Le Cinéma italien naphta

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Ann Harding
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Re: Cinéma italien naphta (avant 1945)

Message par Ann Harding »

Grâce à un gentil forumer, j'ai pu voir cet excellent mélo. Merci à lui. :wink:

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Piccolo Mondo Antico (Le Marriage de Minuit, 1941) de Mario Soldati avec Alida Valli et Massimo Serato

1850, Franco Maironi (M. Serato) est issue d'une riche famille sur les bords du Lac de Côme. Il vit avec sa terrible grand-mère qui l'a déshérité sans qu'il le sache. Il décide d'épouser Luisa Rigey (A. Valli), qui est une roturière sans fortune, malgré l'opposition de sa grand-mère...

Ce Marriage de Minuit est une adaptation d'un roman d'Antonio Fogazzaro, un auteur que Soldati affectionnait pusiqu'il adapta pas moins de trois de ses romans. Nous sommes dans les années 1850 durant le 'Risorgimento' alors que les états du nord de l'Italie commencent à secouer le joug de l'occupation autrichienne, sur les bords du lac de Côme dans une ambiance assez morbide où les personnages semblent enfermés dans une vie qu'ils n'ont pas choisie. Comme dans Malombra, ce sont les femmes qui dominent l'intrigue. Il y a la belle Luisa, jouée avec un grand talent par la jeune Alida Valli, qui sacrifie tout à son amour avant de devenir quasiment une ombre suite à la mort de fille. Il y a aussi la terrifiante Marquise (Alda Dondini), la grand-mère de Franco, totalement cupide et égoiste. Le lac qui entoure les demeures ne semblent qu'être un élément qui ajoute au climat morbide avec ses noyés et ses averses violentes. Nous sommes dans le mélo en costume tels que les italiens l'avaient développé à cette époque. Ne pouvant critiquer le régime fasciste, il était plus facile de se réfugier dans le passé. Ce mouvement 'Calligraphique' a produit des films qui ont certainement mieux vieillis que certains mélos italiens des années 50 déconnectés de la réalité. Mario Soldati sait créer un climat et il nous fait ressentir le climat suffocant dans lequel vivent ses personnages. Franco est un aristocrate et il est victime de sa caste. Il s'en sortira en s'éloignant de sa région et en partant pour Turin où il pourra rejoindre l'insurrection contre les autrichiens. Luisa n'aura pas cette chance. Elle reste sur les bords du lac et ne pourra pas échapper à son destin. La scènes finale qui laissait espérer un éclair de lumière n'est en fin de compte qu'un adieu. Luisa sait, en écoutant les paroles de la chanson des patriotes italiens, qu'elle ne reverra jamais Franco. Un très beau mélo qui peut être comparé aux meilleurs mélodrames américains de l'époque.
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Re: Cinéma italien naphta (avant 1945)

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UN COUP DE PISTOLET(un colpo di pistola) de Renato CASTELLANI - 1942
Avec Assia NORIS, Fosco GIACHETTI et Antonio CENTA

Adaptation d’une nouvelle de Pouchkine : Deux officiers de la garde russe sont amoureux de la même jeune fille, Mascia. L'un, Andrea, est plutôt ombrageux et réservé. L'autre, Sergio est extraverti et sympathique. Ils décident de se battre en duel au pistolet ; Sergio tire le premier mais ne touche pas son adversaire. Andrea renonce à tirer, se réservant le coup pour plus tard, un jour où la vie de son rival lui semblera plus précieuse.

D’un raffinement exquis, cette adaptation (édulcorée) d’un roman de Pouchkine a été réalisée avec un goût infaillible : qu’il s’agisse de la visite des dames en crinolines à la garnison, de la chasse à courre ou du duel, à l’aube dans la brume, Renato Castellani a vraiment soigné la réalisation de son tout premier film : un drame très romantique dans des décors fastueux. S’il est desservi par la fort belle mais hélas si peu expressive Assia Noris, les superbes prestations de Fosco Giachetti, timide et tourmenté, et Antonio Centa (superbe dans la scène où effrontément il goûte quelques cerises alors que son ami a l’arme braquée sur lui) rachètent largement cette faiblesse. En effet, la perfection formelle et la rigueur (photographie impeccable, costumes d’une incroyable richesse) n’empêche pas le cinéaste de mener aussi une étude intéressante de la psychologie personnages principaux, qui éprouvent les plus grandes difficultés à exprimer leurs sentiments. Une réussite qui donne vraiment envie de voir d’autres films de ce cinéaste dont le film néo-réaliste Deux sous d’espoir remporta plusieurs prix internationaux en 1952.
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Re: Cinéma italien naphta (avant 1945)

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PHARES DANS LE BROUILLARD (Fari nella nebbia) de Gianni FRANCIOLINI - 1942
Avec Fosco GIACHETTI, Luisa FERIDA, Antonio CENTA et Mariella LOTTI

Brouillé avec sa femme, un camionneur entretient une liaison avec une femme volage.

