John Brahm (1893-1982)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Profondo Rosso
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Re: John Brahm (1893-1982)

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Le Médaillon (1946)

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Au cours d'une réception donnée en l'honneur de sa future femme Nancy (Laraine Day), John (Gene Raymond) reçoit la visite impromptue du docteur Blair (Brian Aherne) qui lui révèle que Nancy a été sa femme et qu'elle souffre de troubles psychiques. Peu de temps après son mariage, le docteur Blair avait lui-même reçu la visite d'un ancien amant de Nancy, qui lui avait affirmé que celle-ci était coupable d'un meurtre, et à l'instar de John, il avait refusé de croire que Nancy n'était pas aussi angélique qu'elle aimait le faire croire...

The Locket se situe dans la vague psychanalytique et labyrinthique qui dominait le film noir à l'époque à travers des films comme La Maison du Docteur Edwards ou Laura. John Brahm signe même un des fleurons du genre par son brio narratif et son atmosphère unique. Le film s'ouvre sur les célébrations du mariage à venir entre Nancy (Laraine Day) et John (Gene Raymond). Tout est fait pour donner les attraits les plus charmants à la future mariée, que ce soit sa beauté simple et sa modestie ou encore la sincère admiration que lui vouent tous les convives en place homme et femme. Ces choix n'en rendront que plus troublants l'image d'elle qui nous sera renvoyée lorsqu'un mystérieux visiteur (Brian Aherne) rapporte au fiancé le passé qui le lie à Nancy.

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Si l'usage du flashback est typique du film noir des 40's, il prend là un tour nettement plus alambiqués tout en restant parfaitement limpide pour le spectateur. Dans un premier temps le premier retour en arrière de Brian Aherne prend un tour très elliptique, visuellement très commun pour narrer sa rencontre et ses premières semaines de mariage heureux avec Nancy. C'est après que les choses se compliquent quand intervient le personnage de Robert Mitchum pour réitérer la situation de départ dans le flashback et rapporter son passé tumultueux avec Nancy. Pour ce flashback dans le flashback Brahm déploie cette fois de multiples effets visuels pour appuyer le côté psychanalytique et rêvée de la confession (se déroulant dans le cabinet de Aherne qui est donc psychiatre) : un mouvement de caméra vers le visage de Mitchum tandis que le décor s'obscurcit autour de lui pour mieux nous enfouir dans le souvenir tandis que l'on découvre la nature sulfureuse de l'avenante Nancy qui va s'avérer kleptomane et meurtrière.

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L'atmosphère est déjà nettement plus trouble dans ce second flashback où la photo gagne en sophistication au fil de la montée de la suspicion de Mitchum envers Nancy notamment cet échange tendu après qu'il ait découvert son premier vol. Là le script de Sheridan Gibney s'offre une nouvelle audace en insérant un troisième flashback sur l'enfance de Nancy délivrant les origines de son trouble. Là on plonge pour de bon dans le pur onirisme et le royaume des peurs et frustration enfantine à travers la symbolique du médaillon (déjà amorcée dans le second flashback et le tableau jouant sur la nature double de Nancy), le jeu sur les contre-plongées où Nancy fillette fait face au la suspicion et cruauté des adultes.

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Après ce tour de force narratif, Brahm atténue ses artifices puisqu'il a réussi à désormais instaurer la paranoïa au sein d'une imagerie plus classique. Les scènes chocs n'en sont que plus inattendues comme une scène de suicide saisissantes ou encore le moment où Brian Ahern découvre à son tour le vrai visage de celle qu'il aime avec une transition mémorable où Brahm fait un usage brillant de ce si perturbant tableau qui hante le film. Laraine Day offre une prestation troublante, aux antipodes de de la femme fatale classique. Dépassée par sa nature et manipulatrice à la fois, elle dissimule parfaitement cette ambiguïté derrière un masque charmeur et bienveillant d'autant plus trouble lorsqu'il se lézarde et laisse entrevoir les fêlures de Nancy.

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Robert Mitchum est excellent également et le flashback qui l'inclue est le plus captivant de tous. Après avoir semé le doute en ne dévoilant les mauvais penchants de Nancy qu'au travers des souvenirs des autres, Brahm les révèle au grand jour dans un final grandiose se déploie toute sa virtuosité : bande-son surchargée, caméra au mouvement incertain, fondus enchaînés et transparence en forme de précipices, du grand art rehaussé par une Laraine Day plus perturbée que jamais. On regrettera juste le final un chouïa trop explicatif alors que les images ont tout dit mais ça n'en demeure pas moins un sacré film. 5/6

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feb
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Re: John Brahm (1893-1982)

Message par feb »

Profondo Rosso a écrit :...mais ça n'en demeure pas moins un sacré film...
...Et une bonne chronique :wink: Enregistré lors de l'intégrale Mitchum sur TCM, je ne m'y suis jamais intéressé mais ton texte me donne envie Profondo.
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Re: John Brahm (1893-1982)

Message par Nestor Almendros »

HANGOVER SQUARE (1945)

