Allan Dwan (1885-1981)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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bruce randylan
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Re: Allan Dwan (1885-1981)

Message par bruce randylan »

Le bord de la rivière (The River's Edge - 1957)

Un modeste éleveur de bétail vit dans un coin reculé, près de la frontière mexicaine. Son épouse ne supporte plus cette existence où le confort n'existe pas. Son ancien amant (qui l'a conduit en prison) vient la reconquérir tout en espérant rejoindre le pays voisin avec une grande somme d'argent.


On n'est pas loin du chef d'oeuvre. :D

Pas loin, parce que comme souvent chez Dwan, je trouve qu'il y a quelques raccourcis pas toujours logiques qui sont surtout là pour relancer l'histoire ou amener certaines situations bien spécifiques (le deuxième meurtre pas forcément nécessaire par exemple ; la psychologie d'Anthony Quinn est par moment un peu trop flou). Pour le reste c'est admirable, passionnant et doté d'une force et d'une intensité dramatique qui tient presque de la parabole biblique. vraiment Impressionnant.

Le talent de conteur de Dwan est ici à son sommet dès l'introduction (les déboires de Debra Paget dans son quotidien de fortune) enlevée et assez drôle, parfaitement rythmée qui témoigne en plus d'un admirable sens du cadre, du scope et de l'espace. L'arrivée de Milland apporte une touche ambiguë et trouble qui donne l'une des explosions les plus stupéfiantes et choquantes pour cette époque... et encore aujourd'hui d'ailleurs.
La suite est une passionnante fuite entre les 3 personnages pour un croisement entre le thriller, western, film noir, road movie, huis clos et histoire d'amour. les dialogues sont savoureux, le trio d'acteur épatant et les séquences presque toute mémorable (une préférence pour celle qui se déroule dans la grotte pendant l'orage). La conclusion de démérite pas en plus !

Voilà, clairement l'une des grandes réussites de Dwan et l'un de mes coups de cœur de l'année.
Découvert sur grand écran à al cinémathèque dans une chouette copie et il me tarde de le revoir ! (le DVD zone 1 vaut quoi ?)
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Re: Allan Dwan (1885-1981)

Message par daniel gregg »

bruce randylan a écrit :Le bord de la rivière (The River's Edge - 1957)

Un modeste éleveur de bétail vit dans un coin reculé, près de la frontière mexicaine. Son épouse ne supporte plus cette existence où le confort n'existe pas. Son ancien amant (qui l'a conduit en prison) vient la reconquérir tout en espérant rejoindre le pays voisin avec une grande somme d'argent.


On n'est pas loin du chef d'oeuvre. :D

Pas loin, parce que comme souvent chez Dwan, je trouve qu'il y a quelques raccourcis pas toujours logiques qui sont surtout là pour relancer l'histoire ou amener certaines situations bien spécifiques (le deuxième meurtre pas forcément nécessaire par exemple ; la psychologie d'Anthony Quinn est par moment un peu trop flou). Pour le reste c'est admirable, passionnant et doté d'une force et d'une intensité dramatique qui tient presque de la parabole biblique. vraiment Impressionnant.

Le talent de conteur de Dwan est ici à son sommet dès l'introduction (les déboires de Debra Paget dans son quotidien de fortune) enlevée et assez drôle, parfaitement rythmée qui témoigne en plus d'un admirable sens du cadre, du scope et de l'espace. L'arrivée de Milland apporte une touche ambiguë et trouble qui donne l'une des explosions les plus stupéfiantes et choquantes pour cette époque... et encore aujourd'hui d'ailleurs.
La suite est une passionnante fuite entre les 3 personnages pour un croisement entre le thriller, western, film noir, road movie, huis clos et histoire d'amour. les dialogues sont savoureux, le trio d'acteur épatant et les séquences presque toute mémorable (une préférence pour celle qui se déroule dans la grotte pendant l'orage). La conclusion de démérite pas en plus !

Voilà, clairement l'une des grandes réussites de Dwan et l'un de mes coups de cœur de l'année.
Découvert sur grand écran à al cinémathèque dans une chouette copie et il me tarde de le revoir ! (le DVD zone 1 vaut quoi ?)

