Anthony Asquith (1902-1968)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Kevin95
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Re: Anthony Asquith (1902-1968)

Message par Kevin95 »

Il me semble qu'il traine sur mon disque dur, wait and see.
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Profondo Rosso
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Re: Anthony Asquith (1902-1968)

Message par Profondo Rosso »

The Young Lovers (1954)

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Ted Hutchens, attaché à l'ambassade américaine à Londres, s'éprend d'Anna, la fille d'Anton Szobeck, un diplomate soviétique. Leurs chancelleries respectives les espionnent, soupçonnant l'un et l'autre de trahir leur pays.

Anthony Asquith signe un mélodrame poignant avec ce beau The Young Lovers. L'ombre de la grande romance du cinéma anglais Brève Rencontre de David Lean (1945), plane sur le film à travers plusieurs éléments. Dans le classique de David Lean, l'ombre d'une société anglaise inquisitrice façonnait une romance ardente et essentiellement intérieure reposant sur le regret pour son couple illégitime. Dix ans plus tard The Young Lovers étend cette problématique à une échelle plus vaste avec cet amour impossible sur fond de Guerre Froide entre Ted Hutchens (David Knight) attaché à l'ambassade américaine à Londres et Anna (Odile Versois) fille de diplomate russe. Le contexte politique et la dimension d'espionnage sont volontairement peu fouillés et sommaire, ne sert que de contrepoint oppressant à la romance entre Ted et Anna. Tout au long du film, Anthony Asquith s'applique à façonner une forme de monde intérieur pour ses amants, d'abord épanoui et simple cocon face à l'environnement londonien solitaire pour eux puis face à leurs chancellerie qui les épient et empêchent de s'aimer.

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Les premières minutes sont à ce titre magnifique de romanesque purement formel. Le montage alterné capture ainsi les personnages dans leur isolement, silhouettes solitaires perdues dans l'urbanité londonienne foisonnante (pour Ted) ou désertique (pour Anna) tous deux en chemin pour assister à une représentation du Lac des Cygnes. Leur émotion commune face au ballet les réunis, Asquith par un léger panoramique accompagnant le regard de Ted quittant la scène pour s'attarder sur le visage en larmes de sa voisine (le lac des cygnes ayant un lien douloureux à son passé comme on l'apprendra). Les deux séquences suivantes poursuivent cette idée, d'abord en établissant la communication entre eux dans le hall vide du théâtre, puis le verre échangé en tête à tête dans un pub. Asquith les isole du monde qui les entoure par ce jeu sur l'espace, soit en se focalisant sur leur visage et sentiments changeant, soit en estompant littéralement l'extérieur avec un premier baiser mis valeur par un travelling avant qui rend presque abstrait l'arrière-plan du joueur d'accordéon dans le bar. Tout le film sera pour les amoureux une poursuite de ce moment, de récréer cet espace intime commun malgré l'opposition des blocs qui les dépasse.

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Dès lors Anthony Asquith alterne la froideur des étouffantes diplomaties américaines et russes avec une vraie flamboyance visuelle et sensualité explicite des héros. La continuité avec Brève Rencontre opère avec à nouveau un leitmotiv musical romanesque tout au long du récit (Le lac des cygnes pour le film d'Asquith, le concerto pour piano n° 2 de Rachmaninov chez Lean) mais Asquith inverse l'esthétique intimiste claustrophobe de son modèle, porté par la jeunesse et la fougue de ses personnages loin de la résignation des adultes usés de David Lean et Noel Coward. Le point central de cette approche sera l'union charnelle des amoureux dans l'appartement de Ted, renforcée par l'intrusion momentanée d'éléments extérieur (quand l'intrus suffisait à refroidir les semblants d'élans physique dans une scène voisine dans Brève rencontre) et l'horizon s'étendant littéralement pour eux avec cette pleine lune accompagnant leur étreinte. Un des aspects passionnant du film est le regard suspicieux des diplomaties sur l'union et la manière dont il s'exprime. Si chacun des héros est épié par ses pairs, chez les russes les masques tombent vite et le déchirement est filial pour Anna face un père (David Kossoff) qui a toujours tout sacrifié à la cause même si cela devait faire souffrir sa famille. Pour Anna cet amour est ainsi une émancipation et une manière d'exprimer à son père ce que sa carrière a coûtée à sa vie personnelle, le tout dans une grande finesse dénuée de manichéisme. A l'inverse la pure paranoïa règne chez les américains qui épient le faux pas potentiel de Ted, interprétant sous cet angle les manifestations d'amour à distance entre lui et Anna (ce poème téléphonique décrypté comme un code secret). Sur tous ces points le film constitue un beau précurseur du superbe et trop méconnu The Tamarind Seeds de Blake Edwards, tout aussi romantique mais plus virtuose et ironique dans sa vision des jeux d'espions (la phrase finale d'Anna annonce explicitement le film de Blake Edwards).

