Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

Répondre
Music Man
Assistant opérateur
Messages : 2297
Inscription : 16 févr. 06, 21:23

Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

Message par Music Man »

Image
MOI ET L’IMPERATRICE (Ich und die Kaiserin) de Friedrich HOLLAENDER -1933
Avec Lilian HARVEY, Conrad VEIDT et Heinz RUHMANN

Le marquis de Pontignac (C. Veidt) après une chute de cheval entend la voix d'une femme près de lui. Il recherche cette inconnue dont il n'a entendu que la voix. Il pense qu'il s'agit de l'Impératrice Eugénie alors que c'est sa coiffeuse Juliette (L. Harvey)...

Avis de Ann Harding :

Charmant film musical réalisé par le compositeur Friedrich Hollaender. Lilian Harvey est charmante et l'intrigue du film nous offre une vue amusante du second empire français avec même un Jacques Offenbach en répétition dans son théâtre. Le rythme est débridé avec toutes les dames d'honneur de l'impératrice qui se mettent au French Cancan soudainement! Conrad Veidt est parfait comme d'habitude. J'ai remarqué au générique le nom du musicien Franz Wachsmann, avant qu'il ne devienne Waxman. Charmant!

Image
Dernière modification par Music Man le 30 déc. 12, 15:05, modifié 1 fois.
Avatar de l’utilisateur
Ann Harding
Régisseur
Messages : 3144
Inscription : 7 juin 06, 10:46
Localisation : Paname
Contact :

Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

Message par Ann Harding »

Music Man a écrit :Image

ARIANE, JEUNE FILLE RUSSE (Ariane) de Paul CZINNER -1931
Avec Elisabeth BERGNER et Rudolf FORSTER

Ariane, jeune étudiante russe à Paris, devient la maîtresse d'un séducteur quadragénaire pour l'amour duquel elle joue la comédie de la femme libre et volage

Adaptation d’un roman de Claude Anet qui fera l’objet d’un remake par Billy Wilder en 1957 avec Audrey Hepburn.
Paul Czinner, réalisateur connu par ses œuvres apparentées au kammerspiel (naturalisme intimiste), aborde ici le cinéma parlant avec la lenteur souvent constatée dans les premiers films sonores. Certainement dans un souci de réalisme, le cinéaste prend le parti pris curieux de s’attarder sur les moindres détails (ouvreurs fermant une à une les portes de l’opéra, etc ).mais il en résulte une impression de langueur extrême que la caméra très statique ne fait qu’empirer. Le moins qu’on puisse dire est que le tout est filmé de façon très archaïque qui frôle l’amateurisme avec des travellings parfois complètement ratés, comme si le cameraman avait du mal à maîtriser son engin !
Malgré ces réserves certaines, il s’agit d’une fort plaisante étude d’un personnage féminin d’une étonnante modernité. A la fois femme-enfant, espiègle et décidée, Ariane se laisse séduire par un homme beaucoup plus âgé en lui jouant la comédie. Elle ne laisse rien paraître de ses émotions réelles et accepte comme un jeu les principes du séducteur, alors qu’elle est profondément affectée par son manque de tact et son indifférence.
Contrairement à ce que j’ai pu lire ailleurs, Elizabeth Bergner est parfaite dans le rôle d’Ariane. Mutine et spontanée, elle est absolument crédible en étudiante de 17 ans (alors que la comédienne avait plus de 30 ans) et franchement drôle dans certaines scènes (notamment quand elle se drape de bandages parce que son amant l’a légèrement heurtée en se disputant avec elle. Le film possède en outre une certaine liberté de ton pour aborder des sujets comme la virginité. En 1957, Wilder devra pas mal revoir sa copie pour que le film passe le cap de la censure ;
Paul Czinner tournera la même année une version française avec Gaby Morlay.
Grâce à Music Man, j'ai pu voir cette Ariane de 1931. Je serais peut-être un peu plus positive que lui sur le film. D'abord, petite correction, l'héroïne rencontre le séducteur à Berlin. C'est d'ailleurs durant une représentation de Don Giovanni, interprété en allemand, comme on le faisait à l'époque en Allemagne. Il y a d'ailleurs une relation qui s'établit entre la musique et les personnages que j'ai trouvée superbe. Konstantin Michael (R. Forster) arrive dans la salle au milieu de l'air de Leporello qui est en train de détailler les conquêtes de son maître. On sait immédiatement que le personnage collectionne lui aussi les femmes. Les relations continuent avec plus tard, lors d'une soirée mondaine, une cantatrice qui chante l'air de Cherubino tiré de Le Nozze di Figaro, suggérant l'éveil à l'amour de l'adolescente Ariane. Le morceau est suivi du lied Freundliche Vision de Richard Strauss, autre hymne à l'amour. Si le film ne comporte pas de musique autre que ces extraits musicaux, ils sont cependant très bien choisis. J'ai moi aussi été totalement conquise par la performance d'Elisabeth Bergner, une femme-enfant légèrement androgyne. Le ton du film est nettement plus noir que dans le remake de Billy Wilder qui tire l'histoire vers la comédie. Mais on retrouve deux scènes importantes: la rencontre à l'opéra (de Berlin/de Paris dans le remake) et la scène finale à la gare. Au total, si le film parait nettement plus statique que les derniers muets de Czinner, comme Fräulein Else qui est un petit chef d'oeuvre, il offre néanmoins un personnage central tellement attachant qu'on peut pardonner certaines imperfections. Dommage que personne ne songe à publier ce film en DVD avec d'autres Czinner!
Music Man
Assistant opérateur
Messages : 2297
Inscription : 16 févr. 06, 21:23

Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

Message par Music Man »

Image

REINE DU THEATRE - COMEDIENS (Komödiaten) de G W PABST – 1941
Avec Käthe DORSCH, Hilde KRAHL et Henny PORTEN


Au XVIIIe siecle, l'actrice Karoline Neuber, animée par l’amour de l’art, cherche à améliorer le sort des comédiens de sa troupe tout en essayant d’affiner le goût du public, de prime abord plus attiré par les bouffonneries. Elle réussit à obtenir la protection de la duchesse Amalia de Wissembourg qui s'intéresse aux arts, mais finit par se fâcher avec celle-ci, en prenant la défense d’une jeune fugueuse.

Après l'arrivée au pouvoir des nazis, Pabst, un des plus grands génies du cinéma muet allemand, passa un temps à l'étranger, tournant aux États-Unis et en France (Salonique, nid d'espions, 1937), avant de revenir piteusement en Allemagne, où il poursuit son travail de cinéaste tout en s'accommodant du nouveau régime.
Cette « reine du théâtre » est une oeuvre à la gloire d’une héroïne très oubliée de la culture allemande, qui fut imposée à Pabst par Goeebbels (à plusieurs reprises on insiste bien sur la volonté de l’actrice de développer l’art dramatique purement allemand, plutôt que la traduction des classiques du théâtre français ; comme souvent dans le cinéma nazi, le personnage central se sacrifie pour son idéal (ici l’amour de l’art), et meurt dans le plus grand dénuement après avoir été abandonnée par sa troupe et les faveurs de sa protectrice.
Sans atteindre la force des chefs d’œuvre muets de Pabst, ce film très féministe propose trois très beaux portraits de femmes de tête, courageuses, indépendantes et libres.
Dans le rôle principal Kâthe Dorsch est souvent très émouvante. On retrouve avec grand plaisir l’immense star du muet Henny Porten, qui prouve de manière incontestable qu’elle n’avait nullement perdu de sa présence, de son autorité et de son talent avec le cinéma parlant ; Il semble que Pabst lui-même ait insisté pour engager cette star du passé : on ne peut que regretter qu’une actrice aussi fine et intelligente ait si peu tourné pour le cinéma parlant !
La belle Hilde Krahl, jeune première la plus douée du cinéma nazi (avec Ilse Werner), m’a semblé meilleure dans le Maître de poste (1940).
Tout le talent de Pabst ressurgit dans une spectaculaire scène d’orgie dans un palais russe, admirablement filmée.
Le film remporta un prix au festival de Venise en 1941.
Image
Dernière modification par Music Man le 30 déc. 12, 15:09, modifié 1 fois.
Music Man
Assistant opérateur
Messages : 2297
Inscription : 16 févr. 06, 21:23

Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

Message par Music Man »

Image
ALLO JANINE (Hallo Janine !) de Carl BOESE 1940
Avec Marika ROKK, Johannes HEESTERS, Rudi GODDEN

C'est à Paris que Janine est danseuse au Moulin Bleu. Elle n'a pas encore obtenu le premier rôle qu'elle convoite. Janine fait la connaissance d'un homme qu'elle croit pianiste et qu'elle trouve fort séduisant. Elle tombe amoureuse de cet homme qui est en réalité le comte René de Bastier.

Goebbels ne souhaitait pas que les principales stars du troisième Reich tournent toujours des films sous la direction de leur mari ou compagnon (outre le couple Rokk/Jacoby, il y avait aussi Harlan/Söderbaum, Harvey/Martin…) car il craignait que l‘image du monde du cinéma allemand soit ternie et que le spectateur en déduise qu’il faut coucher pour faire du cinéma ! (Irrésistible quand on sait que Goebbels était lui même un coureur de jupons sans vergogne qui multipliait les cinq à sept avec les actrices les plus jolies).
Dans le film, la jeune fille sérieuse jouée par Marika Rökk entend d’ailleurs bien réussir dans le show business sans les faveurs d’un vieux producteur.
Carl Boese n’ayant pas le même talent pour le musical que Jacoby, les deux grands numéros sont regroupés à la fin, après une comédie assez agréable basée sur une série de quiproquos, qui vaut surtout pour la présence de Ruddi Goden (qui mourra l’année suivante à 31 ans d’un empoisonnement du sang) et de Marika Rökk
Celle-ci fournit en effet une bonne prestation de comédienne meilleure que d’habitude avec l’abattage qu’on lui connaît.
La chanson principale Musik musik musik composée par Peter Kreuder est d’excellente facture : elle a d’ailleurs inspiré le générique de Muppet show, 35 ans après ! On regrettera que le grand numéro de claquettes de Marika (une danseuse exceptionnelle), sur des pianos dorés, soit exécuté devant un décor aussi laid, avec des girls hideusement costumées aux mouvements particulièrement raides ; Georg Jacoby aurait certainement fait mieux !

On remarquera au cours du film le cours de gymnastique à la radio que suit avec assuidité toute une famille en chemise de nuit. On rappelera qua la pratique du sport et de la gym faisaient partie des programmes du IIIè Reich
Image
Dernière modification par Music Man le 30 déc. 12, 15:11, modifié 1 fois.
Music Man
Assistant opérateur
Messages : 2297
Inscription : 16 févr. 06, 21:23

Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

Message par Music Man »

Image

LE PRESIDENT KRUGER (Ohm Krüger) de Hans STEINHOFF - 1941
Avec Emil JANNINGS, Ferdinand MARIAN, Gustav GRUEDGENS, Gisela UHLEN, Karl MARTELL

A la fin du 19ème siècle, en Afrique du Sud, Paul Krüger, président de la République sud-africaine, s'oppose à l'annexion du Transvaal par les Britanniques. Il se rend auprès de la reine Victoria en Angleterre afin de protester et de tenter d’obtenir un accord. Néanmoins, le royaume Uni intéressé par les mines d’or déclenche les hostilités. Après quelques victoires des boers (descendants des premiers colons d'origine néerlandaise, allemande et française, arrivés en Afrique du Sud au XVIIe et XVIIIe siècles), les anglais vont adopter une stratégie de la terre brûlée en s’attaquant également aux civils, en détruisant les fermes et en incarcérant les femmes et enfants dans des camps de concentration.