Le Fox Z1 est plutôt correct avec une bonne tenue des couleurs, la définition n'est pas au top mais pour une édition 2006, c'est honorable.
Seulement st anglais et espagnols. :wink:
bruce randylan
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Re: Allan Dwan (1885-1981)

Message par bruce randylan »

Merci.
Un de plus sur la wish list :|
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Re: Allan Dwan (1885-1981)

Message par Ann Harding »

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The Half-Breed (Le Métis, 1916) d'Allan Dwan avec Douglas Fairbanks, Alma Rubens, Jewel Carmen, Sam de Grasse et George Beranger

Le métis "Lo Dorman" (D. Fairbanks) est courtisé par Nellie (J. Carmen) la fille du pasteur provoquant la fureur du Shérif Dunn (Sam de Grasse) qui ignore qu'il est son propre fils...

A ses débuts, Douglas Fairbanks travaille au sein de la société Triangle qui produit également les films de T.H. Ince avec William S. Hart. On retrouve donc dans leurs films certaines actrices comme Alma Rubens et Winifred Westover (qui devint brièvement Mrs Hart). Cet excellent film d'Allan Dwan avait bien besoin d'une restauration. J'avais vu la copie incomplète de la Cinémathèque française il y a quelques années et j'étais restée sur ma faim. La fin du film était incomplète, le montage laissait à désirer avec des scènes qui réapparaissait deux fois de suite et il y avait des intertitres en français mal placés. Dans cette nouvelle réstauration réalisée par le San Francisco Silent Film Festival, le film retrouve une chronologie logique et ses intertitres en langue originale.
Cette fable panthéiste se veut une célébration de l'homme des bois face à la corruption de la civilisation. Plus encore, c'est le métis, fils d'une squaw, qui est le héros du film face aux Blancs malfaisants. Dans les années 10, les Indiens sont très souvent bien représentés au cinéma contrairement à ce qui se passera plus tard dans les années 30 où les Indiens ne seront plus que des sauvages hurlants. Le film commence par un strip-tease de Fairbanks qui nous permet d'admirer sa plastique irréprochable. En fait, cette séquence dut être ajoutée par Allan Dwan pour contenter Mrs Fairbanks (Beth Sully) qui ne supportait pas l'idée de voir son époux jouer un "sale indien". On le montre donc plongeant dans la rivière pour se laver.
Bien qu'il soit un métis, il attire l'attention de la très séduisante Nellie (Jewel Carmen) qui est la fille du pasteur au grand dam de ses soupirants. Elevé par un botaniste, Lo Dorman (contraction de "L'eau dormante" - Sleeping water) est un homme simple et droit face à la mesquinerie et la violence des Blancs. Le film exploite au mieux les magnifiques décors naturels de la Californie avec ses gigantesques séquoias et ses vallées profondes où coulent les rivières.
Il faut mentionner Alma Rubens qui joue la douce Teresa victime de son protecteur qui l'exploite avec son "medicine show" pour attraper les gogos. Elle trouve enfin avec Lo Dorman, un homme qui lui apporte protection et respect. Cette jeune actrice sera victime plus tard d'un de ces docteurs marrons - qui fourmillaient à Hollywood - qui lui donnera une addiction à la morphine. Elle mourra à l'âge de 33 ans sans avoir pu vaincre cette addiction.
Le film était accompagné lors de la présentation à la Cinémathèque par un clavier électronique et une variété d'instruments à vent (harmonica, clarinette, saxophone). Hélas, les musiciens se sont contentés de ressasser constamment les mêmes thèmes - souvent particulièrement anachroniques pour la période du film (à l'époque de la ruée vers l'or) et ont ignoré les moments les plus comiques. Malgré cet accompagnement peu approprié et particulièrement bruyant, ce fut un plaisir de pouvoir redécouvrir ce film de Fairbanks.
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Re: Allan Dwan (1885-1981)

Message par bruce randylan »

Malheureusement je n'ai pas pu regarder cette version reconstruite mais j'avais découvert la copie de la cinémathèque plus court de 4-5 minutes il y a plusieurs mois. Et j'en ai fait une critique sur 1kult :wink:
http://www.1kult.com/2013/11/19/le-metis-allan-dwan/
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Re: Allan Dwan (1885-1981)

Message par poet77 »

Gulli rend hommage à Shirley Temple en diffusant demain soir Heidi, un film réalisé par Allan Dwan en 1937. Je ne suis pas sûr que ce soit du meilleur Dwan, mais s'il y a des curieux ou des fans de Shirley Temple... Sait-on jamais!
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Jeremy Fox
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Re: Allan Dwan (1885-1981)