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Dès lors le suspense final fonctionne comme une parfaite illustration de cette opposition. La fougue, le mouvement perpétuel et les grands espaces déployant au fil de la fuite des fugitifs (toujours avec cet isolement suspendu comme les retrouvailles dans le train) fonctionnent à l'inverse des intérieurs figés, des mines taciturnes et immobiles des poursuivants qui ne peuvent suivre le rythme. C'est la force des sentiments qui décloisonne symboliquement (les inserts sur les flots de vagues durant la scène d'amour) puis concrètement cet espace et ouvre l'horizon des personnages. Un superbe œuvre romantique portée de plus par deux interprètes habité, en particulier la française Odile Versois dont la belle photo de Jack Asher n'a de cesse de mettre en valeur le moindre frémissement. 5/6
bruce randylan
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Re: Anthony Asquith (1902-1968)

Message par bruce randylan »

Profondo Rosso a écrit :The Young Lovers (1954)
Sur tous ces points le film constitue un beau précurseur du superbe et trop méconnu The Tamarind Seeds de Blake Edwards, tout aussi romantique mais plus virtuose et ironique dans sa vision des jeux d'espions (la phrase finale d'Anna annonce explicitement le film de Blake Edwards).
Content de trouver un autre adorateur du film et de voir que je ne suis pas le seul à avoir pensé au Blake Edwards. :)

Le festival "Toute la mémoire du monde" a fait un focus sur la ville de Londres au temps du muet avec 3 Asquith programmés :D
Comme j'avais déjà vu l'excellent Underground et que j'ai le Blu-ray de Shooting Stars, je suis seulement allé voir The runaway princess (1929, co-réalisé avec Fritz Wendhausen), film extrêmement rare dont la BFI a une copie qui ne doit vraiment pas tourner beaucoup.
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Certes le film est mineur dans cette première période faste du cinéaste ; pas de quoi non plus le jeter aux oubliettes. C'est une œuvre ouvertement commerciale, totalement prévisible et dès les 5 premières minutes on connait déjà les rebondissements et la conclusion. Pour autant, c'est une comédie romantique légère et mignonne qui se suit sans déplaisir, et sans trop de surprise donc. Les acteurs ne manquent pas de charme ni de fraîcheur et la réalisation est assez vive et fluide, supérieure à son sujet avec une ville de Londres bien mis en valeur par Asquith qui expérimente même lors d'une poursuite à pied en montage alterné avec une course de lévrier (sortie de nulle part). Le genre d'idée que j'aurai bien aimé retrouvé plus souvent mais qui restera un cas isolé.
Étant une coproduction, son l'homologue allemand a dû tourner une bonne partie des scènes en studio de la première partie (encore que certaines sources évoquent deux versions tournées en parallèle ; pas très clair). Même chose pour plusieurs séquences sonorisées qui auraient été rajoutées juste avant sa sortie. La copie que la Fondation Pathé a diffusée était entièrement muette, même si dans ce genre de cas les organisateurs ont tendance à couper le son pour laisser la place au pianiste dans la salle.

L'histoire narre les aventures d'une princesse qui s'enfuie de son royaume pour éviter un mariage arrangé avec un homme qu'elle ne connaît pas. Elle se réfugie à Londres et trouve un emploi de vendeuse de chapeau, étroitement suivie par un homme qu'elle a croisé lors de son évasion et qu'elle retrouve en Angleterre. Elle y fera d'autres rencontres et sera manipulée par une bande d'escrocs. Ça permet pas mal de seconds rôles, des péripéties, un bon tempo mais c'est sur que ça manque un peu corps et de caractère. Enfin, pour un divertissement assumé, c'est parfaitement plaisant... et inoffensif.
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Re: Anthony Asquith (1902-1968)

Message par Supfiction »

Rashomon a écrit :
John Holden a écrit :
selon Ann Harding ! :)
Et selon moi aussi! Je l'ai vu à la Fondation Seydoux lors des dernières journées "Toute la Mémoire du Monde".
Un bijou qui offre en plus un précieux aperçu de ce qu'était le tournage d'un film muet. Confirmation après Dartmoor que Asquith était bien le seul rival sérieux de Hitchcock sur la scène anglaise de l'époque.
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Re: Anthony Asquith (1902-1968)

