Teruo Ishii (1924-2005)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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hellrick
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Re: Notez les films naphtas - Octobre 2010

Message par hellrick »

HORRORS OF MALFORMED MEN (L'Effrayant docteur Hijikata)

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Production japonaise de la fin des sixties, HORRORS OF MALFORMED MEN a acquis un statut de cult-movie au cours des années, ne serait-ce que par son interdiction totale dans son pays d’origine. Evidemment, les amateurs de cinéma horrifique, toujours attirés par ce genre de publicité gratuite et tapageuse, attendaient de HORRORS OF MALFORMED MEN un métrage réellement dérangeant et pervers mêlant outrageusement sexe, horreur et violences. Longtemps invisible et mythique, l’œuvre de Ishii se laisse aujourd’hui découvrir et, malheureusement, s’avère largement en deçà de sa flatteuse réputation. Banni en raison de son sujet (le handicap et la difformité physique constituent des tabous culturels au Pays du Soleil Levant) et non pour son côté graphique, HORRORS OF MALFORMED MEN s’apparente surtout à un film d’auteur globalement imbuvable. L’ensemble se révèle, en effet, timoré au point de vue de l’érotisme et de l’horreur, non seulement selon les standards actuels mais même en comparaison de certains « classiques » asiatiques de la même époque comme par exemple L’ENFER DES TORTURES. L’intrigue, en outre, se montre plutôt confuse et peu intéressante durant sa première moitié, laquelle tente de manière assez languissante de bâtir une atmosphère angoissante sans jamais y parvenir véritablement.
Inspiré d’un roman de Edogawa Rampo décalquant sans honte le classique de H.G. Wells « L’île du docteur Moreau », le récit reprend également, selon les spécialistes, des portions d’autres récits de l’auteur pour aboutir à un patchwork peu convaincant.
Le jeune Hirosuke se réveille, amnésique, dans un asile psychiatrique occupé par des jeunes femmes nues totalement folles. Peu à peu, la mémoire lui revient par bribes et Hirosuke commence à se souvenir de rivages, de falaises battues par les flots déchainés, d’une jeune fille à deux visages, etc. Hirosuke va ensuite tuer un étrange homme chauve et s’échapper de l’asile avant de rencontrer une demoiselle à son tour poignardée par un inconnu. Toujours en quête de son identité et de son passé occulté, Hirosuke poursuit son enquête. Apprenant le récent décès d’un homme lui ressemblant comme un frère jumeau, Hirosuke prend sa place et affirme qu’il n’était pas mort, ce qui lui permet, une fois « ressuscité », de s’introduire dans la famille du défunt. Hirosuke découvre alors l’île de ses souvenirs et part l’explorer, rencontrant son père, lequel règne sur une sorte de harem composé d’esclaves féminines et d’hommes déformés.

Présenté abusivement comme un « shocker » horrifique, HORRORS OF MALFORMED MEN se révèle, en définitive, un récit typique de la fin des sixties et du début des seventies relatant une sorte de voyage initiatique, celui d’un personnage perdu dans ses souvenirs découvrant au fil du métrage d’horribles révélations sur son existence. Empruntant au fantastique gothique, à l’épouvante et au mystère policier, le film rappelle certaines grandes réussites comme par exemple l’excellent THE WICKER MAN et cultive une ambiance psychédélique et surréaliste parfois fascinante. Une imagerie complètement délirante se dévoile ainsi au spectateur durant la seconde moitié du métrage, au cours de laquelle nous découvrons d’étranges danseurs peinturlurés d’argent et des séquences bizarres aux éclairages très contrastés inspirés des œuvres de Mario Bava. Très « auteurisante » et souvent assommante, cette deuxième partie multiplie les effets visuels aujourd’hui très datés et convoque une imagerie grotesque censée exorciser le traumatisme de la Seconde Guerre Mondiale et la crainte du feu nucléaire. Hélas, Teruo Ishii parait souvent se lancer dans des expérimentations en roue libre plus fatigantes que passionnantes, la construction scénaristique très lourde n’arrangeant pas les choses en enquillant des flashbacks explicatifs de moins en moins passionnants. Les maquillages spéciaux rudimentaires et l’aspect très bricolé et artisanal des passages horrifiques condamnent également l’entreprise qui sombre souvent dans un grotesque plus ou moins volontaire, la « poésie macabre » souhaitée se changeant fréquemment en dérapages peu concluants.

Toutefois, HORRORS OF MALFORMED MEN comprend l’une ou l’autre qualité parvenant à en rendre la vision supportable. L’acteur Tastumi Hijikata incarne ainsi avec beaucoup de puissance le médecin dément (de l’île de sang ajouteront les cinéphiles philippins) en utilisant une gestuelle très particulière, adaptée de l’école de danse qu’il a crée, le Butoh. Les passages où intervient Hijikata, utilisant une chorégraphie désarticulée, possèdent par exemple un véritable pouvoir de fascination. Au rayon de l’horreur pure citons un passage franchement glauque détaillant une jeune femme enchaînée forcée de se nourrir des crabes dévorant le cadavre de son amant ! L’utilisation parfois adroite des filtres colorés pour baigner l’écran de couleurs primaires (le rouge et le vert dominent souvent) donne un certain cachet à la mise en scène mais les dérapages « arty » ou humoristiques gâchent le climat angoissant voulu par le cinéaste et aboutissent à un métrage très inégal et longuet.