Probablement un des films de propagande les plus connus produits pendant le régime nazi, cette virulente charge antibritannique est d’autant plus redoutable et efficace que le film qui bénéficie de gros moyens budgétaires (impressionnantes scènes de combats dans le désert avec d’innombrables figurants) est fort bien réalisé, l’intrigue tient en halène constamment, les acteurs sont en général très convaincants et impliqués (y compris un Jannings très mesuré), les situations dramatiques avec menées beaucoup de force de suggestion.
Du début à la fin, le film se révèle une attaque à boulets rouges d’une rare férocité contre l’impérialisme britannique, avec de véritables appels à la vengeance, à la méfiance et à la haine adressés aux spectateurs contre « la tyrannie de cette puissance ennemie qui voudrait dominer la terre » pour reprendre une des nombreuses répliques de ce genre martelées régulièrement et rappelées en conclusion.
En s’appuyant et en déformant au besoin des évènements historiques qui avaient émus l’Europe au début du 20ème siècle (et qui devaient encore être frais dans les mémoires en 1941) , Hans Steinhoff et le ministère de la propagande nazie ont bâti une véritable machine de guerre et de haine.
Les anglais sont dépeints comme des gens cupides, immondes, cyniques et fourbes. La reine Victoria est caricaturée de façon grotesque : véritable esprit du mal, jusqu’à son dernier soupir, elle hurle sa haine. Au passage, les noirs africains sont également ridiculisés et exposés comme des personnes totalement stupides et manipulables (d’ailleurs si on évoque le drame des boers morts de faim et de maladie en camps de concentration, on se garde de préciser que beaucoup de noirs périrent également dans ces insalubres campements).
La barbarie des soldats britanniques est dépeinte de façon insoutenable, en se focalisant sur certains personnages afin d’émouvoir davantage. Le brave fils de Kruger qui avait préféré au départ adopter une attitude pacifique est pendu sous les yeux de son épouse, avant qu’elle ne soit elle-même fusillée avec pas mal de ses codétenues dans le camp de concentration où femmes et enfants meurent du typhus et de malnutrition. Cela met d’autant plus mal à l’aise que pendant qu’ils réalisaient ce film pernicieux, les nazis se livraient eux même à ce genre d’exactions et pire encore (ce qu’ignoraient alors la plupart des spectateurs).
Le président Krüger remportera la coupe Mussolini au festival de Venise et sortira en France avec le slogan « la plus grande réalisation des temps modernes »puis sera interdit après la guerre. Il a été réédité en DVD avec sous-titres anglais. Très intéressant sur un plan sociologique, artistique et cinématographique, mais immonde.
Image
Dernière modification par Music Man le 30 déc. 12, 15:15, modifié 2 fois.
Music Man
Assistant opérateur
Messages : 2297
Inscription : 16 févr. 06, 21:23

Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

Message par Music Man »

Image
LE CHANT DU DESERT (Das Lied der Wüste) de Paul MARTIN – 1939
Avec Zarah LEANDER, Friedrich DOMIN et Gustav KNUTH

En 1939, dans le désert d’Afrique du Nord, un ingénieur anglais manigance pour racheter des mines de cuivre. Avec l’aide de la population bédouine, un ingénieur suédois provoque un soulèvement pour tenter de reprendre le contrôle des fameuses mines. Mais il est très amoureux de la fille du méchant britannique, une belle chanteuse à la voix grave…

Considéré comme l’un des films les plus faibles de Zarah Leander, le chant du désert n’a pas rencontré à l’époque le succès escompté. Sans être vraiment mauvais, le film ne tient pas ses promesses.
En effet, en dépit de l’atmosphère dépaysante, des caravanes, casbahs, révoltes bédouines et balades à chameaux, le réalisateur (plus connu pour ses opérettes filmées avec sa compagne Lilian Harvey) ne semble pas avoir réussi à exploiter ces éléments pour captiver le spectateur : la star suédoise parait bien lasse et sans énergie (écrasée par la chaleur du désert en studio ?) hormis les scènes finales où elle s’oppose à son père et tente de sauver l’homme qu’elle aime en organisant un récital improvisé dans l’attente de l’arrivée des bédouins : elle aligne alors fiévreusement des chansons pour gagner de précieuses minutes (de loin le meilleur moment du film). Les chansons nostalgiques composées par le viennois Nico Dostal sont de très bonne facture et interprétées avec la voix tremblante de Zarah Leander avec le pathos et le talent qu’on lui connaît.
Evidemment, le personnage de l’anglais est une fois dépeint de plus vil et cupide, comme dans tous les films allemands du moment. On exhorte la population arabe à se soulever pour s’en débarrasser…Ce qui n’a pas empêché au film d’être exporté aux USA et d’être diffusé en février 1940 dans certaines salles américaines !!
Image
Dernière modification par Music Man le 30 déc. 12, 15:18, modifié 1 fois.
Music Man
Assistant opérateur
Messages : 2297
Inscription : 16 févr. 06, 21:23

Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

Message par Music Man »

Image
GARDEZ LE SOURIRE (Sonnenstrahl) de Paul FEJOS – 1933
Avec ANNABELLA et Gustav FROEHLICH

Seul au monde, chômeur, las de lutter, Jean décide de se noyer. Il rencontre au bord du fleuve une désespérée comme lui, Marie, et trouve les paroles qui réconfortent. Pour gagner leur vie, ils exercent mille et un métiers, se marient et vivent enfin heureux avec le taxi que Jean a pu s'acheter.

Surtout connu pour son merveilleux film muet Solitude (1928), le cinéaste hongrois paul Fejos mérite d’être redécouvert tant son œuvre, tendre et poétique, reflète un bel humanisme.
Un court prologue dresse d’emblée le caractère alarmant de la situation internationale en 1933 : banqueroute, crise économique et chômage. Des files d’attente s’éternisent devant les agences pour l’emploi. Dans ce climat de crise profonde, si souvent dépeint dans les films allemands de la période 1930-1933, cette comédie tendre et humaine se veut un rayon de soleil. De coups de chance en galères, le couple d’amoureux tente de faire face à l’adversité, avec le sourire et beaucoup d’amour ; Il semble que Paul Féjos regrettait le charme du cinéma muet (d’ailleurs peu après, il arrêtera les films de fiction pour se consacrer aux documentaires) : ici, les dialogues sont réduits au minimum et les personnages miment parfois comme au bon temps du muet. C’est assez surprenant pour un parlant. Du coup, la scène où les amoureux rêvent devant les affiches de l’agence de voyage, concevable dans un muet, m’a vraiment paru nunuche et des plus désuètes. Si le jeune couple a beaucoup de charme, l’interprétation forcée d’Annabella manque souvent de justesse. De par ses rayons de soleil, son doux optimisme et sa tendresse pour les personnages principaux, le film évoque à la fois le René Clair du début du parlant et les Borzage de la fin du muet…ce qui est plutôt flatteur. Pourtant, j’avoue être un peu resté sur ma faim, car en dépit d’une réalisation impeccable et d’un grand sens de l’image, ce gentil conte de fée m’a parfois semblé un peu creux. Heureusement que ceci est rattrapé par une merveilleux final quand tous les gens de l’immeuble se cotisent pour aider Annabella dont le mari est à l’hôpital. Les enfants du quartier défavorisé sont alors invités à visiter dans leur voiture flambant neuve, sous les vivat des gens qui agitent des mouchoirs de leur balcon : c’est émouvant, débordant de gentillesse, filmé avec beaucoup d’aisance et d’imagination et beau comme tout !

Sinon, on remarquera que, dans la scène de la foire, Gustav Froehlich se grime en noir et enfile une perruque crépue pour devenir la cible du stand de tir. Un vilain reflet de cette bien triste époque.
Image
Dernière modification par Music Man le 30 déc. 12, 15:20, modifié 1 fois.
Avatar de l’utilisateur
Tommy Udo
Producteur
Messages : 8689
Inscription : 22 août 06, 14:23

Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

Message par Tommy Udo »

Hasard de la programmation, ce film passera dans quelques semaines au Cinéma de Minuit :wink:
Music Man
Assistant opérateur
Messages : 2297
Inscription : 16 févr. 06, 21:23

Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

Message par Music Man »

Image
HOTEL SACHER de Erich ENGELS – 1938
Avec Sybille SCHMITZ, Willy BIRGEL, Wolf ALBACH RETTY, Elfie MAYERHOFER et Olly HOLLZMANN

A Vienne on fête la Saint-Sylvestre en 1913/14 à l'hôtel Sacher. Altesses impériales et diplomates, hauts fonctionnaires et officiers côtoient les dames élégantes. L’espionne russe Nadia reconnaît parmi les convives l’ agent politique Stephan, son ancien amant qu’elle a livré à la police pour couvrir ses propres manigances. Ce dernier ne dispose que de quelques heures précieuses pour se disculper.