Message par Jeremy Fox »

poet77 a écrit :Gulli rend hommage à Shirley Temple en diffusant demain soir Heidi, un film réalisé par Allan Dwan en 1937. Je ne suis pas sûr que ce soit du meilleur Dwan, mais s'il y a des curieux ou des fans de Shirley Temple... Sait-on jamais!
La dernière fois que je l'ai vu, j'ai trouvé ce film extrêmement mauvais.
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Re: Allan Dwan (1885-1981)

Message par poet77 »

Jeremy Fox a écrit :
poet77 a écrit :Gulli rend hommage à Shirley Temple en diffusant demain soir Heidi, un film réalisé par Allan Dwan en 1937. Je ne suis pas sûr que ce soit du meilleur Dwan, mais s'il y a des curieux ou des fans de Shirley Temple... Sait-on jamais!
La dernière fois que je l'ai vu, j'ai trouvé ce film extrêmement mauvais.
Voilà qui est dit! Mais y a-t-il un film avec Shirley Temple qui soit bon? Peut-être La Mascotte du Régiment?
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Re: Allan Dwan (1885-1981)

Message par poet77 »

Je continue sur le même sujet: est-ce que les autres films tournés par Allan Dwan avec Shirley Temple sont meilleurs que Heidi? Je n'en connais aucun et je me méfie beaucoup des films à l'eau rose avec miss Temple. Les titres: Mam'zelle Vedette et Rebecca of Sunnybrook Farm. Si quelqu'un connaît, merci d'avance pour les avis...
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Jeremy Fox a écrit :Image Image

Mam'zelle vedette (Rebecca and the Sunnybrook Farm) de Allan Dwan 1938 20TH CENTURY FOX

Rebecca, une petite fille de 8 ans qui aime chanter pourrait facilement devenir une vedette de la radio si sa tante ne le lui interdisait et si son beau-père ne posait pas la condition d'en tirer un maximum de profit...

Pas grand chose à dire : les films avec Shirley Temple se suivent et se ressemblent tous plus ou moins sans que dans l'ensemble ils soient aussi désagréables qu'on aurait pu le penser (Our little Girl de John S. Robertson [drame d'à peine 60 minutes ayant pour sujet le divorce vu par les yeux d'une petite fille] étant même une assez belle réussite). Paradoxalement, ce sont ceux réalisés par les cinéastes les plus prestigieux qui s'avèrent les moins bons. Après John Ford qui met en scène l'un de ses pires films avec La mascotte du régiment, Allan Dwan tourne coup sur coup un Heidi sans intérêt et ce musical un peu meilleur grâce justement à ses séquences chantées et dansées. Shirley Temple a grandi mais sa voix reste la même et elle se débrouille toujours aussi bien avec les claquettes notamment dans le numéro final qui ressemble beaucoup à celui de Poor Little Rich Girl, une fois encore costumée en petit soldat. Ses partenaires sont Randolph Scott, Jack Haley et Gloria Stuart. L'ensemble se suit assez bien grâce à ces derniers et aux mélodies de Harry Revel et Mack Gordon mais l'incursion, comme dans Heidi, de gags burlesques est totalement raté. Moyen, assez terne mais néanmoins regardable.
J'ai trouvé la réponse à ma question... Mais, pour ce qui concerne La Mascotte du Régiment, je ne suis pas d'accord! Pour moi, c'est du même ordre que ce que tu dis à propos de Mam'zelle Vedette: "moyen... mais néanmoins regardable"!
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Re: Allan Dwan (1885-1981)

Message par kiemavel »

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While Paris Sleeps (1932)
Production : William Sistrom (Fox Film)
Scénario : Basil Woon
Photographie : Glen MacWilliams
Musique : R.H. Bassett et Arthur Kay

Avec :

Victor McLaglen (Jacques Costaud)
Helen Mack (Manon Costaud)
William Bakewell (Paul)
Jack La Rue (Julot)

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Jacques Costaud, un héros de la guerre 14/18 avait été par la suite condamné à la réclusion à perpétuité pour avoir tué un homme. Après 15 ans de bagne, apprenant que sa femme est sur le point de mourir et ne supportant pas de savoir sa fille livrée à elle-même, il s'échappe de l'Ile du diable et regagne Paris. Manon, sa fille, ignore qu'il est en vie. Elle ne l'a même seulement jamais vu. Sans ressources à la suite du décès de sa mère, elle est expulsée de la chambre qu'elle occupait mais alors que le soir même elle se présente pour rassembler ses affaires, elle rencontre Julot, l'homme qui l'a déjà remplacée comme locataire. Travaillant de nuit et comprenant le dénuement de la jeune fille, il l'autorise à profiter de son repas et à passer la nuit dans son ancien logement. Le lendemain, il lui trouve même un modeste emploi dans un bar miteux, le "Casque d'or" ou elle assiste Paul, un pauvre accordéoniste qui fait danser dans les bals du quartier. Mais Julot, en réalité proxénète, a d'autres projets pour Manon…

