Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Music Man
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Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

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ES LEBE DIE LIEBE de Erich ENGELS - 1944
Avec Lizzi WALDMULLER et Johannes HEESTERS

Lors d’une tournée à Barcelone, un ténor tombe sous le charme d’une jolie divette espagnole à laquelle il signe un contrat sur le champ pour sa prochaine revue berlinoise. Hélas, un gros souci de santé empêche la soprano de se rendre en Allemagne. Quand l’année suivante, enfin rétablie, elle peut enfin rejoindre Berlin, elle se rend compte que le ténor séducteur ne la reconnaît même pas…

Une comédie musicale légère, très légère à l’intrigue encore plus légère (il faut comprendre qu'à l'époque, alors que l'Allemagne était en pleine bérézina, les spectateurs cherchaient juste à s'évader et à se détendre), et pourtant le charme opère grâce à la classe et au talent des comédiens qui parviennent malgré à faire passer un moment très agréable. Les chansons de Peter Kreuder sont excellentes notamment la délicate et mémorable romance qu’entonnent à la fin les deux vedettes. Les numéros de revue et décors s’inspirent vaguement de ceux d’Hollywood, mais en plus laid (notamment celui où Johannes Heesters chante devant une TSF géante qui s’ouvre et révèle tout un orchestre dissimulé dans les différentes lampes) et le ton est résolument jazzy, pour un film allemand de 1944 !

Si la pauvre Lizzi Waldmuller (talentueuse divette et fine comédienne dont le ramage rappelle un peu celui de Kathryn Grayson) est décédée l’année suivante dans un bombardement, Johannes Heesters (Jopie pour les fans), très en forme dans ce film, vient de fêter son 108 ème anniversaire il y a peu, autour d’un strudel aux pommes.
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Dernière modification par Music Man le 30 déc. 12, 11:07, modifié 1 fois.
francesco
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MOI ET L’IMPERATRICE (Ich und die Kaiserin) de Friedrich HOLLAENDER -1933
Avec Lilian HARVEY, Conrad VEIDT et Heinz RUHMANN

Le marquis de Pontignac (C. Veidt) après une chute de cheval entend la voix d'une femme près de lui. Il recherche cette inconnue dont il n'a entendu que la voix. Il pense qu'il s'agit de l'Impératrice Eugénie alors que c'est sa coiffeuse Juliette (L. Harvey)...

Avis de Ann Harding :

Charmant film musical réalisé par le compositeur Friedrich Hollaender. Lilian Harvey est charmante et l'intrigue du film nous offre une vue amusante du second empire français avec même un Jacques Offenbach en répétition dans son théâtre. Le rythme est débridé avec toutes les dames d'honneur de l'impératrice qui se mettent au French Cancan soudainement! Conrad Veidt est parfait comme d'habitude. J'ai remarqué au générique le nom du musicien Franz Wachsmann, avant qu'il ne devienne Waxman. Charmant!
J'ai beaucoup aimé le film aussi, qui me semble un excellent exemple de ces opérettes allemandes ou viennoises, caractéristiques des années 30 (on pense beaucoup au Congrès s'amuse, d'autant qu'on retrouve Lilian Harvey, merveilleuse de fraicheur) et qui semblent si loin du contexte historique que connait l'Allemagne. Pour l'anecdote l'actrice Mady Christians, d'origine juive, et qui joue (très bien) l'impératrice du titre s'exilera aux USA l'année suivante et connaîtra une petite carrière au cinéma (et une plus importante au théâtre) après avoir été une vedette en Allemagne, dès le temps du muet. L'histoire est une variation classique, sur Cendrillon, à ceci près qu'une chanson remplace la pantoufle, avec tous les jeux habituels de l'opérette en plus (multiples quiproquos, évidemment). Certaines séquences sont très réussies (celles de l'horrible concert des nièces de l'impératrice), certaines idées sont délicieuses (le fonctionnaire dont chaque parole est commentée par un trait de musique), le rythme est soutenu comme il se doit et pourtant tout baigne pourtant (après la première séquence) dans une mélancolie douce amère (on sent très bien que le happy end n'en est pas un), réhaussée encore par une musique omniprésente, soit rêveuse (la valse chantée) soit triviale (multiples variations sur "La fille de Madame Angot" de Lecocq), mais simple et entêtante. Une jolie réussite, qui aurait simplement mérité une meilleure chanteuse que Lilian Harvey, dont le charme ne peut pas masquer la voix grinçante.