Phares dans le brouillard est un des films précurseurs de la vague néo-réaliste (peut-être même le premier selon certaines encyclopédies), et franchement une véritable réussite. Se démarquant totalement de l’esthétisme et du style précieux en vogue pendant la guerre (le fameux mouvement calligraphiste qui a donné des chefs d’œuvre comme Malombra ou le coup de pistolet), le film met en scène des camionneurs et illustre avec beaucoup d'authenticité leurs difficultés professionnelles et personnelles. On retrouve un peu du climat des drames réalistes français de l’immédiat avant-guerre comme Quai des brumes, sans la dimension poétique, avec un souci plus appuyé de coller à la réalité. On pénètre dans les foyers, on suit le trajet des camionneurs et tout sonne juste, dans le moindre détail, jusqu’aux gamins de la rue turbulents qui écrivent leurs noms sur le capot poussiéreux du camion pendant que les conducteurs sont sortis.
L’histoire « d’amour » qui vient se greffer sur ce décor sonne juste également : le camionneur possessif, dominateur et trop souvent absent est délaissé par sa femme, qui quitte le foyer : il la trompe avec une fille facile, avant de reprendre ses esprits. La stricte morale de l’époque est donc respectée et tout finit par rentrer dans l’ordre : la femme trompée regagne son foyer qu’elle n’aurait jamais dû quitter (son mari a toujours détesté la voir travailler dans un magasin, et préfère la savoir chez lui).
Cependant le cinéaste traite les sentiments contradictoires des trois personnages principaux avec le même souci de vérité et le résultat est d’autant plus réussi que les acteurs sont excellents, y compris la fameuse Luisa Férida (ardente mussolinienne et collaboratrice très compromise, elle sera fusillée par les partisans en 1945).
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Re: Cinéma italien naphta (avant 1945)

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NOS REVES (I nostri sogni) de Vittorio COTTAFAVI -1943
Avec Vittorio DE SICA, Maria MERCADER et Paolo STOPPA

Leo est un bonimenteur de foire et beau parleur sans scrupules. Une occasion l'amène à jouer le rôle de Tuns, fils d'un magnat de l'industrie. Pour une soirée, il est chargé d'accompagner la fille d'un modeste comptable de l'entreprise. Il l'emmène dans un luxueux restaurant et elle est éblouie par les largesses de ce faux millionnaire. Mais l'imposture va être très rapidement découverte…

Décidemment, les italiens avaient vraiment le coup de main pour concevoir ce genre de comédie chaleureuse, humaine et charmante. Sous ses allures de la comédie de boulevard classique avec son lot de quiproquos, le film nous offre une petite leçon de morale ainsi qu’une critique assez corrosive de la haute bourgeoisie et des mentalités de l’époque. Si on vente les valeurs simples des classes populaires, par rapport aux genres riches, inconsistants, coupés des réalités dans un monde d’hypocrisie et de faux semblants (le vieux millionnaire gâteux qui gaspille sa fortune en chassant le rhinocéros), j’ai trouvé que l’intelligence du propos et la façon de traiter le sujet se détachaient du simple populisme mussolinien.
Eblouie par le luxe et un train de vie du faux millionnaire qui la fait rêver, la modeste fille du petit employé n’aura pas besoin de plus d’une nuit pour se rendre compte que le vrai bonheur est ailleurs ; De même le beau parleur (merveilleux Vittorio de Sica, dans une performance à la fois pleine de verve et touchante)ne tarde pas à être pris au piège de sa propre imposture, en tombant fou amoureux de la jolie fille, et en comprenant que tout ne s’achète pas avec de l’argent. Un joli premier film pour Cottafavi qui deviendra un spécialiste du péplum.
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bruce randylan
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Re: Cinéma italien naphta (avant 1945)

Message par bruce randylan »

Music Man a écrit :Image
PHARES DANS LE BROUILLARD (Fari nella nebbia) de Gianni FRANCIOLINI - 1942
Avec Fosco GIACHETTI, Luisa FERIDA, Antonio CENTA et Mariella LOTTI

Brouillé avec sa femme, un camionneur entretient une liaison avec une femme volage.

