'oeil) était ambigüe. J'avais cru que tu déplorais (obsédé par Sodome et Gomorrhe :D ) le coté gardien de la morale qui perce derrière les extraits exhumés par federico. Collet semblait déplorer l'érotisme nouveau et la sexualité plus "honnête" qui faisaient partie du programme de la nouvelle vague, pareil pour son collègue qui préfère l'érotisme suggéré de Truffaut à celui des films érotiques qui apparurent sur les écrans durant les 70th. Mais bon, sur ce dernier point, je suis avec lui et avec toi :wink:
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Supfiction
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Re: La critique autrefois

Message par Supfiction »

Commissaire Juve a écrit :Aujourd'hui, ça n'est pas mieux : ils sont plus que jamais donneurs de leçons et, plus un film choque le bourgeois, plus ils applaudissent !
kiemavel a écrit :Le problème c'est les parents qui trouvent que le cinéma devient de plus en plus dégueulasse, alors que ce qui est le reflet de cette époque (qui selon moi ne fait que débuter) ce n'est pas une permissivité plus grande, c'est que ce public se crispe et serre les fesses en se disant "çà ne passera pas par moi" :shock: D'autre part, la presse spécialisée donneuse de leçons, oui si tu veux mais elle est dans son rôle quand elle défend un certain cinéma, cad des films dont il est à peine question dans les autres médias (en dehors des radios publiques) depuis que la télévision se contente presque exclusivement de lancer des produits à coups de bandes annonces ou qui permet aux metteurs en scène et comédiens de s'exprimer mais brièvement svp entre la chronique rigolote de machin, le journal et la recette de cuisine de Momone.
Je crois que le cinéma a régulièrement été perçu comme allant trop loin et "sale" par une partie du public conservateur et réactionnaire, non ? De Hedy Lamarr et Mae West jusqu'aux putain de films plus récents tel-que Brokeback Mountain ou L'Inconnu du lac, en passant par les seins d'Arletty, la robe de Marilyn, la grande bouffe ou aux provocations de Serge Gainsbourg.
Après cela dépend des tensions qui traversent la société, il y a des durcissements et des relâchements (si je puis dire) de l'opinion en fonction de l'actualité et des nouvelles lois. Nous sommes clairement dans une phase de durcissement.

Pour revenir à télérama, n'ont-ils pas effectivement progressivement retourné leur veste (doublée de vison) ?
En y réfléchissant, il n'y a plus vraiment (à part peut-être le Figaro et encore) de grand média conservateur. C'est peut-être un problème d'ailleurs, car on se retourne vers des machins sur internet à défaut.

Tiens, un film comme celui-ci est je crois passé totalement inaperçu en 2008. En 2014, je pense que cela aurait posé quelques tensions.

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Re: La critique autrefois

Message par kiemavel »

Supfiction a écrit :
kiemavel a écrit :Le problème c'est les parents qui trouvent que le cinéma devient de plus en plus dégueulasse, alors que ce qui est le reflet de cette époque (qui selon moi ne fait que débuter) ce n'est pas une permissivité plus grande, c'est que ce public se crispe et serre les fesses en se disant "çà ne passera pas par moi" :shock: D'autre part, la presse spécialisée donneuse de leçons, oui si tu veux mais elle est dans son rôle quand elle défend un certain cinéma, cad des films dont il est à peine question dans les autres médias (en dehors des radios publiques) depuis que la télévision se contente presque exclusivement de lancer des produits à coups de bandes annonces ou qui permet aux metteurs en scène et comédiens de s'exprimer mais brièvement svp entre la chronique rigolote de machin, le journal et la recette de cuisine de Momone.
Je crois que le cinéma a régulièrement été perçu comme allant trop loin et "sale" par une partie du public conservateur et réactionnaire, non ? De Hedy Lamarr et Mae West jusqu'aux putain de films plus récents tel-que Brokeback Mountain ou L'Inconnu du lac, en passant par les seins d'Arletty, la robe de Marilyn, la grande bouffe ou aux provocations de Serge Gainsbourg.
Après cela dépend des tensions qui traversent la société, il y a des durcissements et des relâchements (si je puis dire) de l'opinion en fonction de l'actualité et des nouvelles lois. Nous sommes clairement dans une phase de durcissement.

