Paul Newman (1925-2008)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Supfiction
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Re: Paul Newman (1925-2008)

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Du haut de la terrasse (1960)

Gros plaisir coupable devant ce From the terrace, mélo réalisé par Mark Robson en DeLuxe Color et troisième film du couple Paul Newman/Joanne Woodward avec également la fragile Ina Balin (qui reçut une nomination aux Globes pour le film) ainsi que Myrna Loy, vieillie mais reconnaissable au premier coup d’œil et irrésistible (dans le sens affectif du terme). Quelle excellente idée que de lui avoir fait jouer la mère de Paul Newman ! Leur parenté artistique est évidente à l'écran. En peu de scènes, Myrna Loy marque les esprits par sa composition d'une mère alcoolique qui n'ose plus regarder son fils dans les yeux.

Le scénario est adapté d'un roman de John O'Hara qui s'était fait une spécialité des histoires "mondaines" (Butterfield 8, Pal Joey sont également tirés de ses écrits).
J'ai retrouvé dans ce film des thématiques et une ambiance qui m'ont fait beaucoup pensé à La Fièvre dans le sang de Kazan sorti quelques mois après. Le poids des conventions sociales, le patriarcat et la confrontation avec le père, les choix de vie, les sacrifices, la course à la réussite sociale.. En cette fin des années 50, Paul Newman semble être abonné aux rôles de jeunes héritiers de la bourgeoisie américaine (du Sud dans La chatte sur un toit brulant ou de Philadelphie comme le Tony Lawrence de "The Young Philadelphians" et le Alfred Eaton de From the terrace. Ce dernier est un opportuniste issu de la moyenne bourgeoisie de Philadelphie, consummé par la soif de réussite et le désir de surpasser le père, objectif promis à la jeunesse en cet après-guerre où le rêve américain est offert à tous.
C'est un personnage attachant car il est à la fois ambitieux mais sans illusion et si c'est un opportuniste, ce n'est pas un arriviste prêt à tout. Sa rencontre avec Mary St. John alias Joanne Woodward lui ouvre les portes du grand monde mais ses sentiments semblent non faints. On aime Newman ou pas et à ce titre ceux qui ne sont pas fans de l'acteur pourront trouver son jeu un peu toujours le même et maniéré (La chatte sur un toit brulant) dans ces années là. Ce n'est pas mon cas.
Quant à Joanne Woodward, je trouve que c'est une actrice qu'on apprécie progressivement (c'est le cas pour moi quoiqu'il en soit), n'ayant pas le physique ravageur de ces concurrentes de l'époque. Ici en héritière délaissée par son mari trop occupé par les exigences de sa carrière, elle est vraiment parfaite. On a à la fois de l'empathie malgré son manque de compassion et son égocentrisme de fille à papa trop gâtée par la vie.

Bien entendu, les scènes entre Newman et Woodward profitent de l'alchimie du couple. C'est un grand plaisir de les voir tant dans les scènes de séduction (la première, sur la terrasse, est délectable, Newman ayant une façon bien à lui pour conquérir la demoiselle) que dans les scènes de ménage. En revanche la mise en scène de Robson ne brille pas pour les scènes de romance avec la gentille et quelque-peu transparente Ina Balin, mais cette transparence relative ne déssert pas le récit, bien au contraire.

A signaler également une belle musique romantique de Elmer Bernstein.

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Major Dundee a écrit :
Supfiction a écrit : J'ai retrouvé dans ce film des thématiques et une ambiance qui m'ont fait beaucoup pensé à La Fièvre dans le sang de Kasdan sorti quelques mois après.
"La fièvre dans le sang" c'est Kazan.
Kasdan sortira "La fièvre au corps" mais 20 ans plus tard :? .
Sinon +1 avec ton analyse de "Du haut de la terrasse", c'est un film que j'aime beaucoup aussi.
J'ai édité mon message, merci.
Je pensais bien entendu à "La fièvre dans le sang" de Kazan et pas Kasdan (j'ai ripé). Il y a quelque-chose de commun entre les deux films bien que les personnages de Beatty et de Newman soient differents.
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Virages / Winning (1969)