L’hôtel Sacher demeure toujours un des hôtels les plus fastueux de Vienne, toujours connu pour sa fameuse Sachertorte (gâteau au chocolat fourré d’abricot) qu’on peut déguster au salon de thé au rez-de-chaussée.
Lieu de rendez vous de la haute société, c’était en effet un bon point de chute pour bâtir une intrigue romanesque sur fond de conspiration internationale. Avec une tension toute palpable qui vibre sous les falbalas et les cotillons du bal de l’opéra, le luxe et les derniers fastes de la monarchie des Habsbourg et cette atmosphère faussement joyeuse et que le film restitue bien.. . peut-être parce qu’il a été tourné en 1938. On s’y perd un peu dans les conspirations et autres non-dits. Néanmoins, c’est un œuvre très soignée, typique d’un certain cinéma romanesque de la UFA des années 30 qui offre un excellent rôle à la fascinante Sybille Schmitz, une des principales stars du IIIème Reisch. Mystérieuse et habitée, elle incarne à la perfection son personnage très glamour de grande amoureuse qui essait de ralier à sa cause l'homme qu'elle aime. Willy Birgel trouve ici un de ses meilleurs rôles. Le film se clot par une note tragique en prémice aux tragédies qui suivront quelques mois après.
Image
Dernière modification par Music Man le 30 déc. 12, 15:23, modifié 1 fois.
Avatar de l’utilisateur
Commissaire Juve
Charles Foster Kane
Messages : 24561
Inscription : 13 avr. 03, 13:27
Localisation : Aux trousses de Fantômas !
Contact :

Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

Message par Commissaire Juve »

Music Man a écrit :Image
GARDEZ LE SOURIRE (Sonnenstrahl) de Paul FEJOS – 1933
Avec ANNABELLA et Gustav FROEHLICH

... ici, les dialogues sont réduits au minimum et les personnages miment parfois comme au bon temps du muet. C’est assez surprenant pour un parlant. Du coup, la scène où les amoureux rêvent devant les affiches de l’agence de voyage, concevable dans un muet, m’a vraiment paru nunuche et des plus désuètes...
Je me disais bien que tu en avais parlé. C'est passé ce soir au cinéma de Minuit. J'ai trouvé ça pas mal. Souvent prévisible (même sans avoir lu tout ton résumé... qui spoile quand même), mais sympa. J'étais curieux de voir ce que pouvait donner Annabella "en allemand" ; et j'ai vu. Effectivement, côté dialogues, elle n'a pas eu à se donner du mal. Ach ! :mrgreen:

Quant au jeu "mimé" comme "au bon temps du muet", ça m'a très souvent fait penser à Sous les toits de Paris de René Clair. Là aussi, ça mime pas mal et les dialogues sont réduits. Pour revenir à Sonnestrahl, je n'ai pas trouvé la scène de l'agence de voyage spécialement nunuche. C'est un passage bon enfant estampillé "début des années 30". Tout bien pesé, j'ai trouvé le dénouement du drame plus "exagéré", plus "gros sabots".
Dernière modification par Commissaire Juve le 28 nov. 11, 23:30, modifié 1 fois.
La vie de l'Homme oscille comme un pendule entre la douleur et l'ennui...
Avatar de l’utilisateur
Ann Harding
Régisseur
Messages : 3144
Inscription : 7 juin 06, 10:46
Localisation : Paname
Contact :

Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

Message par Ann Harding »

Un petit rappel, cette nuit Arte diffuse un film allemand de 1931:

Der Zinker (Le Traître, 1931) de Carl Lamac et Martin Fric à 3h30. Le film est en HD et 16/9.
Music Man
Assistant opérateur
Messages : 2297
Inscription : 16 févr. 06, 21:23

Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

Message par Music Man »

Image
LE REVE BLANC (Weisse traum) de Geza VON CZIFFRA – 1943
Avec Wolf ALBACH RETTY et Olly HOLZMANN

