Teinosuke Kinugasa (1896-1982)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Alligator
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Teinosuke Kinugasa (1896-1982)

Message par Alligator »

http://akas.imdb.com/name/nm0455938/

Kurutta ippêji (Une page folle) Teinosuke Kinugasa, 1926) :

Image
_______________

Enorme découverte pour ma part que ce film pas loin d'être expérimental où il n'est pas difficile de déceler les influences européennes.
Certains parlent de l'expressionnisme allemand. J'ai bien plus pensé au montage à la Eisenstein, ultra rapide et condensé, syncopé, haché, à l'image des cadres découpés, raturés par les barreaux de cet asile que filme Kinugasa.
On pense aux surréalistes avec ces visions oniriques ou psychiques de la folie la plus violente.

Quoiqu'il en soit, le cinéaste convoque un lot impressionnant d'effets de caméra, de symboles et de jeux de lumières et d'ombres pour formaliser les délires de cet hôpital psychiatrique. Les comédiens sont tout aussi bluffants.

La musique joue un grand rôle également tant elle se marie parfaitement au montage ultra rapide. Je suis presque sûr que je ne pourrais supporter cette trame sans les images qui vont avec. Répétitive, mécanique, stridente parfois, elle est totalement en adéquation avec le film, s'apprécie justement parce qu'en complète symbiose avec l'histoire et la mise en scène de Kinugasa. C'est assez rare pour le souligner, la musique fait corps et ne se suffit certainement pas à elle même. Indissociable. Inepte par ailleurs, ici elle prend tout son sens. Juste.

Le tout permet une expérience cinématographique qui laisse baba d'admiration et en même temps, exténué par le rythme soutenu (j'ai vu la version de 58 min, une course poursuite intense).

Vu sur un vieil enregistrement vhs, j'ai hâte de trouver une édition dvd digne de ce petit bijou d'invention et de puissance.
Alligator
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Re: Teinosuke Kinugasa (1896-1982)

Message par Alligator »

Moi aussi, je fais mon Nestor :
Gromit a écrit :Tout simplement une de mes plus grandes claques cinémtographiques en 35 ans de cinéphilie, c'est dire ! L'ayant découvert juste avant la dernière session du Jeu frcd, je m'étais dépêché de l'y proposer ! :D
Mon commentaire accompagnant la réponse était le suivant :

"Attention, pur chef d'oeuvre ! La vision (récente) de ce film perdu pendant un demi siècle a constitué un véritable choc, d'autant que j'en avais entendu parler depuis que son réalisateur Teinosuke Kinugasa l'avait retrouvé par hasard dans son grenier. Film centré sur le thème de la folie (l'histoire, écrite par le grand écrivain nippon Yasunari Kawabata et proposée sans intertitres, se passe dans un asile), il nous offre un festival d'inventions visuelles, servies par tous les outils de la grammaire cinématographique possibles. Une musique fut composée spécialement pour la ressortie du film et le moins qu'on puisse dire est qu'elle est génialement en phase avec l'histoire et les images. Extraordinaire poème mi-surréaliste, mi-expressionniste, ce film me hantera sans doute pour toujours ! Le Cinéma dans ce qu'il a de plus pur et de plus beau. [non disponible en DVD]
http://gentlemen21.free.fr/semaine.php?semaine=10

ImageImage
ImageImage
http://www.midnighteye.com/features/sil ... _pt1.shtml
k-chan a écrit :Sinon, parmis les films les plus dingues que j'ai vu : Une page folle (1926) de Teinosuke Kinugasa. Une merveille, aussi.