Ce film de James Goldstone est assez étonnant. On aura rarement vu un film de courses aussi calme, à l'opposé des autres films du genre remplis de bruits de moteur et de musiques de circonstance. Là le spectateur est pris à contrepied, les scènes de courses sont plutôt courtes (hormis la dernière) et les scènes hors piste sont souvent silencieuses, sans musique, sans bruit de moteur, même les dialogues sont réduits à l'essentiel. Contrairement à ce que l'affiche laisse augurer, la course est donc reléguée au second plan. L'intrigue se porte principalement sur la tentative du personnage de Paul Newman, Frank Capua, pilote vedette participant aux 500 miles d'Indianapolis, de concilier carrière et vie sentimentale. "Gagner" sur la piste ne lui suffit plus, il veut gagner en-dehors, avoir des perspectives de vie au-delà du volant de course comme il le dit lui même au cours du film. Totalement pris par son travail, les courses et la mécanique, il tente de construire une famille malgré tout, épousant Elora (Joanne Woodward) une femme divorcée et mère d'un adolescent de 16 ans qu'il adopte et pour lequel il se prend rapidement d'affection. Mais la course l'accapare tellement que sa femme se sent rapidement délaissée..
A propos du personnage joué par Woodward, il est étonnant de constater qu'il est pratiquement dans le prolongement de celui qu'elle venait tout juste de quitter de Rachel, Rachel, celui d'une vieille fille toujours sous l'emprise de sa mère qui cherchait à trouver de sens à sa vie dans une petite ville de l'Amérique profonde. Une réplique du film semble d'ailleurs un clin d'oeil à cela, lorsqu'Elora/Joanne Woodward déclare au moment de rejoindre Paul Newman que sa mère la traite encore comme une petite fille.

Comme c'est souvent le cas avec Newman, le film repose principalement sur le charme de l'acteur. Et quand il est face à Joanne Woodward, c'est peut-être encore plus marquant. D'ailleurs, on a vite l'impression de voir les deux acteurs et non leurs personnages à l'écran. On s'imagine qu'ils nous livrent une petite partie de leur intimité, que ce qu'il nous raconte fait peut-être échos à leur vraie vie de couple.
Le réalisateur James Goldstone ne s'y trompe pas, s'appuyant sur leurs échanges de regards tant dans les scènes de séduction que dans les scènes de crise conjuguale. Un regard intense et silencieux vaut mieux qu'un long discours. Il parait que Tarantino déteste le film.. pas vraiment étonnant : peu de dialogues, un scénario extrêmement simple et un suspense aussi dense que dans un film d'Elvis Presley.

Ce sentiment de voir Paul Newman à l'écran est amplifié par la vie de la star. C'est à l'occasion du tournage de Virages que Newman a découvert la compétition automobile en 1968. Tombé amoureux de ce sport, il met alors à profit son aisance financière pour entamer parallèlement à sa carrière d'acteur une carrière de pilote de course. Compte tenu de son âge, Newman ne peut évidemment pas viser les sommets, mais il parvient tout de même à décrocher la deuxième place des 24 heures du Mans 1979 en équipage avec Rolf Stommelen et Dick Barbour sur une Porsche 935 du Dick Barbour Racing.

En 1995, Paul Newman remporte aussi une victoire de catégorie à l'occasion des 24 heures de Daytona (3e au classement général sur Ford Mustang, après une 5e place en 1977 sur Ferrari 365 GTB). Un modèle de la célèbre marque horlogère Rolex la Rolex Daytona sera d'ailleurs baptisé par les collectionneurs Paul Newman Daytona.

