Mes funérailles à Berlin (Guy Hamilton - 1966)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Julien Léonard
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Re: Mes funérailles à Berlin (Guy Hamilton - 1966)

Message par Julien Léonard »

Il y a environ deux mois, je m'étais refait la trilogie (je ne compte pas les deux derniers, durant les années 1990, et ce volontairement). J'en parlais avec un ami hier, et finalement nous sommes tombés d'accord.

Ipcress, Danger Immédiat - Sindey J. Furie (1965)

Dans le fond, celui que j'aime le moins serait aujourd'hui le premier opus, pourtant souvent considéré comme l'épisode le plus aboutit. J'ai trouvé la réalisation de Sidney J. Furie intéressante et souvent ingénieuse, mais aussi lourde et empesée. Pas une seule séquence n'est épargnée. Même filmer un personnage en train de boire son café devient un exercice de style fatigant et rapidement énervant. Michael Caine est génial, John Barry signe une musique superbe, et l'ensemble de la distribution (Nigel green en tête, comme toujours) est fort soignée. L'intrigue, solidement écrite, échoue dans une dernière ligne droite un peu grossière en dépit d'un jeu de torture malaisant et relativement tendu. Un film plutôt bon, mais trop inégal et surtout déceptif au fil de sa durée. Reste un sentiment mitigé. Un classique qui ne m'a pas réellement convaincu à la revoyure.

Mes Funérailles à Berlin - Guy Hamilton (1966)

Alors que j'ai longtemps commis l'erreur de souligner le deuxième opus comme étant parfaitement anodin, je le revois désormais à la hausse. J'y prends beaucoup plus de plaisir que durant le premier épisode. C'est un vrai film d'espionnage sobre et sincère, austère et d'une couleur terne qui sert parfaitement son propos. Un Berlin est/ouest plus vrai que nature, des rebondissements crédibles et refusant le moindre débordement fantaisiste, sans oublier une issue bien amenée. Certains trouveront que l'on s'ennuie. D'autres, comme moi, lui trouveront un certain nombre de qualités : Michael Caine est plus sage que durant son aventure précédente (mais impeccable), la réalisation de Guy Hamilton est remarquable (un vrai sens du cadre et de la composition, une utilisation sans effusion de la profondeur de champ, une ambiance soignée), le personnage du colonel Stok est une invention assez réussie (qui sera mieux utilisée dans l'opus suivant), et l'ensemble tient très bien la route encore aujourd'hui. J'ai beaucoup aimé le film, son air frustre, sa discrétion dans les effets, cette identité versant davantage vers L'espion qui venait du froid de Martin Ritt (toute proportion gardée bien entendu, mais l'on y retrouve ces rapports humains sans passion et cette solitude un peu désemparée qui sied bien au personnage), ainsi que son supplément d'âme qui fait de son anti-héros un homme déçu, un peu tourmenté, dégouté à la fin des services pour lesquels il travaille. Les dernières minutes sont très désenchantées, très jolies. Un film à redécouvrir.

Un Cerveau d'un Milliard de Dollars - Ken Russell (1967)

Le troisième opus, quant à lui, est difficile à résumer en quatre lignes. Disons sans détour qu'il s'agit du meilleur de la trilogie ! Cela commence comme un film d'espionnage glacial et labyrinthique pour enfin ressembler à un James Bond décalé, sordide et totalement grotesque. Un film farfelu qui plonge dans le gouffre du pastiche le temps de plusieurs séquences mémorables. Le budget est sévèrement revu à la hausse, la réalisation de Ken Russell souvent brillante, la photographie magnifique, les couleurs dispersées avec soin, la tension bien construite, non sans oublier un humour souvent cynique, frisant le délire. La dernière demie-heure est un monument de n'importe quoi totalement assumé et maîtrisé, et que n'aurait pas renié le Stanley Kubrick du Docteur Folamour. Disons-le simplement, c'est génial ! Le rythme gagne en intensité avec le temps, la distribution est remarquable (Karl Malden, la regrettée Françoise Dorléac -ici dans son dernier film-... et bien sûr Ed Begley, littéralement fantastique !), la réapparition du colonel Stok est savoureuse, et le film ne se perd jamais en route. Cette troisième aventure confirme donc que la saga est toujours parvenue à renouveler son style et son originalité de ton, tout en faisant évoluer tranquillement Harry palmer, auquel Michael Caine donne ici une vraie valeur ajoutée. Les dernières minutes sur la banquise sont superbes, notamment grâce au jeu de Caine, d'une grande subtilité. L'émotion pointe encore le temps de quelques secondes, lorsque c'est décidément le regard d'un homme déçu par les femmes qui s'exprime. Palmer reste finalement un romantique qui s'ignore, toujours trahi/trompé par les femmes qu'il a croisé le temps de ses missions. Un motif qui rehausse encore son humanité sous-jacente. Un bel effort que ce film, une belle surprise, et qui profite de l'excellente musique de Richard Rodney Bennett (le générique au piano possède un lyrisme romantique qui m'a fait vibrer).
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Rick Blaine
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Re: Mes funérailles à Berlin (Guy Hamilton - 1966)

Message par Rick Blaine »

Pour moi le meilleur reste le premier, la mise en scène de Furie installe une tension presque inégalée et crée un film plutôt unique. Associé à la musique de Barry, et surtout à une écriture très riche, notamment celle des personnages, ça donne quelque chose de très réussi.