Découvert à l'instant grâce au Cinéma de Minuit. De bons ingrédients parfois perdus dans une intrigue un peu attendue (l'histoire d'amour avec Linda Darnell) mais dans un ensemble rehaussé par des scènes assez fortes (le concert final) ou des fulgurances marquantes (les rechutes psychiatriques du héros, le bûcher, etc.). Ajoutons une belle reconstitution, des décors soignés, une belle musique de Bernard Herrmann (bien mise en valeur par la mise en scène). Cela donne un film qui m'a captivé par intervalle mais qui s'avère finalement intéressant.
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Re: John Brahm (1893-1982)

Message par Federico »

Je croyais avoir déjà vu Hangover Square, eh ben, si c'était le cas, il ne m'en était rien resté. Je comprends un peu pourquoi. En le revoyant (ou le découvrant) l'autre soir, ce film à l'excellente réputation m'a déçu. En tout cas peu impressionné. Comme Nestor Almendros, j'ai trouvé l'ensemble assez brouillon et les acteurs, eux aussi légendaires, ne m'ont pas semblé très impliqués, le pourtant si souvent génial George Sanders en tête. Laird Cregar a certes un physique étonnant et peu commun (sa diction fait de lui comme une version brute de décoffrage, avec l'épaisseur d'un 2ème ligne de rugby, de Vincent Price) mais j'ai eu du mal à m'intéresser à ses malheurs schizophréniques. Les séquences-clés citées par Nestor sont bien là (surtout celle du bûcher de Guy Fawkes), la mise en scène est élégante mais c'est tout de même un peu figé. Reste que c'est toujours sympa de reconnaître la patte de Bernard Herrmann avec ses dissonances et même de petites touches de piano qui annoncent celles de l'introduction du Jour où la Terre s'arrêta.
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Re: John Brahm (1893-1982)

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Hangover Square (1945)

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Un compositeur a des absences et ne se souvient plus de ce qu'il a fait durant ce temps-là.

John Brahm réalise ici un très beau film typique de ces films d'angoisse de l'époque. On sait tout de suite que le héros est coupable des crimes, dès le premier crime on voit son visage et on le voit errer hagard dans les rues, mais la force du réalisateur est de faire douter qu'il soit réellement coupable de ceux-ci. Le crime de la chanteuse et la disparition de son corps sont quand même un très beau moment de noirceur. Si on reconnaît la patte MGM, on reconnaît aussi aisément la patte Century Fox qui est spécialiste de ces films qui se déroulent à la fin du 19ème ou du début du 20ème siècle. Le studio est friand de ces reconstitutions et John Brahm réalise un très beau travail esthétique sur le noir et blanc, sur cette Londres si inspiratrice des grands classiques du cinéma comme Hantise ou Dr Jekyll and Mister Hyde dont finalement le personnage principal est assez proche, se transformant en meurtrier sans scrupule. La fin est superbement filmée avec le musicien qui se rappelle ce qu'il a fait alors qu'il est en train de jouer son concerto, il y a aussi ses absences où l'image commence à devenir floue montrant le désarroi de la "victime". A noter aussi la très belle partition signée Bernard Hermann et dont la musique annonce celle de Vertigo dans certaines envolées, par contre elle sent plus les années de sa composition réelle, que celle de sa composition du film. Le film est porté par Laird Cregar qui a le physique idéal pour ce musicien partagé entre une "fiancée" pianiste comme lui, une chanteuse qui va lui faire perdre la tête, sa musique et ses angoisses. Linda Darnell a le physique idéal pour camper la sulfureuse chanteuse qui ne pense qu'à escroquer le compositeur. George Sanders est comme à son habitude excellent dans un rôle qui apparaît secondaire au niveau de sa présence à l'écran, mais primordial dans la prise de conscience du compositeur. Un film efficace et qui mérite sa réputation, même si de nombreux films exploitent la même veine du suspense sur fond de nuit londonienne !
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Re: John Brahm (1893-1982)

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The Lodger (1944)

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Jack l'éventreur sème la panique à White Chapelle, un étrange homme vient loger dans la famille d'une artiste de music hall

John Brahm reprend l'histoire si connue de Jack l'éventreur, mais il en fait sa propre lecture qui est en réalité une nouvelle version du film muet d'Hitchcock. Ici on n'est pas dans l'évocation pure des crimes du fameux assassin, mais dans la peur qu'il suscite et ici pas de sang, pas de crime horrible, seule concession à l'angoisse, le regard effrayé de la dernière victime de Jack ! L'ambiance du brouillard londonien est rendue à merveille, mais le personnage est trop évidemment suspecté, ce qui enlève ce côté mystérieux et véritablement angoissant que pourrait avoir le film. Laird Cregar sera bien plus convaincant en musicien tourmenté par ses absences dans Hangover Square que dans ce lodger, où sa silhouette inquiétante est certes bien mise en valeur, mais où il n'y a jamais de doute qu'il soit l'assassin. C'est dommage, surtout qu'une fois encore la reconstitution proposée par la Fox est superbe, le traitement esthétique de l'histoire aussi. Merle Oberon est charmante en chanteuse de music hall découvrant sa très belle silhouette dans ses numéros, et George Sanders élégant comme toujours dans le rôle de policier. Le réalisateur reprendra quasiment le même cast notamment dans les seconds rôles dans Hangover Square qui sera bien plus abouti, bien que partant du même ressort du coupable connu dès le départ, mais où un tout petit doute subsiste quand même. La dernière scène dans le cabaret est toutefois une belle scène plastiquement parlant, et le film se laisse voir sans déplaisir mais sans immense plaisir non plus !
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Re: John Brahm (1893-1982)

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Le Médaillon, The Locket (1946)

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Le jour de son mariage, John Mills reçoit la visite du Dr Blair, celui-ci veut l'entretenir du passé trouble de sa fiancée Nancy. Celle-ci a déjà été mariée, et est soupçonnée à la fois de meurtre et de vol.