Message par Jeremy Fox »

bruce randylan a écrit :
l'étranger / The demi-paradise (1943) est en revanche plus mineur, c'est une sorte de décalque de Ninotchka doublé du cahier des charges "effort de guerre" qui va avec son année de production. C'est parfois amusant, ça se moque gentiment de certains traits de caractères anglais ou russes. Mais ça manque d'originalité, de vigueur, de subtilité et ça ne mérite clairement pas presque deux heures de durée malgré le charme des acteurs et quelques beaux plans (la mère jouant du violoncelle dehors en pleine nuit alors que les avions allemands s'en vont bombarder Londres) ou séquences (les travellings accompagnant Laurence Olivier qui ne sait pas encore que la Russie est en guerre ; son malaise devant un sketch se moquant de la musique russe).

J'ai au contraire trouvé ce film absolument délicieux. Gros coup de coeur pour l'actrice Penelope Dudley-Ward qui forme avec Laurence Olivier un couple tout à fait charmant.
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Re: Anthony Asquith (1902-1968)

Message par Rashomon »

Curieuse trajectoire que celle de Anthony Asquith. Il fut au temps du muet l'un des réalisateurs les plus innovants du cinéma britannique et un sérieux rival pour Hitchcock (voir le magnifique "A Cottage in Dartmoor") avant de se convertir à un classicisme si pur que d'aucuns ont pu parler d'académisme. Cette seconde période le vit souvent travailler avec le dramaturge et scénariste Terence Rattigan et culmina avec le superbe L'Ombre d'un homme dont il faudra que je vous parle un jour... mais pas maintenant car le sujet de ce post est Winslow contre le Roi que je viens ENFIN de voir (je l'avais sur mon DD depuis quatre ans)

Comme L'Ombre d'un homme, Winslow est adapté par Rattigan de sa propre pièce, basée elle-même sur une histoire vraie, sorte de version britannique de l'affaire Dreyfus en ce qu'elle mit aux prises un individu (le jeune Ronnie Winslow accusé de vol) et une institution (la marine et par voie de conséquence, le Roi d'où le titre) qui ne pouvait avoir tort. Winslow n'est toutefois pas un film politique, se focalisant surtout sur le coût de "l'affaire" pour les personnes concernées - chaque membre de la famille Winslow et de son entourage immédiat y perdra quelque chose, que ce soit la santé ou l'argent ou même l'amour. Le film nous invite également et de façon bienvenue par les temps qui courent à distinguer entre la Justice et le Bien, qui ne sont pas nécessairement synonymes. Comme le dit Sir Robert Morton à la fin du film, "il est simple de rendre la justice, mais beaucoup moins de faire le bien".

Adapter une pièce au cinéma est toujours un exercice périlleux, le risque étant grand de tomber dans le théâtre filmé, et Winslow n'y échappe pas. Il est difficile de retrouver le Asquith de l'époque muette dans une mise en scène volontairement épurée qui s'appuie sur le verbe plutôt que sur l'image. Asquith semble avoir voulu refuser le spectacle (le verdict final n'est d'ailleurs pas montré, mais raconté après coup par l'un des personnages) attitude noble mais qui peut être contre-productive aux yeux d'un certain public: mon père qui a regardé avec moi, a tout de suite vu qu'il s'agissait au départ d'une pièce de théâtre. Heureusement il y a les acteurs, qui sont tous phénoménaux, avec une mention spéciale à Sir Cedric Hardwicke dont c'est peut-être le meilleur rôle au cinéma. Quant à Robert Donat, son interprétation sort tellement des sentiers battus que le spectateur se demande souvent s'il joue merveilleusement bien ou affreusement mal; il ne tend en tout cas pas la perche au public, ses motivations restant longtemps obscures. Une chose est sûre, il est inoubliable et on regrette une fois de plus que la maladie ait abrégé sa carrière. La scène où il interroge le jeune Winslow est un grand moment de cinéma.

J'aimerais bien à présent voir le remake qu'en a fait David Mamet, afin de voir comment celui-ci a relevé ou pas le défi de transcrire cinématographiquement une pièce au départ aussi bavarde.
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Re: Anthony Asquith (1902-1968)

Message par John Holden »

Petite question, sauriez vous me dire s'il existe une différence de qualité de copie entre cette édition (Lancaster, 2007)

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Et celle ci (Carlotta, 2008) :

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Merci. :wink:
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Re: Anthony Asquith (1902-1968)

Message par kiemavel »

John Holden a écrit : 22 déc. 20, 02:19 Petite question, sauriez vous me dire s'il existe une différence de qualité de copie entre cette édition (Lancaster, 2007)

Et celle ci (Carlotta, 2008) :