Pour revenir à télérama, n'ont-ils pas effectivement progressivement retourné leur veste (doublée de vison) ?
En y réfléchissant, il n'y a plus vraiment (à part peut-être le Figaro et encore) de grand média conservateur. C'est peut-être un problème d'ailleurs, car on se retourne vers des machins sur internet à défaut.
Je te réponds brièvement car on est hors sujet mais oui, bien sûr que le cinéma a d'emblée suscité les réactions scandalisées d'une partie du public... et leurs fantasmes (car c'est aussi de ça qu'il s'agit) non seulement en raison des oeuvres cinématographiques elles-mêmes mais aussi pour les moeurs du milieu mais ça, c'était déjà le cas avant l'ère du cinéma : "Papa, je veux être actrice !" . "Et pourquoi pas faire le tapin, s…... ?" . Mais tu confirmerais plutôt mon impression, comme tu dis, ça se durcit. Au fait, t'y vas à la manif ? Moi, j'y vais avec ma femme. On a déjà confectionné un panneau : Mère porteuse libre pour neuf mois cherche à arrondir ses fins de mois
Au sujet des médias conservateurs, c'est vrai qu'on peut même plus trop compter sur La vie mais y'a encore Valeurs actuelles pour sauver l'honneur de la France.
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Re: La critique autrefois

Message par Commissaire Juve »

Lu dans le n° 224 de la revue Regards (28 avril 1938)... revue paraissant le jeudi... On peut la lire sur Gallica ("Regards sur le monde du travail" http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb3444 ... %22.langFR.

En page 16, il y a un topo sur Jean Gabin... puis des critiques de films, dont le Schpountz de Pagnol. Après quoi, il y a une sorte de "top" (avec des mini-commentaires entre parenthèses).
NOUS AVONS AIMÉ :

Un peu :

- le Schpountz
- les Disparus de Saint-Agil (bien fait)
- la Bataille de l'Or (en couleurs)
- Cette sacrée vérité (vaudeville américain)
- L'impossible M. Bébé (vaudeville américain)
- Charmante famille (vaudeville américain)
- L'Excentrique Ginger Ted (Laughton)
- Délicieux (délicieux)
- Orage (amour)
- Naples au baiser de feu (passable)
- Un carnet de bal (vedettes)

Beaucoup :

- le Puritain (prix Delluc)
- la Force des Ténèbres (policier)
- Un jour aux courses (Marx Brothers)

Passionnément :

- Terre d'Espagne (documentaire de Joris Ivens)
- Rue sans issue (dramatique)
- La Marseillaise (admirable)
- La Grande Illusion (le meilleur film de 1937)
- Pierre le Grand (historique)

Pas du tout :

- Voleur de femmes
- Liberté
- L'Occident
- Tamara la complaisante
- Bar du Sud
- Légions d'Honneur (Grand Prix du Cinéma Français)
- la Tragédie impériale
- Monsieur Bégonia

Nous recommandons à nos lecteurs parisiens d'aller voir le vendredi 29 avril, à 21 heures, salle F 1., 33 Champs-Elysées, "Les Niebelungen", de Fritz Lang, classique du film muet.
Concernant le Schpountz, le chroniqueur trouve que les dialogues sont très longs, que les événements importants se déroulent dans la coulisse, que le texte et le jeu des acteurs a beaucoup plus d'importance que "l'élément cinématographique". Il ajoute que le film dure deux heures et demie (sic) et qu'il est aussi long qu'une pièce (le DVD -- lui -- s'arrête à 2h03'46). Il termine par un "On veut être Molière et on arrive tout au plus au niveau de Francis de Croisset".

C'est la première fois que j'entends parler de cet auteur :
Wikipédia a écrit :Franz Wiener, dit Francis de Croisset, né à Bruxelles le 28 janvier 1877 et mort à Neuilly-sur-Seine le 8 novembre 1937, est un auteur dramatique, romancier et librettiste français.
Dernière modification par Commissaire Juve le 12 mai 15, 14:01, modifié 1 fois.
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Re: La critique autrefois

Message par Cinéfil31 »

Très intéressant ce topic que j'avais un peu perdu de vue depuis l'an dernier... :wink:
Francis de Croisset est en effet totalement tombé dans l'oubli. Petite parenthèse passionnante, j'ai appris son existence par le biais d'une rue de Paris (18e arrondissement, quartier Clignancourt) qui porte son nom, car un de mes amis y habitait...
Regards était une revue publiée sous l'égide du PCF il me semble. Merci pour la citation Commissaire, j'ignorais que Gallica avait mis cette publication en ligne. J'imagine que le cinéma américain devait souvent recevoir des volées de bois vert...
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Re: La critique autrefois