Théâtral, irracontable, inégal et occasionnellement traversé de brèves fulgurances, HORRORS OF MALFORMED MEN divisera sans doute largement le public. Entre rejet radical et idolâtrie passionnée, le film de Teruo Ishii laisse peu de place à des positions plus intermédiaires ou nuancées. Les cinéphiles curieux et avertis de la nature hautement déstabilisante du métrage peuvent donc tenter l’aventure, quitte à en ressortir déçus. Les autres, qui s’attendent à un « vrai » film d’horreur ou d’exploitation se tourneront vers d’autres productions nipponnes (et elles sont nombreuses !) plus susceptibles de satisfaire leurs attentes.
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bruce randylan
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Re: Notez les films naphtas - Octobre 2010

Message par bruce randylan »

Les gauloises bleues (Michel Cournot - 1968)

Le générique met rapidement la puce à l'oreille : une femme enceinte sur le point d'accoucher doit se rendre à l'hôpital. Son trajet sera pour le moins surréaliste avec un humour grinçant et non-sensique. De plus tous les plans sont séparés par des crédits où les emplois de l'équipe technique sont des références plus ou moins abstraites aux métiers ( "24 images par secondes" ou "musique silencieuse" ). On pense fortement aux Jean-luc Godard des mauvais jours en craignant une tournure prétentieuse et abstraite.... Malheureusement, ça sera bien le cas...

Les gauloises bleues est ainsi l'exemple typique d'un cinéma qu'on adorerait aimer mais qui irrite autant qu'il lasse pour n'être au final qu'un rendez-vous manqué agaçant. En étant indulgent, on pourrait parler de "curiosité".

Donc, les gauloises bleues "racontent" l'histoire d'un homme qui attend que sa femme accouche. Il en profite pour se rappeler différents moments de sa vie comme son enfance difficile et sa rencontre avec sa femme. "Racontent" entre guillemets car sans la présentation du film, je ne suis pas sur que l'on comprenne très bien la narration de cette unique réalisation de l'écrivain Cournot. Les époques se mélangent, le surréalisme des situations évoquent autant Kafka (sité à plusieurs reprises) que Boris Vian et la réalisation en prise de son direct impose des plans rigides et fixes.

Le tout forme rapidement un succession de scènes à la fois cruelles et décalées qui finissent par ne plus rien vouloir dire. On ne peut nier un univers atypique et originale mais la démarche est tellement hermétique que l'on décroche malgré nos bonnes volontés. On trouve donc bien quelques scènes réussies (la boutique de corde pour se pendre, les élections, les interrogatoires d'Annie Girardot et Bruno Cremer) mais elles sont noyées dans le genre d'autisme intellectuelle typique de cette période 68.

On y mélange tout et n'importe quoi (parabole social et références au communisme, à la guerre du Vietnam) sur les restes fumant de la nouvelle vague pour justifier une absence de maitrise technique et de narration.

A trop être inscrit dans son époque, on vieillit très vite et on devient indigeste à peine quelques années après.

Les gauloises bleues sont belles et bien nocives à la santé (psychologique) du spectateur.
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Cathy
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Re: Notez les films naphtas - Octobre 2010

Message par Cathy »

bruce randylan a écrit :Les gauloises bleues (Michel Cournot - 1968)
Je me souviens que ma soeur qui était pourtant très cinéphile a essayé de le voir à sa sortie en salles et est partie en cours de projection comme apparemment la plupart des spectacteurs. Ce fut visiblement un de ses pires moments de cinéphile, ne comprenant rien au film ! Elle se souvenait aussi de l'image d'une personne avec une faux symbolisant la mort, est-ce bien dans le film ?
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Re: Notez les films naphtas - Octobre 2010

Message par bruce randylan »

J'en sais strictement rien. De totue façon, le film croule sous des métaphores visuelles à longueurs de temps :lol:
Je l'ai vu il y a deux mois et j'ai effectué un lavage de cerveau total pour éradiquer tout souvenir de ce film afin de stocker des choses bien plus intéressantes (comme penser à envoyer un colis à une certaine personne - au moins l'objet est déjà gravé :oops: )
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Re: Teruo Ishii (1924-2005)

Message par bruce randylan »

Il est bizarre ce topic Teruo Ishii :shock: :lol:

Porno samurai theater : Bohachi code of honor (1971)

Lassé de vivre dans la mort et le sang, un samurai traqué par le gouvernement se suicide en sautant depuis un pont. Sauvé par un clan mystérieux, ses hôtes lui propose de les suivre à conditions de respecter leurs codes très spécifiques.

Aucun scénario, pas de psychologie, des problèmes de rythme, Tetsuro Tamba monolithique et impassible à peu à la ramasse, une mise en scène inégale etc...
Oui, mais bon dieu quel gros plaisir coupable ! :D

Ishii fonce à fond dans le gros délire exploitation sans tomber dans le bis grâce à une mise en scène très théâtralisée qui ne manque pas d'idée : sens du cadrage en scope à tomber à la renverse, éclairage expérimental (fond monochrome, contre jour pour donner un aspect ombre chinoise, flocon de neige devenant progressivement rouge...), couleurs stylisés et plein d'autres trucs comme ça.
Visuellement c'est un vrai régal, pas si éloigné de certains Seijun Suzuki. Un vrai plaisir des yeux d'autan que la copie 35 mm est d'une beauté immaculée et resplendissante.

A côté de ça, le film est donc un gros produit d'exploitation avec ses combats aux sabres qui jouent la carte des geysers de sang et des démembrements à tout va. Quant aux (nombreuses) actrices, elles passent leur temps totalement dénudés y compris quand il s'agit de se battre. 8)
C'est celà dit toujours agréable de ne pas voir la nudité cantonner à des scènes de viols douteux mais bien intégrer à l'action. Ca n'en fait pas des personnages primordiaux pour l'histoire mais elles sont moins passives que d'habitude. Et puis ça donne cette surréaliste et totalement gratuite où elles se crêpent le chignon pour pouvoir faire des papouilles à une européenne (tout aussi nue) attaché la tête en bas. :lol:

En parlant d'action, les différents combats sont en quantité suffisante pour masquer le manque d'enjeu dramatique et de scenario. Ils sont très variés et se renouvellent régulièrement pour être vraiment excellents, dynamiques, truffés la aussi de détails ou de situations improbables et imprévisibles. Les plans sont en plus assez long et demeurent toujours fluide et parfaitement lisible. Le final dure d'ailleurs pas loin de 10 minutes et il s'avère palpitant de bout en bout.