Merci. :wink:
Tout ce que je peux te dire c'est que j'ai largué le premier au profit du second mais honnêtement je ne me souviens plus du tout si la différence de qualité était significative ou pas. Avec ça tu es bien avancé ... Si, quand même, je te mets quelques caps du Carlotta (à env 3 min, 5 min, 7 min et 15 min)
... et c'est moins propre que ce que je croyais
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Re: Anthony Asquith (1902-1968)

Message par John Holden »

:wink: Ok merci.
Je prendrai le Carlotta pour ne pas avoir de tropmauvaise surprise.
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Re: Anthony Asquith (1902-1968)

Message par Supfiction »

bruce randylan a écrit : 31 mars 15, 16:14 Toujours découverts dans ce cycle TCM


The Winslow Boy (1948) est une autre réussite bien que la réalisation demeure d'un flegmatisme à tout épreuve, au risque parfois de le rendre un peu distant. Mais je ne vais pas me plaindre d'avoir une oeuvre qui fait le choix, souvent payant, de la retenu et de la pudeur ; des traits de caractères qui correspondent à la psychologie de ce père aimant et entièrement dédié à sauver la réputation de son fils à qui il voue une foi sans faille. Avec la même conviction et la même pugnacité calme, le cinéaste dresse un passionnant portrait de son époque, une société en pleine transformation qu'il évoque avec un fabuleux travail d'intégration à la trame général (l'émancipation des femmes, réforme du système judiciaire, l'éducation, la place du citoyen et de ses droits...). Cette intelligence se retrouve non seulement dans les thèmes mais aussi dans son traitement même du scénario qui n'hésite pas à seulement évoquer les scènes cruciales plutôt que de les montrer : aucune reconstitution des faits, pas de flash-backs, la grande plaidoirie - comme le discours devant les journalistes - seront traités en ellipse avec un délicieux sens du pied de nez.
Et pour parachever ce bilan largement positive, l’interprétation est un régal. :D
Actuellement sur Mycanal/TCM jusque Mardi.
Ton texte résume parfaitement mon ressenti à la découverte de ce très beau film plein de pudeur à l’image de l’interprétation. Robert Donat évidemment est parfait mais j’ai surtout été épaté et ému par Margaret Leighton absolument magistrale et qui fait de son personnage de vieille fille, féministe avant l’heure, le plus beau et intéressant de ce film.
Une actrice que j’ai très envie de revoir (j’avais dû la voir dans Les amants du Capricorne sans mettre un nom sur son visage). Ce sera le cas avec The holly and the ivy disponible sur Mycanal.

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Re: Anthony Asquith (1902-1968)

Message par Jack Carter »

le 30 mai, chez Doriane films

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PYGMALION (Version restaurés vostfr + Livret illustrée de 12 pages)

avec en bonus egalement : A Cottage in Dartmoor :D

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The Life and Death of Colonel Blimp (Michael Powell & Emeric Pressburger, 1943)
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Re: Anthony Asquith (1902-1968)

Message par Manolito »

Mycanal passe en ce moment "Cour Martiale" de 1954 avec David Niven, film de procès sur fond d'armée anglaise d'un très bon niveau, superbement interprété !
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Re: Anthony Asquith (1902-1968)

Message par Supfiction »

Profondo Rosso a écrit : 2 sept. 12, 04:11 The Browning Version (1951)

Contraint de prendre sa retraite d’une école publique britannique, un professeur de grec austère doit faire face à ses échecs en tant que professeur, époux, et en tant qu’homme…

Au cinéma pour ce qui est de la description du métier d'enseignant, plusieurs visions sont possibles et ont déjà été exploitées. Celle rêvée du professeur charismatique et exalté, surhomme capable de susciter l'éveil d'une classe fascinée (Le Cercle des poètes disparus de Peter Weir l'archétype de cette approche), le vieil enseignant ennuyeux et bourré de tics moqués par ses élèves plutôt prétexte à grosse comédie et celle plus réaliste qui tente de retranscrire la relation élève/professeur avec justesse et sans forcer le trait mais pas forcément la plus dramatiquement intéressante (Derrière les murs). The Browning Version s'essaie courageusement à la deuxième solution pour un tirer un drame bouleversant.