Phares dans le brouillard est un des films précurseurs de la vague néo-réaliste (peut-être même le premier selon certaines encyclopédies), et franchement une véritable réussite. Se démarquant totalement de l’esthétisme et du style précieux en vogue pendant la guerre (le fameux mouvement calligraphiste qui a donné des chefs d’œuvre comme Malombra ou le coup de pistolet), le film met en scène des camionneurs et illustre avec beaucoup d'authenticité leurs difficultés professionnelles et personnelles. On retrouve un peu du climat des drames réalistes français de l’immédiat avant-guerre comme Quai des brumes, sans la dimension poétique, avec un souci plus appuyé de coller à la réalité. On pénètre dans les foyers, on suit le trajet des camionneurs et tout sonne juste, dans le moindre détail, jusqu’aux gamins de la rue turbulents qui écrivent leurs noms sur le capot poussiéreux du camion pendant que les conducteurs sont sortis.
L’histoire « d’amour » qui vient se greffer sur ce décor sonne juste également : le camionneur possessif, dominateur et trop souvent absent est délaissé par sa femme, qui quitte le foyer : il la trompe avec une fille facile, avant de reprendre ses esprits. La stricte morale de l’époque est donc respectée et tout finit par rentrer dans l’ordre : la femme trompée regagne son foyer qu’elle n’aurait jamais dû quitter (son mari a toujours détesté la voir travailler dans un magasin, et préfère la savoir chez lui).
Cependant le cinéaste traite les sentiments contradictoires des trois personnages principaux avec le même souci de vérité et le résultat est d’autant plus réussi que les acteurs sont excellents, y compris la fameuse Luisa Férida (ardente mussolinienne et collaboratrice très compromise, elle sera fusillée par les partisans en 1945).
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Vu à la cinémathèque dans le cadre "films noirs" (bon, sachant que pour beaucoup de titres sélectionnés, la filiation est vraiment lointaine)

Je rejoins Music Man sur les qualités de ce film vraiment excellent. L'ancrage dans un quotidien tout ce qu'il y a de réaliste est bien sûr l'une des grande force du film. On y trouve un vrai sens du détail, un atmosphère pesante avec un grisaille sociale très dominante et surtout des personnages forts. Ceux ci sont très bien écrit avec ce qu'il faut d'humanité, d'orgueil, de résignation, de fatalité, d'espoir, de faiblesses, de justesses. Leur comportement est autant dicté par les contraintes professionnels, leurs affectifs et leurs passés. Mine de rien, ce genre d'équilibre est assez délicat à doser pour que le film ne penche jamais dans le mélodrame, le film noir ou la chronique sociale. Le film possède vraiment une très belle cohérence et unité dans l'évolution de son histoire et de la psychologie en évitant autant que possible les stéréotypes même si l'histoire les côtoient fortement (cf le dénouement, petit bijou qui déjoue tous les pronostics qu'on était sur le point d'attendre et parvient à rendre touchant une conclusion moralisatrice).
De plus les acteurs sont très crédibles et surtout la mise en scène est à la hauteur de l'écriture avec une photographie solide, qui ne tombe ni dans le naturalisme ni dans le post-expressionnisme. La caméra s'avère en plus mobile mais sans excès démonstratifs, elle capte juste ce qu'il faut du mouvement "interne" pour mettre en valeur les personnages et les situations.
Voilà, après ce n'est peut-être pas un chef d’œuvre mais une belle réussite en tout cas

A noter cela dit que le film s'inspire grandement de They drive by night de Raoul Walsh dont la première moitié possède un vrai contexte social également (mais je n'ai pas eut l'occasion de juger sur pièces).


