Les frères Korda

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

Avatar de l’utilisateur
Ann Harding
Régisseur
Messages : 3144
Inscription : 7 juin 06, 10:46
Localisation : Paname
Contact :

Re: Les frères Korda

Message par Ann Harding »

Image

The Macomber Affair (l'affaire Macomber, 1947) de Zlotan Korda avec Gregory Peck, Robert Preston et Joan Bennett

Le couple Macomber (R. Preston & J. Bennett) embauche un chasseur professionnel (G. Peck) pour faire un safari au Kenya. Durant la partie de chasse, les tensions entre les époux atteignent leur paroxysme...

Ce film de Zlotan Korda est sans aucun doute une des meilleures adaptations d'Ernest Hemingway. Bien loin des grosses machines hollywoodiennes comme The Sun Also Rises (1958, H. King) où tout est souligné au crayon rouge, l'adaptation de Casey Robinson laisse aux personnages leur part d'ombre. Chacun des personnages est dessiné avec justesse et intelligence sans chercher un manichéisme de bon aloi. Robert Wilson est un chasseur professionnel qui se veut responsable et ne veut pas se mêler des problèmes de ses clients. Margaret Macomber est une épouse insatisfaite qui s'entend de plus en plus mal avec son époux. Francis Macomber est lui un homme perturbé qui voudrait prouver à son épouse qu'il n'est pas un lâche. La partie de chasse va exacerber leur conflit. Alors qu'ils sont en train de chasser le lion, Francis s'enfuit soudain. Et sa violence intérieure explose brutalement car il sait qu'il a fait preuve de lâcheté aux yeux de sa femme. Margaret elle se comporte d'une manière ambiguë. Elle raille son époux sans retenue et flirte même ouvertement avec Wilson. Et pourtant, elle reste attachée à cet époux qu'elle n'aime plus. Trouver le ton juste sans tomber dans le cliché n'est guère aisé avec un tel sujet. Et Zlotan Korda y arrive sans effort grâce à trois acteurs formidables qui jouent leurs personnages avec retenue et intelligence. Ce huis-clos dans la brousse africaine reflète bien les obsessions d'Hemingway. Il y a ce mélange de machisme et de misogynie. Pour être un 'homme', il faut savoir tuer un animal sauvage. Et la femme n'est qu'une perturbatrice dans ce jeu pour les males. J'ai été particulièrement impressionné par Robert Preston en homme possédé par ses démons ainsi que par Joan Bennett qui brille dans son rôle de femme volontaire et cinglante. Même Gregory Peck (qui me déçoit souvent) est ici parfaitement à sa place en chasseur tranquille qui tente de rester en dehors d'un conflit. J'ajoute que le film bénéficie d'une excellente partition du grand Miklos Rozsa qui rend le film encore plus délectable. Un film à découvrir d'urgence.
Avatar de l’utilisateur
Profondo Rosso
Howard Hughes
Messages : 18522
Inscription : 13 avr. 06, 14:56

Re: Les frères Korda

Message par Profondo Rosso »

Ca l'air intéressant ça en plus si Gregory Peck (pas du tout à l'aise dans Les Neiges du Kilimandjaro autre célèbre adaptation d'Hemingway pas fameuse par contre j'aime beaucoup The Sun also Rises) s'en sort bien... Il existe un dvd ?
Avatar de l’utilisateur
Ann Harding
Régisseur
Messages : 3144
Inscription : 7 juin 06, 10:46
Localisation : Paname
Contact :

Re: Les frères Korda

Message par Ann Harding »

Non, malheureusement pas de DVD. J'ai vu une copie issue d'un enregistrement VHS. Mais, le film est visible sur YouTube.
Avatar de l’utilisateur
Profondo Rosso
Howard Hughes
Messages : 18522
Inscription : 13 avr. 06, 14:56

Re: Les frères Korda

Message par Profondo Rosso »

Ah dommage tant pis je jetterais un oeil sur youtube éventuellement merci. :wink:
Avatar de l’utilisateur
Profondo Rosso
Howard Hughes
Messages : 18522
Inscription : 13 avr. 06, 14:56