Un joueur de hockey qui travaille à mi –temps comme décorateur d’une revue sur glace fait croire à une patineuse aussi jolie que douée qu’il est le directeur de la troupe, afin de la draguer. Elle se laisse prendre et se présente au théâtre en tant que petite amie du manager.. ; Ce qui lui vaut d’être embauchée immédiatement à la grande fureur de la vraie copine du directeur qui convoitait le même rôle. Jusqu’au début de la première, les deux dames vont se disputer le rôle…

Film conçu spécialement pour distraire le public allemand du début de la déconfiture après la bataille de Stalingrad, le rêve blanc est une revue sur glace somptueuse totalement déconnectée des réalités quotidiennes. Si la comédie est assez plaisante et amusante, le film vaut évidemment surtout pour ces scènes de revue sur glace qui démontrent un réel savoir faire de Von Cziffra dans ce domaine. Dans le genre, le film fait montre de davantage d’invention que les films que la championne olympique Sonja Henie tournait à la même époque aux USA. Certes Olly Holzmann n’est pas une très brillante patineuse, elle semble apparemment doublée dans de nombreux passages, (cela dit les prouesses de Sonja Henie paraissent également complètement dépassées à l’heure actuelle), mais les tableaux sont éblouissants qu’il s’agisse du numéro hongrois ou du passage swing dans une clinquante boite de nuit, où la star fait des claquettes avec ses patins et son chapeau haut de forme avant de se prêter à des acrobaties filmées en accéléré. Le coté classieux du noir et blanc apporte d’ailleurs une touche d’élégance aux numéros ; Les excellentes chansons ont probablement beaucoup contribué au triomphe du film (le musical le plus rentable tourné pendant la guerre en Allemagne avec 10 millions d’entrées). D’ailleurs on entend encore à l’occasion le thème principal dans des shows télé en Allemagne.
On sera amusé de constater dans le grand numéro final, que comme dans le film Un grand amour avec Zarah Leander, pas mal de travestis se dissimulent parmi les patineuses qu’on semble avoir eu le plus grand mal à recruter !! ( il parait en effet que les très nombreuses figurantes ont été engagées et formées pour l’occasion car depuis la guerre, il n’existait plus de revue sur glace ) .
Cziffra fera un remake assez convenable en couleurs en 1958 avec la championne Ina Bauer et le skieur Toni Sailer.
Music Man
Assistant opérateur
Messages : 2297
Inscription : 16 févr. 06, 21:23

Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

Message par Music Man »

Image
FILLE D’EVE (eine nacht im mai) de Georg JACOBY– 1938
Avec Marika ROKK et Viktor STAAL

Inge Fleming est une jeune fille fort pétulante et d'un dynamisme évident, ce qui cause bien des problèmes dans son entourage. Alors qu’on vient de lui retirer son permis de conduire, elle a un accident de voiture dès la sortie du tribunal.
Heureusement la rencontre avec le séduisant Willy Prinz va totalement bouleverser son existence…



Un petit musical sympathique avec quelques bonnes idées pour rattraper une intrigue des plus creuses. Déjà, l’introduction est originale avec le couple Roekk/Staal, assis à un café qui présente le film avant de se précipiter dans une salle de cinéma ;Autre passage amusant quand Staal embrasse Marika Rokk et que raisonnent des cloches avant qu’elle ne s’aperçoive qu’elle a plaqué par inadvertance son dos contre les sonnettes de l’immeuble en face et que tous les voisins ne jaillissent au balcon pour se plaindre.
A l’époque, c’est la scène du bain de minuit qui a émoustillé les spectateurs avec la furtive vision des 2 vedettes nageant nus au clair de lune.
Les chansons de Peter Kreuder, très jazzy, sont vraiment bonnes. Marika a un joli numéro de danse acrobatique (avec roues et saltos-avant) exécuté en costume d’amiral sur fond de sérénade hawaienne…. On se croirait dans un film d’Eleanor Powell
Music Man
Assistant opérateur
Messages : 2297
Inscription : 16 févr. 06, 21:23

Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

Message par Music Man »

