Maurice Tourneur (1876-1961)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Majordome
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Maurice Tourneur (1876-1961)

Message par Majordome »

Justin de Marseille (Maurice Tourneur -1935)

très intéressant polar sur le milieu Marseillais, très très moderne pour l'époque. La scène de l'enterrement est un régal ! De belles gueules, un langage vert, et des marseillaiseries tout à fait supportables. Un sens de l'ellipse certain et une vraie élégance de mise en scène peu commune dans le cinéma français de cette époque. Une dureté de ton souvent lissée par une ironie de bon aloi, là aussi assez surprenante face au conformisme des productions de l'époque.

Une bonne surprise qui se regarde avec beaucoup d'intérêt et un enthousiasme grandissant.

Joli copie et bande son assez audible pour un film français de 35 (très souvent les bandes son sont de vraies catastrophes).

8,5/10

Repasse encore sur Cineclassic. Dépéchez vous, si vous avez la chance d'avoir accès au bouquet cinéma sur le sat ou le cable.
Kurtz

Message par Kurtz »

Justin de Marseille (Maurice Tourneur, 1935)

Un erstaz de Scarface à Marseille :shock:
Sauf que là, la noirceur sans concession du film de Hawks a fait place à la truculence du midi reconstitué en studios. Le gangster est super sympa, d'ailleurs, à la fin, il s'en va avec la fille. Il vend de la drogue, mais on s'en fout, il a un coeur gros comme ça...Quelques dialogues presque dignes de Pagnol (presque car ils sont moins spontanés), des acteurs pas trop mauvais. Mais à part ça, le scénario est un peu trop confus, la réalisation bien moins dynamique que celle de Hawks et l'acteur principal a le charisme de mon grand-oncle. La tonalité vacille sans cesse entre pur film de genre et parodie, sans que Tourneur ne se décide à orienter franchement son film.

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Eusebio Cafarelli
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Message par Eusebio Cafarelli »

La Main du Diable de Maurice Tourneur (1943)

La grande époque du film fantastique français, un chef d'oeuvre remarquablement dialogué par Jean-Paul Le Chanois et remarquablement interprété par Pierre Fresnay, Palau (le diable en huissier), Noël Roquevert, etc. Très beau travail sur la mise en valeur des mains, sur la peinture et les décors en ombres chinoises en arrière-plan. Des passages muets très intéressants. Toujours étonnant de voir comment l'imagination s'épanouit dans les périodes difficiles.

10/10
Private Joker
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Message par Private Joker »

Eusebio Cafarelli a écrit :La Main du Diable de Maurice Tourneur (1943)

La grande époque du film fantastique français, un chef d'oeuvre remarquablement dialogué par Jean-Paul Le Chanois et remarquablement interprété par Pierre Fresnay, Palau (le diable en huissier), Noël Roquevert, etc. Très beau travail sur la mise en valeur des mains, sur la peinture et les décors en ombres chinoises en arrière-plan. Des passages muets très intéressants. Toujours étonnant de voir comment l'imagination s'épanouit dans les périodes difficiles.

10/10
Absolument d'accord. Ce film est une véritable perle du cinéma. Maurice Tourneur y retrouve un côté magique qui était déjà au centre de ses plus belles oeuvres muettes, que ce soit Lorna Doone, Prunella ou The Blue Bird. Un film qui mériterait sans conteste le support DVD.

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allen john
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Maurice Tourneur 1876 - 1961

Message par allen john »

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Encore un grand nom du cinéma qui n’a pas suffisamment sa place, Maurice Tourneur n’est pas que le metteur en scène de Volpone, Justin de Marseille ou du splendide La Main du diable. Il est aussi l’un des plus importants cinéastes du muet Américain, tout simplement. Ca faisait longtemps que je voulais voir ses films, peu édités. De plus, la plus grande partie avait la réputation d’avoir disparu ; or, il en reste, et je vais donc faire un (petit) tour d’horizon. Mais d’abord, je vous renvoie à un document essentiel, qui me semble approprié pour deux raisons : il y est question de Kevin Brownlow et il provient de DVDclassik .

http://www.dvdclassik.com/Critiques/int ... part-2.htm

Né MauriceThomas à Belleville en 1876, Tourneur devient vite un « artiste » : peintre et dessinateur, il sera assez rapidement décorateur, passant de l’illustration de classiques de la littérature à la décoration de théâtre, deux univers qui auront une influence capitale sur son œuvre future. Il devient aussi acteur, et va se retrouver embauché par Antoine, avant de jouer et mettre en scène aux cotés (selon Jean Mitry) de Emile Chautard, Léonce Perret et Henry Roussel. Tous les quatre vont se diriger vers le cinéma : Perret va devenir un acteur et metteur en scène renommé chez Gaumont à partir de 1910, Chautard va être engagé à l’Eclair, ou il prendra Tourneur comme assistant ; Roussel va souvent jouer pour Tourneur, et deviendra à son tour metteur en scène de cinéma plus tard. Tourneur, donc, devient metteur en scène en 1912.