La passion de Paul Newman pour la course se matérialise également en 1978 par la création d'une écurie de CanAm, le Newman Racing, puis en 1983 d'une écurie de CART/Champ Car en partenariat avec Carl Haas, une figure bien connue du sport automobile américain. Depuis sa création, l'écurie Newman/Haas Racing (devenue Newman/Haas/Lanigan Racing en 2007 et qui participe depuis 2008 à l'IndyCar Series) est devenue l'une des plus célèbres des courses américaines. Des pilotes tels que Mario Andretti, Michael Andretti, Nigel Mansell, Cristiano da Matta ou plus récemment Sébastien Bourdais y ont notamment brillé. En 2005, à plus de 80 ans, Newman a même repris le volant lors des 24 heures de Daytona en compagnie de ses pilotes Sébastien Bourdais et Bruno Junqueira.
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Virages / Winning (1969)

Ce film de James Goldstone est assez étonnant. On aura rarement vu un film de courses aussi calme, à l'opposé des autres films du genre remplis de bruits de moteur et de musiques de circonstance. Là le spectateur est pris à contrepied, les scènes de courses sont plutôt courtes (hormis la dernière) et les scènes hors piste sont souvent silencieuses, sans musique, sans bruit de moteur, même les dialogues sont réduits à l'essentiel. Contrairement à ce que la jaquette du dvd laisse augurer, la course est donc reléguée au second plan. L'intrigue se porte principalement sur la tentative du personnage de Paul Newman, Frank Capua, pilote vedette participant aux 500 miles d'Indianapolis, de concilier carrière et vie sentimentale. "Gagner" sur la piste ne lui suffit plus, il veut gagner en-dehors, avoir des perspectives de vie au-delà du volant de course comme il le dit lui même au cours du film. Totalement pris par son travail, les courses et la mécanique, il tente de construire une famille malgré tout, épousant Elora (Joanne Woodward) une femme divorcée et mère d'un adolescent de 16 ans qu'il adopte et pour lequel il se prend rapidement d'affection. Mais la course l'accapare tellement que sa femme se sent rapidement délaissée..
A propos du personnage joué par Woodward, il est étonnant de constater qu'il est pratiquement dans le prolongement de celui qu'elle venait tout juste de quitter de Rachel, Rachel, celui d'une vieille fille toujours sous l'emprise de sa mère qui cherchait à trouver un sens à sa vie dans une petite ville de l'Amérique profonde. Une réplique du film semble d'ailleurs faire écho à cela, lorsqu'Elora/Joanne Woodward déclare au moment de rejoindre Paul Newman que sa mère la traite encore comme une petite fille.

Comme c'est souvent le cas avec Newman, le film repose principalement sur le charme de l'acteur. Et quand il est face à Joanne Woodward, c'est peut-être encore plus marquant. D'ailleurs, on a vite l'impression de voir les deux acteurs et non leurs personnages à l'écran. On s'imagine qu'ils nous livrent une petite partie de leur intimité, que ce qu'il nous raconte fait peut-être écho à leur vie de couple.
Le réalisateur James Goldstone ne s'y trompe pas, s'appuyant sur leurs échanges de regards tant dans les scènes de séduction que dans les scènes de crise conjuguale. Un regard intense et silencieux vaut mieux qu'un long discours. Il parait que Tarantino déteste le film.. pas vraiment étonnant : peu de dialogues, un scénario extrêmement simple et un suspense aussi dense que dans un film d'Elvis Presley.

Ce sentiment de voir Paul Newman à l'écran est amplifié par la vie de la star. C'est à l'occasion du tournage de Virages que Newman a découvert la compétition automobile en 1968. Tombé amoureux de ce sport, il met alors à profit son aisance financière pour entamer parallèlement à sa carrière d'acteur une carrière de pilote de course. Compte tenu de son âge, Newman ne peut évidemment pas viser les sommets, mais il parvient tout de même à décrocher la deuxième place des 24 heures du Mans 1979 en équipage avec Rolf Stommelen et Dick Barbour sur une Porsche 935 du Dick Barbour Racing.

En 1995, Paul Newman remporte aussi une victoire de catégorie à l'occasion des 24 heures de Daytona (3e au classement général sur Ford Mustang, après une 5e place en 1977 sur Ferrari 365 GTB). La passion de Paul Newman pour la course se matérialise également en 1978 par la création d'une écurie de CanAm, le Newman Racing, puis en 1983 d'une écurie. En 2005, à plus de 80 ans, Newman a même repris le volant lors des 24 heures de Daytona en compagnie de ses pilotes Sébastien Bourdais et Bruno Junqueira.