Message par Cinéfil31 »

Et concernant Henri Agel, évoqué plus haut, je partage l'avis du Commissaire et d'Ann Harding. J'avais lu de lui Le Cinéma et le sacré, une étude intéressante mais entachée d'une étroitesse d'esprit et d'une absence de générosité critique assez regrettables. Je me souviens du portrait assez caustique dressé d'Agel par Jean-Pierre Melville dans ses entretiens avec Rui Nogueira. En gros, dans mon souvenir, Melville dépeignait Agel comme un catho de gauche sectaire et illuminé qui avait une vision très dogmatique du cinéma. Bref, une espèce de concentré des mauvais côtés du Télévision-Radio-Cinéma/Télérama des années 50-60. Il avait vu plutôt juste il me semble... [Je précise au demeurant que j'ai plutôt de la sympathie pour le Télérama de la "grande époque"]
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Re: La critique autrefois

Message par Federico »

Commissaire Juve a écrit :Lu dans le n° 224 de la revue Regards (28 avril 1938)... revue paraissant le jeudi... On peut la lire sur Gallica.

En page 16, il y a un topo sur Jean Gabin... puis des critiques de films, dont le Schpountz de Pagnol. Après quoi, il y a une sorte de "top" (avec des mini-commentaires entre parenthèses).
Spoiler (cliquez pour afficher)
NOUS AVONS AIMÉ :

Un peu :

- le Schpountz
- les Disparus de Saint-Agil (bien fait)
- la Bataille de l'Or (en couleurs)
- Cette sacrée vérité (vaudeville américain)
- L'impossible M. Bébé (vaudeville américain)
- Charmante famille (vaudeville américain)
- L'Excentrique Ginger Ted (Laughton)
- Délicieux (délicieux)
- Orage (amour)
- Naples au baiser de feu (passable)
- Un carnet de bal (vedettes)

Beaucoup :

- le Puritain (prix Delluc)
- la Force des Ténèbres (policier)
- Un jour aux courses (Marx Brothers)

Passionnément :

- Terre d'Espagne (documentaire de Joris Ivens)
- Rue sans issue (dramatique)
- La Marseillaise (admirable)
- La Grande Illusion (le meilleur film de 1937)
- Pierre le Grand (historique)

Pas du tout :

- Voleur de femmes
- Liberté
- L'Occident
- Tamara la complaisante
- Bar du Sud
- Légions d'Honneur (Grand Prix du Cinéma Français)
- la Tragédie impériale
- Monsieur Bégonia

Nous recommandons à nos lecteurs parisiens d'aller voir le vendredi 29 avril, à 21 heures, salle F 1., 33 Champs-Elysées, "Les Niebelungen", de Fritz Lang, classique du film muet.
Le plus amusant dans tout ça, c'est à quel point il est facile de deviner l'orientation de la revue (et ce serait probablement aussi aisé en regardant les avis de la presse opposée). Faut dire aussi que l'époque ne prêtait pas trop aux nuances...
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Re: La critique autrefois

Message par Commissaire Juve »

C'est vrai qu'on comprend mieux le "admirable" pour La Marseillaise ! :mrgreen: :mrgreen: :mrgreen:
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Re: La critique autrefois

Message par Commissaire Juve »

Aujourd'hui, je me suis fait une overdose de métro et, pour tuer le temps, j'ai lu une bonne partie de "Jeanson par Jeanson". C'est quelque chose !

Renoir, Feyder, L'Herbier, Diamant-Berger, Hugon, Léo Joannon, Annabella, Simone Simon, Victor Francen, Fernandel, Raimu -- pour ne citer qu'eux -- en prennent plein les dents (pas toujours, mais souvent).

EDIT : et Tino Rossi ou Henry Garat... carbonisés ! :lol:

C'est souvent drôle. Féroce parfois. Quand on connaît les films, c'est encore plus savoureux.

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Re: La critique autrefois

Message par Commissaire Juve »

Suite... Viviane Romance et Edwige Feuillère sont bien habillées pour l'hiver également (Jeanson leur reproche surtout d'avoir chopé le melon ; contrairement à Micheline Presle).

