Le Western américain : Parcours chronologique I 1930-1949

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jeremy Fox
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Brimstone

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Le Cavalier Fantôme (Brimstone, 1949) de Joseph Kane
REPUBLIC


Sortie USA : 15 Août 1949


Et, après El Paso, l’année se poursuit avec un western encore plus routinier signé d’un des cinéastes hollywoodiens les plus prolifiques qui soient, Joseph Kane. Il fut fidèle au modeste studio Republic de 1935 à 1958 tournant pour elle pas loin d’une centaine de séries B et Z à très petits budgets ; même si seulement une infime partie de sa production est parvenue jusqu’à nous, il faut bien avouer que ce qui nous a été permis de voir ne donne pas franchement envie d’en connaître davantage. Les films qu’il tourna avec John Wayne (Dakota ; In Old Sacrameto ; Flame of Barbary Coast) étaient franchement très moyens ; celui-ci se laisse regarder avec plus de plaisir même si on constate que le cinéaste n’a guère progressé malgré le nombre impressionnant de longs métrages déjà à son actif en cette fin de décennie.

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Les Courteen, un père et ses trois fils, sont une famille de riches éleveurs ruinés depuis l’arrivée des fermiers et de leurs clôtures. Le vieux Brimstone (Walter Brennan) n’a toujours pas digéré le fait que des pionniers soient venus s’installer sur ses terres transformant cet ‘Open Range’ en innombrables petites parcelles. Avec deux de ses fils, Nick (Jim Davis) et Luke (Jack Lambert), tout en continuant à se faire passer pour un citoyen modèle, il compte bien le leur faire payer. Pour se faire, il n’hésite pas à tuer, piller mais surtout il dévalise les diligences transportant l’argent des colons-agriculteurs. Il compte ainsi dans un premier temps les ruiner pour ensuite se présenter à eux, leur proposant de racheter leurs terres que, bien sûr, il paierait avec le propre argent dérobé aux fermiers désormais aux abois. Mais un mystérieux cavalier fantôme, masqué et tout de noir vêtu, vient à son tour leur subtiliser l’argent volé, contrariant ainsi leurs plans. Dans le même temps, un étranger, Johnny Tremaine (Rod Cameron), arrive en ville et se présente au shérif (Forrest Tucker) en lui disant connaître la cachette ‘du butin’. Il lui promet de la lui dévoiler à condition qu’il l’embauche en tant que second. Quant au troisième fils Courteen, le calme Bud (James Brown), amoureux d’une jolie fermière au grand dam de son paternel, ayant entendu dire que le cavalier fantôme avait disparu, se fait passer pour lui lorsqu’il décide à son tour d’attaquer une diligence dans le but de se constituer un pécule pour pouvoir épouser sa promise…

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L’intrigue part un peu dans tous les sens et même si elle demeure assez fluide se révèle parfois inutilement compliquée ; mais à quelques reprises, certains retournements de situations arrivent néanmoins à nous surprendre notamment dans la dernière partie du film. Si l’identité du cavalier fantôme est assez facile à deviner (le scénariste Thames Wiliamson, auteur du savoureux Cheyenne de Raoul Walsh, n’a d’ailleurs pas tenu à la cacher longtemps, les spectateurs sachant à quoi s’en tenir au bout d’à peine un quart d’heure), le positionnement d’autres personnages n’était pas forcément évident à déceler ; ce scénario louchant vers l’intrigue policière est en fait le meilleur atout du film, faisant de ce dernier un spectacle assez plaisant ménageant de l’action à revendre au détriment cependant de toute psychologie. Signalons justement que la séquence d’ouverture, l’attaque d’un troupeau de bétails avec le massacre de tous ses convoyeurs, s’avère très efficace avec cascadeurs et monteurs très au point ; on se demande même si Joseph Kane en est à l’origine tellement elle détone d’avec les autres scènes mouvementées beaucoup plus ternes qui parsèment ce western. A l’époque, même les plus grands n’hésitaient pas à reprendre des morceaux de séquences d’autres films pour éviter d’en retourner des similaires et aussi dans un souci d’économie (Walsh l’a fait cette même année, réutilisant certains plans de Cheyenne pour les y insérer dans Colorado Territory). D’où mon interrogation !