Pour ma part, un grand moment régressif et jubilatoire avec une forme inventive et décomplexée. J'adore.

la bande-annonce pour vous donner une idée de l'ambiance.

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Re: Teruo Ishii (1924-2005)

Message par bruce randylan »

Y-aurait pas un modo pour supprimer les messages hors sujet de la première page ? :mrgreen:
k-chan a écrit :White Line, de Teruo Ishii (1958) [Shirosen himitsu chitai - 白線秘密地帯]
[vu le samedi 21/05/16 - rétrospective Shintoho, à la MCJP]

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Teruo Ishii, cinéaste fou surtout connu chez nous pour certains de ses films réalisés entre 1969 et 1975 a commencé assez sagement sa carrière. Après avoir fourbi ses armes auprès de maitres comme Mikio Naruse, et après la réalisation de L'invincible Spaceman en plusieurs épisodes, Ishii signe parmis ses premières œuvres une série de 4 polars : White Line, Black Line, Yellow Line, et Sexy Line. Réalisé en 1958, White Line est le premier de cette série, et semble être le moins facile à voir.
Dans une sorte de bar à hotesse offrant un service de bain, un homme assassine une des employées. Recherché par la police, le meurtrier est lui même retrouvé mort, éliminé par ses comparses issus d'une organisation secrète.
Dès la première scène, Ishii nous montre déjà son goût pour les jolies filles sexy, mais rien ne laisse vraiment présager la folie de ses films à venir. Avec un beau noir et blanc, est une réalisation très honnête, Ishii nous livre un film policier assez sympa, sans rien d'éclatant non plus. On s'amusera à pointer les similitudes avec un autre polar japonais bien connu, Chien enragé de Kurosawa, dont l'influence est ici très forte : Soleil et chaleur écrasante ; flics qui transpirent, vêtus de costumes clairs ; défilé de filles sexy ; courses poursuites à pied ; indentification d'une complice par le biais de fiches ; recherche dans un quartier pauvre ; recherche dans un hippodrome (stade de baseball dans le Kurosawa) ; flic et malfrat qui luttent au sol, noircissant leur costumes blancs... N'est pas Kurosawa qui veut, et tout ça n'a bien sûr pas le même impact que dans "l'original". Surtout, les enjeux de cette intrigue sont loins d'avoir la même raisonnance et la même force que dans le chef-d'oeuvre d'après guerre qu'est Chien enragé. Un polar très correct en tout cas, qui se suit sans ennui. A noter une des toutes premières apparitions d'une future superstar du film de yakuza : Bunta Sugawara.
Un peu le même ressenti.
c'est un petit polar sympathique mais qui n'a rien de marquant la faute à une gros manque de personnalité et de caractère.
On devine en effet une certaine influence du policier social façon Kurosawa (et ceux américain de Jules Dassin ou d'Henry Hathaway) mais Ishii peine à lui donner une vraie consistance. Le gros point noir demeure à mes yeux des personnages totalement inexistants, mal aidés par un scénario linéaire rempli d'ellipses parfois très abruptes. Je pense même que copie était incomplète car il y a vraiment un trou plus que gênant lors de la résolution finale.
Après, Ishii possède un petit savoir-faire et réussi quelques gros plans fiévreux et emballe honnêtement un climax bien plus dynamique dans une raffinerie de charbon.

Son Sexy line (1961) (ma critique a disparu dans le bug) est d'un bien meilleure niveau.
En trois ans, le cinéaste a fait des progrès fulgurant et sa réalisation est d'un bien meilleur niveau même s'il faut reconnaître que l'essor de la nouvelle vague lui permet aussi plus de liberté dans un tournage plus léger avec caméra à l'épaule. Il peut ainsi filmer directement dans les quartiers chauds et nocturnes de la capitale. La photo est soignée, le découpage plus alerte.
Le scénario est toujours à la limite du compréhensible mais les protagonistes sont plus attachants. Si le héros masculin est un peu trop fade, sa partenaire ne manque pas de charme et de piquant. Elle fait beaucoup dans la réussite du film, renforçant la modernité de la mise en scène.
Ishii joue d'ailleurs beaucoup sur une certaine tension érotique, créant de multiple sous-entendus sexuels assez savoureux comme lorsque que les 2 personnages essaient de défaire la corde qui les lie et que le découpage renvoie à un accouplement. Déjà très grivois le père Ishii :mrgreen:

Les 30 dernières minutes sont en tout cas vraiment fun avec son p'tit suspens autour des 2 héros prisonniers qui essaient de fuir. Ca manque un peu de rythme dans le montage mais les situations fonctionnement bien et la réalisation exploite très bien les décors.

Après, ça ne parvient pas se hisser au niveau d'autres films du même genre et de la même époque (les premiers Fukasaku, Underground beauty de Seijun Suzuki et Les appren­tis faux-mon­nayeurs de Ko Nakahira qui sort bientôt dispo chez Arrow :wink: ).


On a droit vraiment à un mini cycle Teruo Ishii à la MCJP puisqu'on pouvait aussi découvrir les deux premiers épisodes de la série de L'invincible Spaceman/ Supergiant/Starman (1957) :)

La série est considéré comme l'ancêtre des Sentaï même si ce n'est pas très visible dans ces premiers épisodes qui n'ont pas encore viré dans les combats avec monstres. Le public visé est clairement les enfants, d'ailleurs très présents dans le récit puisque l'histoire se déroule en grande partie avec des orphelins vivant dans un couvent et qui aident un homme venu d'une autre planète pour empêcher la proliférations d'armes nucléaires.