Concernant Edwige, dans "L'Idiot" :
Regardez-là, non mais regardez-là ! Elle ne souffre que du côté droit. Elle ne sourit que du côté droit. Elle ne respire que du côté droit. Bref, elle joue moitié moitié. On n'a droit qu'à cinquante pour cent d'Edwige Feuillère [...] Mais qui nous rendra l'étourdissante, la merveilleuse Feuillère des comédies légères ? Oui, qui nous la rendra ? Son profil lui aurait-il fait perdre la tête ?

Le Canard Enchaîné, 12 juin 1946
A propos du "Roi de resquilleurs" (Jean Devaivre, 1945), avec Rellys...
Ce public parisien, je l'observais l'autre soir au Paramount. Et je me disais, devant cette complicité des salles obscures : l'unité française est une réalité. Tous les Français sont solidaires devant l'étron...

L'unanimité est faite. Ici le petit épicier de Montrouge, le radical-socialiste de quartier, le voyou des Epinettes, l'apache montmartrois, le souteneur local, la bouchère au marché noir, le petit employé déminéralisé, la fille de la concierge et la mère du télégraphiste, la gagneuse de la rue Rambuteau, le garçon de café, tout le monde fraternise, tout le monde se baigne dans la même mer...

C'est à la fois Berk-Plage, le Vel'd'Hiv, le métro à six heures du soir... On est entre boute-en-train. C'est la noce à Bobosse...

[...]

Avec "Le Roi des resquilleurs", le cinéma retombe en enfance. Il fait sous lui...

Paris-Cinéma, 16 janvier 1946
Et ça n'est rien à côté de la conclusion de la critique des "Rois du sport" avec Fernandel et Raimu. Oh la vache !
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Re: La critique autrefois

Message par Supfiction »

Commissaire Juve a écrit :
Ce public parisien, je l'observais l'autre soir au Paramount. Et je me disais, devant cette complicité des salles obscures : l'unité française est une réalité. Tous les Français sont solidaires devant l'étron...
J'ai pas compris, c'est ironique ?

Sinon, tu aurais le passage sur Viviane Romance ?
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Re: La critique autrefois

Message par Commissaire Juve »

Supfiction a écrit :
Commissaire Juve a écrit :
J'ai pas compris, c'est ironique ?
Ah non, pas ironique du tout. C'est même très méprisant. Il considère que le film est une merde et que le grand public aime la merde.

A un autre endroit, il est question d'un dialogue avec un (des ?) producteur(s). Jeanson cite des films en les qualifiant de chefs-d'oeuvre. Le producteur répond : "Les chefs-d'oeuvre ne font pas d'entrées."
Supfiction a écrit :Sinon, tu aurais le passage sur Viviane Romance ?
Non, trop long. C'est écrit sous la forme : "Avant... Après..." Avant, elle était simple. Après, elle a chopé le melon (il y a même trois époques selon lui).

Pour la "troisième époque", ça commence par :
j'ai revu Mlle Viviane Romance. C'est maintenant une personne qui porte des lunettes noires afin qu'on la prenne bien pour Mlle Viviane Romance [...] Elle a toujours ce regard en forme de vide-poches et cette voix où les mots perdent leur sens.

Les producteurs l'écoutent avec déférence et il n'est pas un désir qu'elle exprime qui ne soit aussitôt exaucé. Elle choisit son metteur en scène, ses auteurs, ses partenaires, écarte celui-ci, jette l'interdit sur celui-là [...]

-- Non, décidément, m'a-t-elle dit, je ne jouerai pas Boule de Suif.
-- As-tu lu Boule de Suif ?
-- Y a des chances. C'est du spécial. Je ne veux pas me compromettre, cette année. C'est trop tôt.
-- As-tu peur que les Allemands ne reviennent ? lui demanda ingénument Christian-Jaque.
-- Non, mais je ne veux pas jouer les filles... Moi, je suis une Irène Dunne dans mon genre... Alors, ce qu'il me faut, dorénavant, à partir de maintenant, c'est des rôles en costume.

[...]

-- Résumons-nous : tu refuses de tourner Boule de Suif ?
-- Oui... c'est trop emmerdant... et je ne dis que la moitié de ce que je pense...
Dernière modification par Commissaire Juve le 14 déc. 16, 11:29, modifié 1 fois.
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