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Car pour le reste, Joseph Kane en est resté à une réalisation très basique, sans aucunes idées particulières, faisant confiance au monteur pour donner du rythme à son film. Du rythme, Brimstone n’en est d’ailleurs pas dénué mais sans que ça nous fasse jamais bondir de notre fauteuil. Beaucoup de déjà vu à quelque niveau que ce soit mais tout de même une image insolite grâce à la boulimie du personnage joué par Guinn "Big Boy" Williams, une ‘roulotte à sandwich’ où viennent s’attabler en pleine rue à trois reprises cet acteur que nous avons déjà croisé à de nombreuses reprises et notamment aux côtés d’Errol Flynn ainsi que Rod Cameron, le héros positif du film, notre cavalier fantôme comme vous l’aviez probablement deviné. Ce dernier est un acteur ayant tourné dans d’innombrables séries B depuis le début des années 40 sans jamais vraiment arriver à sortir du lot ; s’il ne fait pas d’étincelles, sa carrure, son physique et sa taille lui donnent assez de prestance pour ne pas paraître ridicule dans son accoutrement d’homme de l’Ouest. Ici, il est loin d’être désagréable et on se prend même à lui trouver de temps à autre une belle prestance.

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Mais évidemment, il fait pâle figure face au Brimstone du titre, un Walter Brennan que l’on croirait tout droit sorti de La Poursuite Infernale (My Darling Clementine) tellement les rôles se ressemblent mais ici avec beaucoup plus de temps de présence à l’écran pour ceux qui auraient été frustrés de ne pas avoir assez vu le vieux Clanton dans le film de John Ford. En patriarche respecté, dur, sévère et impitoyable, tueur et pilleur de banque, il domine le reste du casting ; seul Jack Lambert arrive à se rappeler à nous avec sa trogne menaçante sauf que cette fois il se révèle plus amusant qu’inquiétant, interprétant l’un des fils de Brennan, un crétin s’étonnant d’apprendre par exemple que la terre est ronde et que ceux d’en dessous arrivent malgré tout à garder leurs chapeaux sur la tête, un parfait idiot dont le père se lamente sans cesse de son imbécilité. Cependant, on ne trouve pas plus d’humour que ça dans cette série B qui se prend la plupart du temps très au sérieux, trop même lorsqu’elle se plonge dans une romance assez mièvre entre deux comédiens sans saveur, Lorna Gray et James Brown.

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Pour l’anecdote, ce western fut tourné en procédé trucolor mais d’après ce que j’ai lu le résultat aurait été esthétiquement assez catastrophique ; d’où sa sortie simultanée en noir et blanc notamment en France. Dommage que les conventions et la paresse dominent l’ensemble car sinon le spectacle ne s’avère pas désagréable. Un divertissement sans ambitions, idéal pour un après midi pluvieux, aussitôt vu, aussitôt oublié mais pas dénué d’un certain charme à condition de ne surtout pas trop en demander. Bref, une fois encore, à réserver impérativement aux seuls inconditionnels !
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 1 (30

Message par someone1600 »

WOW, tout un programme pour les années 50. :shock: Et je n'en ai vu que 22 parmis ceux-la... :oops:
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Jeremy Fox
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The Fighting Kentuckian

Message par Jeremy Fox »

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Le Bagarreur du Kentucky (The Fighting Kentuckian, 1949) de George Waggner
REPUBLIC


