Mes Chers Amis 1 et 2 (Mario Monicelli - 1975/1982)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

Répondre
Cosmo Vitelli
Pipeaulogue
Messages : 7754
Inscription : 13 avr. 03, 00:48
Localisation : Sur le forum DVDCLASSIK

Mes Chers Amis 1 et 2 (Mario Monicelli - 1975/1982)

Message par Cosmo Vitelli »

Eh oui, encore un sujet sur le cinéma italien. Et alors, z'êtes pas jouasses ? :twisted:

En 1975 Mario Monicelli dirige en lieu et place de Pietro Germi (alors très malade...il décédera quelques mois plus tard) un film qui restera comme l'un des chouchous du public transalpin. Sept ans plus tard, il remet le couvert avec une suite tout aussi jubilatoire. Malgré la présence de deux acteurs français prestigieux (Philippe Noiret et Bernard Blier) au casting, et une presse excellente, le film est distribué en France un an plus tard dans un nombre restreint de salles et en plein mois d'août, qui plus est dans une version quelque peu tronquée (la partie "Maffia" avec Blier est expurgée de l'affrontement avec la bande virtuelle des marseillais dans le terrain vague). Le second opus, tourné en 82, connaît à peu de choses près le même sort. Sortie française estivale en 84 et disparition d'une des séquences les plus hilarantes : le pastiche du calvaire du Christ.

Image

Les trois "Mes Chers Amis" (Amici Miei en version originale) suivent une bande de copains de toujours qui, pour fuir un quotidien pesant, s'adonnent à ce qu'ils appellent des "Virées tziganes" : autrement dit, des virées sans destination, où ils pourront s'adonner à des farces de potache et autres coups montés gigantesques.



S’agissant des deux premiers opus, colossal semble l’adjectif adéquat. Succès colossal au box office italien en transgressant bon nombre de directives prônées aujourd'hui pour s’attirer les faveurs du public. D’abord les personnages principaux sont des quinquagénaires, ensuite il n’ y a pas d’histoire d’amour conventionnelle. Si l’on ajoute les affronts multiples à l’égard de ces institutions « vénérables» que sont la famille ou l’église, on obtient un précis de mauvaise conduite cinématographique. Femmes, enfants, handicapés, ainsi que nos héros eux-mêmes, ne sont pas épargnés par la caméra de Monicelli et la plume de ses collaborateurs scénaristes. Le mariage est dépeint comme une institution carcérale, étouffante. La paternité est vécue comme une malédiction. Enfin, nul « MacGuffin » à se mettre sous la dent, aucune énigme à résoudre, aucune personne à sauver des griffes d’un opposant. D’ailleurs y a-t-il d’autres opposants à nos héros que leurs propre famille, leurs proches, etc. ? D’un point de vue dramaturgique, enfin, le récit épouse la forme d’une chronique éclatée où le passé vient tourmenter le présent.

Image

Colossal, l’humour des deux films l’est également. Pour nos cinq quinquagénaires le monde est un terrain de jeu à conquérir. Le langage (avec la fameuse "Supercazzola" que Tognazzi utilise pour enfumer ses interlocuteurs), les objets, les lieux, sont détournés de leurs fonctions primaires. Ils sont réinvestis à des fins ludiques. L’ennemi de nos chers amis c’est le temps et les institutions qui se mettent en travers de leur route. Lorsqu’on a décidé d’entreprendre une virée tzigane il n’ y a pas une seule seconde à perdre. Toute concession (à la famille, à la maîtresse, au travail) est un obstacle posé en travers de la route. Mais, comme souvent chez Monicelli, le désespoir s’invite aux moments les plus inattendus. Le rire se mue alors en grimace voire en pleurs. Derrière les moqueries, les gags colossaux, pointe un sentiment terrible d’impuissance métaphysique. Le rire est le moyen de se soustraire momentanément à l’absurdité de la vie, aux contraintes du quotidien. C’est aussi un bras d’honneur adressé à la mort elle-même dans une des plus belles séquences du premier film.

Image

Image

Le dernier baroud d’honneur de nos personnages sera aussi celui d’un genre, la Comédie à l’Italienne qui ne survivra pas à la nouvelle donne berlusconienne.
Noiret consacrera plusieurs pages de ses mémoires à louer ce qu’il considère comme deux de ses plus grands souvenirs de tournage. Vite une édition DVD, avec les versions intégrales per favore !
"De toutes les sciences humaines, la pipeaulogie - à ne pas confondre avec la pipe au logis - ou art de faire croire qu'on sait de quoi on parle, est sans conteste celle qui compte le plus de diplômés !" Cosmo (diplômé en pipeaulogie)
Avatar de l’utilisateur
Ann Harding
Régisseur
Messages : 3144
Inscription : 7 juin 06, 10:46
Localisation : Paname
Contact :

Re: Mes Chers Amis 1 et 2 (Mario Monicelli)

Message par Ann Harding »