John Brahm réalise ici un film noir empreint de cette fameuse psychanalyse tellement à la mode à l'époque. Ici le film est astucieusement monté avec des flashbacks en rafale, le flashback traditionnel où l'ancien mari évoque sa rencontre avec sa femme, ses premiers mois de vie commune, puis sa rencontre avec l'ex-fiancé de sa femme qui vient lui révéler un passé trouble de celle-ci, et qui entraine un premier flashback dans le flashback. Ainsi nous apprenons dans celui-ci, que la jeune femme malgré son air angélique est visiblement attirée par les bijoux précieux jusqu'au vol d'un bracelet. Celui- entraine un second flashback qui nous apprend l'enfance de l'héroïne et d'où vient sans doute cette attirance pour les bijoux. C'est d'ailleurs de l'évocation de cette enfance que vient le titre du film à savoir le médaillon, médaillon offert par une petite fille riche à la fille d'une femme de chambre. A chaque flashback nous avons un narrateur différent d'abord le psychanalyste puis le peintre et enfin la jeune femme elle-même. Tout est très bien construit et chaque épisode nous permet de connaître un peu plus la personnalité de la jeune femme qui semble pourtant totalement normale. Nous avons ici un portrait de femme fatale car chaque homme qu'elle croise va en souffrir, mais elle n'a pas ce côté garce d'un certain nombre de tenancières du rôle. Bien au contraire, elle offre un portrait angélique et on ne saura jamais si elle a vraiment été jusqu'au meurtre, le film restant flou sur cet aspect (même s'il y a de fortes chances qu'elle en soit la coupable). Il y a cette esthétique typique de l'époque avec l'épisode du peintre et ce tableau de femme sans yeux, une esthétique plus "gothique" dans le tracé de l'enfance. La scène finale du mariage est absolument superbe avec cette longue marche de la fiancée vers l'autel qui devrait voir enfin son but atteint, mais finalement voit sa longue descente dans son passé ressurgir à travers les tableaux évoqués plus tôt. Laraine Day est lumineuse en jeune femme perturbée tout comme Brian Aherne dans son rôle de psychanalyste révélateur, sans oublier naturellement Robert Mitchum. The Locket est un superbe film noir à part dans sa narration et qui surfe sur la vague psychanalytique de l'époque avec intelligence.
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The Undying Monster (1942)

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Suite à l’agression d’un châtelain et d’une jeune femme dans une contrée reculée d’Angleterre, un scientifique enquêtant pour le compte de Scotland Yard et son assistante se rendent sur les lieux et tentent de résoudre le mystère qui se cache derrière la malédiction familiale.

The Undying Monster est l'œuvre qui entame la formidable trilogie de thriller gothique de John Brahm dont les plus renommés seront les deux films suivant avec The Lodger et Hangover Square. Le projet naît de la volonté de Darryl Zanuck de ranimer au sein de la Fox la veine fantastique et gothique initiée par Universal au début des années 30 avec entre autres les classiques de James Whale Frankenstein/ La Fiancée de Frankenstein, L'homme invisible ou le plus tardif Le loup-garou (1941) qui entretient pas mal de similitude avec The Undying Monster. Pour ce faire Zanuck va faire appel à John Brahm, émigrant allemand qui a déjà démontré son savoir-faire avec son remake du Broken Blossoms de D.W. Griffiths (1936), s'étant déjà essayé au thriller avec Let Us Live (1939). C'est vraiment durant cette période à la Fox qu'il donnera son meilleur et dans ce registre de suspense qu'il montrera son grand talent avec d'autre grande réussite encore comme Le Médaillon (1946) au sein de la RKO.

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The Undying Monster n'est pas le plus réussi des trois films car tirant moins ouvertement vers l'angoisse. Ici c'est le mélange des genres qui prime avec un ton oscillant entre l'épouvante gothique la plus prononcée, le thriller psychologique et l'enquête à mystère. Si le film est des plus agréable à suivre du début à la fin, on peut néanmoins regretter que le potentiel horrifique ne soit pas plus exploité tant la mise en scène de Brahm s'avère prodigieuse pour créer la tension. L'ouverture donne le ton avec une vue aussi majestueuse qu'angoissante sur ce manoir situé sur les hauteurs d'une falaise tandis qu'une voix off lourde de menace narre le mystère de la malédiction qui hante ses habitants, les Hammond.

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Après avoir saisi l'agitation de la nature environnante, nous pénétrons à l'intérieur, Brahm arpentant la demeure dans un somptueux plan séquence où par ses cadrages il rend macabre ce qui s'avérera des éléments tout à fait anodins et instaure une ambiance criminelle dans une scène qui en est totalement dénuée. Tout le film est dans cet esprit, alternant frayeur et légèreté. On a ainsi une attaque nocturne d'une jeune infirmière par une créature sauvage inconnue dont Brahm adopte une vue subjective lors de l'assaut et dont sera victime aussi l'ainé des Hammond. Le réalisateur déploie une mise en scène tout aussi maîtrisée lorsque la sœur Hammond arpentera la lande pour sauver son frère suite aux hurlements avec un usage brillant de son budget limité qui accentue l'artificialité de cet extérieur pour le rendre d'autant plus étrange et angoissant et s'attarde toujours un peu plus sur certains détails macabres comme ce chien déchiqueté par la bête.