Sortie USA : 15 septembre 1949


On avait quitté John Wayne partant pour une année d'emprisonnement à la fin de Three Godfathers de John Ford ; on le retrouve un an après dans ce gros budget du studio Republic. Entre temps, il était apparu dans un film d’aventure bien trop méconnu, le magnifique Le Réveil de la Sorcière Rouge (Wake of the Red Witch) de Edward Ludwig où il interprétait un rôle assez difficile à l’instar de celui dans Red River car dans la peau d'un personnage pas forcément sympathique de prime abord. En cette fin d’année 1949, le Duke revient donc deux fois de suite sur les devants de la scène d’abord dans ce Bagarreur du Kentucky portant le chapeau en peau de castor qu'il arborait déjà dans l'ennuyeux Le Premier Rebelle (Allegheny Uprising) quasiment 10 ans plus tôt. Il faut croire que le costume de trappeur ne lui réussit guère puisque ce western se déroulant au début du 19ème siècle s'avère tout aussi laborieux que son prédécesseur. La troisième tentative de porter cet accoutrement sera la bonne mais nous l’aborderons dans très longtemps ; Alamo (puisqu’il s’agit de lui) aura d’ailleurs découlé de ce film très mineur de George Waggner ; nous en raconterons les raisons un peu plus bas.

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Alabama 1818. John Breen (John Wayne), soldat du deuxième régiment du Kentucky, rencontre Fleurette (Vera Ralston), fille du général DeMarchand (Hugo Haas), l’homme qui a organisé l’installation en Amérique (à Demoplis plus exactement) d’un certain nombre d’exilés bonapartistes français après la défaite de Napoléon à Waterloo. John en tombe aussitôt amoureux malgré qu’elle soit promise à un homme à la situation bien assise et, pour rester auprès d’elle, décide de s’installer dans la région avec son ami Willie Paine (Oliver Hardy). Bien lui en prendra puisque les émigrés français lui devront leur salut, d’avides gredins dirigés par le soupirant de Fleurette (entre autres) essayant par tous les moyens, y compris les plus violents, de s’emparer de leurs terres. Vous avez deviné qu’entre temps, John aura du batailler ferme pour faire entendre raison à son aimée qu’elle ne doit pas accepter le mariage de raison qu’on lui impose et que tout se terminera pour le mieux, le mariage d’amour arrivant pour conclure ces péripéties.

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Deuxième film produit par John Wayne après le très beau L’Ange et le Mauvais Garçon (The Angel and the Badman) de James Edward Grant, Le Bagarreur du Kentucky est malheureusement loin de posséder toutes les qualités de son prédécesseur ni d'ailleurs du western précédent de George Waggner, La Vallée Maudite (Gunfighters) avec Randolph Scott. Quant en plus, nous savons qu’il se situe, dans la carrière de John Wayne, entre ces deux merveilles que sont Le Réveil de la Sorcière Rouge de Edward Ludwig et La Charge Héroïque de John Ford, il est difficile de ne pas être désappointé devant ce mélange improbable de film d’aventure, de comédie et de western, qui hésite sans arrêt entre sérieux historique et humour pas très léger et qui finalement, n’arrive pas à trouver un ton qui permette de nous y attacher. Il faut dire que le scénario s’avère bien pataud, outrageusement bavard, qu’il se traine laborieusement, faisant même du surplace durant quasiment 75 minutes avant de sortir de sa torpeur. De plus, l’intrigue s’avère être un vrai gruyère générant pas mal de confusion dans le cerveau du spectateur perdu à plusieurs reprises ; on a parfois du mal à comprendre les manigances mises en place par les notables véreux et on se demande encore pourquoi dans la première séquence le personnage interprété par John Wayne cherchait à se cacher !

