Michel Drach (1930-1990)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Luan_Pierce
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Michel Drach (1930-1990)

Message par Luan_Pierce »

Le Pull over Rouge (1979) de Michel Drach
Avec Serge Avedikian, Michelle Marquais, Claire Deluca

D'après le livre éponyme de Gilles Perrault

Un film qui a un peu vieilli mais qui nous remet très vite dans le milieu des années 70 en France. Le récit n'est autre que la contre-enquête de Gilles Perrault en faveur de Christian Ranucci. Ranucci, inculpé après avoir avoué et jugé coupable en ayant tout nié depuis ses aveux est guillotiné. Sans vouloir prendre parti pour tel ou tel camps, je trouve ce film relativement juste. Au moins pour avoir pu retranscrire le climat de l'époque. La peine de mort était encore en vigueur et pour avoir vu des images d'archives de l'époque, voir des gens crier "A mort" ou des applaudissements après le verdict me glace tout autant le sang que le meurtre de la petite Dolorès. A l'époque Giscard s'était prononcé contre cette peine qu'il considérait, j'imagine et à juste titre, comme inhumaine et plus digne d'une République et d'une Démocratie comme la France. Or, le film montre que ce n'était pas encore évident chez tout le monde (encore aujourd'hui des gens comme Pasqua ou DeVilliers se prononcent sans état d'âme pour cette peine) mais les avocats de la défense croient jusqu'au bout à la grâce présidentielle. Ce n'était pas sans compter sur le rapt et le meurtre d'un enfant commis par Patrick Henry au même moment. Ce qui ravive la flamme en condamnant définitivement Ranucci. Ironie du sort, Henry lui, pour le même crime tout aussi horrible fut relâché après quinze ou dix-sept ans de prison. Le film montre un Ranucci tel que tout le monde l'avait décris à l'époque, d'un impossible coupable jusqu'à son arrogance au procès.
Un bon film. Encore une fois, à l'instar de Un tueur dans la tête, la part belle est faite à l'enquête. L'auteur cherche à comprendre et réussi à nous expliquer son point de vue, sans pour autant vouloir nous l'enfoncer à coup de marteau dans la tête.
Nestor Almendros
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Michel Drach

Message par Nestor Almendros »

ELISE OU LA VRAIE VIE - 1970 (Ciné Club)

Le scénario m'aura beaucoup moins emballé que son propos. En effet, après une longue introduction passablement intéressante, le film prend enfin des chemins plus audacieux, courageux, montrant une France précaire et peu reluisante. ELISE OU LA VRAIE VIE, par son sujet, est un film austère où l'émotion (difficile à percer) laisse place au constat amer d'une société refermée sur elle-même et qui recherche un bouc-émissaire trop facilement désigné.
Le film montre l'antagonisme d'une situation (la France de l'époque) où la rancoeur est exacerbée par des penchants honteux.

On a une main d'oeuvre immigrée (principalement du maghreb, ce qui nous intéresse ici) qui vient trouver du travail dans un pays qui en a besoin et qui encourage (politiquement) sa venue. Il y a en même temps les relents d'une guerre honteuse (la Guerre d'Algérie) et d'un passé colonial que certains ont du mal à oublier: l'algérien en France est systématiquement soupçonné de complots et rabaissé, humilié, pointé du doigt. Bien que certains aient apporté au pays une productivité et une richesse (l'oncle qui se réfugie dans l'alcool), ils sont condamnés à être souillés et laissés dans des taudis (ou des bidon-villes comme à la Goutte d'Or). Le film montre une France raciste jusque dans ses fondations: le petit peuple ouvrier. Presque blanchi par des luttes sociales honorables et nécessaires, on en oublie l'aspect corporatiste que le monde ouvrier s'est modelé. Méfiant vis à vis de l'arabe qu'il croit venir lui manger son pain, rejetant cette culture et ce mode de vie différent, l'ouvrier français n'a d'autre choix que de cohabiter. Et cela ne se passe pas de la meilleure façon. L'homme a comme réflexe de se montrer supérieur à l'autre et de trouver quelqu'un à dominer: le travailleur immigré, seul et loin de chez lui, est le quidam idéal.