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Toute cette tension retombe pourtant un peu lorsqu'arrive le héros à la Sherlock Holmes interprété par John Howard, son assistante pleine d'humour jouée par Heather Thatcher faisant office de Watson charmant et amenant son lot d'échange piquant. Le scénario pêche un peu à vouloir entretenir le doute sur la nature surnaturelle de la menace, l'affiche présentant ouvertement un loup-garou et les indices lourdement amenés ne laissant aucun doute sur l'identité et le caractère de ce qui est pourchassé. L'enquête n'est jamais ennuyeuse grâce au charisme de John Howard et au sens de l'atmosphère de Brahm (ainsi qu'une intrigue très voir trop resserrée d'une heure à peine) mais distille un faux mystère alors que l'on a assez vite déjà tout deviné. A nouveau c'est la virtuosité de Brahm qui rehaussera l'ensemble avec une mémorable conclusion où le loup-garou se révèle enfin dans toute sa fureur pour une longue traque finale où si la surprise voulue lors de la révélation tombe à plat, le suspense fonctionne lui formidablement. Un épilogue léger et sur explicatif viendra pourtant à nouveau atténuer ce sommet, symbole d'un script convenu et timoré transcendé par la réussite plastique (superbe photo ténébreuse de Lucien Ballard que retrouvera Brahm sur The Lodger). Très bon film néanmoins plein de promesses confirmées avec The Lodger à suivre et où Brahm plus libre offrira un spectacle autrement plus dérangeant. 4/6

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Re: John Brahm (1893-1982)

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The Lodger (1944)

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A Londres, au début des années 1890, des chanteuses de cabaret sont assassinées par un mystérieux tueur en série. Au même moment, un couple de bourgeois dont la fille, Kitty Langley, est artiste de music-hall, accueille sous son toit monsieur Slade, un énigmatique étudiant en médecine.

John Brahm réalise son second film d'épouvante à la Fox avec The Lodger et après la modeste réussite de The Undying Monster il signe cette fois un grand classique du genre. Le film est considéré comme le remake du classique muet d'Alfred Hitchcock mais c'est aussi une autre adaptation du roman de Marie Belloc Lowndes et de sa vision de Jack l'éventreur. Le roman connaîtra d'ailleurs une autre transposition après le Hitchcock et avant le Brahm en 1932 réalisée par Maurice Elvey et une plus tardive en 1953 signée Hugo Fregonese. The Undying Monster fait figure de brouillon dont les scories sont ici totalement absente avec un ensemble qui affine et transcende toute les qualités qu'on trouvait dans le film précédent : moyens supérieur, script plus subtil et interprétation bien plus intense. Et avec comme atout principal une nouvelle fois la mise en scène virtuose de John Brahm qui appose sa marque dans une ouverture mémorable dont il a le secret.

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Une vision en plongée du sinistre quartier de White Chapel baigné dans la brume nous fait suivre son activité dans un sobre plan séquence en léger panoramique où l''on accompagne différent protagonistes sortant éméché d'une taverne. Une silhouette féminine titubante se détache du groupe pour rentrer seule et disparaît derrière une ruelle où la mort l'attend, seul ses hurlements faisant partager la terreur inspirée par sa sinistre rencontre tandis que le meurtre restera hors-champ. Tandis que la ville s'agite de ce nouveau méfait de celui qu'on nomme déjà Jack l'éventreur, Slade (Laird Cregar), un homme mystérieux loue une chambre chez un couple de bourgeois. Celui-ci ne va pas tarder à éveiller la suspicion de ses hôtes par ses curieuses habitudes qu'il associe à ses expériences scientifiques plus qu'il ne sort que la nuit et semble particulièrement troublée par leur nièce Kitty (Merle Oberon) qui est actrice soit la profession de toute les victimes de Jack l'éventreur.

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The Lodger ne commet pas la même erreur que The Undying Monster, mener l'enquête et créer un pseudo mystère autour de l'identité d'un coupable que le spectateur aura aisément deviné (tout comme le Hitchcock même si celui-ci aurait préféré dissimuler le coupable jusqu'au bout dans sa version). Au contraire la tension naîtra du malaise dégagée par la présence de Laird Cregar, fascinante figure de serial killer. Le mystère à résoudre, c'est la raison qui le pousse à tuer et le suspense naîtra des situations qui provoquent ses poussées meurtrières que nous devinons progressivement. Ce sera d'abord la répulsion face à des figures féminines trop apprêtée et maquillées généralement associée au monde du spectacle. Découvrant des tableaux d'actrice dans sa nouvelle chambre Slade les retournera tous avant de faire disparaître plus radicalement celle qu'il croisera dans la réalité tandis qu'il consulte régulièrement une bible massive et cite constamment les écritures lorsqu'une séduction tentatrice lui est soumise. L'évolution du script pourrait sembler poussive au premier abord : tous les indices de la culpabilité de Slade sautent aux yeux et malgré leurs soupçons les personnages laissent constamment retomber leur crainte pour une raison quelconque.