J'ai beaucoup aimé le début bien kitsch sur la planète de SuperGiant : langage des signes E.T., costumes irrésistibles (cf les hommes étoiles), décors cartons pâtes et postures très comic books. Une fois sur Terre, on vire dans le pseudo sérial très 30's (façon William Witney) avec ce mélange SF, film noir, thriller saupoudré de marmots plus ou moins débrouillards. Le héros (un peu crypto gay vu sa manière de rassurer les méchants :lol: ) est toujours trop lisse et comme il est invincible, il ne crée aucun suspens ni empathie. Par contre, son sixième sens est infaillible ("tiens, on dirait que cette île est suspecte, allons faire un tour. Ah oui, voilà la base ennemie"). Il va sans dire que les méchants sont bien crétins surtout dans la 2nde partie : les sbires viennent révéler leur plan au couvent et doivent donc séquestrer les gentils pour ne pas qu'ils ne le dévoilent au héros !!! Ah oui, et on trimballe les barres d'uranimum directement à mains nues qu'on glisse dans la poche intérieur de sa veste. :mrgreen:

Les scènes d'action essayent d'être dynamiques avec pas mal d'idées dans les travellings, les sorties de champs, des images diffusés en sens inverse ou dans l'utilisation du décor. Le combat dans la base insulaire ne manque pas de peps par exemple. On a aussi droit un duel à l'epée, un sous-marin, un combat aquatique, des fusillades très primitive, les saut de félin pour arriver dans le cadre, un hélicoptère en jouet, des figurines volantes, des trucages désarmants, un avion en détresse, des séquences bouche-trous savoureuses comme un marmot se cachant sur les voies ferrées (et dans un tonneau) et surtout un suspens avec le gosse descendant les marches pour assommer un méchant par derrière ; une excellente séquence au passage avec une bonne utilisation des gros plans.
Cérise sur le gâteau : une chanson des enfants pour remercier le héros qui repart dans l'espace. De quoi regretter de ne pas avoir découvert ce genre de programme quand j'avais 8 ans.

D'après un ami spécialiste, il existe 9 épisodes dont les 6 premiers sont signés Teruo Ishii. Ses épisodes fonctionnent par paire et chaque diptyque est l'occasion pour le cinéaste d'aborder un genre différent avec de plus en plus de virtuosité. Celui en mode "film de fantôme" a l'air très alléchant en tout cas.
Les films sont sorties aux USA mais fortement remontés en gommant toutes les sous-intrigues pour ne garder que les combats (par exemple les séquences de suspens avec les enfants). Les dvds existent mais uniquement en version anglaise :cry: :cry:
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Re: Teruo Ishii (1924-2005)

Message par k-chan »

bruce randylan a écrit :Son Sexy line (1961) (ma critique a disparu dans le bug) est d'un bien meilleure niveau.
En trois ans, le cinéaste a fait des progrès fulgurant et sa réalisation est d'un bien meilleur niveau même s'il faut reconnaître que l'essor de la nouvelle vague lui permet aussi plus de liberté dans un tournage plus léger avec caméra à l'épaule. Il peut ainsi filmer directement dans les quartiers chauds et nocturnes de la capitale. La photo est soignée, le découpage plus alerte.
Le scénario est toujours à la limite du compréhensible mais les protagonistes sont plus attachants. Si le héros masculin est un peu trop fade, sa partenaire ne manque pas de charme et de piquant. Elle fait beaucoup dans la réussite du film, renforçant la modernité de la mise en scène.
Ishii joue d'ailleurs beaucoup sur une certaine tension érotique, créant de multiple sous-entendus sexuels assez savoureux comme lorsque que les 2 personnages essaient de défaire la corde qui les lie et que le découpage renvoie à un accouplement. Déjà très grivois le père Ishii :mrgreen:

Les 30 dernières minutes sont en tout cas vraiment fun avec son p'tit suspens autour des 2 héros prisonniers qui essaient de fuir. Ca manque un peu de rythme dans le montage mais les situations fonctionnement bien et la réalisation exploite très bien les décors.

Après, ça ne parvient pas se hisser au niveau d'autres films du même genre et de la même époque (les premiers Fukasaku, Underground beauty de Seijun Suzuki et Les appren­tis faux-mon­nayeurs de Ko Nakahira qui sort bientôt dispo chez Arrow :wink: ).


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Sexy Line, de Teruo Ishii (1961) [Sekushî chitai - セクシー地帯]
[vu le mardi 31/05/16 - rétrospective Shintoho, à la MCJP]

D'accord en tout point avec Bruce, ce quatrième film de la série m'a plus entousiasmé (ou plutôt le cinquième si on compte Fire Line, réalisé par un comparse de Ishii). C'est vrai qu'au départ, c'est assez tortueux : un employé de bureau se fait alpaguer par une charmante demoiselle. Après avoir échangé quelques mots avec elle, elle s'en va subitement. Il est aussitôt embarqué par les flics, pour vol de porte feuille. Il comprend alors qu'il s'agissait d'une pickpocket, qui lui a volé son portefeuille, à la place duquel elle a mis celui qu'elle avait volé précédemment. De retour au bureau, son boss lui propose de le muter, ce qui le contrarie fortement car il est amoureux d'une de ses collègues. Cette dernière lui promet qu'il ne sera pas muté... On apprend donc que celle-ci entretien également une relation avec leur boss, qu'elle tente de faire chanter en menaçant de révéler leur liens (ce qui le comprometrait pour un futur poste important), mais lui-même l'a fait chanter à son tour en menançant de dévoiler qu'elle fait partie d'un réseau de call-girl. Elle va donc voir son pimp pour lui révéler le problème, en lui expliquant qu'elle veut reprendre sa liberté, mais lui s'en moque totalement. Elle menace donc son mac de mettre a jour ce réseau de prostitution, et elle finit assassinée. Sauf que d'après les journaux, c'est notre petit employé, qui était son petit ami secret, qui est recherché pour le meurtre. Alors qu'il est en fuite, il recroise alors la route de la fameuse pickpocket... Tadam ! Je n'en dit pas plus, l'histoire commence vraiment à partir de là.
C'est évident, Teruo Ishii s'est nettement amélioré depuis le premier film de la série. La mise en scène est impeccable, dynamique, la photo est encore une fois très belle. Surtout , les personnages sont cette fois ci mieux travaillés, et notamment la pickpocket interprété par Yoko Mihara, qui m'a bien amusé. Actrice sympathique est dynamique dans ce film, qu'on a pu voir dans d'autres films comme Trois samouraïs hors-la-loi, La femme Scorpion, ou Les menottes rouges, dans lequel elle s'était arrondie et où elle mourrait dans un bain de sang (littéralement). Bref, elle apporte pas mal de piment et d'humour, et même si c'est clair que Teruo Yoshida est bien fade, je trouve que c'est cohérent avec le personnage. Elle même se moque d'ailleurs ouvertement de lui. Le dernier tiers est très réussi, et nous tiens bien en haleine, même si nous ne sommes pas face à un thriller de malade. Un film réussi qui s'inscrit donc dans la mouvance des polars pop ou jazzy des 60's alors en vogue au japon, et qui offrira des perles ultimes comme La marque du tueur, pour n'en citer qu'un.
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Re: Teruo Ishii (1924-2005)