Re: Les frères Korda

Message par Profondo Rosso »

Rembrandt (1936)

Image

Trois ans après La Vie privée d'Henry VIII son premier grand succès , Alexander Korda s'associait à nouveau à Charles Laughton pour signer une seconde fresque historique. Plus précisément, il s'agit ici d'un biopic où Charles Laughton donc l'illustre peintre. Korda propose ici un portrait désenchanté et romantique de Rembrandt au parti pris assez étonnant : si ce n'est au détour d'une scène où il est conspué pour son art étrange, on ne verra pratiquement aucun tableau. La personnalité du peintre imprègne pourtant l'ensemble du film et Korda la soulignera principalement par la grâce de son script et l'interprétation de magistrale de Charles Laughton.

Image

Une large part de l'œuvre de Rembrandt est consacrée à l'illustration des membres de sa famille et notamment les nombreux portrait qu'il tira de ses compagnes Saskia et Hendrickje. La scène d'ouverture montre dans un dramatique montage alterné cet attachement à sa première épouse Saskia pour laquelle il exprimera son amour dans une magnifique tirade à ses compagnons et parallèlement la perte de ce modèle aimé succombant à la maladie. Brisé par cette perte Rembrandt dépressif peut ainsi céder à ses démons et explorer une part plus sombre de son art. Le scénario introduit ainsi à chaque drame et rebondissement de la vie de l'artiste une facette supplémentaire de ses motifs connus, la seconde étant ici son attrait pour les visages marqués, usés par les vicissitudes de la vie dont il parviendrait à capturer la bonté et l'humanité par son regard unique. Une nouvelle fois une scène explicite bien cette approche avec un Rembrandt qui bien que voyant venir les premières difficultés financières livre une commande importante comme il la voit réellement avec cette peinture de la Garde Civile présentée dans toute la laideur d'âme que ces membres lui inspire tandis que parallèlement il ira chercher un mendiant dans la rue pour en faire un roi déchu sur sa toile.

Image

Le procédé pourrait sembler lourd mais est si bien lié à la progression dramatique de l'ensemble que ce n'est jamais le cas, Korda sachant faire preuve de plus de finesse comme lors des nombreuses tirades biblique qu'entonne Rembrandt et faisant écho à ses peintures en appelant à l'iconographie religieuse et mythologique. De même la séquence de retour à la campagne, la vue des hommes au travail ainsi que l'altercation amusante avec des paysans rappellera à nouveau les toiles du maître dépeignant les milieux populaires. C'est principalement quand il joue sur le registre de la pure émotion que Korda exploite le mieux cette idée tel le lien qui se noue puis se défait à travers les scènes de rencontre puis de cruelle séparation entre Rembrandt et sa seconde épouse Hendrickje Stoffels (magnifique Elsa Lanchester, épouse de Charles Laughton à la ville) où les même dialogue saisissent la première rencontre innocente puis les derniers instants avant la mort. Un même effet miroir s'effectue entre le début et la fin du film, Rembrandt célébrité au centre de l'attention puis source de moquerie d'un banquet dans les deux situations temporellement éloignée quittant ses convives pour se consacrer à son art. Là encore le vendeur obséquieux pour le jeune peintre vedette laisse place à un accueil bien plus sec pour le vieillard sans le sous venu acheter ses peintures.

Image

Alexander Korda reprend sa mise en scène statique mais aux compositions de plans fouillés entrevue dans La Vie privée d'Henry VIII, en beaucoup maîtrisée. On a ainsi des plans d'ensemble où ce le mouvement tout en retenue et riche de la reconstitution somptueuse (Vincent Korda signe des décors impressionnant) renforce ce sentiment d'assister au défilement d'une suite de tableaux. Charles Laughton, incroyablement habité impressionne de bout en bout avec cette figure de Rembrandt détachée, rêveuse et obsessionnelle. L'acteur dégage une belle mélancolie, jamais aussi forte que lors de cette dernière scène où désormais seul et son pinceau comme seul compagnon il contemple ses traits fatigués dont il s'apprête à tirer un autoportrait. 5/6

Image
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99608
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Zoltan Korda (1985-1961)