Image
LE VOL DE LA JOCONDE / LE RAPT DE MONA LISA (der raub der Mona Lisa) de Geza VON BOLVARY –Allemagne -1932
Avec Willi FORST, Trude VON MOLO et Gustaf GRÜNDGENS

En 1911, Vincenzo Peruggia est un vitrier italien vivant dans la pauvreté. Il tombe amoureux de Mathilde, une femme de chambre parisienne. Frappé par la ressemblance entre Mathilde et La Joconde, Vincenzo décide de voler l’œuvre exposée au Louvre, dans le but d'impressionner sa dulcinée…


Librement inspiré d’un fait divers bien réel (le vol de La Joconde réalisé par Vincenzo Peruggia en 1911), cette comédie dramatique n’est pas dépourvue d’un certain charme suranné malgré son infinie lenteur et un coté vraiment trop statique qu’on retrouve souvent au début du parlant. Willi Forst défend bien son rôle, avec parfois un soupçon de folie fort bien venu, notamment dans les passages où il embrasse le tableau comme un amoureux transis , puis l’enferme dans un placard pour échapper à son envoutement. Les chansons (notamment le refrain Pourquoi souris tu, Mona Lisa), ont tout le charme du rétro et Trude Von Molo présente dans certains gros plans une ressemblance vraiment surprenante avec la Joconde ;
Pour mieux décrire l’atmosphère du Paris de 1911, le cinéaste a eu la bonne idée d’intégrer un passage où le héros va voir un film de Max Linder (le problème est que le film en question « Max illusionniste » date de 1914, mais c’était un clin d’œil sympathique !).
En dépit de la lenteur, Geza Von Bolvary fait preuve d’un réel talent pour intégrer la musique à son récit, avec parfois beaucoup d’ironie (notamment lors du retour du tableau volé par le train, au son de la Marseillaise). En outre, le film ne pèche jamais par sentimentalisme, comme c’est le cas de nombreuses viennoiseries, car ici il est patent que le personnage de la vénale Mathilde n’est nullement intéressée par le pauvre vitrier et que celui-ci est davantage amoureux d’une illusion que d’une vraie femme, ce qui donne à l’ensemble un coté doucement cynique assez original.
Music Man
Assistant opérateur
Messages : 2297
Inscription : 16 févr. 06, 21:23

Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

Message par Music Man »

Image
UNE IDYLLE AU CAIRE (Saison in Cairo) de Reinhold SCHUNZEL - 1933
Avec Willy FRITSCH, Renate MULLER et Léopoldine KONSTANTIN

Le riche directeur d’une grande chaine de magasin voudrait marier son incorrigible maman qui traîne dans toutes les boîtes du Caire et se laisse courtiser par les gigolos. Il rencontre un riche conte désœuvré et désargenté qui pourrait convenir et essaie de convaincre sa fille.


Au début des années 30, le cinéma allemand avait vraiment la formule magique pour concevoir de charmantes comédies un brin impertinentes et bourrées de savoureux quiproquos. On est surpris et amusé d’emblée quand on découvre le sérieux Willy Fritsch sermonnant sa frivole maman qui drague dans les cabarets : alors qu’il manigance pour « caser » sa mère, c’est lui qui va se retrouver marié avec la charmante Renate Müller. Si le film est filmé de façon parfois très statique et que les quelques chansons ne sont guère enthousiasmantes, il propose de beaux extérieurs sur Le Caire où il semble avoir été tourné en grandes parties dans des décors naturels, ce qui n’était pas fréquent à l’époque (Renate Müller déambule dans le souk, on assiste à un mariage bédouin, à une sorte de fantasia) et l’interprétation est excellente, notamment le sémillant Willy Fritsch, qui avait vraiment tout le charme et la décontraction d’un Cary Grant. Le film a fait l’objet simultanément d’une version française avec Georges Rigaud et Renate Müller.
L’excellente Léopoldine Konstantin fuira l’Allemagne nazie : la grande dame du théâtre viennois, maîtrisant mal l’anglais, sera contrainte de travailler en tant qu’ouvrière dans une usine pour gagner sa vie avant qu’Hitchcock ne l’aide en lui confiant un rôle dans les enchaînés.
Répondre