A l’éclair

Chautard parti aux Etats-Unis (Il reviendra), Victorin Jasset se concentrant sur les serials de l’Eclair, Tourneur devient en 1912 le principal metteur en scène des mélodrames et comédies de l’Eclair. Beaucoup de ses films réalisés en 1912, 1913, et 1914 ont disparu, et certains n’ont laissé aucune trace, pas même de nom. Gaumont et Pathé avaient une meilleure gestion de leur patrimoine, et puis l’Eclair n’a pas survécu à la guerre… Quant à nous, pauvre public, tout au plus peut-on se fier… au cinéma de minuit, qui a diffusé deux films en 1997 (Le Friquet et Les gaîtés de l’escadron) puis deux autres il y a un an (La bergère d’Ivry et Figures de cire). Ils sont tous très intéressants, mais ils posent des problèmes filmographiques de datation (Ce dont tout le monde sauf moi sans doute se fout éperdument) : le Friquet est daté de 1912 par Jean Mitry, qui en fait le premier film de son auteur ; la Cinémathèque Française le date de 1913. A la faveur d’une sortie Américaine sans doute (Il y avait une branche Eclair à Fort Lee), l’IMDB le situe en 1914. Figures de cire oscille aussi entre 1913 et 1914 selon les sources… Certains de ces films ont été programmés lors d’une rétrospective Eclair à la CF en 2007 :

http://www.cinematheque.fr/fr/projectio ... ,3636.html

Le friquet (1913 ?)d’après Gyp et Willy raconte le destin tragique d’une jeune trapéziste (Polaire)trouvée par un clown lorsqu’elle était un bébé, qui doit être recueillie par un noble (Roussel) parce qu’elle est constamment en butte aux vexations du patron du cirque. Lorsque le comte s’intéresse à une autre femme qu’elle, la jeune trapéziste retourne au cirque ou elle devient célèbre. C’est la que se noue le drame… Le film , dans la copie diffusée au cdm il y a douze ans, est incomplet, totalisant 22 minutes à 25 images/secondes. Les intertitres ayant disparu, ils ont été remplacés par des indications souvent redondantes, mais bien dans le style de l’époque. L’intrigue va très vite, trop vite d’ailleurs, finissant par ressembler à une bande-annonce. Mais l’intérêt de la mise en scène reste entier : ce n’est pas dans le montage (Bien que Tourneur découpe plus que le Feuillade contemporain ou que son ami Perret) mais dans le plan que la qualité saute aux yeux : le dessinateur-décorateur Tourneur a un sens de la composition exemplaire, le jeu des acteurs est réduit à l’essentiel, et la photo est splendide. Une mélancolie sournoise se fait jour dans tous les plans. On peut toujours se demander ce qui manque, mais quelques indices me font penser qu’il y a peut être eu censure : D’une part aucune trace de décomposition n’est visible, alors qu’il manque des plans entiers ; ils ont donc été sélectionnés pour disparaitre ; d’autre part, lors du dernier acte, la présence insistante d’une bouteille dans le champ de loge de l’héroïne pourrait expliquer bien des choses, sans que ce détail soit exploité dans la copie. Un moment émouvant : lors d’une contreplongée lors d’une scène de cirque, on aperçoit au-dessus de Polaire la verrière du studio Eclair…

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La bergère d’Ivry (1912) est un autre mélo, tout aussi beau à voir (D’autant que la copie proposée au cdm était fort joliment teintée), et cette fois le film, à 29 minutes, est complet. On y conte l’histoire d’Aimée, une autre pauvre orpheline recueillie, qui se trouve au milieu d’une intrigue adultérine dont elle riqsque de faire les frais. Elle se sacrifie en endossant la faute de sa bienfaitrice, mais est rachetée au dernier moment par une pirouette ; Le film présente les mêmes qualités de clarté, de jeu et de composition que le précédent, mais on y voit une plus grande cohérence : Le friquet présente beaucoup de tableaux, La bergère d’Ivry développe plus de scènes ; l’une d’entre elles joue sur un suspense formidable : rejetée par son fiancé, auquel elle a donné un couteau pour la tuer en cas d’infidélité, l’héroïne songe à se jeter dans un étang, dont elle s’approche. Tourneur alterne ses plans entre sa bergère et les autres protagonistes afin d’impliquer joliment son spectateur : ca marche !!

Figures de cire
(1913?) est un conte grand-guignolesque, fort timide dans sa réalisation, mais dans lequel Tourneur utilise les ombres et l’obscurité avec déjà un goût certain, et encore une fois, le jeu est économe, malgré une introduction /présentation des acteurs dans laquelle les trois protagonistes en font au contraire des tonnes (Voir les débuts de la dixième Symphonie et J’accuse de Gance, c’est à peu près le même esprit). Bien sur, il est facile de se jeter comme l’a fait notre Patrick Brion sur ce film pour en faire une esquisse des ambiances de La main du diable. Mais c’est surtout une trace ancienne des développements picturaux particuliers que Tourneur explorera aux Etats-Unis.