De l'année 1942 j'ai aussi vu dans ce cycle Ce soir rien de nouveau de Mario Mattoli qui est bien loin de cette qualité sans être déshonorant non plus. On s'éloigne beaucoup du néo-réalisme pour se rapprocher bien plus du mélodrame dans un cette histoire où un journaliste déchu décide d'aider une prostituée en lui trouvant une place dans un centre de "ré-insertion" tenues par des Soeurs. Il cherche ainsi à lui tendre la main après qu'elle l'ai soigné des années avant lorsqu'il était frappé d'une fièvre violente.
Les personnages ne sont pas inintéressants (avec quelques sursauts plutôt réalistes) mais la mise en scène, le traitement général comme les acteurs manquent vraiment de finesse, de subtilité et au final d'émotion. La fin se vautre allégrement dans des péripéties mélodramatiques exagérées et grotesques.
Dommage car il avait moyen d'en faire quelque chose de plus mélancolique et grave à l'instar du personnage secondaire, l'ami du journaliste, qui a connu une situation similaire et qui regarde la situation de l'extérieur.
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Re: Cinéma italien naphta (avant 1945)

Message par Music Man »

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LES FIANCES (I promessi sposi) de Mario CAMERINI – 1941
Avec Gino CERVI, Dina SASSOLI, Ruggero RUGGERI et Carlo NINCHI

En Lombardie entre 1628 et 1630, au temps de la domination espagnole, le curé d’un petit village est forcé par le seigneur local à ajourner le mariage de Renzo Tramaglino et Lucia Mondella. Le vilain seigneur est en effet très épris de la belle Lucia qu’il fera même kidnapper au couvent...

Les fiancés est l’adaptation à l’écran d’un très célèbre roman populaire italien de Alessandro Manzoni, considéré comme l'œuvre la plus représentative du romantisme italien. J’avoue humblement que j’en ignorais l’existence ! Les épisodes rocambolesques et les épreuves les plus pénibles vont se succéder pour les malheureux fiancés : famine, épidémie de peste, enlèvement au couvent…Si les différents épisodes de cette épopée romanesque m’ont paru parfois décousus ou survolés (j’imagine qu’il a dû être difficile de résumer le roman en deux heures), et parfois un peu pesamment mis en scène (surtout dans la première partie. Mario Camerini m’avait semblé plus à l’aise dans la comédie légère), la débauche de moyens, de figurants (des centaines) est impressionnante. La reconstitution de l’épidémie de peste à Milan est également fort réussie et vraiment spectaculaire. Le film et le roman probablement véhiculent un fort message religieux, prônant le pardon, l’amour du prochain, la fraternité et le dévouement, incarnés par le père Cristoforo. La rédemption du personnage de l’Innominato qui fait enlever Lucia avant de se repentir de ses péchés dans une prise de conscience douloureuse est également un des points culminants de cet ouvrage très marqué par les convictions chrétiennes de son auteur. Ces messages de paix et d’amour éclairent la seconde partie de cette épopée historique n lui donnant une profondeur certaine. Coté interprétation, si la triste Dina Sassoli m’a semblé très convaincante, le personnage principal aurait mérité d’être interprété par un comédien plus fougueux et plus habité que Gino Cervi. Belle transcription en DVD.
Compte tenu de l’immense popularité du roman en Italie, il existe bien d’autres versions filmées et télévisées (3 muettes, une avec Alberto Sordi, Burt Lancaster et Helmut Berger,…)
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riqueuniee
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Re: Cinéma italien naphta (avant 1945)

Message par riqueuniee »

Manzoni semble aussi connu des Italiens que Victor Hugo chez nous (Les Fiancés semble autant adapté là-bas que les Misérables en France !). Le requiem de Verdi a d'ailleurs été composé à l'occasion de l'hommage qui lui a été rendu après son décès. C'est par ce biais que j'ai appris l'existence de cet écrivain, dont les oeuvres ne sont pas beaucoup diffusées en France.
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Re: Cinéma italien naphta (avant 1945)

Message par daniel gregg »

Music man, tu l'as vu à la Cinémathèque ?
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Re: Cinéma italien naphta (avant 1945)

Message par Music Man »

Non, sur le DVD italien
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Re: Cinéma italien naphta (avant 1945)

Message par Music Man »

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SEPT FEMMES, SEPT DESTINS (NESSUNO TORNA INDIETRO) de Alessandro BLASETTI – 1943
Avec Doris DURANTI, Maria DENIS, Vittorio de SICA, Elisa CEGANI, Valentina CORTESE, Maria MERCADER, Dina SASSOLI, Mariella LOTTI

La vie et les amours de 7 jeunes étudiantes hébergées dans une pension. L’une s’enfuit après avoir raté un examen et devient la maîtresse d’un riche industriel milanais. L’autre s’éprend d’un jeune espagnol qui va mourir pendant la guerre civile...