A propos du dvd zone 2, une mauvaise nouvelle : oui ça existe encore des dvds avec version française et version originale non sous-titrée. Il faudra donc choisir entre la VF (le doublage de Newman est pas mal cela dit, ce n'est malheureusement aussi bien pour sa femme) et la V.O. pure. Mais compte tenu de la faiblesse de l'intrigue, c'est jouable.. Dommage car l'image est plutôt belle.
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Message par Grimmy »

et le zone 1 propose bien une vo sous titrée mais image uniquement en 4/3e...
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Message par Supfiction »

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Quintet (1979)

Le chasseur Essex arrive accompagnée de sa jeune compagne enceinte dans une ville-labyrinthe où vit sa famille qu'il n'a pas revu depuis des années. Les habitants passent leur temps à jouer au jeu incompréhensible du quintet pendant qu'autour d'eux manigance un démiurge qui en modifie les règles selon les circonstances... Partout la mort rode et le but du jeu semble être de rester en vie..

Un mot rapide sur ce film très peu connu alors qu'il a tout pour plaire sur le papier. Imaginez un peu, un scénario post-apocalyptique à l'atmosphère glaciale, une réalisation signée Robert Altman, un casting 4 étoiles avec autour de Paul Newman les stars européennes Brigitte Fossey (!), Vittorio Gassman, Bibi Andersson, Fernando Rey.
Et pourtant le résultat est un film à l’encéphalogramme plat, à l'exact opposé de son contemporain L'empire contre-attaque, dans lequel Newman semble totalement perdu, Fossey n'a pas le temps d'exister et Vittorio Gassman est un personnage illuminé et grotesque, la faute à un scénario abscons et limité et à des dialogues ridicules. Le tout filmé comme un rêve désespéré (dans cette cité, le mot "ami" a été remplacé par le mot "alliance"!) et brumeux (le bord de l'image est constamment flou, on croirait voir un énorme flashback de 2h). Pourtant l'arrivée depuis l'immensité enneigée, laissait espérer à tort une sorte de Mad Max polaire. Mais c'est une fable morbide, prétentieuse et cynique n'inspirant qu'ennui et déception à laquelle on aura droit.

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Re: Paul Newman (1925-2008)

Message par Rashomon »

Supfiction a écrit :Mais c'est une fable morbide, prétentieuse et cynique n'inspirant qu'ennui et déception à laquelle on aura droit.

Un film d'Altman en somme. :mrgreen:
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Message par Supfiction »

Rashomon a écrit :
Supfiction a écrit :Mais c'est une fable morbide, prétentieuse et cynique n'inspirant qu'ennui et déception à laquelle on aura droit.

Un film d'Altman en somme. :mrgreen:
Et visionnaire avec ça.. en effet, en cette fin des années 70, l'idée dans l'air du temps était à l'opposé de celle qui prévaut aujourd'hui puisqu'on prédisait une nouvelle air glaciaire.

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Message par Watkinssien »

Rashomon a écrit :
Supfiction a écrit :Mais c'est une fable morbide, prétentieuse et cynique n'inspirant qu'ennui et déception à laquelle on aura droit.

Un film d'Altman en somme. :mrgreen:

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Message par Commissaire Juve »

Supfiction a écrit : Et visionnaire avec ça.. en effet, en cette fin des années 70, l'idée dans l'air du temps était à l'opposé de celle qui prévaut aujourd'hui puisqu'on prédisait une nouvelle air glaciaire.
Excellent, les couv de Time Magazine. :mrgreen:
Spoiler (cliquez pour afficher)
Cela dit, le 31 décembre 1978, en fin de journée, on s'était mangé une masse d'air froid venue de Suède et ça a caillé "à mort" toute la nuit. :mrgreen: :mrgreen: :mrgreen: Le lendemain, la France était sous la neige et les JT en faisaient leurs choux gras. C'était le retour de l'Age de glace ! :lol:
Supfiction a écrit :
Virages / Winning (1969)