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Pourtant l’idée de départ était encore une fois intéressante, touchant une période de l’histoire des États-Unis assez peu connue et rarement abordée au cinéma, celle du début du 19ème siècle quand, en l’occurrence dans le film, le territoire américain donnait asile aux français exilés après la défaite de Napoléon à Waterloo. Un fait historique authentique que celui de ces français bonapartistes venus fonder Demopolis, tentant sans grand résultat d’y cultiver la vigne et l’olivier. Au final, même s’il est possible que les fans de John Wayne y prennent un certain plaisir, les autres resteront obligatoirement sur la touche car il n’y a vraiment pas grand chose à se mettre sous la dent, l’intrigue sentimentale prenant souvent le pas sur l’intrigue politique tout de même plus captivante. Mise en scène quasi-inexistante (pourtant, à quelques rares reprises, on se prend à lui trouver un certain dynamisme notamment dans la séquence de poursuite de la carriole par des cavaliers qui ressemble étonnamment à celle de son western précédent), scénario raté, humour balourd mais néanmoins amusant (John Wayne essayant de jouer du violon, la partie de ‘rugby’ improvisée avec une bonbonne de rhum...), voix off totalement ridicule exprimant les pensées du personnage principal (le cinéaste semble apprécier cette 'figure de style'), interprétation maladroite de Vera Ralston (mais quelles jolies épaules qu’elle dénude tout du long, quel joli minois et quel sourire enjoleur !) et pénible d’Oliver Hardy que nous sommes peinés de retrouver dans un rôle aussi calamiteux, faire-valoir humoristique de John Wayne qui en a déjà eu de bien plus drôles…

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...Nous n’allons pas nous attarder plus avant sur cette œuvrette qu’on peut qualifier avec indulgence de ‘très moyenne’ mais notons dans les points positifs, une Marie Windsor assez convaincante, un très beau thème musical écrit par George Antheil (celui qu’on peut entendre lors du générique) et un John Wayne égal à lui-même prouvant son talent lors d’une scène de séduction assez sensuelle. Et heureusement, ce film aura permis à un chef d’œuvre de ne pas naître prématurément au dépens de la qualité qu’il a acquis par la suite. Quand John Wayne vient amener sur un plateau le scénario du bagarreur du Kentucky à Herbert J. Yates, ce dernier accepte immédiatement mais pour des raisons que l’acteur est loin d’imaginer. Les deux hommes sont en désaccord depuis pas mal de temps sur le projet qu’à John Wayne de produire et réaliser lui-même un film qui narrerait l’héroïque résistance des texans à fort Alamo. Yates s’y oppose fortement ne souhaitant pas que l’acteur réalise le film mais ne voulant pas qu’un autre que lui produise cette histoire dont il devine tout le potentiel. Fait assez drôle, dans Le bagarreur du Kentucky, John Wayne endosse quand même un costume de trappeur identique à celui porté par Davy Crockett.

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L’année où John Wayne rompt son contrat avec le studio, Herbert J Yates prépare immédiatement sa vengeance qui aboutira à la production en 1955 de Quand le clairon sonnera de Frank Lloyd qui raconte le fameux drame s’étant déroulé à Alamo. La meilleure chose qu’il nous soit arrivé est que John Wayne n’a pas baissé les bras pour autant, et donnera ainsi naissance à un chef d’œuvre de lyrisme, de souffle et de maturité (qu’il n’aurait certainement pas eu dix ans avant) : Alamo (rendez vous dans quelques années pour vous faire partager ma passion pour ce film). En plus de refuser son soutien à l’acteur pour le projet qui lui tient à cœur en acceptant sans broncher le script du Bagarreur du Kentucky, Herbert J. Yates lui impose sa maîtresse Vera Ralston (ancienne championne de patinage artistique tchèque venue aux USA pour fuir le nazisme) comme partenaire féminine. Comme nous l’avons déjà affirmé plus haut, le choix n’est pas des plus heureux. Tout ceci donne un tournage tendu et aboutit à ce fiasco artistique. A ne regarder qu’en connaissance de cause donc !
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cinephage
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Re: The Fighting Kentuckian

Message par cinephage »

Jeremy Fox a écrit :A suivre : She Wore a Yellow Ribbon de John Ford
8) 8) 8)
Parce qu'il ne faut tout de même pas perdre de vue les essentiels... :D
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Jeremy Fox
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Re: The Fighting Kentuckian