Message par k-chan »

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Yellow Line, de Teruo Ishii (1960) [Osen Chitai - 黄線地帯]
[vu le samedi 11/06/16 - rétrospective Shintoho, à la MCJP]

Un tueur à gage exécute un nouveau contrat particulièrement juteux. La victime étant une personnalité politique importante, il est très rapidement recherché par la police. Alors qu'il doit retrouver son commanditaire afin de se faire payer, ce dernier n'est pas au rendez-vous. Il comprend donc qu'il s'est fait rouler, et démuni pour s'enfuir, il décide de prendre en otage une femme qu'il croise sur son chemin pour s'assurer qu'on ne lui barre la route. Une jolie danseuse pas vraiment décidée à se laisser impressionner...

Troisième film de la série, Yellow Line témoigne d'une maîtrise évidente de la part de Ishii. Le scénario qu'il signe lui-même se révèle être linéaire, sans grande surprise, et parfois hésitant, mais l'ensemble est suffisamment bien exécuté pour retenir notre attention, le film étant par ailleurs, et une fois de plus assez court. La mise en scène de Ishii est impeccable, et le scope est vraiment beau, avec une photographie couleur vraiment classe. Le film possède une ambiance solide, des décors foisonnants, ses musiques aux rythmes hispaniques, et ses personnages aux looks urbains très marqués sixties fort appréciables. Shigeru Amachi, acteur de la Shintoho qu'on a pu voir notamment Les fantômes de Yotsuya de Nakagawa a bien la gueule de l'emploi, justement comparé à un serpent dans le film, il a effectivement un visage surprenant, inspirant peu confiance. Face à lui, Yoko Mihara qu'on retrouvera dans Sexy Line est fort charmante, et apporte un peu de fraicheur à l'ensemble, même si le personnage incarnée ici est moins mordant que dans l'opus suivant. Si elle semble au départ bien décidé à embêté son kidnapeur, de manière assez drôle, elle ne lutte finalement pas très longtemps. Dommage, car cela aurait pu donner des moments d'humour bienvenus. Nos deux protagonistes finissent planqués dans une chambre d'un hôtel miteux d'un drôle de quartier de Kobe, une casbah franchement bizarre et pas très crédible. Dans la seconde partie du film, le récit se concentre alors sur l'enquête du chéri journaliste bien peu charismatique de la belle. Il doit enquêter sur un obscur réseau du nom de Yellow Line à Kobe, bien décidé à profiter de cette occasion pour retrouver sa belle par la même occasion. L'apparition d'une multitude de personnages loufoques fait alors avancer l'intrigue à coup de déduction et de hasards peu convaincants, mais bon... Pendant ce temps là, le tueur se dévoile un peu, et exprime son aversion pour le sentiment amoureux, ce qui ne manque pas de toucher madame. Ça prête quand même à sourire, mais bon, elle finit pas le trouver sympa... Bref, ce n'est pas transcendant, mais l'ambiance est là, ponctuées de quelques bizarreries, mention spéciale à cette prostitué censé être noire, mais qu'on devine être une blonde américaine salement grimée, et qui récite ses dialogues en japonais avec un accent insupportable. Heureusement, elle meure assez rapidement. La scène de danse sexy de Yoko Mihara est sympa. Un film qui commence plutôt bien, mais qui déçoit un peu dans sa seconde partie, sans pour autant ennuyer. Sexy Line est quand même d'un niveau supérieur, mais ce Yellow Line est un petit film à voir.


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Re: Teruo Ishii (1924-2005)

Message par bruce randylan »

Black line (1959)
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Un journaliste se réveille dans un hôtel à côté du cadavre d'une femme qu'il cherchait à questionner sur un trafic de drogue. Il comprend rapidement qu'on l'a piégé pour nuire à ses investigations.

Deuxième opus de la série des "... line", Black line est très plaisante série B grâce à la réalisation punchy, inventive et stylisée de Ishii. Les 15-20 premières minutes sont un petit modèle du genre avec son tournage une fois nouvelle dans les rues tokyoïtes nocturnes pour une narration allant droit à l'essentiel, rempli d'ellipses originales, d'accélérations inattendues et de jazz percutant. La réalisation accentue les contrastes du noir et blanc, multiplie les décadrages, les gros plans, les mouvements de caméra nerveux... De quoi faire oublier un scénario qu'on a déjà vu des dizaines de fois avec son héros accusé d'un crime qu'il n'a pas connu et qui doit trouver par ses propres moyens les véritables coupables. Comme dans les films d'Hitchcock, il sera secondé par 1 (voire 2) personnage(s) féminin(s) assez truculente(s) avec un comportement moderne, pétillante et à la sensualité provocante. Au point parfois de tomber dans une certaine gratuité puisque le scénario livre quelques séquences où les héroïnes aguichent le héros en sous-vêtements sans réelle justification (ou un trop facilement en tout cas). Mais avec la vedette maison Yoko Mihara, c'était un peu le passage obligée peut-on avancer.
Les relations entre les protagonistes sont ainsi un peu floues, et pas toujours claires, mais ça n'empêche pas la mélancolie de la dernière séquence de fonctionner.