Merci beaucoup MusicMan !
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Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

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SEIZE ANS ( das mädchen Irene ) de Reinhold SCHUNZEL - 1936
avec Lil DAGOVER et Karl SCHONBOCK

Une riche veuve, propriétaire d’une maison de couture renommée rencontre le grand amour à Monte Carlo. Hélas, sa fille aînée ne veut absolument pas que sa mère se remarie.


Connu surtout pour son fameux Victor Victoria en 1933, Reinhold SCHUENZEL était un cinéaste talentueux qui savait fort bien marier l’image à la musique, avec un réel souci esthétique : les quinze premières minutes du film, qui marquent la rencontre du couple et la naissance de leur idylle sont ainsi constamment nimbées de musique, comme une symphonie mise en image. Quand l’intrigue se recentre dans la maison cossue et douillette où les deux filles de Lil Dagover (qui ne fait pas du tout ses 49 ans) ne cessent de se chamailler sous l’œil attendri de leur grand-mère et des domestiques, le film qui semble vraiment cibler un public féminin perd momentanément de son intérêt. En revanche, il reprend de la puissance avec la haine presque irrationnelle qui envahit la fille aînée, visiblement jalouse de ce beau prétendant qui risque de lui « voler » sa maman.

Avec un réel talent et un sens aigu des éclairages, Schünzel compose sur le visage de la jeune et très douée Sabine Peters, la tristesse puis le désarroi et la haine en sachant très bien exprimer toute la violence, l’égoïsme et la cruauté d’une adolescente complètement perdue. Prise de folie, elle tente d’assassiner l’ami de sa mère, puis de se suicider. Le film atteint là un degré de tension élevé, d’autant plus que l’interprétation très assurée de la jeune comédienne le rend très crédible.

Après un ultime film en Allemagne, le cinéaste fuira le nazisme pour travailler à la MGM, où il réalisera des films indignes de son grand talent (notamment une comédie musicale sur glace avec Joan Crawford) avant de (re)devenir comédien notamment sous la direction d’Hitchcock.
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Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

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LA VILLE DOREE (die goldene stadt) de Veit HARLAN – 1942
Avec Kristina SODERBAUM, Paul KLINGER et Rudolf PRACK

Anna , fille d'un riche paysan allemand de Boheme, rêve de partir pour Prague, ville d'origine de sa défunte mère, qui ne supportait pas la vie à la campagne et s'est jetée dans le marais . elle ira de désillusions en désillusions…

Premier film allemand en couleur, si on en croit le générique (en fait, il fut précédé de la belle diplomate, un musical avec Marika Rökk qui fut réservé à l’exportation dans les pays occupés en raison de ses imperfections techniques et chromatiques), la ville dorée exploite un thème très présent dans le cinéma allemand des années 40 (et 50) : l’attrait pour la ville d’une jeune campagnarde et l’inévitable déception, face aux turpitudes et aux dangers de la cité, avec un hommage très réactionnaire à la vie à la campagne, au retour aux vraies valeurs et à la simplicité…
Dans son film le plus connu après l’abject Juif Süss, Veit Harlan fait part d’un talent certain pour conter les déboires d’une jeune paysanne très naïve sans éviter les clichés presque carictauraux. Il dirige bien son épouse Kristina Söderbaum, ici très naturelle, et intègre une dimension onirique un peu effrayante à son récit avec cet étrange marais, pivot du récit .Sa vision du rêve de la campagnarde qui imagine un Prague irréel digne d’un conte de fée, avec ses clochers scintillants sous l’Agfacolor, comme dans un Walt Disney, n’éblouit plus guère 70 ans après.
Par contre, la force de certaines scènes comme celle-ci où les villageois s’en prennent violemment à l’ingénieur venu de la ville sur la piste du bowling , ou encore celle où Kristina Söderbaum prend pleinement conscience de l’impasse où elle se trouve (renforcée par la musique de Smetana)garde encore toute son efficacité.
Cependant, le film somme toutes très correct, m’a semblé très inférieur à sa réputation (certains y ont vu les prémices du cinéma bergmanien, ce qui est totalement exagéré !!) le réalisateur fera mieux deux ans plus tard avec son impressionnant Operfgang (Offrande au bien aimé).