Le racisme ambiant de l'époque n'est pas la seule thématique du film. En effet, ELISE OU LA VRAIE VIE décrit assez précisément le travail à la chaîne et l'univers des usines. Si le film parait si froid pendant un moment, c'est aussi par sa vision mécanisée d'un monde où le travail n'est plus une participation à l'effort commun mais une contrainte physique épuisante qui devient de plus en plus inhumaine (par le monde industriel en pleine croissance, en pleine demande, où la rentabilité chiffrée devient la référence). Si cette vision du monde ouvrier n'est pas si surprenante par rapport aux difficultés montrées (l'usine n'a jamais été un idéal), c'est la vision des hommes et de leur manque de cohésion qui choque.

Le film aborde enfin une trame romantique, un amour impossible entre une française blanche et un algérien. Discours rare à l'époque (qui a mis du temps à rentrer dans les moeurs), cette forme de ségrégation m'a rappelé la condition des noirs américains. Quand on n'hésite pas à louer les principes d'égalité et de fraternité en France, il y a quand même de quoi se poser des questions. Si la ségrégation aux USA était, il me semble, encadrée par la loi, celle décrite dans le film me parait plus insidieuse car évoluant en "sous-marin", loin d'un quelconque encadrement et sujette aux élans incontrôlables d'une population "en roue libre".

C'est la troisième fois que je croise Marie-Josée Nat en quelques mois (LA VERITE, JOURNAL D'UNE FEMME EN BLANC sur l'avortement) et je me rends compte qu'au-delà des préjugés idiots (vieille france de l'époque), cette comédienne a joué dans des films engagés. Un parcours qui mérite peut-être qu'on s'y arrête, au moins pour sa démarche...
"Un film n'est pas une envie de faire pipi" (Cinéphage, août 2021)
Nestor Almendros
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Re: Michel Drach (1930-1990)

Message par Nestor Almendros »

LES VIOLONS DU BAL (1974)

Après ELISE OU LA VRAIE VIE, ma curiosité a été titillée par cet autre film de Michel Drach diffusé sur TV5. Le résultat est malheureusement assez peu convaincant. Le réalisateur a voulu filmer ses souvenirs d'enfant juif victime de la guerre et l'on peut se demander si ce projet était pertinent tant cela se révèle finalement assez anecdotique. On pourra à la rigueur retenir l'une des scènes finales, le passage en suisse à travers champs et barbelés, qui est plutôt prenante. Mais cela ne cache pas une certaine pauvreté du scénario en ce qui concerne l'originalité. Si ces souvenirs sont tout à fait louables, on ne va pas justifier tous ceux qui veulent adopter la même démarche et, comme ici, filmer des moments qui en rappellent d'autres tirés de nombreux classiques. On pense, par exemple, au bombardement du convoi de JEUX INTERDITS, de la relation avec le vieux paysan du VIEIL HOMME ET L'ENFANT, etc.

Rien de vraiment neuf sous le soleil, excepté une petite ambition formelle qui intrigue par son originalité et qui représente la vraie curiosité du film. Le réalisateur se met lui-même en scène dans un parallèle entre l'époque du tournage (en noir & blanc), les moments où il revient sur les lieux de son enfance (l'appartement) ou ses démarches auprès des producteurs pour monter le projet. Drach a visiblement une dent contre le système car il ne s'empêche pas de caricaturer les deux producteurs dans leurs certitudes sur les goûts des spectateurs ("il faut du sexe et des morts", "ça ne marchera jamais").
Le récit est entrecoupé des fameux souvenirs tournés comme une fiction. Drach fait certains parallèles entre les deux époques, notamment lorsqu'il accompagne un étudiant anti-bourgeois recherché par la police (ce qui lui rappelle ses souvenirs de fuite des allemands) ou lorsqu'il utilise son propre fils pour jouer son rôle. On retient également un jeu évident avec le montage, plus ou moins réussi selon les trouvailles, et quelques bonnes idées comme l'apparition de Jean-Louis Trintignant dans le rôle de Drach, "parce qu'il manque une star dans le film" selon l'un des producteurs.
On croise également la toute jeune Nathalie Roussel (vue dans LA GLOIRE DE MON PERE et sa suite, d'Yves Robert). J'ai retrouvé encore une fois ma chère Marie-Josée Nat, à la beauté effacée dans les reconstitutions d'époque (et, petit clin d'oeil: l'affiche d'ELISE OU LA VRAIE VIE chez le réalisateur).
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Re: Michel Drach (1930-1990)