Alessandro Blasetti nous propose ici un drame de très bonne facture et une étude de 7 personnages féminins aux caractères très différents et aux destinées très opposées. Evidemment qui trop embrasse mal étreint, et on a du mal au début à cerner la personnalité et les histoires sentimentales de ces jeunes femmes, qui ressemblent plus à des stars de cinéma sophistiquées qu’à de vraies étudiantes. Finalement, on apprend à mieux les connaître et les comprendre dans la seconde partie du film quand les drames se nouent et qu’un bilan est dressé lors du mariage de Maria Denis, où chacune va se retrouver. Une finale émouvante d’ailleurs avec un constat des réussites des unes et des déceptions des autres.
Le film semble s’inspirer de films hollywoodiens comme Pensions d’artistes avec des personnages bien typés : ainsi la sérieuse et rigide Elisa Cegani qui devient l’assistante d’un professeur marié dont elle tombe amoureuse, rappelle fort Katharine Hepburn. L’ambitieuse Valentina Cortese, un rien persifleuse se rapproche d’Ann Sothern. La très sophistiquée Doris Duranti de Joan Crawford…
Au fil des mésaventures croisées de ses demoiselles, le cinéaste nous propose une vision acerbe s’une certaine bourgeoisie milanaise, ainsi qu’une critique de la morale très étriquée de l’époque et du rôle de la femme de la société. Même si le pari n’est pas totalement réussi, et un peu confus dans sa première partie, l’interprétation des actrices est de premier ordre (elles étaient toutes très connues dans leur pays à l’époque : une bonne opportunité pour les (re)découvrir )et rend le film assez vivant, à défaut d’être toujours crédible.
Terminé avant l’armistice italien (8 septembre 1943), le film a été tourné dans des conditions épouvantables, interrompu souvent par des bombardements. La façon dont le roman d’Alba de Céspedes dont a été tiré le film a été quelque peu altéré est à relier avec l’idéologie fasciste du moment : il fallait absolument que le personnage de femme entretenue joué par Mariella Lotti se repente à la fin, de même que Doris Duranti, la mère célibataire, se marie. On notera que le roman de Céspedes avait failli être censuré et interdit par les fascistes lors de sa sortie en 1938.
Il ne sortira qu’en hiver 1945 avec des critiques souvent très défavorables (notamment de Dino Risi et Comencini, alors journalistes) envers un film qui reflétait l’époque révolue d’un certain cinéma clinquant reposant sur de star system, mis à mal par le néo-réalisme triomphant.
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Dernière modification par Music Man le 4 janv. 13, 20:03, modifié 1 fois.
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Re: Cinéma italien naphta (avant 1945)

Message par Music Man »

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NOUS LES VIVANTS (Noi vivi) de Gofredo ALESSANDRINI – 1942
Avec Fosco GIACHETTI, Alida VALLI et Rossano BRAZZI

En Russie, quelques années après la révolution d’octobre, une jeune bourgeoise tombe amoureuse d’un aristocrate surveillé par la police.

Nous les vivants est une adaptation non autorisée d’un roman anti-communiste de Ayn Rand *, We the living, où l’auteur évoque les difficultés de la vie quotidienne en Russie après la révolution d’octobre. Compte tenu de sa longueur (près de 4 heures) le film fut diffusé en deux parties : Nous les vivants et Adieu Kyra.
En raison de son attaque directe du régime communiste, le film passa le cap de la censure mussolinienne et fut présenté avec grand succès sur les écrans italiens, remporta un prix au festival de Venise…avant d’être interdit quelques mois plus tard quand le régime fasciste réalisa que le Nous les Vivants n’était pas qu’une critique du régime communiste mais une charge contre toutes les dictatures et plus particulièrement le fascisme…et le public ne s’y était pas trompé !
Le film resta ensuite invisible pendant de très longues années, pour des raisons juridiques, la romancière refusant que le film, tourné sans son consentement, ne bénéficie d’une nouvelle sortie. Elle finit par donner son accord (en exigeant néanmoins la coupure de plusieurs scènes, dont la fin tragique qui selon elle ne collaient pas avec l’esprit de son livre et le doublage d’un speech de Fosco Giachetti), vers la fin de sa vie, quand les négatifs du film furent retrouvés et Nous les vivants furent enfin exploités aux USA , en un seul morceau, avec sous-titres anglais, et un succès très inattendu pour un vieux film italien.