Message par Jeremy Fox »

La critique d'un des plus célèbres films de Zoltan Korda : Les 4 plumes blanches. Merci à Justin :wink:
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99608
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Re: Les frères Korda

Message par Jeremy Fox »

Lady Hamilton critiqué par Profondo Rosso
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99608
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Re: Les frères Korda

Message par Jeremy Fox »

Justin Kwedi signe la critique de Rembrandt avec Charles Laughton. Le film est sorti en DVD chez Elephant
Avatar de l’utilisateur
Profondo Rosso
Howard Hughes
Messages : 18522
Inscription : 13 avr. 06, 14:56

Re: Les frères Korda

Message par Profondo Rosso »

Q Planes de Tim Whelan (1939)

Image

Charles Hammond (R. Richardson) est un agent secret chargé de retrouver la trace de prototypes d'avions qui ont disparu mystérieusement en mer. Il se rend à la société Barrett où un nouveau prototype va bientôt être testé ...

Cette production d'Alexander Korda est un très plaisant film d'espionnage qui annonce déjà la politique de film de propagande à venir du cinéma anglais durant la Deuxième Guerre Mondiale. Un film comme Les Quatre Plumes Blanches (1939) sorti la même année prenait l'angle du film historique et d'aventures dans une même perspective moins frontale puisque sorti quelques mois avant la guerre et il en va de même pour ce Q Planes sur les écrans anglais en mars alors que le conflit éclatera en septembre. Nul doute que sorti après le début des affrontements et avec un pitch si brillant le ton aurait probablement plus sombre mais là on aura surtout une comédie d'espionnage enlevée et très divertissante.

A travers l'Europe les avions prototypes de différent pays dont la France disparaissent mystérieusement en essai et lorsque le phénomène se produit en Angleterre, Scotland Yard dépêche aussitôt le Major Hammond (Ralph Richardson) pour mener l'enquête. Il va avoir fort à faire avec ce lobby de l'aviation cherchant à étouffer ces tracas mais bientôt un second avion disparait en vol, laissant à penser que les allemands sont derrière cela afin de récupérer un nouvel accessoire de vol révolutionnaire. En dépit de ce postulat, le ton se fait étonnamment léger grâce à la prestation guillerette de Ralph Richardson (qui annonce un peu l'agent secret rigolard de Train de nuit pour Munich incarné par Rex Harrison) qui sous ses airs étourdis dissimule un fin limier redoutable passant de la frivolité au sérieux en un clin d'oeil tel ce moment où il identifie la taupe informant les allemands. S'il est le cerveau, les muscles seront plutôt représenté par Laurence Olivier, jeune premier fougueux qui joue là un pilote soupçonneux et aide précieuse pour Richardson. Le charme sera lui porté par une délicieuse Valerie Hobson en journaliste infiltrée couvrant les évènements.

Le récit alterne entre vraie tension lors des scènes d'escamotages aérien (superbes scènes de vol entre véracité et habile décors et effets spéciaux de Vincent Korda) et moments piquant où on s'amuse des facéties de Richardson (qui avec cette insouciance, parapluie et chapeau melon qui ne le quittent pas est tout simplement le modèle avoué du John Steed de la série The Avengers. Les futurs James Bond ne sont pas loin non plus avec la spectaculaire méthode d'interception des avions par les allemands) dont un tordante première scène avec les échanges vachards de screwball comedy entre Laurence Olivier et Valerie Hobson. Le final plus nerveux est des plus palpitant malgré de grosse facilités pour arriver à cette conclusion. Le mélange entre ton caustique et suspense sera bien mieux exploité dans d'autres productions à venir (Train de nuit pour Munich justement) de propagande mais l'essentiel ici est de passer un bon moment et c'est plutôt réussi. 4/6

Et bon plan le dvd comporte des sous-titres anglais
Avatar de l’utilisateur
Supfiction
Charles Foster Kane
Messages : 22188
Inscription : 2 août 06, 15:02
Localisation : Have you seen the bridge?
Contact :

Re: Les frères Korda

Message par Supfiction »

Ma critique de Macomber Affair, mon film du mois d'Octobre 2013.
Avatar de l’utilisateur
Profondo Rosso
Howard Hughes
Messages : 18522
Inscription : 13 avr. 06, 14:56

Re: Les frères Korda

Message par Profondo Rosso »

Un mari idéal (1947)

Image

A Londres en 1895. Sir Robert Chiltern, personnalité politique très en vue et très honorable, fait la connaissance lors d'une soirée mondaine d'une belle aventurière, Mrs Cheveley. Cette dernière tente de le persuader de favoriser une vaste escroquerie en lui révélant qu'elle détient des informations compromettantes concernant sa carrière.