Les gaîtés de l’escadron (1913) est plus connu. Le film a été diffusé en 1997, en complément de la version parlante réalisée par Tourneur avec Raimu, et à mon avis le muet est bien meilleur, plus court (3 bobines), moins riche en numéros d’acteurs (Admettons que ces acteurs, étant Raimu, Charpin, Fernandel, Gabin et roussel, méritent qu’on le voie quand même.). Voicui ce q’Ann Harding en disait il y a quelques jours :
Ann Harding a écrit : Il s'agit de la première version de la pièce de Georges Courteline réalisée par Maurice Tourneur. Il en tournera une autre -toute aussi drôle- en 1932. mais, celle-ci se révèle un petit bijou de drôlerie. Nous sommes seulement en 1913 et Tourneur fait déjà preuve d'une inventivité remarquable. Les pitreries des troufions de cet escadron sont soulignées par les clins d'oeil à la caméra. Mais sans aucun excès, cela rappelle les regards désabusés d'un Oliver Hardy (à l'époque, Laurel et Hardy ne se sont pas encore rencontres!). Les décors sont encore des toiles peintes, mais bien réalisées. Mais, l'humour de la réalisation n'a pas vieilli. L'arrivée d'une nouvelle recrue, issue du beau monde, crée des situations hilarantes. Les deux rigolos Laplote et Fricot ainsi que le dénommé Potiron s'en donnent à coeur joie. Le films se clôt sur un clin d'oeil -délicieux- aux spectateurs. Le général remarque un livre caché dans la ceinture d'un soldat. Il se révèle être 'Les Gaîtés de l'Escadron' de G. Courteline!!! :uhuh: Délicieux.
Quant à moi, je me contenterai d’ajouter que ce film est sidérant par la subtilité de son humour. Si vous ne me croyez pas, regardez n’importe quel film burlesque Français de 1913, et comparez.

Voilà ce que j’ai pu voir de la carrière muette Française de Maurice Tourneur. Ce ne sont pas ses chefs-d’œuvre, mais il y a là suffisamment de qualités pour faire de ce monsieur l’un des grands noms du cinéma à venir. S’il faut comparer Tourneur, c’est sans doute à Perret : l’un comme l’autre favorisent le plan et tout ce que celui-ci peut raconter, et aiment à jouer sur la profondeur de champ ; mais Perret ne peut s’empêcher, aussi bien en tant qu’acteur qu’en tant que directeur d’acteurs, d’en faire des tonnes, contrairement à Tourneur. Enfin, Perret est réputé pour son utilisation de l’ombre et de la lumière, effectivement remarquable dans certaines séquences du Mystère des roches de Kador (1912). Tourneur se fera lui aussi une spécialité des prouesses picturales d’ici quelques années… En 1914 , Tourneur part à Fort Lee pour superviser la production Eclair Américaine. Il ne reviendra pas avant la fin de la décennie suivante.


PS: doublement merci, Ann Harding!
Nestor Almendros
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Maurice Tourneur (1876-1961)

Message par Nestor Almendros »

Je replace ici de nombreux avis postés par Ann Harding:

Les Gaîtés de l'Escadron (1913) de Maurice Tourneur

Il s'agit de la première version de la pièce de Georges Courteline réalisée par Maurice Tourneur. Il en tournera une autre -toute aussi drôle- en 1932. mais, celle-ci se révèle un petit bijou de drôlerie. Nous sommes seulement en 1913 et Tourneur fait déjà preuve d'une inventivité remarquable. Les pitreries des troufions de cet escadron sont soulignées par les clins d'oeil à la caméra. Mais sans aucun excès, cela rappelle les regards désabusés d'un Oliver Hardy (à l'époque, Laurel et Hardy ne se sont pas encore rencontres!). Les décors sont encore des toiles peintes, mais bien réalisées. Mais, l'humour de la réalisation n'a pas vieilli. L'arrivée d'une nouvelle recrue, issue du beau monde, crée des situations hilarantes. Les deux rigolos Laplote et Fricot ainsi que le dénommé Potiron s'en donnent à coeur joie. Le films se clôt sur un clin d'oeil -délicieux- aux spectateurs. Le général remarque un livre caché dans la ceinture d'un soldat. Il se révèle être 'Les Gaîtés de l'Escadron' de G. Courteline!!! :uhuh: Délicieux.


Les gaîtés de l'escadron (1932) de Maurice Tourneur avec Raimu, Fernandel et Jean Gabin

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Cette adaptation de la pièce de Courteline bénéficie d'une distribution en or massif. Dans le rôle du capitaine Hurluret, Raimu tente tant bien que mal de faire règner un semblant de discipline dans un régiment totalement désorganisé. Il sirote du matin au soir de l'absinthe et s'emporte pour un rien. Les troufions, dont Fernandel, sont malmenés par des sous-officiers idiots qui leur donnent constamment des jours de taules, tout en leur donnant des ordres stupides. Jean Gabin, qui n'a ici qu'un petit rôle, est une forte tête, tire-au-flanc, qui passe son temps à resalir la cour qu'il vient de nettoyer. Henry Roussel, le cinéaste et acteur du muet, se révèle tout aussi bon au parlant qu'au muet en général compatissant qui vient passer en revue cet escadron délirant. Malheureusement, le film a assez mal vieilli à cause de son côté théâtre filmé et de la médiocre qualité de l'enregistrement du son. Mais, il y a cependant des passages jubilatoires avec Raimu en grande forme marchant les jambes arquées. Sympathique !


Katia (1936) de Maurice Tourneur avec Danielle Darrieux et John Loder
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Les amours d'Alexandre II de Russie et de Katia Dolgorouki ont fait l'objet de plusieurs films. Ici Katia a les traits de la toute jeune Danielle Darrieux face à un acteur britannique, John Loder. Le film a au un budget conséquent et c'est évident en voyant la richesse des décors qui recréent la vieille Russie. Ce n'est certainement pas le meilleur film de Maurice Tourneur qui semble un peu en roue libre, mais, ces amours célèbres en crinoline se regardent sans ennui. On constate d'ailleurs à quel point Robert Siodmak, dans son sirupeux remake des années 50, a copié les plans de ce film. Darrieux parvient à donner de l'intérêt à sa Katia, vive et malicieuse. Oubliable mais sympathique.