Message par Jeremy Fox »

cinephage a écrit :
Jeremy Fox a écrit :A suivre : She Wore a Yellow Ribbon de John Ford
8) 8) 8)
Parce qu'il ne faut tout de même pas perdre de vue les essentiels... :D
Je dirais même plus... L'Essentiel :D
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Père Jules
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 1 (30

Message par Père Jules »

Ouep, pas loin d'être mon western préféré de Ford.
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Re: The Fighting Kentuckian

Message par Sybille »

cinephage a écrit :
Jeremy Fox a écrit :A suivre : She Wore a Yellow Ribbon de John Ford
8) 8) 8)
Parce qu'il ne faut tout de même pas perdre de vue les essentiels... :D
Sûr, là ça va être autre chose :!: :P (enfin un que je connais...)
Jeremy Fox a écrit :Je dirais même plus... L'Essentiel :D
Eh bien, espèrons que tu n'en seras pas déçu (est-ce possible ?) :o :mrgreen:
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 1 (30

Message par someone1600 »

On attend avec impatience cette chronique en tout cas. :D
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Jeremy Fox
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The Gal who Took the West

Message par Jeremy Fox »

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La Belle aventurière (The Gal who Took the West, 1949) de Frederick de Cordova
UNIVERSAL


Avec Avec Yvonne De Carlo, Charles Coburn, Scott Brady, John Russell, Myrna Dell, James Millican, Clem Bevans, Bob Stevenson, Houseley Stevenson, Robin Short, Russell Simpson
Scénario : William Bowers & Oscar Brodney
Musique : Frank Skinner
Photographie : William H. Daniels (Technicolor)
Un film produit par Robert Arthur pour la Universal


Sortie USA : Septembre 1949

Deux cousins dont l'éternelle rivalité se transforme en haine lorsqu'ils tombent tous deux amoureux d'une même femme, une soi-disant chanteuse d'opéra nouvellement arrivée en ville. Rien cependant de bien tragique là dedans puisque The Gal who Took the West, comme son titre semblait l'indiquer, est belle et bien une comédie. Mais l'intrigue se déroulant à la fin du 19ème siècle en Arizona, tous les ingrédients du western sont en place à l'intérieur de quatre flashback, l'histoire étant racontée par quatre protagonistes différents ayant assisté en leur temps à ce confit familial qui se perpétue de génération en génération malgré le fait que les principaux intéressés ne connaissent même plus la cause de leurs chamailleries ! Quatre flashback préfigurant Rashomon d'une année, le même fait étant narré sous plusieurs angles différents selon les témoins qui ont chacun leur explication diamétralement opposée, le spectateur ne sachant jamais vraiment où se situe la vérité. Une construction assez originale pour l'époque, un scénario sans prétention (et même à vrai dire assez idiot) mais plutôt correctement écrit pour ce premier western signé Frederick de Cordova.

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Après avoir été metteur en scène de théâtre, Frederick de Cordova tourne en 1945 le premier film d'une filmographie qui en comptera vingt-trois, la plupart pour le studio Universal au sein duquel il était connu pour tourner vite et pour très bien s'accommoder de minuscules budgets. La preuve, il fit par exemple au début des années 50 deux petits films de pirates qui s'avérèrent bien plus plaisants que certains grands classiques du genre, La Fille des boucaniers (Buccaneer's Girl) avec à nouveau la pulpeuse Yvonne De Carlo ainsi que Les Boucaniers de la Jamaïque (Yankee Buccaneer) avec Jeff Chandler. [Attention cependant ; que ceux qui n'auraient pas appréciés La Belle aventurière ne perdent pas leur temps avec ces deux derniers films qui s'avèrent être du même tonneau]. Mais son titre le plus connu (pas forcément pour de bonnes raisons) est certainement Bedtime for Bonzo avec en vedettes Ronald Reagan et ... un chimpanzé ! Il eut aussi devant sa caméra non moins que Rock Hudson, Errol Flynn, Tony Curtis, Bob Hope et Humphrey Bogart. Dans le genre qui nous intéresse, il ne signera que deux westerns, le second étant en 1953 un western militaire avec Audie Murphy, tout aussi mineur que La Belle aventurière : Column South (L'Héroïque Lieutenant).