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Brahm mise en fait sur l'étrange ambiguïté que dégage Laird Cregar. Si sa silhouette massive dégage une réelle menace, son comportement timoré, sa mine apeurée et son regard perdu le définissent comme un être fragile rongé par ses démons. On découvrira la raison de sa haine des actrices qui sous-entend une sexualité perturbée et incestueuse tandis qu'en surface le script avance un simple motif de vengeance. Elle définissent en tout cas sa relation amour/haine pour les femmes et ce conflit se voit littéralement personnifié par le personnage de Merle Oberon dont John Brahm rend la féminité et la séduction des plus prononcée par le jeu de l'actrice (seule à être ouvertement avenante et amicale avec Slade) et bien sûr par ses tenues affriolantes avec un impressionnant défilé de robes somptueuses sans parler des scènes de théâtre ou dénudées elle se lance dans de furieux french cancan. Le sommet sera atteint lors de la conclusion où Slade déchiré entre extase et dégout assiste à la revue de Merle Oberon, Laird Cregar exprimant cette douleur par un jeu intense et fiévreux.

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Brahm accompagne cette pure tension psychologique de moments horrifiques plus directs et particulièrement réussis. La reconstitution est somptueuse et le décor de White Chapel conçu par James Basevi (qui démontrera encore son brio sur les ambiances gothique par la suite avec Jane Eyre et La Maison du docteur Edwardes) est une formidable création. Brume constante, obscurité oppressante et ruelle étroites aux détours incertains maintiennent l'inquiétude en permanence sans que l'on assiste dans le détail au moindre crime. Brahm multiplie également les symboles, notamment celui de l'eau purificatrice, la main du cadavre de la première victime baignant dans une flaque tandis que Slade ira se laver dans la Tamise après chaque meurtre, cette même Tamise constituant en définitive son tombeau lors de la conclusion. Les détails macabres allusif sur les mutilations infligés par Jack l'éventreur à ses victimes suffisent à susciter la frayeur, tout comme les meurtres tout en suggestion tel cette scène en vue suggestive du tueur où Brahm reprend en plus réussi l'idée de l'ouverture de The Undying Monster. Logiquement le formidable final s'avérant bien plus inquiétant avec le sordide face à face entre Slade et Kitty que pour la course poursuite qui suit et bien plus convenue. Très grand film et incroyable prestation de Laird Cregar qui retrouvera Brahm sur Hangover Square l'année suivante, avant de décéder prématurément. 5/6

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Dernière modification par Profondo Rosso le 11 sept. 12, 12:48, modifié 1 fois.
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Re: John Brahm (1893-1982)

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Hangover Square (1945)

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Londres, 1899. George Bone, pianiste et compositeur classique renommé, est surmené par son travail d’écriture d’un concerto pour piano. Le compositeur est victime de fréquentes crises de pertes de mémoire qui sont provoqués à chaque fois qu’il entend des sons discordants. Pourtant un brave homme dans la vie, il se transforme en un meurtrier sadique lors de ses crises dont il n’a aucun souvenir.

Hangover Square offre une conclusion en apothéose à la trilogie horrifique de John Brahm pour ce qui est sans doute le plus abouti des trois films. Propulsé star du jour au lendemain suite à sa stupéfiante interprétation de Jack l'éventreur dans The Lodger, Laird Cregar mettra beaucoup de lui-même dans ce qui sera malheureusement ultime rôle. C'est en effet l'acteur qui repère le livre de Patrick Hamilton et qui incite la Fox à en acheter les droits au terme de négociations de longue haleine de Darryl Zanuck qui roublard les obtiendra pour un prix dérisoire en cachant à Hamilton et son éditeur que la production était déjà lancée, ces derniers n'ayant pas de moyens de pression pour faire monter les enchères (d'autant que le roman n'eut qu'un faible succès et doit son adaptation à l'obsession de Cregar pour l'histoire). Pour faire le lien auprès du grand public avec The Lodger, l'intrigue du livre est déplacée de 1937 au début du siècle, permettant ainsi de retrouver plus aisément cette ambiance gothique d'époque associée au film de 1944 (les deux scripts étant dû au scénariste britannique Barré Lyndon). Cregar déçu manque d'abandonner le projet suite à cette modification mais reste finalement. Afin d'effacer le souvenir de Jack l'éventreur (et craignant d'être définitivement associé aux rôles de psychopathe) décide faire fondre son imposante silhouette pour incarner le fragile George Bone et va ainsi subir une opération de réduction de l'estomac ainsi que suivre un régime strict. Ses efforts seront récompensé par une interprétation encore plus ahurissante que The Lodger mais il y laissera sa santé et sa vie, mourant avant même la sortie de Hangover Square. L'acteur rejoint ainsi tristement la facette obsessionnelle de son personnage soumis jusqu'au bout à son art, ce qui causera sa perte.