A propos du dvd zone 2, une mauvaise nouvelle : oui ça existe encore des dvds avec version française et version originale non sous-titrée. Il faudra donc choisir entre la VF (le doublage de Newman est pas mal cela dit, ce n'est malheureusement aussi bien pour sa femme) et la V.O. pure. Mais compte tenu de la faiblesse de l'intrigue, c'est jouable.. Dommage car l'image est plutôt belle.
Qué DVD zone 2 ? Le Seven7 ? Tous les sites annoncent la présence de sous-titres. Info ? Intox ?
La vie de l'Homme oscille comme un pendule entre la douleur et l'ennui...
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Re: Paul Newman (1925-2008)

Message par Supfiction »

Jeremy Fox a écrit :
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Hombre (Hombre - 1975) de Martin Ritt
20TH CENTURY FOX


Avec Paul Newman, Richard Boone, Diane Cilento, Fredric March
Scénario : Irving Ravetch & Harriet Frank Jr. d'après un roman de Elmore Leonard
Musique : David Rose
Photographie : James Wong Howe (DeLuxe 2.35)
Un film produit par Irving Ravetch pour la 20th century Fox


Sortie USA : 21 mars 1967


1884. Alors que la plupart de ses congénères Apaches sont parqués dans les réserves de l’Arizona, John Russell -surnommé Hombre (Paul Newman)-, un homme taciturne élevé par la tribu durant sa tendre enfance, apprend qu’il vient d’hériter du tuteur qu’il eut à l’adolescence ; il pourra désormais être propriétaire d’un hôtel actuellement gérée par Jessie (Diane Cilento). Mais, ayant subi toutes sortes d’humiliations alors qu’il vivait dans la réserve de San Carlos avec les indiens, méprisant désormais les hommes blancs, il ne souhaite pas rester vivre parmi eux et décide de se lancer dans l’élevage en échangeant la propriété contre un troupeau de chevaux. Une fois la transaction terminée, il quitte la ville par une diligence affrétée expressément par Favor (Fredric March), un agent aux affaires indiennes qui souhaite quitter la région au plus tôt. Se joignent à eux l'épouse de l'agent, la gérante de l’hôtel qui n’a désormais plus de travail, son fils et sa bru, ainsi qu’un homme rustre et arrogant, Cicero Grimes (Richard Boone). Ayant pris connaissance de ses ‘origines’ indiennes’, les passagers obligent John à poursuivre le voyage aux côtés du conducteur. La diligence va avoir du mal à arriver à destination puisque quatre bandits lui tendent une embuscade pour s’emparer d’un des sacs de voyage de Favor qui s’avère contenir une coquette somme qu’il a détourné de l’administration des affaires indiennes à son profit…

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Martin Ritt est un réalisateur venu de la télévision au milieu des années 50 en compagnie d'autres cinéastes de sa génération issus du même vivier : Delbert Mann, Daniel Mann, Sidney Lumet ou Arthur Penn. Claude Chabrol dans les Cahiers du Cinéma écrivait à propos de la filmographie du réalisateur : "Tout dans cette œuvre n'est que petitesse, grisaille et médiocrité." Il est possible que ce soit le cas pour le remake qu'il fit en 1964 du Rashomon d’Akira Kurosawa avec The Outrage qui fait vraiment l'unanimité contre lui, mais des films comme Paris Blues, Hud (Le Plus sauvage d'entre tous), L'Espion qui venait du froid, The Front (Le Prête nom) ou Norma Rae, tous excellents, ne méritent vraiment pas d'être traités de la sorte tandis que The Molly Maguires (Traître sur commande), son chef-d'œuvre, est même digne de tous les éloges. Sa seule véritable incursion dans le western sera cet Hombre, un grand classique des rediffusions télévisuelles dans les années 70/80 et du coup l'un de ses films les plus connus dans l'Hexagone.