A Girl's Folly (1917) de Maurice Tourneur
Ce film a été tourné sur la côte Est à l'époque où Fort Lee est encore le centre de production devant Hollywood. On y voit le tournage d'un western dans le NJ. :mrgreen: Le scénario a été écrit par Frances Marion qui écrivit plus tard quelques chefs d'oeuvre comme The Wind. Le film offre déjà un regard décalé sur le cinéma comme les scéances de pose devant le 'still photographer' sur le plateau. Malheureusement, le film n'existe plus qu'en version réduite à 30 min. Mais, malgré tout, il est tout à fait charmant.
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Nestor Almendros
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Re: Maurice Tourneur (1873-1961)

Message par Nestor Almendros »

posté en août 2007
Cinzano a écrit :Le Val d'Enfer de Maurice Tourneur (1943). Ce film, financé par la Continental, est tellement imprégné des conceptions traditionnalistes du régime de Vichy en matière de morale, qu'aujourd'hui il ne parvient plus qu'à produire l'effet inverse de celui recherché à l'époque : nous rendre sympathique le personnage de femme infidèle et délurée incarné par Ginette Leclerc. Certains critiques ont parlé de "naturalisme" au sujet de cette oeuvre, qui est en fait essentiellement une illustration démagogique des thèmes pétainistes (régionalisme, "la terre ne ment pas", attachement aux traditions et aux ancêtres, ouvriérisme de façade, femme au foyer dévouée à son mari...).
Point de vue très intéressant de Cinzano, d'autant plus que je n'ai pas du tout vu le film sous cet angle. Là où je pourrais soupçonner quelque chose se rapprochant de ce que dit Cinzano, c'est dans la morale un peu douteuse de la fin (la mort justifiée et jamais punie causée par une seule personne) mais qui est contrebalancée par l'esprit protecteur du groupe entourant le mari trompé (ils ne lui disent rien pour ne pas l'attrister).

En fait, j'ai savouré le film beaucoup plus simplement, à l'image d'un scénario finalement assez classique et prévisible.
J'ai été plutôt charmé (c'est le mot) par l'ambiance presque Pagnolesque du récit et par une certaine tristesse/gravité qui l'imprègne en même temps qu'abondent les répliques plus légères. Un mélange chaleureux fort agréable à suivre, auquel j'ajouterais un petit bémol avec une toute dernière partie que j'ai rarement vu aussi vite expédiée: tout se dénoue en un claquement de doigt, beaucoup trop facilement.

A noter un master bien abimé, à la bande-son parfois difficilement audible.


posté en mai 2008

LA MAIN DU DIABLE de Maurice Tourneur (Cinéma de Minuit)

Peut-être était-ce à cause d'un scénario parfois prévisible (on sent venir plusieurs coups de théatre), en tout cas j'ai eu un peu de mal à me passionner vraiment pour cette histoire pourtant pleine de qualités. En fait, j'ai beaucoup apprécié l'intro et la conclusion, tout ce qui n'est pas en flashback. Il règne alors une atmosphère fantastique plus palpable que dans le reste du film, où l'on est davantage (il me semble) dans une description plus quotidienne et dans un genre plus marqué.
Dans le flashback, en plus de surprises en demi-teintes, le rythme est aussi un peu plus inégal (comme son intérêt, pour moi). Par contre, là encore, beaucoup de choses sont à retenir, notamment la séquence avec les hommes masqués et l'historique des passages de main, où Tourneur avec une simplicité technique réussit visuellement une sorte de livre d'images dynamique et "ambiancé". Globalement, d'ailleurs, tout le film se sort plutôt bien d'un manque de moyen qui se fait un peu sentir mais qui est toujours compensé par des décors malins et une lumière toute en finesse.
Le film bénéficie de dialogues très écrits, où Jean-Paul Le Chanois s'amuse dans des dialogues ludiques à glisser autant de clins d'oeil que d'expressions rappelant la malédiction, la religion, etc.
Un autre avantage du film, c'est son casting. On retrouve énormément de têtes connues dans ces seconds rôles si présents. C'est un "plus" désormais reconnu du cinéma français de cette époque. Grand plaisir pour moi, sur ce point. Le personnage du Malin est très bien casté, également, par cet acteur que je ne connaissais pas et qui se révèle extrêment efficace et inquiétant, sous ses airs de "petit vieux" inoffensif.