Image
k-chan a écrit :Et des fois que ça intéresse quelqu'un, je me suis amusé à faire un petit montage vidéo de ce chef-d'oeuvre de Kinugasa.
Pardon à ceux qui y verront un sacrilège. :mrgreen:

:arrow: Une page folle - Clip (3min 02s)

Exercice très amusant, en tout cas. :)
bruce randylan
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Re: Teinosuke Kinugasa (1896-1982)

Message par bruce randylan »

La légende du grand bouddha (1952)

Pour redorer la puissance de l’empereur a clan décide d’ériger une statue gigantesque à l’effigie de Bouddha… Ce qui ne plait pas aux autres clans.

Le début laisse présager le meilleur avec une mise en place pas si éloigné que ça du western (un homme observe une armée se mouvoir dans forêt), le tout dans une photographie somptueuse qui renvoie ni plus ni moins à Rashomon avec son noir et blanc magnifique jouant des rayons filtrant dans les sous-bois.
Quelques détails folkloriques confirment la bonne impression comme ce jeu où des femmes poursuivent leurs prétendants dans la forêt. Enfin la figure centrale du film (un sculpteur audo-didacte) est immédiatement attachante.
Malheureusement les premières scènes de discussions politiques sur les tenants et aboutissants des conflits entre clans se montrent poussives et bien plates. Ces scènes seront finalement assez nombreuses et feront à chaque fois retomber l’intérêt. De plus l’histoire d’amour se révèle elle aussi trop envahissante et peu crédible.

Reste donc les séquences de construction du Bouddha qui sont très réussies et autrement plus stimulantes visuellement que les complots tristement académiques. Ces scènes de construction qui possèdent quelques dimensions sociales et documentalistes sont très saisissantes et spectaculaires où la photographie retrouve ses qualités initiales.

Au final, le bilan est très mitigé mais donnent tout de même envie de se renseigner sur les faits historiques rapportés par le film.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
bruce randylan
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Re: Teinosuke Kinugasa (1896-1982)

Message par bruce randylan »

Alligator a écrit :http://akas.imdb.com/name/nm0455938/

Kurutta ippêji (Une page folle) Teinosuke Kinugasa, 1926) :

Image
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Enorme découverte pour ma part que ce film pas loin d'être expérimental où il n'est pas difficile de déceler les influences européennes.
Certains parlent de l'expressionnisme allemand. J'ai bien plus pensé au montage à la Eisenstein, ultra rapide et condensé, syncopé, haché, à l'image des cadres découpés, raturés par les barreaux de cet asile que filme Kinugasa.
On pense aux surréalistes avec ces visions oniriques ou psychiques de la folie la plus violente.

Quoiqu'il en soit, le cinéaste convoque un lot impressionnant d'effets de caméra, de symboles et de jeux de lumières et d'ombres pour formaliser les délires de cet hôpital psychiatrique. Les comédiens sont tout aussi bluffants.

La musique joue un grand rôle également tant elle se marie parfaitement au montage ultra rapide. Je suis presque sûr que je ne pourrais supporter cette trame sans les images qui vont avec. Répétitive, mécanique, stridente parfois, elle est totalement en adéquation avec le film, s'apprécie justement parce qu'en complète symbiose avec l'histoire et la mise en scène de Kinugasa. C'est assez rare pour le souligner, la musique fait corps et ne se suffit certainement pas à elle même. Indissociable. Inepte par ailleurs, ici elle prend tout son sens. Juste.

Le tout permet une expérience cinématographique qui laisse baba d'admiration et en même temps, exténué par le rythme soutenu (j'ai vu la version de 58 min, une course poursuite intense).

Vu sur un vieil enregistrement vhs, j'ai hâte de trouver une édition dvd digne de ce petit bijou d'invention et de puissance.
Ca y est ! J'ai enfin pu voir ce film dans des conditions décentes ! :)
Après avoir trouvé il y a maintenant une dizaine d'année un DIVX exécrable que j'ai jamais osé regarder, j'ai sauté de joie quand j'ai appris que la cinémathèque projetée une copie 16 mm (provenant de Bruxelles).
Cette séance était tout de même problématique par l'absence d'accompagnement musical. Il existe pourtant une version sonorisée mais celle-ci est calée sur une projection à 24 i/s bien trop rapide. Nous avons donc eu droit hier à une projo respectant les 18 i/s mais strictement muette (ce qui n'est pas évident après un apéro trop chargée :oops: ).