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Ce film d'Allan Dwan présente une parenté étrange avec La petite Lise de Jean Grémillon qui était sorti en 1930 alors on peut s'interroger sur le lien entre ces 2 films. Un indice supplémentaire permet de se poser la question car le scénariste Basil Woon, qui avait déjà été le correspondant d'un journal américain à Paris, avait été renvoyé en France par la Fox pour s'imprégner de l'ambiance parisienne et de ses bas-fonds pour écrire son scénario…mais il faudrait savoir s'il avait profité de son séjour parisien pour voir le film de Grémillon, or on ne le saura jamais. Même si on ne peut pas parler de remake inavoué en raison des différences dans le développement de l'intrigue, la trame de base présente quand même des similitudes notables concernant la situation de l'héroïne au point de départ du récit : mère décédée ; père emprisonné pour meurtre (dans la Petite Lise pour celui de sa femme) ; des scènes d'ouverture qui se déroulent au bagne de Cayenne dans les 2 cas puis la libération de l'un (La petite Lise) et l'évasion de l'autre, avant leur retour à Paris ou ils retrouvent leur fille, pour l'une, livrée à elle-même et devenue prostituée et pour l'autre qui pourrait le devenir (mais on sait qu'Allan Dwan voulait être plus explicite sur ce point et que le film a été censuré à tous ses stades, j'y reviendrais plus loin)…
Spoiler (cliquez pour afficher)
et enfin leurs sacrifices pour permettre le bonheur de leurs filles et de leurs maris ou fiancés)
Néanmoins sur cette trame comparable, les 2 cinéastes livrent des récits différents à tous points de vue. Jean Grémillon (et Charles Spaak) livrent un film mélodramatique à la fois empreint d'onirisme (certaines séquences rappellent Jean Vigo) mais aussi très réaliste et très ancré dans son époque. Il anticipe stylistiquement le mouvement du réalisme poétique dont il est l'une des premières manifestations tout en étant visiblement influencé par la crise des années 30 qui couvait ou qui débutait, et il présente donc, thématiquement cette fois, une partie des caractéristiques d'un mouvement lui aussi à venir, les drames sociaux de l'époque du front populaire. On est obligé d'y penser lorsqu'on entend le jeune couple du film rêver de réunir suffisamment d'argent pour ouvrir une affaire à eux, en l'occurrence un garage. Pour se faire, ils sont prêt à tout et c'est Lise qui paye le plus en recevant des clients chez elle l'après midi…Les rêves de prolos sont donc confrontés à la réalité économique de l'époque dans un film montrant les conséquences de la condition ouvrière de manière réaliste, dure et même assez crue et audacieuse pour l'époque (cf. ce sujet sur la prostitution qui posa tant de problèmes à Dwan). Même si Grémillon se concentre presque totalement sur le drame intime du jeune couple, on pourrait parler de mélodrame social. Toutefois, plus le film avance, plus on s'éloigne du film "social" et du Paris contemporain pour aller vers un Paris intemporel et vers le mélodrame avec des personnages semblant surgis du passé ou de la littérature populaire, comme ce personnage d'usurier (juif comme il se doit dans un film français des années 30…).

En comparaison, le film de Dwan semble lui tout entier être l'adaptation d'un roman du 19ème. Jacques Lourcelles fait le rapprochement avec Les misérables…et c'est juste. En voyant le bagnard incarné par Victor McLaglen, on ne peut que penser à Jean Valjean. Au delà de ce personnage, c'est l'atmosphère générale de la ville de Paris qui semble sortir d'un roman de l'époque. On se demande d'ailleurs ce qu'est venu faire sur place le scénariste pour avoir tiré de son expérience une vision aussi caricaturale de la ville et de son peuple. Je commence par le moins problématique mais le plus symptomatique. Ça commence avec ce héros dénommé Jacques Costaud puis avec ce Julot. Profession ? Proxénète (son nom de famille n'est jamais précisé mais j'aurais bien vu Julot Casse-Croute). Puis nous découvrons Paul, l'accordéoniste (le gentil. Ben oui, on a jamais vu un accordéoniste mettre en pièces son instrument à la fin d'un concert). Tous les personnages sont ainsi très typés au point d'être caricaturaux (à titre d'exemple, une mère maquerelle au rire tonitruant et aux regards mauvais est énorme de vulgarité). Si les personnages sont très chargés, pour l'atmosphère générale, on additionne un peu du père Hugo, un bout d'Eugène Sue, un peu de folklore Belle époque (le gang qui s'adonne à la traite des blanches se réunit dans les sous sols d'un cabaret miteux qui s'appelle le "casque d'or") et pour le décor, on est dans un quartier qui fait penser au vieux Belleville dans les ruines duquel je me suis jadis baladé.