Je me rends compte que cet avis n'est pas si négatif que cela, finalement. Mais malgré toutes ces qualités, je n'ai pas été plus intéressé que cela. Le film reste quand même largement regardable...
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Re: Maurice Tourneur (1873-1961)

Message par allen john »

Aux Etats-Unis 1914 / 1917

La carrière de Maurice Tourneur aux Etats-Unis, bien que commençant par une mission très ciblée (assurer l’existence de la société Eclair et concurrencer Pathé sur place) va vite changer de cap : le metteur en scène a-t-il été rattrapé par son propre rêve Américain, ou a-t-il pressenti l’essor phénoménal que le cinéma américain allait prendre en quelques années (je rappelle qu’à cette époque, les pays leaders du cinéma sont le Danemark, la France, et surtout l’Italie), toujours est-il que Tourneur ne va pas rester à l’Eclair. Avec divers comparses producteurs, il va papilloner d’un studio à l’autre, constituant sa propre équipe et tournant toujours à Fort Lee et alentour, dans le New Jersey. Les commentateurs actuels ont tendance à dire qu’il cherchait à concurrencer Griffith, mais il n’ya pas de concurrence possible : les films de Tourneur sont généralement bien meilleurs, plus réussis que ceux de Griffith. Peut-être sont-ils moins populaires, peut-être Griffith a-t-il mieux senti le principe du genre, mais si vous n’avez pas vu de films de Maurice Tourneur des années 10, préparez vous à une sacrée surprise…

Les quelques films (Tous de 5 bobines) que j’ai eu la chance de voir de cette première période (Qui va jusqu’à ses films réalisés pour la Paramount, avec Mary Pickford, on en reparlera) sont les suivants :
The wishing ring (1914) En cinq bobines, Maurice Touneur promène la camera de John Van Den Broek dans les décors du New Jersey pour une petite comédie fraîche et sentimentale située dans une Angleterre de toujours. Le scénario inspiré au metteur en scène par une pièce contemporaine ne décourage absolument pas les auteurs du film de faire « du cinéma », au contraire. Le film est très bien joué, par des fidèles du réalisateur (Vivian Martin, Alec Francis, John Hines)et l’ensemble est d’une grande beauté : ce goût pour les décors esthétiques, les compositions imaginatives et l’utilisation de la lumière (Ici le soleil est pour beaucoup dans l’atmosphère positive du film), tout concourt à faire de The wishing ring une réussite. L’histoire raconte comment un jeune homme riche, amoureux d’une jeune femme qui ignore son identité, l’aide en lui faisant croire que les bienfaits qui lui sont donnés l’ont été par une bague magique qui exauce les souhaits. Autour de cette intrigue, une leçon de bon voisinage, un ensemble d’observations pince-sans-rire de bonne société et de la moins bonne, et la création d’un vieux personnage de grincheux par le déjà vétéran Alec Francis complète avantageusement l’ensemble.

Alias Jimmy Valentine (1915) est plus connu. Robert Warwick y est un cambrioleur génial qui mène une double vie. Après un séjour en prison, il fait l’objet d’une expérience : le gouverneur de l’état (Frderick Truesdell) le sort de Sing sing car il croit (A tort) en son innocence, poussé il est vrai par sa fille (Ruth Shepley) qui a un faible pour le jeune homme. Celui-ci décide de vraiment devenir honnête, au grand dam de ses deux anciens collaborateurs (Hines et Francis), mais l’inspecteur Doyle (Robert cummings) souhaite coincer le héros, qui va se trahir dans une scène au suspense inettendu. Ce film, aux cotés de The musketeers of Pig Alley (1912), de Griffith, et Regeneration (1915), de Raoul walsh, est l’une des premières grandes dates du film de gangsters, et la réalisation fait la part belle aux séquences tournées en intérieur, avec en particulier des scènes splendides tournées lors d’un cambriolage, vues du plafond. On évite le prêche grâce à la grande subtilité de la direction, et le rapport qui s’établit entre l’inspecteur et sa « proie » est très intéressant. Je soupçonne que ce soit un import Français, peut-être piqué à l’ancien collègue de Tourneur à l’Eclair, Victorin jasset, dont les feuilletons s’intéressaient beaucoup plus aux bandits qu’aux policiers.

Trilby (1915) Avec la grande actrice Clara Kimball Young. Voilà une relative déception, due autant à la vision récente de son remake (Svengali, de Archie Mayo, avec John Barrymore et Marian Marsh, sorti par Warner en 1931), qu’à la médiocrité visuelle du DVD Alpha que j’ai visionné. Cette histoire de George du Maurier de génie qui hypnotise la femme de ses rêves permet au moins à Tourneur de continuer à explorer les possibilités narratives du tournage en intérieurs, avec une scène de concert aux multiples angles de prise de vue : le public vu de la scène, deux membres du public vus en plan rapproché, la cantatrice vue en plan rapproché, vue de dos depuis l’orchestre, etc.

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A girl’s folly (1916 , sorti en 1917). Ce film, dont Ann Harding a déjà parlé, n’est disponible que sous la forme d’une version abrégée, présentée sur le DVD Before Hollywood, there was Fort Lee, N.J. Contrairement à ce que disait Ann Harding, une version plus complète du film existe bien et est même disponible dans un DVD Américain d’un obscur producteur, Reel Classics :
http://www.silentera.com/DVD/girlsFollyDVD.html
Les dessous de tournage sont représentés sans aucune naïveté, et on peut même apercevoir Maurice Tourneur en pleine activité; pour le reste, je vous renvoie çà ce que disait plus haut mon éminente collègue qui a du reste sans doute vu les mêmes trente minutes que moi.