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The Undying Monster et The Lodger étaient deux films très semblables dans leur structure, motif et mise en scène mais Hangover Square même s'il en conserve quelques éléments (cadre londonien menaçant, George Sanders à nouveau en agent de Scotland Yard) est bien différent. John Brahm développe plus avant ici la dimension psychanalytique de The Lodger (une veine dans laquelle il atteindra une quasi perfection avec le tortueux Le Médaillon plus tard) pour un thriller entièrement soumis à l'esprit perturbé de son héros. George Bone (Laird Cregar) est un compositeur doué en passe d'atteindre une renommée grandissante grâce au concerto sur lequel il travaille. L'anxiété qui en découle réveille un mal dont il souffre depuis toujours : il est victime de "trou noir" après lesquels il ne se souvient plus de ce qu'il a fait ni où il s'est rendu. Le trouble s'accentue pour le pousser vers le crime malgré lui, le film s'ouvrant sur un de ses accès avec le meurtre brutal d'un antiquaire.

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On est loin de l'élégance et de la sophistication des crimes de The Lodger, Brahm comme pour illustrer la facette primaire des bas-instincts émergeant de Bone use d'une mise en scène plus agressive et directe (ce qui sera le cas pour la plupart des autres meurtres notamment celui de Linda Darnell) tout en dévoilant sa double nature avec le meurtre en vue subjective pour nous le montrer le visage égaré dans le plan qui suit, presque témoin extérieur de son acte. De même la vision ténébreuse d'un Londres embrumé et indistinct s'efface ici avec une ville qui se transforme au gré de la personnalité de son héros. Les ombres des bâtiments se font plus imposant lorsque Bone bascule, les ruelles gagne en bizarrerie selon son point de vue (d'une scène à une autre le même décor peu passer de commun à terrifiant) et l'allure inoffensive du personnage se fait soudainement massive avec une mise en scène de Brahm multipliant les angles étranges et les contre-plongées déroutantes.

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Pour soigner son mal, Bone doit se détacher des situations de stress et abandonner pour un temps son concerto qui l'obsède. Ce sera malheureusement pour tomber entre les griffes d'une chanteuse ambitieuse et séductrice (Linda Darnell vénéneuse femme fatale manipulatrice) qui va user de lui pour atteindre les sommets. Ainsi trahi, Bone va basculer définitivement dans la folie, victime et bourreau. C'est dans ses scènes où Bone laisse la folie l'envahir que Brahm déploie toute sa virtuosité avec image vaporeuse déformant le décor, travelling avant/arrière agressif montrant par le changement d'expression de Laird Cregar qu'il est devenu un autre, celui-ci exprimant cette schizophrénie avec une intensité saisissante. Malin, Brahm n'abuse pas de ce procédé et au contraire en joue pour accentuer le suspense. Ainsi parfois le doute est entretenu sur le fait que Bone ait changé, par l'ellipse (la fin où on s'interroge du sort de George Sanders, l'agression inattendue de Faye Marlowe) ou par l'expression opaque de Laird Cregar tel cet ultime concert où l'on ne sait si c'est "l'autre qui joue" (où ce passage ou l'on comprend qu'il a repris conscience uniquement parce qu'il va chercher son chat).

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Plus l'on avance, plus le film s'enfonce dans le cauchemar surréaliste. Si dans The Lodger le motif de l'eau courait tout le film, cette fois ce sera celui du feu qui fera office de libérateur à la folie de Bone. Le premier meurtre de l'antiquaire se conclu par un incendie, c'est durant la Bonfire Night célébrant Guy Fawkes que Bone commet son crime le plus violent avec ce moment halluciné où la foule contemple un gigantesque bûcher. Enfin c'est bien évidemment le concert final qui fera office de catharsis avec Bone jouant seul, indifférant à l'apocalypse qui se déchaîne autour de lui. Ce moment est l'aboutissement d'une longue conclusion où Brahm aura exploité la grandiloquence en plus tout motifs illustrant l'esprit malade de Laird Cregar. La caméra virevolte dans la salle de concert, revenant constamment au visage déformé de Bone déchaîné sur son piano, le décor devient de plus en plus irréel et les souvenirs affluents il se souvient enfin de tous ses terribles actes. Le score magistral de Bernard Herrmann est au diapason avec un Hangover Square Concerto qui gagne en ampleur au fil du film, jouant sur les dissonances sources des changements de Bone et faisant tonner son entêtant thème de piano lors de cette conclusion où l'enfer s'ouvre sous nos pieds. Une réussite totale pour John Brahm, égalée ensuite avec Le Médaillon mais on peut se demander comment il n'a pas accédé à des films plus ambitieux après pareille tour de force et fini à la télévision (La Quatrième Dimension, Alfred Hitchcock Presents). 5,5/6

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Filiba
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Re: John Brahm (1893-1982)

Message par Filiba »

Profondo Rosso a écrit :
Père Jules a écrit :Que vaut son Singapour ?
Sortie en dvd chez Studio Canal le 31 janvier. J'hésite à me le prendre.
Hé hé vu et réponse !