J'ai vu le premier opus de Amici Miei lors d'un hommage à Philippe Noiret à la Cinémathèque peu après sa disparition. Une comédie italienne comme on n'en fait plus: absolument hilarante et en même temps mélancolique. Espèrons que bientôt les films de Monicelli arriveront en DVD!!! :)
bruce randylan
Mogul
Messages : 11652
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Mes Chers Amis 1 et 2 (Mario Monicelli)

Message par bruce randylan »

Cosmo Vitelli a écrit :Eh oui, encore un sujet sur le cinéma italien. Et alors, z'êtes pas jouasses ? :twisted:
Quand c'est Monicelli, toujours :D

Bon, j'avais pu seulement voir le 1er à la cinémathèque lors de la rétro du cinéaste et j'avais za-do-ré !
Ce qui m'avait d'autant plus frustré d'avoir raté le 2ème :(

Donc, oui, ils arrivent quand les DVD de Monicelli ? :evil:
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
Cosmo Vitelli
Pipeaulogue
Messages : 7754
Inscription : 13 avr. 03, 00:48
Localisation : Sur le forum DVDCLASSIK

Re: Mes Chers Amis 1 et 2 (Mario Monicelli, 1975-1982)

Message par Cosmo Vitelli »

Séance de rattrapage à la Cinémathèque française avec le premier volet projeté le Samedi 5 Décembre 2009 à 21h15 et le Vendredi 11 Décembre 2009 à 17h00, dans le cadre de "Les héritiers des Vitelloni". Je ne sais pas s'il s'agira du montage français. Si ce sont les mêmes copies que la dernière alors oui, hélas. Mais c'est toujours mieux que rien ou que le montage diffusé à la télévision française dans les années 80 (amputé d'une bonne vingtaine de minutes)
"De toutes les sciences humaines, la pipeaulogie - à ne pas confondre avec la pipe au logis - ou art de faire croire qu'on sait de quoi on parle, est sans conteste celle qui compte le plus de diplômés !" Cosmo (diplômé en pipeaulogie)
villag
Accessoiriste
Messages : 1945
Inscription : 24 févr. 08, 09:48
Localisation : la rochelle

Re: Mes Chers Amis 1 et 2 (Mario Monicelli, 1975-1982)

Message par villag »

les scènes à la gare !.........pour quand le dvd?( et dire qu'on a tout Max Pecas !!!!!)
F d F ( Fan de Ford )
Cosmo Vitelli
Pipeaulogue
Messages : 7754
Inscription : 13 avr. 03, 00:48
Localisation : Sur le forum DVDCLASSIK

Re: Mes Chers Amis 1 et 2 (Mario Monicelli, 1975-1982)

Message par Cosmo Vitelli »

villag a écrit :les scènes à la gare !.........pour quand le dvd?( et dire qu'on a tout Max Pecas !!!!!)
C'est un peu l'arlésienne le DVD. Déjà que le film ne passe plus à la télévision (satellite compris). Peut être un problème de droits.
"De toutes les sciences humaines, la pipeaulogie - à ne pas confondre avec la pipe au logis - ou art de faire croire qu'on sait de quoi on parle, est sans conteste celle qui compte le plus de diplômés !" Cosmo (diplômé en pipeaulogie)
paul_mtl
je sais de quoi je parle
Messages : 962
Inscription : 9 juil. 05, 00:00
Localisation : avec ta soeur
Contact :

Re: Mes Chers Amis 1 et 2 (Mario Monicelli - 1975/1982)

Message par paul_mtl »

Cosmo,
Ca te dérange si je reprend un long extrait de ton texte que je trouve bon pour mon site sur la comédie italienne ?

Edit:
Ca y est c'est le début de la célébrité. Mes félicitations vous êtes cité sur le site Comédie Italienne. :mrgreen:
amici-miei
Dernière modification par paul_mtl le 15 avr. 10, 13:43, modifié 1 fois.
Comedie italienne - Top 250
C'est pour satisfaire les sens qu'on fait l'amour ; et c'est pour l'essence qu'on fait la guerre - R.Devos
Shackleton, Casanova
Cosmo Vitelli
Pipeaulogue
Messages : 7754
Inscription : 13 avr. 03, 00:48
Localisation : Sur le forum DVDCLASSIK

Re: Mes Chers Amis 1 et 2 (Mario Monicelli - 1975/1982)

Message par Cosmo Vitelli »

paul_mtl a écrit :Cosmo,
Ca te dérange si je reprend un long extrait de ton texte que je trouve bon pour mon site sur la comédie italienne ?
Pas du tout :D
"De toutes les sciences humaines, la pipeaulogie - à ne pas confondre avec la pipe au logis - ou art de faire croire qu'on sait de quoi on parle, est sans conteste celle qui compte le plus de diplômés !" Cosmo (diplômé en pipeaulogie)
Cosmo Vitelli
Pipeaulogue
Messages : 7754
Inscription : 13 avr. 03, 00:48
Localisation : Sur le forum DVDCLASSIK