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1949. Le journaliste Douglas Andrews aimerait en connaître plus sur l'histoire de la famille O'Hara dont un musée expose les objets lui ayant appartenu, témoins des modes de vie du Far-West au 19ème siècle. On lui conseille d'aller interroger des survivants de cette époque, trois 'Old Timers' ayant été des proches des O'Hara du temps de leur splendeur. Ils ne se privent pas chacun leur tour pour narrer leur version de l'histoire de l'arrivée, 50 ans plus tôt, de la ravissante chanteuse Lilian Marlowe (Yvonne de Carlo) dans la ville dominée par deux éternels rivaux, les cousins O'Hara, Grant (John Russell) et Lee (Scott Brady). Lilian a été recrutée par le patriarche des O'Hara (Charles Coburn) pour inaugurer l'opéra qu'il vient d'achever de construire. Déjà que les cousins se disputaient violemment le futur héritage ainsi que le contrôle de la contrée, mais, tombés tous deux amoureux de la nouvelle venue, la haine qu'ils se vouent va aller en se décuplant ; à tel point que le patriarche demande à ce que l'on instaure la loi martiale en ville afin que le conflit ne dégénère en bain de sang...

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Le bain de sang n'aura évidemment pas lieu car nous restons tout du long dans un ton fantaisiste même si les comédiens se prennent au jeu et interprètent leurs personnages le plus sérieusement du monde. C'est ce décalage qui donne un film qui pourra peut-être (je dis bien peut-être car objectivement le film est bien mineur) plaire aussi bien aux amateurs de westerns (tout le décorum, le casting et les éléments constitutifs du western Universal s'y retrouvent) qu'à ceux qui sont venus y trouver une comédie. Les deux scénaristes ont tiré ce qu'ils ont pu d'une histoire un peu simplette dont le principal 'suspense' repose sur qui des deux cousins Yvonne de Carlo va t'elle choisir in fine. Car l'on se doute bien dès le départ que le conflit entre Scott Brady et John Russell ne sera pas très violent et que tout ceci ne prêtera guère à conséquences. Mais le réalisateur ainsi que le duo de scénaristes (le grand écart est énorme entre le premier qui a beaucoup travaillé pour la série des Deux Nigauds ou de Francis, le second étant l'auteur de La Cible humaine de Henry King) se sont visiblement bien amusés à faire un western pour de rire tout en le faisant jouer comme s'il s'agissait d'un western traditionnel.

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Après avoir débuté au 20ème siècle, le film nous renvoie 50 ans auparavant dans des rues et paysages naturels vus à maintes reprises au sein des westerns Universal. On retrouve les trognes qui parcourent habituellement ces mêmes films, celles des très bons Scott Brady, John Russell, James Millican, Clem Bevans, Russell Simpson, etc., le style visuel 'folklorique' du studio quant aux costumes et décors ainsi que la même manière de concevoir les séquences mouvementées, que ce soient les chevauchées ou les bagarres à poings nus (celle opposant les deux cousins est assez virulente). Un amateur de ces westerns ne sera guère dépaysé ; le background coutumier est bel et bien présent. Ceux qui sont plus attirés par la comédie trouveront des situations assez cocasses et se féliciteront de voir une femme forte et ambitieuse tenir tête à tous les hommes, causant même par sa seule présence l'instauration d'une loi martiale ou des déplacements de toute une unité de cavalerie, se réjouiront de dialogues assez pétillants, notamment lors de la séquence au cours de laquelle se retrouvent Yvonne de Carlo et Charles Coburn, la femme expliquant au patriarche comment, par le seul attrait de ses charmes, elle allait essayer de faire cesser les rivalités entre les deux cousins. L'actrice (que le studio présentait à l'époque comme la plus belle femme du monde), tout comme ses partenaires masculins, se révèle en pleine forme ; dommage qu'on la fasse à deux reprises chanter et danser car ces deux registres n'ont jamais été ses domaines de prédilection (on avait pu le constater dès le film Salome when she Danced). Dès qu'elle se met à ouvrir la bouche pour entonner une chanson ou dès qu'elle esquisse un mouvement de danse, elle perd étonnamment tout de ses charmes et de sa finesse.