Singapour (1947)

Une jolie réussite qui contribuait encore à imposer Ava Gardner un an après son éclosion dans Les Tueurs. 4,5/6
Je plussoie. J'ajouterai que la photo est trés soignée avec beaucoup de clair-obscurs réussis.
Un film sous l'influence de Casablanca et du faucon maltais; c'est un peu un personnage hardboiled plongé dans un mélodrame.
Le DVD Universal est bien, l'image est bien définie et bien contrastée, de beaux noirs. Quelques scratches mais rien qui gâche le plaisir.
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Profondo Rosso
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Re: John Brahm (1893-1982)

Message par Profondo Rosso »

The Miracle of Our Lady of Fatima (1952)

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En 1917, à Fatima, au Portugal, trois jeunes enfants bergers, Lucia, Jacinta et Francisco, voient apparaître, au moment où ils récitent le chapelet, une dame qui leur dit être la Vierge Marie et qui leur demande de revenir au même endroit, chaque mois, à la même date, pendant six mois. Les parents et le curé du village croient à un mensonge mais une foule de curieux accourt chaque mois, de plus en plus nombreuse.

John Brahm dont la petite renommée s'est faite à travers des univers très sombres dans sa trilogie gothique à la Fox ( The Undying Monster, Jack l'éventreur et Hangover Square en 1942, 44 et 45) et le film noir psychanalytique Le Médaillon (1946) surprend avec cette fresque religieuse naïve. Le film transpose les vrais évènements de 1917 ayant trait à Notre-Dame de Fátima, soit l'apparition de la Vierge Marie dans un village du Portugal à trois enfants. La construction est clairement inspirée du chef d'œuvre de Henry King Le Chant de Bernadette (1947) qui évoquait le destin de Bernadette Soubirous incarnée par Jennifer Jones. Grande différence cependant, Henry King tout en adoptant une vraie tonalité religieuse exaltée laissait à la libre interprétation du spectateur les visions de Bernadette. On croyait à la conviction et la foi de Bernadette mais sans se sentir contraint d'y adhérer ce qui donnait une ampleur et une richesse thématique accrue au film. On ne trouve guère ce genre de subtilité ici où le prosélytisme est appuyé sans ambiguïté ce qui risque de faire fuir tous les allergiques les plus acharnés à la chose religieuse. Le jeu subtil de Jennifer Jones était également plus émouvant et subtil sous l'exaltation alors que les trois jeunes héros de The Miracle of Our Lady of Fatima peuvent être aussi touchant qu'agaçant dans leur candeur et innocence immaculée. Le film ne manque pourtant pas d'intérêt sous ses écueils.

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Le scénario situe parfaitement la situation du Portugal d'alors et la façon dont le miracle s'y inscrit. En 1910, Manuel II doit quitter le pays, et une république libérale et laïque est proclamée, rejetant et stigmatisant la pratique religieuse notamment par le fichage des prêtres. Sept ans plus tard l'étau s'est légèrement desserrée, le culte étant autorisé bien qu'étroitement surveillé par les administrateurs d'état. C'est dans ce contexte que trois jeunes berger du petit village de Fatima, Lucia, Jacinta et Francisco, voient leur apparaître dans le vallon où ils font paître leur bêtes la Vierge Marie (qui ne se présente pas sous son nom) qui leurs annonce qu'elle leur apparaitra à la même date lors des six prochains mois. Dans ce pays oppressé et dont les hommes sont partis à la guerre, la nouvelle se propage et est un motif d'espoir qui va attirer une population pieuse des quatre coins du Portugal pour assister au miracle. Ce mouvement dérange autant le gouvernement qui va alors menacer les enfants et leur famille ainsi que l'église elle-même voyant les fidèles quitter le culte installé pour s'agglutiner sur le vallon.

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On retrouve ainsi les thématiques du Chant de Bernadette (la finesse en moins) où le l'église est plus une institution à suivre qu'un lieu où exprimer sa foi et incapable d'admettre ou se questionner face à un possible vrai miracle. C'est malheureusement traité fort grossièrement et les agents d'état sont bien trop manichéen dans leur malveillance pour amener une profondeur à leurs agissements. En restant constamment du point de vue des enfants, le film adopte plutôt une tonalité de conte en simplifiant à l'extrême tout ce qui les entoure et faisant des apparitions les seuls moments de paix des jeunes héros. Malgré niaiserie et la guimauve qui n'est jamais très loin (les trois ayant la larme un peu trop facile) l'émotion parvient néanmoins à fonctionner grâce notamment une jeune Susan Whitney très habitée en Lucia. Le film fait preuve d'un étonnant recul aussi pour dénoncer la ferveur aveugle et quelques peu brutale des suiveurs s'agrippant aux enfants devenus des reliques religieuses bien malgré eux. Cette ferveur peut pourtant être un moteur de rébellion lorsqu'ils se masseront aux portes de la prison où sont retenus les enfants.

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La vraie force du film reste cependant la mise en scène puissante de John Brahm qui fait passer pas mal d'écarts. Ce Portugal rural est totalement factice, entre paysage californien ou de studio et inspire pas mal le réalisateur dans des cadres et compositions de plans baignant dans l'iconographie religieuse. Les ciels aux couleurs changeantes, les plans d'ensemble des foules captivées ou encore les apparitions divines offrent de superbes moments portés par un magnifique score de Max Steiner. L'usage des couleurs est aussi assez surprenant avec ses accents saturés inondant l'image notamment les accents rougeoyants de certaines séquences notamment lorsque Lucia est en plein doute. Cela culmine avec le grand final et la manifestation du miracle le temps d'une scène quasi psychédélique où le soleil brille de mille feux et semble s'abattre sur terre, un sacré moment si on ose dire. On aurait pu être convaincu malgré les grands écarts de ton si un message plus douteux ne se dissimulait pas sous l'ensemble et qui gâche un peu l'impression. Les tyrans au pouvoir et empêchant l'essor religieux délivre sont associés au communisme et le secret de Vierge révélé aux enfants (jamais dévoilé par eux en réalité) concerne les catastrophes à venir sur le monde dont la Révolution Russe, pays il faut instaurer la foi. Douteux et pas très fin alors que malgré les défauts le spectacle n'était pas inintéressant. 3/6