Malgré quelques menues fermetures de paupières durant le tiers central, il faut reconnaître qu'on est face à un film qui mérite sa réputation et son rang de chef d'oeuvre mondial qui avait alors crée l'enthousiasme au quatre coins du monde.

C'est tout d'abord au niveau de l'histoire que le film se démarque : aucun intertitre de présent (il semble qu'il y avait tout de même un benshi et musiciens à l'époque au Japon) pour une intrigue inévitablement nébuleuse où l'on ne comprend pas grand chose si ce n'est qu'un homme d'un certain âge tente de faire sortir sa femme d'un asile. Le film entier est une sorte de long cauchemar, ou plutôt de succession de cauchemars tant on a l'impression d'assister à plusieurs réveil, d'émerger vers une réalité plus palpable avant de replonger de nouveau dans la folie et les hallucinations.
Ainsi plusieurs éléments du scénario ne sont pas clairement compréhensibles si on a pas lu de résumé ou s'il n'y a pas de présentation : l'épouse démente a noyé son fils et la fille du couple vient parler de son mariage à son père, devenu gardien de l'hospice.
C'est par moment bien trop abstrait pour pouvoir se raccrocher à quelques repères mais d'autres éléments renforcent justement ce glissement vers l'aliénation qui contamine l'écran tout entier où l'on ne parvient pas à savoir ce qui se rapporte aux flash-back, au rêve/fantasme ou à la réalité.

Quoiqu'il en soit, le narratif est presque superflu tant le film fascine et impressionne avant tout pour son imagerie visuelle et sa réalisation expérimentale.
Kinugasa avait pour volonté de créer un nouveau courant qui serait une synthèse de tous les différemment mouvements avant-gardistes : on croise l'expressionnisme allemand et son approche psychique torturé (même s'il ne reprend pas les décors déformés, il est difficile de ne pas songer au Cabinet du docteur Caligari qui prenait place lui aussi dans un asile), l'impressionnisme d'Abel Gance (en particulier la folie du docteur Tube) et la Roue) ou encore les théoriciens russes.

Une page folle est donc une sorte de laboratoire permanent jouant constamment sur les contrastes violents, les ombres menaçantes, quantité de mouvements de caméra, de nombreux effets de déformations (parfois très abstraites) où l'image semblent fondre, se multiplier ou s'évaporer, un montage très rapide qui s'accélère régulièrement en rajoutant de surcroit des surimpressions ou encore l'utilisation de voile placé entre les comédiens au premier plan et le fond de l'image, créant un stupéfiant effet de flou vaporeux comme si on était devant des incrustations ou des acteurs filmés devant un écran mais sans avoir cette perte de qualité d'images. Sans oublier donc les flash-backs et autres symboles/paraboles tel cette danseuse qui ouvre le film et qui reviendra à plusieurs reprises.

C'est parfois trop obscurs pour être subjuguer du début à la fin (d'autant que plusieurs procédés sont assez répétitifs) et que par manque de "compréhension" le résultat n'est pas nécessairement viscéral. Par contre quand tout les éléments se mettent en place, on touche alors de véritables sommets cinématographiques comme les 20-30 dernières minutes où l'on bifurque dans le mythe d'Orphée et d'Eurydice tandis que la réalisation se teinte de très beaux moments de poésie développant cette idée d'une folie refoulée au sein de la société avec la séquence des masques que portent les pensionnaires de cette hôpital psychiatrique.