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Voila : en attendant la suite de cette exploration des années muettes de Maurice Tourneur, je constate que le voyage en vaut vraiment la peine…
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Re: Maurice Tourneur (1873-1961)

Message par someone1600 »

Toujours aussi passionnant Allen... mais ou trouves tu toutes ces informations... et quand trouve tu le temps de visionner tout ca tout en écrivant ces articles... :roll:
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Ann Harding
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Re: Maurice Tourneur (1873-1961)

Message par Ann Harding »

Pour complèter le sujet, voici ce que j'avais posté en décembre 2008 dans le topic des westerns:

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The Last of the Mohicans (1920, M. Tourneur & C. Brown)
Le film a été présenté dimanche dernier à la cinémathèque dans une superbe copie 35 mm d'une netteté et d'une beauté étonnante! :shock: Cela faisait un sérieux contraste avec les contretypes granuleux habituels pour le muet.

Cora Munro (Barbara Bedford) et sa jeune soeur sont escortées à travers la forêt jusqu'au fort commandé par leur père, Le général Munro. Mais, en route leur guide -à l'air passablement inquiétant- l'indien Magua (Wallace Beery) se perd...

Cette adaptation du roman de James Fenimore Cooper est absolument superbe. La cinématographie sur grand écran est spectaculaire avec des immenses forêts de pins surplombant des cascades et des lacs et le tout, filmé avec une science de la composition difficile à imiter. Les scènes des massacres perpétés par les hurons sont particulièrement effrayantes. Wallace Beery -méconnaissable sous son maquillage- incarne le mal et la concupiscence avec brio. Les autres acteurs du film sont également dignes d'éloges: Alan Roscoe (en Uncas) offre une charactérisation incroyablement moderne et Barbara Bedford est tout simplement formidable en Cora. Elle est déterminée et farouche comme la fragile Mary Johnson dans Le Trésor d'Arne (1919, M. Stiller).
Spoiler (cliquez pour afficher)
La séquence finale avec la mort de Cora et Uncas fait vraiment froid dans le dos.
Un film à découvrir d'urgence. :)
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Re: Maurice Tourneur (1873-1961)

Message par Tom Peeping »

Je ne savais pas que The Last of the Mohicans existait en DVD ! D'après les avis du web, la copie est excellente (mais l'accompagnement électronique...). Merci pour l'info, Ann, je vais chercher ça.
... and Barbara Stanwyck feels the same way !

Pour continuer sur le cinéma de genre, visitez mon blog : http://sniffandpuff.blogspot.com/
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Re: Maurice Tourneur (1873-1961)

Message par allen john »

Maurice Tourneur et Mary Pickford n’ont fait que deux films ensemble, et Mary Pickford aura parfois tendance à minimiser le premier, Pride of the Clan, en raison probablement du manque de succès ; ces deux films représentent néanmoins une date dans la carrière de l’actrice, qui va ensuite consolider sa position de productrice dans une série de longs métrages, allant jusqu’à prendre son indépendance en co-créant United Artists. Avec le deuxième film, Poor little Rich Girl , Pickford va pour la première fois jouer sans réserves une jeune fille, ce qu’elle refera si souvent, et obtenir un grand succès, aussi bien critique que public. Le parcours de Tourneur à la Paramount sera d’autant plus facilité par cette réussite, et il pourra donner libre cours à ses recherches plastiques et narratives (Dont un prototype figure dans le très beau rêve de Poor little rich girl) dans d’autres films très ambitieux, dont The blue bird, en 1918.

Pride of the clan(1916, sorti en janvier 1917)

Pour cette histoire Ecossaise, on trouve Mary Pickford dans un rôle dramatique qu’aurait pu lui confier Griffith : elle est l’unique héritière du chef d’un clan (Récemment noyé lors d’une tempête) sur une île éloignée au large de l’Ecosse, et en tant que telle, elle devra assumer la tâche de mener le clan. Alors qu’elle se prépare à se marier avec l’homme qu’elle aime et qui l’aime depuis l’enfance, la vraie famille de celui-ci arrive et tente d’emporter le jeune homme sur le continent, forçant plus ou moins la jeune femme à renoncer à leur idylle. Ce petit film qui aurait pu en d’autres mains devenir un navet décoratif va devenir grâce à Tourneur et son équipe (Van Der Broek et Andriot sont les chef-opérateurs, les décors sont de ben Carré) composent un décor qui respire moins le folklore que le malaise de ces îles, tel qu’il sera capté par Michael Powell plus tard. Les plans du front de mer, avec tout le clan qui assiste résigné au naufrage du bateau qui ramène les pêcheurs, ont une beauté lourde de sens, avec ces rochers éparpillés, et cette dénivellation inconfortable. Le film ayant été tourné dans l’est, il se peut que ce soit la côte du Maine, souvent employée pour ce genre de productions. Les personnages sont souvent représentés en silhouettes, un procédé qu’affectionnent Tourneur et son équipe. Le film est un vague mélodrame, amis on appréciera son âpreté : voici, une fois de plus dans cette adolescence du cinéma Américain, un film adulte. Notons toutefois que la fin est sujette à caution, puisque j’ai vu un happy-ending, alors que Mitry, dans L’Anthologie du Cinéma, se rappelle une fin tragique.