Après le film ne répond pas à toutes ses promesses car les rebondissements manquent occasionnellement de surprises dans leur déroulement pour une écriture se contentant de compiler les passages obligés (le couple traqué assis dans un bus dans le lequel vient de grimper un policier). Et Ishii ne trouve pas tout le temps la petite astuce visuelle qui permettrait de renouveler le genre. Parfois, il la trouve mais ne parvient pas complétement à l'exploiter tel le combat final qui se déroule sur un train de marchandise et dont les placements de caméra ne permettent pas pleinement d'exploiter l'espace et l'architecture de l'arrière plan.

Dans l'ensemble, on ne s'ennuie pas, le casting ne manque pas de présence, le scénario trouve le bon dosage entre second degré et suspens et surtout Teruo Ishii s'amuse beaucoup derrière la caméra.
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bruce randylan
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Re: Teruo Ishii (1924-2005)

Message par bruce randylan »

Reprise du cycle Shintoho à la MCJP :)

Le quai de la chair (1958)

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Un policier infiltré essaie de remonter un réseau de prostitution.

Un Teruo Ishii qui précède de quelques mois sa série des « Line ». L'ambiance s'en rapproche un peu mais demeure bien moins « cinéma de genre/série B ». S'il y a déjà bien un monde nocturne où se mêle meurtre, réseau de prostitution, cabaret et strip-teaseuses, l'ambiance est plus mélancolique avec des policiers (infilitrés) qui retrouvent d'anciennes amours contraints de vendre leur corps ou de se produire dans des numéros lascifs sur scène.
Ca représente une part non négligeable du récit même si Teruo Ishii parvient à rendre ces séquences assez humaines. Rien de follement original (jeux des néons extérieurs clignotant ; caméra placée derrière des voiles, paravents et autres fenêtres ; préférence pour les gros plans de visages) mais ça introduit un léger lyrisme d'autant que le format 1.33 permet de mettre en valeur les visages.

Dans l'ensemble sa mise en scène essaie de dynamiser un scénario routinier : beaucoup de travellings (certains un peu complexes et/ou rapides), noir et blanc contrasté, pas mal de décors différents... Et pour éviter que le spectateur ne s'ennuie trop, il y a régulièrement des numéros de danses assez érotiques (pour l'époque) pour pimenter un peu le jeu. Les tenues sont pour le moins serrées et les soutien-gorges de Yoko Mihara manquent d'exploser à chaque mouvement.
Malgré ces détails racoleurs et la fusillade finale tout à fait décentes (où les pistolets ont des munitions infinies), le film est assez sobre et plus classiques que la série des « Line » à venir qui sera plus moderne, inventive avec des personnages moins figés et plus petillant.

Un honnête policier cependant qui se suit sans déplaisir grâce à sa réalisation et ses 73 minutes.
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Re: Teruo Ishii (1924-2005)

Message par bruce randylan »

L'île qui aspire les femmes (1960)

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Après la seconde guerre mondiale, de nombreux contrebandiers et trafiquants ont élu domicile dans l'île de Tsushima. Un homme mystérieux arrive avec le désir de se venger. Il croise alors une ancienne maîtresse.

Avec ce premier film en couleur, Teruo Ishii démontre qu'il est bien plus à l'aise et inventif qu'avec le noir et blanc. Ses films de la même période (la série "Line") sont dans l'ensemble sympathiques mais sont loin de rivaliser avec l'ambiance pop de cette île qui aspire les femmes. Il y a beaucoup d'idées savoureuses et originales dans l'utilisation de la couleur, ne serait-ce par un choix qui gomme toute la gamme de bleue, comme si le film avait été tourné en technicolor bi-chrome !
C'est assez curieux et ça pose bien son ambiance presque irréelle et fantastique qui tourne le dos à la crédibilité et la cohérence. Il ne faut pas chercher une logique à la progression de l'histoire qui ne demeure qu'un prétexte à plusieurs séquences entraînantes, plus ou farfelues : une séquence de danse dans un cabaret, un duel au pistolet où un pauvre sbire sert de témoin involontaire en portant des objets de plus en plus petits, un deal de drogue dans une pièce verte éclairant par un néon clignotant rouge, un immense rideau rouge décorant l'appartement de l'ancienne maîtresse, une fusillade sur le bord d'une falaise positivement grotesque, des travellings avant répétés jusqu'à l'absurde lors de la mise en place du duel final... Ishii adopte aussi pour un grand nombre de contre-plongée, parfois très accentués, qui prolonge l'atmosphère comic-book/sérial. Il y a un à ce titre très images stupéfiantes comme le méchant assis, les jambes écartées, ce qui lui confère une dimension perverse laissant sous-entendre qu'il n'a pas une sexualité très normale.

Les trouvailles de Ishii détournent souvent l'attention et la concentration, évitant un pseudo-Casablanca qui aurait été ridicule au premier degré. Ce n'est peut-être pas aussi virtuose et moderne que les Seijun Suzuki à venir mais on ressent un évident plaisir à filmer et un enthousiasme gratuit assez communicatif, du moins si on accepte ce parti-pris de pastiche graphique.
La personnalité et le style de Teruo Ishii est en tout cas plus reconnaissable ici que dans ses polars noir et blanc. Il y a d'ailleurs quelques moments avec un certaine fascination pour les sévices et les humiliations avec des prostituées se faisant fouetter ou suspendre sur des crochets, après avoir vu leurs vêtements déchirés évidement. Comme c'est assez soft (et sans se prendre au sérieux), le film évite le racoleur et l'exploitation qui deviendront la marque du cinéaste.
Il en ressort une série B ludique, sans problème de rythme, décalé et tourné avec un plaisir évident. Tout en possédant malgré tout une certaine mélancolie, démontrant que le cinéaste s'attache aussi à ses comédiens (et peut-être même à ses personnages).
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Re: Teruo Ishii (1924-2005)

Message par 1kult »

Blind Woman's Curse (1970)

Oh la déception... Il faut dire que le film, mythique, a tout pour lui : Teruo Ishii, le réalisateur de tous les excès érotiques et surréalistes, meiko Kaji, somptueuse lady Snowblood et Femme Scorpion, et un sujet hybride forcément très bis : adjoindre au film de yakuza "historique" en costume versant féminin (type La Femme Pivoine) un récit de malédiction, avec fantôme, vengeance, délires gores et visions baroques à la clé.