La version filmée est certes une critique du régime communiste sans concession et virulente (on y dépeint la grande pauvreté, la situation économique déplorable, l’impossibilité de trouver un travail pour ceux qui refusent d’adhérer au parti**, la terreur, l’injustice, la corruption, le marché noir). Il est criant que le film est également une attaque contre le régime fasciste, dont la déconfiture était toute proche, notamment dans la seconde partie, qui offre un curieux jeu de miroir. Les plus ardents révolutionnaires se trouvent assaillis par le doute, choqués par la corruption du parti, et anéantis.
Mais le film est avant tout une grande histoire d’amour, intense et romanesque. Si Alida Valli, pas toujours très expressive, m’a un peu déçu dans le rôle principal, les deux acteurs masculins sont en revanche brillants et disposent de la présence nécessaire pour faire vibrer cette flamboyante histoire d’amour : surtout Fosco Giachetti, magnifique et poignant, qui sacrifie son statut et son idéal par amour : quel charisme ! Rossano Brazzi trouve quant à lui le meilleur rôle de sa carrière. Un manque de budget criant empêche le film de se doubler d’une grande fresque historique ou d’une épopée : Pour relater les évènements mouvementés (poursuites, révoltes), le cinéaste n’a pas beaucoup de marges de manœuvre (par exemple lors de la tentative de fuite en bateau, on reste toujours dans la cabine, sans jamais voir le navire). Même si on évolue dans une Russie de carton-pâte, Alessandrini parvient à apporter le climat romantique nécessaire à cette tragique histoire d’amour, en scrutant les visages des acteurs principaux, à travers la neige et le brouillard.

Les amateurs de drames passionnés et habités ne pourront qu’aimer cette superbe et tragique romance. On peut néanmoins regretter les coupes pas toujours justifiées que la romancière a exigé dans le film et notamment la finale… qui était pourtant fidèle au roman !!
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*une romancière et philosophe très controversée connue surtout pour son best-seller « the fountainhead /la source vive » qui fut adapté à l’écran en 1948 par King Vidor avec Gary Cooper sous le titre « le rebelle »
** c’était évidemment également le cas dans l’Italie fasciste.
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Re: Cinéma italien naphta (avant 1945)

Message par Ann Harding »

Tout à fait d'accord avec Music Man. Ce mélo d'Alessandrini est absolument formidable grâce à ses interprètes. L'Italie des années 40 a produit d'excellents mélo flamboyants. Quant à Ayn Rand, elle est encore prise au sérieux par quelques néo-conservateurs américains extrémistes. Cela paraît incroyable quand on lit sa prose qui rappelle plus le best-seller/mélo échevelé qu'une quelconque pensée politique cohérente. Cela dit ses oeuvres ou ses scénarios ont produit des mélo fort intéressants comme Love Letters (1945, Wm Dieterle).
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Re: Cinéma italien naphta (avant 1945)

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NUIT TRAGIQUE (Tragica notte) de Mario SOLDATI – 1942
Avec Doris DURANTI, Carlo NINCHI et Andrea CECCHI

Un braconnier agresse et moleste lourdement un garde-chasse qui l’a dénoncé. Ce dernier entreprend de se venger en insinuant adroitement que son épouse a une liaison avec un conte et en essayant de faire naître une véritable idylle entre les deux.

Ce qui séduit surtout dans cette nuit tragique c’est sa plastique et sa splendide photographie, absolument mise en valeur par l’impeccable restauration effectuée sur le DVD. On sent déjà poindre le néo-réalisme avec la façon dont le cinéaste s’attarde sur la vie des paysans, la moisson, la fête du village. C’est filmé sans aucun misérabilisme, bien au contraire, mais avec un souci du détail et un sens de l’image vraiment remarquable (le directeur de la photo est Terzano Martinelli). J’ignore dans quel endroit de Toscane le film a été tourné, mais le paysage accidenté, d’une beauté époustouflante, se prête bien à cette histoire de vengeance d’une forte tension dramatique. Sinon, le sujet m’a moins passionné, hormis l’étude assez fine de certains caractères et notamment de l’amour ressenti entre Doris Duranti et le conte, d’autant plus fort et palpable qu’il ne se concrétisera jamais. La conclusion du film (ou plutôt l’absence de vraie conclusion) m’a un peu déconcerté.
On remarquera que le générique mentionne le nom de Dori Duranti sans le S à la fin de son prénom. Le régime fasciste italien était alors en pleine campagne nationaliste d’italianisation, et le prénom de la star numéro 1 du cinéma fasciste* (assez fade, timide et en retrait dans ce film) avait soudain paru trop américain !!
* elle était la maîtresse du ministre de la culture populaire, Alessandro Pavolini qu’elle à suivi à Salo en 1943.
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Re: Cinéma italien naphta (avant 1945)