Re: Mes Chers Amis 1 et 2 (Mario Monicelli - 1975/1982)

Message par Cosmo Vitelli »

Le premier volet est repris en salles le 9 novembre :wink:
"De toutes les sciences humaines, la pipeaulogie - à ne pas confondre avec la pipe au logis - ou art de faire croire qu'on sait de quoi on parle, est sans conteste celle qui compte le plus de diplômés !" Cosmo (diplômé en pipeaulogie)
Avatar de l’utilisateur
Profondo Rosso
Howard Hughes
Messages : 18487
Inscription : 13 avr. 06, 14:56

Re: Mes Chers Amis 1 et 2 (Mario Monicelli - 1975/1982)

Message par Profondo Rosso »

La ressortie de la semaine

Mes Chers Amis (1975)

Cinq quinquagénaires, un journaliste, Perozzi, un chirurgien, Sassaroli, un noble ruiné, Mascetti, un patron de café, Necchi, et un architecte, Melandri, font des virées de potaches, remplies de blagues.

Mes chers amis est l'ultime projet d'un Pietro Germi qui affaibli par la maladie décida d'en confier la réalisation à son ami Mario Monicelli (auquel 10 ans plus tôt et en pleine crise personnelle il tenta d'offrir Signore & Signori avant de reprendre le projet avec le résultat que l'on sait). Le film est donc un hommage de Monicelli à son ami disparu et bien difficile de démêler les apports de chacun. L'institution du mariage aliénante pour des hommes immatures en quête d'ailleurs fut déjà malmenée dans Divorce à l'italienne et l'un des segments de Signore & Signori avec Gaston Moschin qu'on retrouve ici au casting. L'ironie mordante et le désespoir latent qui traverse le film sont aussi du pur Germi tandis que la tendresse, la formidable gestion et la complicité du groupe d'acteurs ainsi que la drôlerie en toute chose sont typique de la patte de Monicelli. En tout cas l'union des deux hommes donne un résultat jubilatoire.

Sans ligne narrative définie, le récit accompagne les facéties de cinq quinquagénaires qui pour contrebalancer un quotidien morne ont décidés de s'amuser de tout. Pour ce faire, ils s'engagent dans des périples rocambolesques et improvisés (appelés tziganeries) où ils multiplient les blagues potaches. Au fil des différents périples se dessine le portrait de chacun et c'est à celui qui se disputera l'existence la plus pathétique. On y trouve notre narrateur Perrozi (Philippe Noiret) journaliste solitaire méprisé par son fils terre à terre, le noble déchu et embrouilleur de première Macetti (Ugo Tognazzi), l'architecte doux rêveur Melandri (Gaston Moschin), le propriétaire de bar Necchi (Diulio Del Prete moins fouillé que les autres) et le chirurgien farceur Sassaroli (Adolfo Celli). Le film s'inscrit dans la veine de ses films italiens des 70's dépeignant une génération usée, revenue de tout et ne croyant plus en rien sinon se réfugier dans leur souvenirs (Nous nous sommes tant aimés de Scola) ou le suicide (La Grande Bouffe de Ferrari). A la mélancolie et au nihilisme de ces œuvres, Monicelli troque un humour dévastateur et offre une des comédies italiennes les plus drôles, inventives et irrévérencieuses de l'âge d'or. Les situations vont du plus simple immédiatement tordant (le gag des baffes dans la gare énorme) au plus alambiqué et tout aussi hilarant (le long canular final au malheureux Bernard Blier). Les acteurs s'en donne à cœur joie lors de moments comiques étincelant tel cet hôpital traversé d'un tsunami avec le passage des compères, avec une inventivité constante notamment le phrasé improbable de Tognazzi qui en rendra fou plus d'un.

Sous l'humour un profond malaise se fait sentir néanmoins, autant par les comportements peu reluisant des héros que par cette société terne qui n'a plus rien à offrir. Le machisme et la vulgarité sont autant source de rire que de vraie cruauté avec des personnages féminins tour à tour victimes (Milena Vukotic épouse sacrifiée de Tognazzi), harpies (l'amour de Moschin qui passe de la douceur romantique à l'exigence matérielle) ou bel objet indifférent avec la jeune et belle Titti. Le seul refuge sera donc le rire pour les héros dès lors vu sous un jour fort pathétique. Toutes leurs facéties ne sont qu'une sorte de baroud d'honneur rigolard en attendant la fin, qui va survenir de manière inattendue lors de la conclusion. Mais là aussi la tristesse passé l'important reste de s'amuser, la preuve une ultime scène où on aura rarement autant ri à un enterrement. 6/6 Film du mois ?
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99493
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Re: Mes Chers Amis 1 et 2 (Mario Monicelli - 1975/1982)

Message par Jeremy Fox »

Voici le premier film chroniqué par Justin Kwedi : il vient de sortir en DVD en France chez SNC
Répondre