Anthony Asquith adapte ici la pièce éponyme de Terence Rattigan qui en signe également le scénario. On assiste ici au portrait quelque peu pathétique d'Andrew Crocker-Harris (Michael Redgraves) un homme usé par la vie et son métier qu'il pratique sans aucune flamme ni passion, son attitude éteinte déteignant sur ses élèves qu'ils ennuient, ses collègues qui ne le respectent pas et surtout sa femme (Jean Kent) qui le méprise. Anthony Asquith souligne cet aspect dès les premières minutes où il retarde longuement la première apparition de Crocker-Harris. Son nom n'est évoqué que par moquerie (The Crock) ou consternation par les élèves et différents protagonistes tandis que défilent des figures séduisantes de professeurs le cours de science enjoué du personnage de Nigel Patrick ou le jeune successeur interprété par Ronald Howard. Quand arrive effectivement Crocker-Harris, le fossé est d'autant plus cruel par rapport à ce qui a précédé. Tout dans l'attitude de ce dernier concourt à créer un mur infranchissable entre lui et ses élèves avec son attitude austère, son phrasé ennuyeux, son approche sans attrait de sa discipline pourtant si riche (les lettres classiques) et au final le plus important (ce qu'une réplique appuiera) le manque d'humanité.

Crocker-Harris vit ses dernières heures dans cet établissement pour cause de santé et va alors se confronter à ses échecs. Brutalement mis face au mépris et à la piètre opinion que les autres ont de lui par diverses humiliations (notamment le déplacement de son discours d'adieu aux élèves) cet homme que les ans ont rendu indifférent à son environnement va devoir douloureusement se remettre en question. Crocker-Harris est en quelque sorte l'anti Mr Chips, où dans le film de Sam Woods (1939) Robert Donat réussissait à surmonter les mêmes défauts en en faisant une excentricité qui amusait et le rapprochait finalement de ses élèves. Crocker-Harris n'a plus cette force là tant son foyer le ramène également à son échec (au contraire de Mr Chips dont le renouveau correspond à une rencontre amoureuse) avec une épouse qui le déteste et le trompe ouvertement. Michael Redgraves donne une interprétation fabuleuse de ce personnage éteint, le pas lourd et le regard sans vie derrière ses épaisses lunettes. Tous les procédés narratifs et la mise en scène d'Asquith n'auront eu de cesse à souligner l'isolement auquel est condamné Crocker-Harris par ce caractère, par cette absence du début, la manière de le détacher de son interlocuteur dans l'échelle de plan (et la profondeur de champ), les champs contre champs lourd de sens de lui seul face à une entité collective (le discours final, les scènes de classe) ou son monologue face à son successeur.

Derrière la pitié que suscite Crocker-Harris, quelques motifs d'espoirs sont néanmoins amorcés avec la manière dont le bouscule Nigel Patrick et surtout les tentatives d'un élève de susciter son attention. C'est ce dernier point qui donne les moments les plus poignants, ceux où Crocker-Harris laisse enfin ses sentiments plus que la simple fonction s'exprimer derrière son attitude. Son visage s'illumine pour la première fois lorsqu'il raconte la traduction qu'il fit d'Agamemnon dans sa jeunesse et craque même totalement après toutes les contrariétés qui ont précédés lorsque son élève lui en offre une traduction, cette Browning Version qui donne son titre au film.Si le chemin de la rédemption semble encore long, Terence Rattigan semble tout de même faire preuve de plus d'optimisme à travers les changements qu'il apporte au film par rapport à la pièce. Celle-ci s'achevait avant le discours final de Crocker-Harris qui nous est cette fois montré en forme de poignante catharsis et une ultime entrevue avec le jeune Taplow peut nous laisser croire que peut-être notre héros saura enfin partager son savoir avec l'étincelle indispensable à son noble métier. 5,5/6

Il existe un coffret blu ray avec les deux versions mais malheureusement hors de prix.
Je n’ai pas encore vu la version Asquith mais je dois dire que j’aime énormément le couple Albert Finney/Greta Scacchi dans la version plus récente (même si elle est probablement très en-dessous pour tout le reste).

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Addis-Abeba
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Re: Anthony Asquith (1902-1968)

Message par Addis-Abeba »

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Ce n'est pas un grand film, mais un spectacle agréable.
Un groupe de VIP est bloqué à l'aéroport le jour où son avion ne peut décoller. Forcés de passer une nuit sur places, ces différents personnages voient leur destin se croiser...
Défilé de stars, certains médiocres: Orson Welles acteur m'a rarement plu. Margaret Rutherford est la touche comique, Elsa Martinelli comme souvent ne sert pas à grand chose, Rod taylor et Maggie Smith font le job. Louis Jourdan dans un éternel rôle de séducteur... C'est bien le couple Burton-Taylor qui reste le principal intérêt de ce film, cette dernière aussi belle qu'émouvante, captive.
Pas grand chose à se mettre sous la dent niveau réalisation, c'est un film d'acteurs.
Huit clos qui aurait pu être par moment mieux écrit.
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