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Federico
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Re: John Brahm (1893-1982)

Message par Federico »

Au-delà du réel (The outer limits) s1 e18 La reine des abeilles (ZZZZZ, 1964)

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Le premier des deux épisodes que Brahm signa pour cette fameuse série TV. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'on sent tout de suite la patte d'un grand réalisateur qui sait tirer le mieux d'un scénario fantastico-poétique a priori abracadabrantesque : un essaim d'abeilles envoie en mission sa reine séduire un humain en lui donnant l'apparence d'une ravissante jeune femme ! :shock: Auquel Brahm parvient à faire croire par une très fine direction d'acteurs et mise en scène et surtout en obtenant toute la substantifique gelée royale de l'étonnante frimousse de son actrice, Joanna Frank, aussi fascinante qu'irrésistible derrière sa grande frange de cheveux noirs*.
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Un épisode qui joue très peu des effets spéciaux (juste la transformation initiale, très sobre et la "voix" des abeilles), préférant s'attarder sur l'atmosphère irréelle apporté par cette créature mutante, aussi mutine et touchante que prédatrice. Dans les rôles du savant et de son épouse, Philip Abbott et Marsha Hunt sont eux aussi remarquables et les dialogues plus justes et naturels que dans la moyenne des épisodes de cette inégale série.
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(*) La seule faute de goût la concernant, c'est l'adjonction d'un modèle de soutif type "obus" comme si la sensualité naturelle de son visage nécessitait de rajouter cette couche assez vulgaire. M'enfin bon, c'est juste un avis perso. :wink:
Sinon, cette plus que charmante comédienne venait de jouer un petit rôle dans la première partie d'America, America de Kazan...

...mais n'a plus fait grand chose de notable par la suite à part quelques rares films et des apparitions dans des séries TV comme Le fugitif et surtout La loi de Los Angeles, création de son petit frère, un certain Steven Bochco.

Spoiler (cliquez pour afficher)
Je vous laisse apprécier son numéro de charme dans l'épisode du Fugitif...

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[edit] Si j'en crois cet article, ce serait justement après l'avoir remarquée dans le film de Kazan que Joseph Stefano, le producteur d'Au-delà du réel lui aurait trouvée ce scénario "sur mesure". Brahm aurait peu apprécié le manque d'expérience (ou de talent) de Joanna Frank et la jeune femme se serait plaint du peu d'attention de la part de ce vétéran hollywoodien. Comme l'écrit fort justement l'auteur de l'article, c'est peut-être cette maladresse de débutante qui rend son personnage aussi plausible et émouvant. En tout cas, rarement une "alien" aura été aussi amoureusement filmée... :oops:
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Re: John Brahm (1893-1982)

Message par AtCloseRange »

Un peu comme Federico, j'avais vu Hangover Square il y a pas mal d'années sans qu'il m'en reste de grands souvenirs mais contrairement à lui, à la révision, je ne comprends pas pourquoi. C'est un thriller gothique vraiment brillant illuminé par la prestation géniale et inhabituelle de Laird Cregar, la musique de Bernard Herrmann et la mise en scène classieuse de John Brahm. Le concerto final vaut bien les plus grands moments de bravoure hitchcockiens.
Je veux bien reconnaître un certain côté un peu convenu au scénario mais la mise en scène en transcende vraiment les limites (le bucher de la Guy Fawkes Night).
C'est vrai par contre que George Sanders est un peu sacrifié et n'a pas grand chose à faire comme la plupart des seconds rôles d'ailleurs (à part Linda Darnell) mais c'est pour mieux laisser le champ libre à la prestation hors norme de Cregar.
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Re: John Brahm (1893-1982)

Message par Federico »

AtCloseRange a écrit :Un peu comme Federico, j'avais vu Hangover Square il y a pas mal d'années sans qu'il m'en reste de grands souvenirs mais contrairement à lui, à la révision, je ne comprends pas pourquoi. C'est un thriller gothique vraiment brillant illuminé par la prestation géniale et inhabituelle de Laird Cregar, la musique de Bernard Herrmann et la mise en scène classieuse de John Brahm. Le concerto final vaut bien les plus grands moments de bravoure hitchcockiens.
Je veux bien reconnaître un certain côté un peu convenu au scénario mais la mise en scène en transcende vraiment les limites (le bucher de la Guy Fawkes Night).
C'est vrai par contre que George Sanders est un peu sacrifié et n'a pas grand chose à faire comme la plupart des seconds rôles d'ailleurs (à part Linda Darnell) mais c'est pour mieux laisser le champ libre à la prestation hors norme de Cregar.
Ça reste un film intéressant mais The lodger m'a bien plus fasciné dans sa mise en scène et son scénario. Et la prestation de Cregar aussi.
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