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Toujours entouré de son duo de scénaristes habituels, Martin Ritt adapte cette fois le grand romancier Elmore Leonard, auteur entre autres des livres ayant servis de base aux films très différents mais tout aussi splendides que sont 3.10 pour Yuma de Delmer Daves ou Jackie Brown de Quentin Tarantino. Cinéaste engagé et progressiste ayant fait partie de la tristement fameuse liste noire du sénateur Joseph McCarthy, Martin Ritt a dénoncé sa carrière durant toutes sortes d’injustices mais également l’intolérance, le racisme ou l’individualisme. L’énorme succès de Hud, western mélodramatique contemporain déjà interprété par Paul Newman, pousse les auteurs à écrire Hombre, western se déroulant cette fois au 19ème siècle, au milieu des années 1880 durant lesquelles les Apaches avaient été presque tous parqués dans des réserves aux conditions de vie très difficiles dont celle de San Carlos (pour ceux qui aimeraient en savoir plus sur cette réserve spécifique, il existe un beau western de Jesse Hibbs avec Audie Murphy s'y déroulant, L’Homme de San Carlos – Walk the Proud Land). Malgré ses réelles qualités – dont l’intelligence de son propos et l’absence de tout manichéisme-, Hombre ne rencontrera pas le même enthousiasme auprès des critiques que Hud faute à la froideur de l’ensemble, à des personnages moins attachants, à une gestion moyenne du rythme et à une intrigue guère captivante, sorte de mélange entre La Chevauchée fantastique (Stagecoach), Le Relais de l’or maudit (Hangman's Knot) et Le Survivant des monts lointains (Night Passage), la diligence où se retrouve un panel représentatif de la société de l’époque pour le premier, le blocus par des bandits d’un groupe obligé de rester caché dans un endroit confiné pour le deuxième, le décor de la mine à ciel ouvert et ses baraquements pour le troisième.

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Attention, spoilers à venir ! Après une belle séquence de capture de chevaux qui démontre d’emblée non seulement la beauté de la photographie de James Wong Howe, un thème musical doux et entêtant écrit par David Rose, mais également la qualité de la mise en scène d’un Martin Ritt sachant parfaitement bien appréhender la gestion de l’espace ainsi que l’utilisation du scope, Hombre se poursuit en traditionnel western pro-indien avec ces séquences maintes fois vues pour évoquer le racisme ordinaire de 'natives' moqués puis provoqués dans les saloons où ils se rendent pour boire tranquillement, scènes qui se terminent souvent avec violence comme c'est à nouveau le cas ici. Puis l'originalité du film montre le bout de son nez, celle qui consiste à faire de son personnage principal censé symboliser le porte-parole de la nation indienne un homme blanc, qui plus est taciturne et de prime abord égoïste et antipathique. Ce sera la principale force et témérité du film de mettre en avant un message de tolérance anti individualiste et antiraciste à travers de tels protagonistes puisque seront réunis dans la diligence, outre cet Hombre mi-blanc -par la naissance- mi indien -par la culture et les traditions dans lesquelles il a été élevé- d’une grande sécheresse de caractère et pas spécialement aimable, des représentants peu glorieux des WASP de l’époque dont entre autres un couple véreux d’agents aux affaires indiennes s’étant enfui avec de l’argent détourné de leur administration, une jeune femme mal mariée qui va tenter de tromper son ennui en draguant d'autres hommes sous les yeux de son époux et de sa belle-mère, ainsi qu’un homme arrogant et inquiétant qui s’avèrera être à la tête d’un quatuor de bandits au sein duquel s'invite un shérif ayant pourtant servi la loi depuis des dizaines d’années.