Alexander Korda signe son ultime réalisation (même s'il poursuivra longuement son activité de producteur durant les années suivantes) avec Un mari idéal, adaptation de la célèbre pièce d'Oscar Wilde. Au fil de ses réalisations et productions, Korda aura su poser un regard déférent, patriotique et aussi ironique sur sa terre d'accueil anglaise. Fin observateur de la société anglaise où il est à la fois intégré et extérieur, Korda a donc un statut pas si éloigné de celui d'Oscar Wilde, idole et bientôt paria de par ses mœurs au moment où il écrira la pièce en 1895. Le récit est ainsi à la fois un regard critique sur les relations homme/femme par le prisme des spécificités de la haute société anglais.

Robert Chiltern (Hugh Williams) est un homme politique en vue et vu comme un modèle de probité par ses pairs. Il est littéralement idolâtré par son épouse Gertrude (Diana Wynyard) qui voit en lui l'incarnation de la perfection. Cependant avant d'atteindre cette réussite Chiltern comme tout homme ambitieux est passé par des chemins de traverse parfois peu scrupuleux qui viennent se rappeler à lui en la personne de l'aventurière Mrs Cheveley (Paulette Goddard) qui va exercer un odieux chantage sur lui. L'enjeu est une escroquerie (où Wilde s'inspirait d'un réel délit d'initié ayant eu lieu en France lors de la construction du Cana de Suez) dont Chiltern doit soutenir le projet à la chambre des députés. Pour Chiltern la perspective d'une déchéance politique et publique semble pourtant moins douloureuse que celle de tomber du piédestal sur lequel l'a élevé sa femme. On observe ainsi pour les hommes l'attente d'une perfection difficile à assumer alors qu'à l'inverse l'inconséquence des femmes est un charmant trait de caractère que l'on peut tolérer (dans une logique machiste et infantilisante). Le dandy oisif Goring (Michael Wilding) est conspué par son ombrageux père (C. Aubrey Smith habitué de ce registre de vieux bougon aristocrate anglais) alors que la jeune Mabel (Glynis Johns) est montré sous un jour adorable dans ses attitudes de femme-enfant. L'opprobre vous frappe pour ne plus jamais vous quitter dans cette société inquisitrice comme le montre la soirée mondaine d'ouverture où le passé de Mrs Cheveley la précède. Elle l'assume pourtant ce qui lui donne un ascendant sur ses interlocuteurs figés par les entraves du paraître, et Korda le traduit par l'extravagance des couleurs et lignes de ses tenues qui la démarquent autant que son attitude espiègle. Paulette Godard dans ce registre extraverti et décomplexé se régale évidemment. Korda en fustigeant l'intolérance des autres la rendrait presque attachante malgré ses manigances douteuse et toutes les joutes verbales avec Michael Wilding (autre paria assumé même si plus positif) donne lui à des moments savoureux.

Formellement c'est d'un faste constant avec ces teintes pastel si particulière au Technicolor anglais avec la photo de Georges Périnal, la mise en scène (par les cadrages, les jeux d'ombres dans l'alcôve des lieux intimes) de Korda faisant des environnements luxueux une prison symbolique. Les jugements hâtifs et saillies intolérantes y frappent de plein fouet, notamment dans les captivantes scènes entre Chiltern et Gertrude où le premier essuie indirectement puis frontalement le mépris de la seconde pour ceux qui ont daignés commettre une erreur. Ecrin chatoyant, bons mots et message passionnant, une belle réussite donc ! 4,5/6
Répondre