Le Hamilton se révèle plus difficilement, il semble anodin à première vue mais après plusieurs visions, son austérité devient une force. Je trouve que ton rapprochement avec le Ritt est assez pertinent.

D'accord avec toi (sauf pour la hiérarchie !) sur le Russell, un film totalement fou.

J'aime beaucoup ces 3 films finalement, très différents formellement, complémentaires.

Il faut toujours que je vois les deux films des 90's, mais je n'y crois pas beaucoup.
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Re: Mes funérailles à Berlin (Guy Hamilton - 1966)

Message par Jack Carter »

Julien Léonard a écrit :
Un Cerveau d'un Milliard de Dollars - Ken Russell (1967)

Le troisième opus, quant à lui, est difficile à résumer en quatre lignes. Disons sans détour qu'il s'agit du meilleur de la trilogie ! Cela commence comme un film d'espionnage glacial et labyrinthique pour enfin ressembler à un James Bond décalé, sordide et totalement grotesque. Un film farfelu qui plonge dans le gouffre du pastiche le temps de plusieurs séquences mémorables. Le budget est sévèrement revu à la hausse, la réalisation de Ken Russell souvent brillante, la photographie magnifique, les couleurs dispersées avec soin, la tension bien construite, non sans oublier un humour souvent cynique, frisant le délire. La dernière demie-heure est un monument de n'importe quoi totalement assumé et maîtrisé, et que n'aurait pas renié le Stanley Kubrick du Docteur Folamour. Disons-le simplement, c'est génial ! Le rythme gagne en intensité avec le temps, la distribution est remarquable (Karl Malden, Françoise Dorléac -ici dans on dernier film-... et bien sûr Ed Begley, littéralement fantastique !), la réapparition du colonel Stok est savoureuse, et le film ne se perd jamais en route. Cette troisième aventure confirme donc que la saga est toujours parvenue à renouveler son style et son originalité de ton, tout en faisant évoluer tranquillement Harry palmer, auquel Michael Caine donne ici une vraie valeur ajoutée. Les dernières minutes sur la banquise sont superbes, notamment grâce au jeu de Caine, d'une grande subtilité. L'émotion pointe encore le temps de quelques secondes, lorsque c'est décidément le regard d'un homme déçu par les femmes qui s'exprime. Palmer reste finalement un romantique qui s'ignore, toujours trahi/trompé par les femmes qu'il a croisé le temps de ses missions. Un motif qui rehausse encore son humanité sous-jacente. Un bel effort que ce film, une belle surprise, et qui profite de l'excellente musique de Richard Rodney Bennett (le générique au piano possède un lyrisme romantique qui m'a fait vibrer).
Entierement d'accord avec tes propos, le meilleur pour moi aussi (faut dire que j'apprecie sans plus le premier volet et m'etais bien emmerdé lors de la vision du second, à revoir cependant).
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Jeremy Fox
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Re: Mes funérailles à Berlin (Guy Hamilton - 1966)

Message par Jeremy Fox »

Contre toute attente, j'ai plus apprécié ce deuxième opus à celui de Sidney J.Furie. Michael Caine a acquis de l'assurance et est désormais parfaitement dans ce personnage assez jubilatoire, la plupart de ses réparties faisant mouche, le scénario est bien plus intéressant et mieux construit, la mise en scène de Hamilton tient parfaitement la route et les autres comédiens sont tous très bons avec pour bonus non négligeable la plus que charmante Eva Renzi. Photo moins grise que pour les films habituellement tournés à Berlin Est, musique de Konrad Elfers très différente de celle de Barry mais qui n'a pas à rougir de la comparaison... Bref, une plutôt très bonne surprise que ce film d'espionnage relativement crédible mais au ton finalement encore assez léger. Joli final.
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Watkinssien
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Re: Mes funérailles à Berlin (Guy Hamilton - 1966)

Message par Watkinssien »

Pour l'avoir revu récemment, je souscris entièrement à ton avis Jeremy !

Il correspond bien au vieux souvenir que j'en avais et j'ai suivi sans aucun déplaisir ce film d'espionnage élégant et prenant de bout en bout, avec des comédiens inspirés, que je préfère aussi assez largement au film de Furie.
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