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A propos du shérif, dommage que ce personnage d’homme de loi interprété par Cameron Mitchell n’ait pas bénéficié d’une plus grande importance au sein de l’intrigue puisqu’en plus d’être intéressant il est au centre de l’une des plus belles séquences du film, celle où il refuse la proposition de la tenancière d’hôtel de l’épouser malgré le fait qu'il partage son lit depuis des mois, en lui expliquant qu'il n'est pas fait pour elle et en évoquant sa vie d’une redoutable monotonie : "I been working since I was ten years old, Jessie, cleaning spittoons at a dime a day. It's now thirty years later, and all I can see out the window here is a dirt road going nowhere. The only thing that changes the view is the spotted dog lifting his leg against the wall over there. Saturday nights, I haul out the town drunks. I get their 25-cent dinners and their rotgut liquor heaved up over the front of my one good shirt. I wear three pounds of iron strapped to my leg. That makes me fair game for any punk cowboy who's had one too many. No, Jess, I don't need a wife. I need out.” Rarement le métier de shérif aura été décrit avec autant de lucidité, d’amertume et d’anti-héroïsme ! Cette séquence toute à la fois désabusée et mélancolique donne assez bien le ton de la première partie très réussie de ce western très classique dans sa mise en scène mais assez moderne dans son écriture. Hombre compte également dénoncer les conditions de vie intolérables des Apaches parqués dans les réserves de l’Arizona, situation explicitée par le personnage de John ‘Hombre’ qui à cette occasion aura rarement été aussi volubile. Mais c’est suite à ces explications que les autres passagers -autant par mauvaise conscience que par dégoût des indiens- demanderont à ce que cet homme élevé par 'les sauvages' quitte l’intérieur de la diligence pour continuer le voyage auprès du conducteur. Évincé de cette petite communauté, il sera cependant celui sur lequel on comptera pour se sortir du guêpier dans lesquels ils vont tomber, non par le fait de quelques faméliques indiens mais bel et bien par un quatuor d’hommes blancs prêts à tout pour s’accaparer à leur tour l’argent qui aurait du servir à améliorer les conditions de ‘détention’ des Apaches et qu’avait détourné le principal gérant de la réserve.

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On peut constater à la lecture de ces lignes que la thématique pro-indienne ainsi que le racisme ambiant sont abordés sous un angle assez original et surtout tout à fait nouveau, sans aucun sentimentalisme ni manichéisme puisque Hombre ne fait rien pour aider ses compagnons de voyage sauf lorsqu’il y est forcé : au tout début du film, il ne bougera pas le petit doigt pour défendre son prochain et laissera le grossier personnage campé par Richard Boone terroriser un soldat jusqu’à ce dernier lui donne son billet de diligence : cette attitude totalement individualiste –et même si elle peut être assez compréhensible au vu de ce que les hommes blancs lui ont fait subir ainsi qu’à ses confrères indiens- s'avère du coup être à peu près la même que celles de ces blancs qu’il vilipende. Pour atténuer ce portrait sans complaisance des américains de l'époque, heureusement que l’on trouve un peu d’humanité, de dignité et d’altruisme au travers le personnage de femme courageuse et déterminée jouée avec talent par Diane Cilento, seule du lot à s’indigner sur l’absence de solidarité de ses compagnons de fortune, de leur manque d’empathie, de l’indifférence au sort de leurs semblables, estimant que chacun a le droit à une quelconque aide quelles qu’aient été ses actions passées. Une éthique et une générosité qu’elle est la seule à posséder et qui seront probablement à l’origine de la réaction finale totalement imprévisible de Hombre ; devant ce courage désintéressé, il sortira de son individualisme et de sa misanthropie pour aller se sacrifier dans le but de mettre fin à la dangereuse situation dans laquelle se trouve le groupe. Un geste christique qui fait se terminer le film sur une note certes assez sombre mais néanmoins porteuse d'espoir en l'être humain, typique de ce trio d'auteurs.

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Un western lent et austère portant un regard novateur sur des thématiques rebattues ; une œuvre intelligente mais manquant singulièrement de tension dans le long huis-clos final malgré aussi une interprétation d’ensemble de haut niveau, que ce soit un Paul Newman charismatique, un Richard Boone à la fois truculent et effrayant -qui vole toutes les séquences où il apparait-, une Diane Cilento superbe dans la peau du personnage le plus intéressant du film ou encore Fredric March dans l’une de ses dernières apparitions à l’écran. Idées politiques généreuses mais portraits sans concessions, scénario rigoureux et sans aucun sentimentalisme pour un western sombre et lucide sur l’inhumanité d’une grande partie de ceux qui ont forgé les USA. Dommage qu'au final le film ait été inégal, qu'il ait manqué de puissance et que certains effets –exclusivement lors des rares séquences violentes- soient aujourd’hui complètement dépassés. Un western néanmoins tout à fait honorable de la part d’un des réalisateurs les plus attachants du cinéma hollywoodien.