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LA COURONNE DE FER de Alessandro BLASETTI – 1941
Avec Luisa FERIDA, Gino CERVI, Massimo GIROTTI, Elisa CEGANI et Osvaldo VALENTI

La « couronne de fer » est une sainte relique dotée de pouvoirs magiques, d'après la tradition. Plusieurs rois se la disputent. Sedemondo, un usurpateur va tenter de la détruire, mais le jeune Arminio va l'en empêcher.

Si je me fie à Wikipedia, « L’heroic fantasy, ou merveilleux héroïque, est un genre de littérature épique, d'œuvres centrées sur des aventures héroïques dans des mondes imaginaires au contexte antique, médiéval ou proto-médiéval. » Apparu dans les années 30 aux USA, ce terme est vraiment celui qui convient pour La couronne de fer, film italien devenu culte, épopée héroïque et magique qui émerveilla les spectateurs pendant la guerre (le film remporta un franc succès chez nous pendant l’occupation). Bien avant le seigneur des anneaux, ou encore les films des années 80 (Excalibur, l’histoire sans fin), on savait conter avec talent des histoires merveilleuses de bravoure et de courage, avec des super héros glorieux dans un univers magique. Si au départ, on peut être surpris par ce conte de fée aux allures bibliques flirtant entre épopée du moyen âge, Robin des bois et les aventures de Tarzan (le jeune Massimo Girotti en pagne, élevé par des lions), on est également époustouflé par la virtuosité de Blasetti dont le meilleur atout est le sens du rythme et la rapidité : il a vraiment l’art d’enchainer les séquences par un montage des plus vifs qui donne vraiment du souffle au récit, au risque d’être un peu confus. Barbarie, violence, magie, amour et vengeance tous les ingrédients sont là pour faire vivre les spectateurs. Et tant pis si on rend compte que le cinéaste ne dispose que de deux lions assez inoffensifs dans une cage, on tremble pourtant pendant le tournoi (le clou du film, du grand art), car le cinéaste n’a pas son pareil pour donner l’illusion grâce à un excellent montage et un sens de la caméra. Gino Cervi dans le rôle du méchant roi en fait des tonnes et son jeu m’a fait penser un peu à celui de Depardieu. Elisa Cegani est comme toujours brillante, quant à Luisa Ferida en farouche guerrière, elle est excellente et bien meilleure que ne l’accorde généralement la critique même de l’époque. (On rappellera que cette star du cinéma fasciste et son mari Osvaldo Valenti – fameux dans la scène du tournoi- seront exécutés en 1945).
Si certains historiens prétendent qu’il s’agit d’un film de propagande, Blasetti s’en est toujours défendu, en arguant que le film prônait la liberté et la victoire du bien sur le mal ; il parait que Goebbels le détesta d’emblée et s’arrangea pour que le film ne soit pas diffusé en Allemagne.
En tous les cas, c’est un film qui conserve encore une bonne partie de sa capacité d’émerveillement et dont le rythme vraiment très rapide lui donne une certaine modernité.
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Supfiction
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Re: Le Cinéma italien naphta

Message par Supfiction »

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Vu Seule contre la mafia de Damiano Damiani diffusé au cinéma de minuit dimanche dernier.
J'ai été vraiment bluffé à la fois par le personnage et par le jeu d'Ornella Muti (que l'on reconnait tout juste), 15 ans à peine et qui affronte seule le caïd local et qui surtout doit le faire contre ses parents et ses voisins tous aussi lâches les uns que les autres. On est révolté contre la bassesse humaine mais heureusement en même temps stupéfait par le courage et l'aplomb de la gosse en question. Une belle découverte.
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