Je pense que pour l'époque (et pour un long-métrage), aucun film n'avait poussé aussi loin cette volonté de casser tous les codes en place et de vouloir créer un nouveau langage cinématographique (les artistes ayant participé à l'aventure de ce film appartenait au mouvement de "l'école des nouvelles perceptions"). Typique du genre d'oeuvre trop riche et radical pour en apprécier toutes les qualités en un seul visionnage. Sa richesse visuelle est tellement dense qu'on doit le redécouvrir à chaque nouvelle vision je pense.
Reste donc à trouver désormais une version à la bonne vitesse et dotée de sa musique supervisée par Kinugasa lors de l'exhumation d'une copie en 1971, retrouvée par hasard dans son cabanon de jardin !
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Demi-Lune
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Re: Teinosuke Kinugasa (1896-1982)

Message par Demi-Lune »

Une page folle (1926) fera l'objet dimanche d'une projection événement, en 4K, lors de l’Étrange Festival. Pas mal, pour un film perdu puis redécouvert par hasard dans les 70's dans le cabanon du cinéaste ! Ne pouvant assister à cette projection, je me suis rabattu par anticipation sur Youtube où l'on peut trouver le film dans des copies médiocres, avec ou sans accompagnements sonores, lesquels sont à chaque fois un supplice pour les oreilles.

Au final, j'avoue ne pas vraiment partager l'enthousiasme de mes camarades, même si cela reste un film digne de considération. C'est en effet du cinéma expérimental à la croisée de l'Histoire, avant le surréalisme bunuelien mais après Marcel L'Herbier, et qui s'abreuve de toutes les avancées formelles des Allemands et des Soviétiques. L'influence dadaïste et le cadre (un asile d'aliénés) réservent quelques images marquantes, mais l'absence volontaire d'intertitres, pour priver le spectateur de toute compréhension, finit par provoquer une lassitude que conforte la redondance de certaines séquences. Cela n'a beau durer qu'une heure, le temps est long et les quelques trouvailles visuelles ne suffisent pas à ramener la fascination. Bref, c'est aride et ça ne m'a pas vraiment impressionné. Du coup, en matière d'avant-garde, je me suis remis juste après Meshes of the afternoon de Maya Deren, et là j'étais de nouveau galvanisé.
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Re: Teinosuke Kinugasa (1896-1982)

Message par bruce randylan »

Pour ma part, je retourne le voir cet après-midi dans de meilleures conditions que lors de sa présentation à la cinémathèque l'an dernier.

Et sinon, une compilation d'articles d'époques sur la présentation de Carrefour/Jujiro en 1929 et dont la cinémathèque possède toujours une copie.
http://www.la-belle-equipe.fr/2017/09/1 ... vous-1929/

J'en profite pour remettre mon avis de 2009
Carrefour (Teinosuke Kinugasa - 1928)

Découvrir un film muet japonais est toujours un miracle tant ceux-ci n'ont pas survécu aux années. :?
C'est déprimant car ceux-ci n'avait visiblement rien à envier avec les meilleurs plasticien allemand, russe ou français.
Ce film est en tout cas l'un des plus célèbres film avant-gardistes de l'époque bien que l'auteur avait fait très fort dans un film tourné l'année d'avant : le fameux une page folle qui avait beaucoup marqué les surréalistes français (que je n'ai pas encore pris le temps de regarder en entier)
Carrefour présente une histoire traditionnelle (la passion d'un jeune homme pour une geisha va mener lui et sa sœur à leur pertes) qui n'est qu'un prétexte à une mise en scène impressionnante jamais avare en figures de style virtuoses : nombreux et incessant mouvements de caméra, décors impressionnistes, figures géométriques récurrentes qui sont autant de symbole sexuelles que de représentation visuelle de l'obsession du héros masculin...
Kinugasa transforme donc l'intrigue en un objet de fascination qui trouve sa tension dans la surcharge d'idée de mise en scène pour un film muet des plus abouti plastiquement. C'est aussi un film sans doute plus abordable qu'une page folle puisque la narration demeure plus traditionnelle et avec une réalisation moins abstraite aussi.
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