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francesco
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Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

Message par francesco »

A noter que K.Söderbaum a reçu le prix d'interprétation féminine à Venise pour ce rôle ... il était devenu habituel, à cette période, de voir la Mostra récompensé des films et des interprètes allemands.

C'est une capture de ta version ? La copie semble très belle.
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Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

Message par Music Man »

francesco a écrit :A noter que K.Söderbaum a reçu le prix d'interprétation féminine à Venise pour ce rôle ....
C'est une des meilleures interprétations de celle qu'on surnommait la noyée du troisième Reish ; d'ailleurs dans ce film, encore une fois, elle finit dans les marécages...


francesco a écrit :C'est une capture de ta version ? La copie semble très belle.
L'image est perfectible. J'essaierai de faire des captures d'écran
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Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

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LE MUSICIEN ERRANT (Friedemann Bach) de Traugott MULLER – 1941
Avec Gustav GRUNDGENS, Leny MARENBACH et Camilla HORN

La vie du fils ainé de Jean Sébastien Bach. En dépit de ses dons réels, le jeune musicien a du mal à s’imposer dans l’ombre gigantesque de son célébrissime père : après avoir trouvé la protection d’une danseuse et joué à la cour royale, Friedemann refuse les ouvres de commande et souhaite retrouver son indépendance. Une sincérité artistique qui va le mener à la pauvreté et à l’autodestruction.

Cette biographie est l’unique réalisation de Traugott Müller, décorateur de théâtre très renommé, qui a beaucoup travaillé avec Gustav Gründgens, lui- même figure mythique de la scène germanique. On ne s’étonnera pas dés lors de la splendeur des décors et du souci permanant de reconstitution historique, avec les superbes costumes des comédiens (je pense notamment au ballet à la cour).Mais le musicien errant est surtout un biopic dont l’originalité a été souvent été soulignée par les historiens du cinéma. S’échappant des clivages et des clichés des bio de compositeurs tels qu’on en tournait beaucoup à l’époque (en Italie surtout), le film anticipe les bio des années 70, en s’attachant à dépeindre l’âme tourmentée d’un musicien en quête de sincérité artistique et d’absolu : un objectif impossible à atteindre à une époque où un musicien devait absolument dépendre d’une ville, d’un prince ou d’un mécène, pour pouvoir survivre. En outre, l’artiste est sans cesse confronté à l’image de son père dont le talent écrasant et la renommée, s’avèrent finalement plus un handicap qu’une aide. Evidemment, le film est grandement servi par une interprétation fabuleuse d’un Gustav Gründgens complètement habité (le fameux comédien a notamment donné sur scène une interprétation du Faust de Goethe en 1956, considéré comme la meilleure jamais vue. Dommage qu’il se soit galvaudé avec les nazis et notamment Goering dont il était le protégé) et bien évidemment de la musique prenante de Bach père et fils, qui souligne le désarroi et la déroute d’un homme en quête de lui-même.
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Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

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L’INCONNUE (die unbekannte) de Frank WYSBAR – 1936
Avec Sybille SCHMITZ , Jean GALLAND

La tragique histoire de Madeleine Lavin, orpheline de province, tombée amoureuse du diplomate britannique Lord Bentick. Il est déjà fiancé et leur liaison doit rester discrète : elle ne supporte pas cette situation et préfère se noyer dans la Seine.