Malheureusement, le père Ishii est trop sage. Passée la belle séquence d'ouverture sous la pluie, on passe par une série de tunnels très bavards, qui finissent par poliment ennuyer. Et après avoir fait 2-3 retours en arrière après avoir piqué du nez ici ou là, force est de constater qu'hormis un passage dans un cirque plein de freaks et la conclusion qui se réveille un peu, le tout est assez impersonnel. Mais même l'actrice ne semble pas y croire tant que ça, et on notera la grande faiblesse du cinéaste à mon avis : le scénario fait souvent défaut...

Pas de bol, c'est le seul à ma connaissance dispo en Bluray à ce jour (chez Arrow). Mais bon, faute de grives...

Femmes Criminelles (1968)

Second opus du deuxième coffret femmes criminelles sorti chez HK Video (et qui est aujourd'hui épuisé), Femmes Criminelles est l'avant dernier opus d'une saga de 6 films : les Joy of Torture. Ici, ce faux film à sketch à l'ouverture étonnante (un homme autopsie sa femme, morte de façon violente, et découvre qu'elle s'est faite violer. Il va alors se pencher sur d'autres cas) passe en revue des femmes et hommes criminels célèbres qui ont fait les beaux jours des faits divers nippon. Un prétexte (on ne relarlera plus du tout de la mort de l'épouse du narrateur) qui nous montre 4-5 saynètes plus ou moins longues et inspirées. Chose étrange : si le récit d'Abe Sada est connu de certains amateurs de pinku eiga, le film de Teruo Ishii nous donne à voir la vraie Abe sada qui est interviewée sur un pont d'autoroute durant quelques minutes. Une mise en abyme plus putassière que pertinente, mais qui crée un vraie malaise.

Mais au final on est loin du niveau des opus précédents, et on sent que Ishii s'épuise sur cet épisode. Je n'ai pas encore vu le suivant, j'y reviens, je pense, très vite.

DVD très propre, sans bonus hormis quelques trailers, mais qui fait l'affaire grâce à une jolie copie et des sous-titres gaulois. Mais bon, il faut trouver le coffret, et ça risque de prendre du temps (et de l'argent).
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Re: Teruo Ishii (1924-2005)

Message par 1kult »

La Loi Yakuza (1969)

Suite et fin de la saga des Joy of Torture. Plus exactement, si les 4 premiers sont plutôt homogènes, les deux derniers semblent un peu à part et sortent du cahier des charges qui, avouons-le tournait franchement en rond. Mais le talent de Ishii n'est pas dans ses scénarios, mais dans la pure mise en scène de la violence, du sexe et de l'horreur, le tout se mélangeant joyeusement. La Loi yakuza est un film à sketch, qui s'intéresse à trois récits de Yakuzas à différentes époques. Honneur, Morale, trahison, petits doigts qui volent, on est sans problème dans le cahier des charges du genre. Le tout est réalisé joyeusement, sans rien qui dépasse jusqu'à des explosions de violence hallucinantes et aussi fascinantes qu'outrancières. On se coupe un oeil, une oreille, on se sabre et on se tire dessus joyeusement.

Alors forcément, c'est un peu décousu et ça ne va pas super loin (même si on appréciera le regard acerbe sur cette "Morale" et cet "Honneur" lorsque tout le monde trahit tout le monde (c'est flagrant dans le dernier segment, très "Yojimbo/Pour une poignée de dollars"). Mais si on met ça de côté, cette jolie bêtise est plus inventive et folle que les deux films cités il y a quelques jours. Et de toute façon, si jamais vous êtes intéressés, les films ne sont dispos que dans les coffrets HK Video de trois films, épuisés aujourd'hui, donc...
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Re: Teruo Ishii (1924-2005)

Message par hellrick »

Pour les curieux, j'avais fait un article de 8 pages sur toute la saga (plus le spin off SHOGUN's SADISM et les titres du même genre style ONE HUNDRED YEARS OF TORTURE) dans l'Ecran Fantastique 373. :wink:
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Re: Notez les films naphtas - Octobre 2010

Message par The Eye Of Doom »

hellrick a écrit : 25 oct. 10, 11:36 HORRORS OF MALFORMED MEN (L'Effrayant docteur Hijikata)