Message par Père Jules »

Le pull-over rouge (1979)

L'affaire Ranucci racontée à la lumière des incohérences et des manquements de la Justice de l'époque. A bien des égards cette affaire, par l'emballement médiatique qu'elle a suscitée, ressemble à celle du petit Grégory ou Dills. A chaque fois, un acharnement, sans preuve ni fondement, avec des aveux forcés, provoque une vaste campagne dégueulasse où les bas instincts se révèlent: celle de la presse, peu scrupuleuse qui en rajoute des caisses; celle de la police, qui, sous la pression populaire bafoue les droits élémentaires de l'accusé et escamote des preuves en sa faveur; et celle du tout venant, prompt à lyncher celui qui est forcément un assassin. Certes, le meurtre d'un enfant est sans doute la chose la plus terrible qui soit, certes, l'ambiance d'alors n'incitait pas enquêter sereinement, mais on ne pouvait pas, raisonnablement, croire à la culpabilité de Ranucci. Un film-enquête qui a le bon goût de ne pas verser dans un militantisme pataud, une œuvre passionnante, désespérante aussi. Le pull-over rouge confirme enfin tout le mal que j'ai toujours pensé de Giscard, ici dans la peau d'un aristocrate blessé dans son petit égo qui aurait précité Ranucci vers l'échafaud.
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Re: Michel Drach (1930-1990)

Message par Commissaire Juve »

Cela dit, te souviens-tu de ce que raconte Yves Boisset à propos de Ranucci (en se fondant sur des documents qu'il aurait eu en main en travaillant sur "La Femme flic"). Mm... :?
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Re: Michel Drach (1930-1990)

Message par Père Jules »

J'ai un mépris carabiné pour Boisset depuis que j'ai vu son ignoble Dupont Lajoie mais je suis curieux de savoir de quoi il s'agit. J'avoue mon ignorance.
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Re: Michel Drach (1930-1990)

Message par Commissaire Juve »

Père Jules a écrit :J'ai un mépris carabiné pour Boisset depuis que j'ai vu son ignoble Dupont Lajoie ...
Hein ? :o Tu ne serais pas en train de confondre le message et le messager ?
...mais je suis curieux de savoir de quoi il s'agit. J'avoue mon ignorance.
Je ne sais pas grand-chose, mais quelqu'un en a parlé sur le forum. Grosso modo, en travaillant sur les réseaux pédophiles (pour faire "La femme flic"), des policiers lui auraient montré un fichier pédophiles sur lequel figurait le nom de Ranucci. Enfin... comme aurait dit un de mes élèves, ça sent le "prout" tout ça.
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Re: Michel Drach (1930-1990)

Message par Père Jules »

Commissaire Juve a écrit :
Père Jules a écrit :J'ai un mépris carabiné pour Boisset depuis que j'ai vu son ignoble Dupont Lajoie ...
Hein ? :o Tu ne serais pas en train de confondre le message et le messager ?
Je ne souhaite pas particulièrement relancer le débat là-dessus vu que j'avais plutôt le sentiment de prêcher dans le désert mais pour pondre un film aussi détestable, il faut être une belle ordure.
Commissaire Juve a écrit :Je ne sais pas grand-chose, mais quelqu'un en a parlé sur le forum. Grosso modo, en travaillant sur les réseaux pédophiles (pour faire "La femme flic"), des policiers lui auraient montré un fichier pédophiles sur lequel figurait le nom de Ranucci. Enfin... comme aurait dit un de mes élèves, ça sent le "prout" tout ça.
Moué. Quand bien même Ranucci était pédophile, ça ne fait pas de lui l'assassin qu'on a bien voulu nous vendre. Faut bien s'appeler Boisset pour laisser supposer une telle connerie.
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