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John Russell et Scott Brady rivalisent de muflerie (le premier donne des bagues à ses initiales à toutes les femmes qui souhaitent sa 'protection'), Charles Coburn n'est pas un habitué du western mais il se tire assez bien de son rôle de grand propriétaire terrien (pour la petite histoire, le ranch qu'il dirige n'est autre dans la réalité que celui du réalisateur Clarence Brown) et le reste des seconds rôles est très bien choisi. Une comédie sans prétention mais également sans génie qui ne pourra plaire qu'aux moins exigeants, ces derniers pouvant néanmoins passer un moment très plaisant, ce qui a été mon cas. Un petit divertissement bien sympathique mais aussitôt oublié
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 1 (30

Message par Julien Léonard »

Le bagarreur du Kentucky, c'est un mauvais film, je ne vais pas essayer de dire le contraire. LA raison pour le regarder encore aujourd'hui : John Wayne. Cela dit, à réserver aux fans et/ou complétistes de l'acteur. Je me suis rarement autant ennuyé devant un film avec le Duke, c'est dire... La Republic Pictures, c'était quand même un studio assez moyen. A part quelques très grands films (et autres petits serials délicieux), le reste n'est pas terrible.

She wore a yellow ribbon, par contre, c'est juste énorme ! Un chef-d'oeuvre absolu, doté d'une finesse et d'un sens esthétique incomparables.
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Re: The Fighting Kentuckian

Message par Cathy »

Jeremy Fox a écrit :
cinephage a écrit :
8) 8) 8)
Parce qu'il ne faut tout de même pas perdre de vue les essentiels... :D
Je dirais même plus... L'Essentiel :D
Un de mes westerns préférés pour ne pas dire mon western préféré et un de mes films cultes, "s'excuser est un signe de faiblesse" :) !
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She Wore a Yellow Ribbon : Bande annonce

Message par Jeremy Fox »

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Julien Léonard a écrit : Un chef-d'oeuvre absolu, doté d'une finesse et d'un sens esthétique incomparables.

Exactement, et plus encore 8)

En attendant de boucler (probablement ce Week-End), avec ce film, cette première partie du parcours au sein du western américain, ayant fait énormément de captures d'écran et ne voulant pas qu'elles filent à la corbeille sans avoir servies, en voici un échantillon, le casting présenté ci-dessous proposant une galerie de personnages tous croqués avec autant d'amour quelque soit l'importance du rôle...


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John Wayne
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Joanne Dru
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Victor McLaglen
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Harry Carey Jr & Ben Johnson

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George O'Brien, Joanne Dru & Mildred Natwick
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Arthur Shields
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John Agar
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Chief John Big Tree

Tous évoluant ici :

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Enfin, pour faire venir les larmes aux yeux de momo la crevette (qui est un inconditionnel du film et en particulier de cette sublime séquence) :mrgreen:

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D'autres captures seront utilisées dans le corps du texte futur.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 1 (30

Message par someone1600 »

Superbe pour un chef d'oeuvre. :D Faut vraiment que je le revois celui-la d'ailleurs. :wink:
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 1 (30

Message par Cathy »

A noter que la copie que tu as capturée est absolument magnifique.
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Re: The Fighting Kentuckian

Message par Lord Henry »

Jeremy Fox a écrit : George Waggner
Pour l'anecdote, une fois reconverti en réalisateur de télévision, George Waggner faisait écrire son nom au générique avec deux "g" majuscules et un "w" minuscule; George waGGner.

C'était bien la seule chose de majuscule chez lui..... du point de vue cinématographique s'entend.
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