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Production japonaise de la fin des sixties, HORRORS OF MALFORMED MEN a acquis un statut de cult-movie au cours des années, ne serait-ce que par son interdiction totale dans son pays d’origine. Evidemment, les amateurs de cinéma horrifique, toujours attirés par ce genre de publicité gratuite et tapageuse, attendaient de HORRORS OF MALFORMED MEN un métrage réellement dérangeant et pervers mêlant outrageusement sexe, horreur et violences. Longtemps invisible et mythique, l’œuvre de Ishii se laisse aujourd’hui découvrir et, malheureusement, s’avère largement en deçà de sa flatteuse réputation. Banni en raison de son sujet (le handicap et la difformité physique constituent des tabous culturels au Pays du Soleil Levant) et non pour son côté graphique, HORRORS OF MALFORMED MEN s’apparente surtout à un film d’auteur globalement imbuvable. L’ensemble se révèle, en effet, timoré au point de vue de l’érotisme et de l’horreur, non seulement selon les standards actuels mais même en comparaison de certains « classiques » asiatiques de la même époque comme par exemple L’ENFER DES TORTURES. L’intrigue, en outre, se montre plutôt confuse et peu intéressante durant sa première moitié, laquelle tente de manière assez languissante de bâtir une atmosphère angoissante sans jamais y parvenir véritablement.
Inspiré d’un roman de Edogawa Rampo décalquant sans honte le classique de H.G. Wells « L’île du docteur Moreau », le récit reprend également, selon les spécialistes, des portions d’autres récits de l’auteur pour aboutir à un patchwork peu convaincant.
Le jeune Hirosuke se réveille, amnésique, dans un asile psychiatrique occupé par des jeunes femmes nues totalement folles. Peu à peu, la mémoire lui revient par bribes et Hirosuke commence à se souvenir de rivages, de falaises battues par les flots déchainés, d’une jeune fille à deux visages, etc. Hirosuke va ensuite tuer un étrange homme chauve et s’échapper de l’asile avant de rencontrer une demoiselle à son tour poignardée par un inconnu. Toujours en quête de son identité et de son passé occulté, Hirosuke poursuit son enquête. Apprenant le récent décès d’un homme lui ressemblant comme un frère jumeau, Hirosuke prend sa place et affirme qu’il n’était pas mort, ce qui lui permet, une fois « ressuscité », de s’introduire dans la famille du défunt. Hirosuke découvre alors l’île de ses souvenirs et part l’explorer, rencontrant son père, lequel règne sur une sorte de harem composé d’esclaves féminines et d’hommes déformés.

Présenté abusivement comme un « shocker » horrifique, HORRORS OF MALFORMED MEN se révèle, en définitive, un récit typique de la fin des sixties et du début des seventies relatant une sorte de voyage initiatique, celui d’un personnage perdu dans ses souvenirs découvrant au fil du métrage d’horribles révélations sur son existence. Empruntant au fantastique gothique, à l’épouvante et au mystère policier, le film rappelle certaines grandes réussites comme par exemple l’excellent THE WICKER MAN et cultive une ambiance psychédélique et surréaliste parfois fascinante. Une imagerie complètement délirante se dévoile ainsi au spectateur durant la seconde moitié du métrage, au cours de laquelle nous découvrons d’étranges danseurs peinturlurés d’argent et des séquences bizarres aux éclairages très contrastés inspirés des œuvres de Mario Bava. Très « auteurisante » et souvent assommante, cette deuxième partie multiplie les effets visuels aujourd’hui très datés et convoque une imagerie grotesque censée exorciser le traumatisme de la Seconde Guerre Mondiale et la crainte du feu nucléaire. Hélas, Teruo Ishii parait souvent se lancer dans des expérimentations en roue libre plus fatigantes que passionnantes, la construction scénaristique très lourde n’arrangeant pas les choses en enquillant des flashbacks explicatifs de moins en moins passionnants. Les maquillages spéciaux rudimentaires et l’aspect très bricolé et artisanal des passages horrifiques condamnent également l’entreprise qui sombre souvent dans un grotesque plus ou moins volontaire, la « poésie macabre » souhaitée se changeant fréquemment en dérapages peu concluants.

Toutefois, HORRORS OF MALFORMED MEN comprend l’une ou l’autre qualité parvenant à en rendre la vision supportable. L’acteur Tastumi Hijikata incarne ainsi avec beaucoup de puissance le médecin dément (de l’île de sang ajouteront les cinéphiles philippins) en utilisant une gestuelle très particulière, adaptée de l’école de danse qu’il a crée, le Butoh. Les passages où intervient Hijikata, utilisant une chorégraphie désarticulée, possèdent par exemple un véritable pouvoir de fascination. Au rayon de l’horreur pure citons un passage franchement glauque détaillant une jeune femme enchaînée forcée de se nourrir des crabes dévorant le cadavre de son amant ! L’utilisation parfois adroite des filtres colorés pour baigner l’écran de couleurs primaires (le rouge et le vert dominent souvent) donne un certain cachet à la mise en scène mais les dérapages « arty » ou humoristiques gâchent le climat angoissant voulu par le cinéaste et aboutissent à un métrage très inégal et longuet.

Théâtral, irracontable, inégal et occasionnellement traversé de brèves fulgurances, HORRORS OF MALFORMED MEN divisera sans doute largement le public. Entre rejet radical et idolâtrie passionnée, le film de Teruo Ishii laisse peu de place à des positions plus intermédiaires ou nuancées. Les cinéphiles curieux et avertis de la nature hautement déstabilisante du métrage peuvent donc tenter l’aventure, quitte à en ressortir déçus. Les autres, qui s’attendent à un « vrai » film d’horreur ou d’exploitation se tourneront vers d’autres productions nipponnes (et elles sont nombreuses !) plus susceptibles de satisfaire leurs attentes.
De passage a la solderie Carlotta, je suis reparti avec le bluray Arrow (plutot pour ne pas partir les mains vides).
Je serais un peu moins severe que Hellrick ci dessus, qui livre une excellente analyse des faiblesses et atouts du film, car c’est globalement ce a quoi je m’attendais.
Scenario mal foutu : qui trop embrasse mal étreint. De memoire plusieurs recit de Egowara sont mélangés et c’est confus.
Voulant demarrer par une scene choc, l’intrigue se prends les pieds dans tapis : mais screugneugneu pourquoi le gars se retrouve à l’asile.???
L’intrigue policière du debut est escamoté. On passe au long moment de substitution d’identité, heureusement plus recit sans etre 100% prenant.
Enfin on attaque la dernière partie, le morceau de bravoure qui evoque les visions typiques debut 70.
Et meme la, le franchement envoutant (l’acceuil sur l’ile ettrajet en barque) cotoie le bien raté (la salle des déformés).
La fin s’etire en melo stupide pour finir en kitsch absolu (le feu d’artifice).

En résumé, le film est a voir pour 15/20 minutes bien délirantes portées par la presence incroyable et fascinante de Tastumi Hijikata.

Copie superbe.
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