************************************
Le film existe en DVD (assez médiocre) mais aussi en Blu-ray (qui sera bientôt testé sur le site)

Je n'ai pas gardé un très bon souvenir du film pour ma part. Un souvenir pas assez frais pour en parler au delà d'une impression très mitigée.
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Jeremy Fox
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Re: Paul Newman (1925-2008)

Message par Jeremy Fox »

Le bilan en fin de parcours fut également un peu mitigé (je préfère de loin la première demi-heure à ce qui suit à partir du départ de la diligence) même si le film reste tout à fait honorable. Mais Martin Ritt a fait tellement mieux je trouve.
mannhunter
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Re: Paul Newman (1925-2008)

Message par mannhunter »

Boubakar a écrit :Image

Rachel Rachel (1968)

Premier film réalisé par Paul Newman, on ose à peine imaginer le "choc" que fut ce film si féministe lors de sa sortie, lorsqu'on sait qui l'a réalisé, et dans quels genres de films plus virils, je dirais, qu'il a joué...
Et il faut dire que Paul Newman devient un réalisateur de plus en plus important à mes yeux, car celui-ci (ainsi que les deux suivants) est vraiment remarquable.
On suit du début à la fin une jeune femme un peu paumé, magnifiquement interprétée par Joanne Woodwoard (la femme de Paul Newman), qui tente, sous la pression de sa mère, de devenir quelqu'un de plus sociable, de trouver un mari, en fait de décrocher de sa vie monotone. L'arrivée d'un homme va provoquer le déclic qu'elle attendait...
Quasiment interprété uniquement par des femmes, le film est assez atypique, proche par certains moments de son 3eme film, le fabuleux De l'influence des rayons gamma... (surtout le rapport entre Rachel et sa mère, jouée par Estelle Parsons), et montre l'évolution du caractère de cette femme qui va réussir à prendre sa vie en mains à la suite d'une révélation de l'homme dont elle pense tomber amoureuse.
Loin d'être complaisant pour son actrice principale, le film est plus amer qu'il n'y parait, même si un petit espoir subsiste à la fin, ce que je trouve très beau, tout comme la mise en scène qui sait se faire très discrète.

Je ne sais pas ce que valent ses deux derniers films (non dispos en dvd ?), mais dans ces trois premiers films, on y découvre un réalisateur remarquable, que sa carrière d'acteur a quelque peu occulté, mais on peut percevoir chez Paul Newman une sensibilité qu'a également Clint Eastwood (notamment Breezy).
Plussun...une première réalisation assez surprenante et portée par une excellente Joanne Woodward.
Je serais curieux de voir "l'affrontement" ("Harry & son"), il y a des éditions BR/DVD pour ce titre?
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Supfiction
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Re: Paul Newman (1925-2008)

Message par Supfiction »

Petite digression désolé, le titre me fait penser à ça :P :
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kiemavel
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Re: Paul Newman (1925-2008)

Message par kiemavel »

mannhunter a écrit :Plussun...une première réalisation assez surprenante et portée par une excellente Joanne Woodward.
Je serais curieux de voir "l'affrontement" ("Harry & son"), il y a des éditions BR/DVD pour ce titre?
BR US en vo (Olive)
DVD italien avec vost ang
Supfiction a écrit :
Rashomon a écrit : Un film d'Altman en somme. :mrgreen:
Il serait temps que je me réveille mais je ne cautionne pas :mrgreen:
Et visionnaire avec ça.. en effet, en cette fin des années 70, l'idée dans l'air du temps était à l'opposé de celle qui prévaut aujourd'hui puisqu'on prédisait une nouvelle air glaciaire
C'était l'époque où Claude Allègre prévoyait l'arrivée d'un ère venu du pole nord :wink:
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Re: Paul Newman (1925-2008)

Message par Jeremy Fox »

Chronique du Clan des irréductibles sorti en combo DVD/BR chez Elephant Films.
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