Décidemment, en explorant l’histoire du cinéma, on découvre parfois des choses bien étranges ! Connaissiez-vous le mythe de l’inconnue de la Seine ? Il s’agit d’un masque mortuaire d’une jeune inconnue, prétendument noyée dans la Seine qui va acquérir vers 1900 une incroyable célébrité : Comme le sourire de La Joconde, la beauté de son visage et l’étrange sérénité de ses traits vont fasciner les intellectuels et les artistes de l’époque (le photographe Man Ray, Jules Supervielle, Aragon notamment). Une étude toute récente est même sortie l’an dernier sur le sujet : La belle noyée - Enquête sur le masque de l'Inconnue de la Seine par Bertrand Tillier.
Le film est une adaptation du court roman et best-seller de R Conrad Muschler qui a lui aussi imaginé une histoire tragique autour de l’inconnue de la Seine. Le film essaie d’instaurer une atmosphère étrange et aussi énigmatique que le visage de l’inconnue, mais sa lenteur finit par ennuyer assez rapidement. La bonne idée du film est sans doute d’avoir confié le rôle principal à Sybille Schmitz dont le curieux et insondable visage colle complètement avec le mystérieux personnage et dont on disait qu’elle était « belle comme la mort ». Elle cache constamment ses sentiments derrière une placidité et un sourire impassible. Quelques gros plans de l’actrice (connue surtout pour le Vampyr de Dreyer) regardant la pluie tomber sur la vitre sont assez saisissants sans parler du final très réussi (et fantastique) qui se concentre sur le visage de la suicidé qui se fige en un masque insondable.
Hélas, le reste du film est vraiment trop soporifique. Le montage m'a paru également très prefectible. Jean Galland, acteur français aujourd’hui très oublié, tient le rôle du baron anglais.
Pour protéger son épouse, le réalisateur Frank Wisbar rejoindra les USA et Hollywood pendant la guerre : de retour en Allemagne, il tournera beaucoup de films de guerre dans les années 50, de bonne facture.
A la mort de la star Sybille Schmitz (d’une overdose en 1955) un masque mortuaire de son visage sera réalisé comme pour l’inconnue de la Seine.
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Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

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SYMPHONIE INACHEVEE (Leise fliehen meine Lieder) de Willy FORST - 1933
Avec Hans JARAY, Martha EGGERTH, Luise ULRICH

Un épisode émouvant de la vie de Franz Schubert : sa brève et impossible romance avec une jeune comtesse. Son chagrin le conduira à déchirer la dernière partie de sa symphonie en si mineur. Sa symphonie demeurera à jamais inachevée.

En 1933, Willi Forst , comédien réputé et fort populaire (le vol de la Joconde…) s’essaie pour la première fois à la réalisation, avec les meilleurs résultats. Dès le début du film, l’ancien acteur du muet arrive à insuffler charme, élégance et délicatesse à un sujet qui aurait très facilement pu sombrer dans la romance à l’eau de rose. Avec un sens du détail, un goût pour la fantaisie (Schubert, instituteur rêveur qui commence à dessiner des notes de musique alors qu’il enseigne la table de multiplication, les éclats de rire de l’impudente Martha en plein concert…) qui font mouche et donnent à son film une légèreté apparente au charme qui se dégage d’oeuvrettes musicales à la fois exquises et surannées comme le chemin du paradis. Evidemment les superbes créations de Schubert s’échelonnent et viennent souligner les différents moments du film (quel dommage d’ailleurs que la vétusté du son ne permette pas d’en profiter pleinement). Si j’ai trouvé le charmant Hans Jaray (qui fut la coqueluche des spectatrices avant que des lois raciales le forcent à l’exil et anéantissent sa carrière) assez inexpressif -et donc hélas pas à même de faire ressentir le chagrin voire les tourments de cet artiste-, la capricieuse Martha Eggerth est brillante et chante fort bien la célèbre sérénade. Dans le rôle de la fiancée abandonnée, Luise Ulrich fournit également une excellente prestation. Un joli film qui remporta un succès international et fit de Martha Eggerth une star dans toute l’Europe (une version anglaise sera tournée par Anthony Asquith toujours avec Hans Jaray et Martha Eggerth). Celle que certains spécialistes ont surnommé la Callas de opérette va fêter ses 100 ans dans quelques jours à New York.

PS : J’ai essayé de trouver les véritables raisons qui ont conduit Schubert à ne pas terminer sa symphonie, mais rien ne l’affirme. Il semblerait que le grand compositeur ait pris alors conscience de la maladie qui allait l’emporter (à l’âge de 31 ans) et qu’il fut si bouleversé qu’il n’eut ni le courage ni la volonté d’achever son oeuvre magnifique.

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Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

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FLAGRANT DELIT (der einbrecher) de Hans SCHWARZ - 1930
Avec Lilian HARVEY, Willy FRITSCH et Heinz RUHMANN

Une jeune femme, malheureuse épouse d’un créateur de jouets rêve de trouver l’amant idéal. Il se présente un soir par effraction : c’est un cambrioleur !