Poor little riche girl (1917)

Ce film est peut-être la matrice des œuvres futures de l’actrice Mary Pickford, mais il s’agit bel et bien avant tout d’un film de Maurice Tourneur. Il conte les déboires d’une jeune fille riche que ses parents et son environnement ignore, jusqu’au jour ou un accident stupide du à la malignité d’un domestique menace la vie de l’héroïne. S’ensuit un curieux combat autour du lit de la malade, pour lui sauver la vie, combat relayé dans ses rêves par la jeune fille. La partie onirique est bien sur la plus belle du film, dans des décors irréels qui préfigurent le type de décors utilisés par Tourneur et Carré dans The blue bird, mais ici l’enjeu est de taille : la possible mort de la jeune héroïne se profile bien derrière la dernière partie. Le jeu naturaliste et sobre des interprètes, l’élégance des intérieurs, magnifiquement captés par la justesse des composition de Tourneur… Faut-il le rappeler, ces gens connaissaient leur affaire et le faisaient avec goût.

The Blue Bird(1918)
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Film hallucinant, The blue bird est un conte, pour enfants, certes, mais le merveilleux est sans doute une affaire trop sérieuse pour la laisser à n’importe qui, alors Tourneur a tout fait pour éviter les pièges de ce genre de film : voir à ce sujet les tentatives contemporaines : la série des films autour du Magicien d’Oz, vers 1914/1915, ou encore le Alice de 1915, ces films qu’on peut consulter, sont tous tellement irritant à regarder dans leurs choix esthétiques, leur gaucherie et leur vulgarité (les gestes, plus frénétiques que chez Sennett) qu’on accueillera avec d’autant plus de satisfaction ce film au rythme délicat et aux images composées avec soin, qui conte la quête merveilleuse de l’oiseau bleu par deux enfants qui partagent un rêve baroque. Alors, après, on aime ou pas, mais force est de constater que l’esthétique de ce film, forgée de film en film par Tourneur et augmentée de belles idées rendues possibles par l’irréalité de son sujet (Des silhouettes de gens en carton –pâte, des décors effectivement nus, dont on voit aussi bien le sol, que les murs, l’utilisation de surimpressions, etc) tient encore la route. Néanmoins, cela restera une expérience unique, Tourneur revenant ensuite à plus de réalisme dans les films suivants. A ce propos, un nouveau clin d’œil adulte dans ce film : lorsqu’au début de leur rêve les enfants partent après une discussion avec les fées, animaux et ustensiles qui les accompagneront dans leur périple, les parents qui ont entendu un bruit se lèvent, ofnt une tournée d’inspection, puis se recouchent rassurés : Tourneur nous montre alors les deux enfants que nous venons de voir partir, dans leur lit, profondément endormis.
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Re: Maurice Tourneur (1873-1961)

Message par allen john »

Après 1918 et son grand oeuvre Woman (Pas sorti en DVD, et conservé dans des copies 16 mm incomplètes) Tourneur a laissé libre cours à son réalisme et la partie la plus noire de son imagination a alors pris les commandes. Non que ses films soient jusqu'ici des bluettes: même The Blue bird peut parfois tourner au cauchemar, et son merveilleux n'est pas exempt d'une certaine menace; quant à ses films avec Mary Pickford, ils tranchent sur la future production de l'actrice dans ce domaine. En 1919, Tourneur adapte Joseph conrad dans un fiml surprenant par son âpreté, Victory, et va ensuite réaliser un chef d'oeuvre (ou le superviser, voir plus bas), avec une adptation de The last of the mohicans qui est le film muet le plus brutal que j'aie vu, tout en étant d'une beauté à hurler à la lune.

Victory (1919)
Heyst (Jack Holt), un écrivain revenu de tout, est parti s'installer dans une île du pacifique, au coeur d'un archipel. Il rencontre lors d'une rare escapade vers la civilisation (en fait une île plus grande) une violoniste (Seena Owen) qui souhaite elle aussi se retirer du monde. Les deux vont donc repartir vers lîle de Heyst, et une tentative de séduction de l'homme par lma femme, pas encore revenue de tout contrairement lui, sera interrompue par une menace inattendue: un hotelier libidineux (ce n'est pas un rôle de composition, c'est Wallace Beery) qui n'apprécie pas qu'on lui enlève l'objet de tous ses désirs se venge des héros en leur envoyant sous un faux prétexte trois bandits tous plus pervers et répugnants les uns que les autres: L'inquiétant Mr Jones (Ben Deely), Son secrétaire Ricardo, et le fort retardé, mais aussi très fort Pedro (Bull Montana). En profitant au maximum des décors naturels et de la luminosité particulière de cette île sur laquelle un volcan menace en permanence, envoyant durant tout le film des ombres mouvantes sur les protagonistes, Tourneur compose une fois de plus une oeuvre plastiquement superbe, mais laisse le drame éclabousser l'écran: sans compromission, il nous fait assisiter à deux meurtres, un suggérés, l'autre non, à une tentative de viol pour laquelle il a su prendre le sujet beaucoup plus frontalement que Griffith, en particulier en utilisant l'argument (traité sans complaisance!) de la nudité de Seena Owen sous son paréo. Chaney est, bien sur, très bon, mais en fait parfois un peu trop avec son Ricardo très (Trop?) typé "méchant mexicain". le salut vindra de là ou l'on ne l'attend pas dans ce film qui dépasse à peine une heure, mais qui est une merveille.