Flagrant délit est un exemple typique de théâtre filmé du tout début des années 30, filmé de façon très statique en raison de difficultés techniques liées au début du parlant…et pourtant, il s’en dégage un charme fou, dont j’aurais vraiment du mal à cerner la consistance.
Je pense que c’est ce subtil mélange de naïveté très enfantine (les jolis automates qui tournoient sur la table, les personnages qui évoluent parfois eux-mêmes comme dans une pièce de Guignol) et d’impertinence assez surprenante (le thème du film repose quand même sur la quête de l’amant idéal par une jeune et jolie épouse) qui crée ce climat si particulier et si charmant. L’interprétation est impeccable et même fort moderne (notamment Lilian Harvey, que j’ai rarement trouvé aussi brillante et aussi magnifiquement photographiée), le charisme du couple vedette évident. Certaines mélodies (murmurées par Willy Fritsch et Lilian Harvey) sont exquises (Eine Liebelei So nebenbei notamment) et il s’en dégage une magie un peu surannée mais très efficace : c’est délicieux. Les amateurs de comédie musicale seront conquis par une trépidante scène de cabaret où se produisent des artistes blacks (dont le fabuleux clarinettiste Sydney Bechet encore peu connu !) et notamment un danseur à claquettes des plus doués : on dirait un extrait de la revue nègre qui décoiffa le tout Paris dans les années folles. Une version française sera tournée simultanément avec Henry Garat et Blanche Montel.
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Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

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MELO (Der traumende mund) de Paul CZINNER – 1931
Avec Elisabeth BERGNER, Rudolf FORSTER

Gaby, la jeune et insouciante épouse d’un violoniste tombe amoureuse de Michael, le meilleur ami de son mari, un brillant soliste. Cherchant à trouver un habile prétexte pour un rendez-vous en tête-à-tête, elle révèle rapidement ses sentiments à Michael, qui malgré ses forts scrupules, cède à son charme…

Adaptation réussie d’une pièce de Bernstein, Mélo est l’exemple type de « kammerspielfilme »(film de chambre) dont Paul Czinner s’est fait une spécialité sous l’ère muette et probablement le plus gros succès populaire du cinéaste. Jouant sur l’émotion et le dépouillement, le film s’appuie sur l’excellente interprétation de Rudolf Forster et d’Elisabeth Bergner, remarquable dans son personnage de femme-enfant, instinctive et passionnée, qui tombe éperdument amoureuse du meilleur ami de son mari avant de souffrir cruellement de cette situation inextricable. Le film s’achève de façon assez brutale et pas très bien amenée par le suicide de l’héroïne qui se jette à l’eau comme dans Nju (A qui la faute), un muet du couple Czinner/Bergner.(Certaines scènes ont-elles disparues ?). Si le film pêche parfois par une lenteur certaine (ce qui lui donne un coté vraiment très daté), s’il s’enlise un peu vers la fin, on est accroché par la justesse de cette étude de mœurs nuancée et le personnage très avant-garde de Bergner.
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La version française tournée simultanément par Czinner a permis à Gaby Morlay de donner une des meilleures prestations de sa carrière, en remportant également un énorme succès. En 1937, Czinner proposera une version anglaise avec Elisabeth Bergner « dreaming lips». Maria Schell reprendra le rôle de Gaby en 1952. Alain Resnais a tourné un remake en 1986 avec Sabine Azéma.
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Message par pak »

Music Man a écrit :Image

SOUS LES PONTS (unter den brücken) de Helmut KAUTNER - 1945
Avec Hannelore SCHROTH, Carl RADDATZ, Gustav KNUTH, Hildegard KNEF

Deux bateliers rencontrent par hasard une jeune femme qui s’attarde en haut d’un pont en jetant un billet de 10 marks dans l’eau. Pensant qu’elle va se suicider, les deux amis la recueillement à bord de leur péniche, et s’éprennent d’elle.