Treasure island (1920)
Oui, bon, ce film est perdu. Mais on remarquera d'une part que Tourneur s'attachait beaucoup à adapter des oeuvres littéraires Américaines, en ce tournant de la décennie, et par ailleurs, on peut réver devant ce film qui nous promet, si on le retrouve un jour, de belles émotions. De plus, Lon Chaney y jouait un rôle aussi, le deuxième de trois films pour Tourneur.
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The Last of the Mohicans (1920)
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Ann Harding a déja dit, de façon concise et définitive, le bien qu'il fallait penser de ce film:
Ann Harding a écrit : Cora Munro (Barbara Bedford) et sa jeune soeur sont escortées à travers la forêt jusqu'au fort commandé par leur père, Le général Munro. Mais, en route leur guide -à l'air passablement inquiétant- l'indien Magua (Wallace Beery) se perd...

Cette adaptation du roman de James Fenimore Cooper est absolument superbe. La cinématographie sur grand écran est spectaculaire avec des immenses forêts de pins surplombant des cascades et des lacs et le tout, filmé avec une science de la composition difficile à imiter. Les scènes des massacres perpétés par les hurons sont particulièrement effrayantes. Wallace Beery -méconnaissable sous son maquillage- incarne le mal et la concupiscence avec brio. Les autres acteurs du film sont également dignes d'éloges: Alan Roscoe (en Uncas) offre une charactérisation incroyablement moderne et Barbara Bedford est tout simplement formidable en Cora. Elle est déterminée et farouche comme la fragile Mary Johnson dans Le Trésor d'Arne (1919, M. Stiller).
Spoiler (cliquez pour afficher)
La séquence finale avec la mort de Cora et Uncas fait vraiment froid dans le dos.
Un film à découvrir d'urgence. :)
... je me contenterai d'ajouter que je savais avant de le découvrir que j'allais voir un film prenant, et bien sur beau plastiquement ( Ca tourne au gag, à force, mais le fait est de constater: Tourneur était décidément un génie de l'art plastique. c'est comme ça.); mais je ne m'attendais pas à une telle claque! Sinon, le film est le sujet d'une petite polémique d'historiens: Clarence Brown l'a revendiqué, dans la mesure ou il a du reprendre le tournage durant une maladie de Tourneur. Bon, d'une part, le film ressemble à du Tourneur, c'est indéniable, donc on peut envisager que Brown l'ait tourné (ou "exécuté" sous les instructions du maitre. D'autre part, j'aime bien Clarence Brown, mais si il a réalisé ce film, alors c'est, et de très très loin, son chef d'oeuvre: aussi beau à voir soit-il, son fameux (et souvent Tourneurien, remarquez) Flesh and the devil ne lui arrive pas à la cheville. Alors? Voir à ce sujet Clarence Brown, interrogé après la mort de Tourneur par Kevin Brownlow dans The parade's gone by.
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Re: Maurice Tourneur 1876 - 1961

Message par allen john »

allen john a écrit :
Figures de cire
(1913?) est un conte grand-guignolesque, fort timide dans sa réalisation, mais dans lequel Tourneur utilise les ombres et l’obscurité avec déjà un goût certain, et encore une fois, le jeu est économe, malgré une introduction /présentation des acteurs dans laquelle les trois protagonistes en font au contraire des tonnes (Voir les débuts de la dixième Symphonie et J’accuse de Gance, c’est à peu près le même esprit). Bien sur, il est facile de se jeter comme l’a fait notre Patrick Brion sur ce film pour en faire une esquisse des ambiances de La main du diable. Mais c’est surtout une trace ancienne des développements picturaux particuliers que Tourneur explorera aux Etats-Unis.
Pour juger sur pièces:
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Re: Maurice Tourneur (1873-1961)

Message par Ann Harding »

allen john a écrit :... je me contenterai d'ajouter que je savais avant de le découvrir que j'allais voir un film prenant, et bien sur beau plastiquement ( Ca tourne au gag, à force, mais le fait est de constater: Tourneur était décidément un génie de l'art plastique. c'est comme ça.); mais je ne m'attendais pas à une telle claque! Sinon, le film est le sujet d'une petite polémique d'historiens: Clarence Brown l'a revendiqué, dans la mesure ou il a du reprendre le tournage durant une maladie de Tourneur. Bon, d'une part, le film ressemble à du Tourneur, c'est indéniable, donc on peut envisager que Brown l'ait tourné (ou "exécuté" sous les instructions du maitre. D'autre part, j'aime bien Clarence Brown, mais si il a réalisé ce film, alors c'est, et de très très loin, son chef d'oeuvre: aussi beau à voir soit-il, son fameux (et souvent Tourneurien, remarquez) Flesh and the devil ne lui arrive pas à la cheville. Alors? Voir à ce sujet Clarence Brown, interrogé après la mort de Tourneur par Kevin Brownlow dans The parade's gone by.
Le paragraphe auquel tu fais référence dans The Parade's Gone By n'indique pas précisément le pourcentage du film réalisé par Brown. Il était l'assistant de Tourneur depuis plusieurs années et à même d'exécuter ses idées au mieux. Quand à ses propres muets, il vaudrait mieux le juger sur sa période pré-MGM. j'ai pu voir l'excellent The Goose Woman (Déchéance, 1925) qui est un film où l'on sent bien l'influence de Tourneur et qui mérite le détour. Smouldering Fires (La femme de 40 ans, 1925) est également très subtil et superbement photographié. Et finalement Kiki (1926) une comédie qui combine burlesque et sophistication. Ensuite, il devient un réalisateur MGM où règne le star-système et où son inventivité est plus 'cadrée'.
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