Helmut Kautner fut probablement un des plus grands cinéastes allemands et une ressortie de son œuvre en DVD, avec sous-titres français ne serait pas de trop!
Dans ce film réaliste tourné lors des derniers mois de la guerre (et exempt de toute propagande, comme les autres réalisations du cinéaste), Kautner nous offre une histoire infiniment touchante de deux marins liés par une indéfectible amitié qui tombent amoureux de la même fille. Le sujet a souvent été traité me direz vous, mais pas souvent avec tant de pudeur, de retenue, de délicatesse et de vérité.
Avec de petites touches , le cinéaste nous montre l’incompréhension entre les personnages (les deux types qui n’hésitent pas à occire et cuisiner l’oie, mascotte du bateau, pour l’offrir à leur hôte alors que celle-ci, qui s’était attaché à l’animal est dégoûtée, ce dont-ils ne se rendent même pas compte!).
La façon dont est dépeinte l’amour naissant entre les personnages dans la grisaille de Berlin et sur les canaux tristes qu’emprunte la péniche est infiniment sensible et touchante. La scène où Carl Raddatz souffle sur la mèche rebelle d’Hannelore Schroth( parfaite) est en cela mémorable. L’audace des prises de vue (la course de H Schrott dans l’escalier pour rejoindre l’homme qu’elle aime, les jeux de clair obscur quand l’embarcation sillonne sous les ponts ) laisse admiratif.
Le jeu des acteurs est d’un incroyable modernisme.
Sans aller jusqu’à comparer ce film à l’Atalante de Jean Vigo, comme l’ont fait certains, il s’agit quand même d’un très beau film, loin de la production commerciale de l’époque et d‘une œuvre majeure du cinéma allemand.
Pour les fans d’Hildegard Knef, la future star des années 50, ne fait ici qu’un brève apparition au début.
Ce film est diffusé par ARTE lundi 13 août à 22h30. Ma Box est d'ores-et-déjà programmée...
Le cinéma : "Il est probable que cette marotte disparaîtra dans les prochaines années."

Extrait d'un article paru dans The Independent (1910)

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Message par Commissaire Juve »

Oui, c'est un film très sympa. Grosse surprise de le voir passer à la télévision française. Tout arrive.
La vie de l'Homme oscille comme un pendule entre la douleur et l'ennui...
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Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

Message par riqueuniee »

C'est sur Arte, chaîne franco-allemande. J'espère que la chaîne continuera à diffuser des naphtas allemands .
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Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

Message par Music Man »

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LE JOUR MAGIQUE (Der verzauberte Tag) de Peter PEWAS - 1944
Avec Winnie MARKUS et Hans STUWE

Une jeune vendeuse dans un kiosque à journaux rêve d’échapper à la vie bourgeoise que sa mère lui a préparée, et a un mariage arrangé avec un vieux banquier. Elle tombe amoureuse d’un artiste peintre dont elle a croisé le regard à la gare, et n’hésite pas à le suivre pour une balade à la campagne qui se termine dans la chambre du séducteur…

Peter Pewas n’a pas beaucoup de longs métrages à son actif (après-guerre il a réalisé des courts métrages pour la DEFA, coté Allemagne de l’Est), et pourtant son œuvre mériterait d’être (re)découverte.
Pour analyser ce film, il convient de distinguer absolument la forme et le fond.
Le fond : cette adaptation d’une nouvelle de Franz Nabl était osée pour l’époque, car il s’agissait d’une attaque non voilée de la petite bourgeoisie. Ici, les deux jeunes vendeuses veulent échapper au destin qu’on a tracé pour elles, en s’émancipant. Elles le rejettent sans remord : le vieux banquier qui prépare ses futures noces avec la maman de sa fiancée est ridiculisé à souhait. Cette attaque de la bourgeoisie déplut tellement à Goebbels et aux autorités nazies, qu’ils tentèrent d’imposer aux cinéastes des coupures puis décidèrent de censurer le film qui ne sera diffusé qu’après 1945.
En dépit de l’audace du scénario, le tout a un aspect mélo bien trop appuyé qui fait mal passer l’ensemble : l’héroïne tombe amoureuse au premier regard, se rend compte après avoir couché avec « l’homme de ses rêves » qu’il y a eu malentendu, veut de suicider, mais finalement se fait tirer dessus par le vieux banquier jaloux. Cette succession d’évènements dramatiques se termine par un happy end des plus improbables.
La forme : absolument splendide !! J’ai été très surpris par la grâce de la mise en scène, l’ingéniosité de Pewas, qui soigne ses images avec un talent admirable. Les scènes d’amour entre le vieux beau Hans Stüwe (le héros romantique des plus célèbres mélos de Zarah Leander) et la jeune Winnie Markus sont nimbées d’une lumière magique, avec une beauté d’image qui m’a fait penser à certains films de Garbo des années 20. Des surimpressions judicieuses viennent illustrer le cauchemar de Winnie Markus. Sa tentative de suicide et sa fuite dans la rue sont superbement filmés. Vraiment, Pewas faisait preuve d’un sens de l’image peu commun qui sauve largement cette journée magique. A voir.
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