Ce Paris artificiel est en revanche magnifiquement mis en valeur par Allan Dwan. Dans les scènes presque exclusivement nocturnes que filme le metteur en scène, il joue beaucoup avec les ombres plus ou moins menaçantes qui courent sur les murs. Dans une cour qui ressemble à celle de… Fenêtre sur cour, les ombres /silhouettes apparaissent et disparaissent derrière les rideaux offrant aux jeunes gens désoeuvrés et laissés pour compte le spectacle de la vie des autres. Plus loin, dans la séquence la plus violente du film qui se déroule dans les sous sols de la ville, c'est en partie par les ombres géantes des hommes en présence que l'on comprend ce qui se passe. Un informateur de la police est saisi par la bande de Julot et brulé vif dans le four de la boulangerie du quartier, le silence de cette scène presque muette étant brisé par les hurlements de la victime. C'est que dans ce film encore très marqué par le cinéma muet, les meilleures séquences sont muettes. Après celles montrant le bagne et l'évasion de Jacques Costaud, Dwan enchaine en nous montrant Manon déposer un message en mémoire de son père sur la dalle de l'Arc de triomphe comme le font d'autres anonymes qui viennent déposer un bouquet de fleurs ou une lettre sur la tombe du soldat inconnu. Au même moment, dans un autre quartier de la ville, son père qui vient d'arriver à Paris et erre dans les rues à la recherche de sa fille, s'arrête pour relire une lettre que sa femme mourante lui avait écrite dans laquelle elle lui apprenait que sa fille le croyait mort. Pour ne pas ternir l'image d'un homme qui avait été un grand soldat (Manon conserve pendant tout le récit la croix de guerre de son père autour du cou) mais qui avait ensuite tué accidentellement un homme au cours d'une bagarre, elle avait prétendu qu'il était mort au combat et que son corps n'avait jamais été retrouvé. Plus tard, dans une séquence que l'on aurait pu trouver telle quelle dans un Silent, Dwan nous montre les retrouvailles ratées du père et de la fille. Renseigné par son ancienne logeuse, Jacques parvenu sur le palier ou habitait sa fille reste sur place prostré et frustré de l'avoir raté d'aussi peu…ignorant que Manon est hébergée par l'homme qui l'a remplacé comme locataire de sa chambre. Manon ouvre la porte prête à sortir mais la referme, renonçant à sortir pour finalement profiter du repas offert par Julot. Une fois qu'il l'aura retrouvé, comprenant les menaces qui pèsent sur sa fille, Jacques préférera rester son ange gardien de l'ombre même s'il comprendra l'attachement qu'éprouve pour lui sa fille dans une magnifique scène de recueillement dans une église de Paris ou il l'avait suivi. Le bien nommé Jacques Costaud (interprété par le massif McLaglen)l se battra pour elle mais avec les seules armes dont il semble savoir se servir, ses poings qu'il fait plus souvent marcher que sa tête.

Tant qu'il reste dans ce registre là, McLaglen est solide mais il montre vite ses limites dans les scènes dramatiques survenant plus nombreuses à mesure que le film avance mais il en est parfois touchant de maladresse…et après tout l'incapacité à comuniquer était aussi dans le rôle de cet homme qui ne saura pas montrer son affection à sa fille mais qui la démontrera par son courage et son sens du sacrifice. De manière moins heureuse, le jeu des autres comédiens semble parfois lui aussi sorti du passé, notamment lorsque Helen Mack (Manon) manifeste de manière excessive, par une gestuelle héritée du muet, sa peur ou son inquiétude. Jack La Rue (Julot) est également concerné dans au moins une séquence, celle de sa rencontre avec Manon, au cour de laquelle Il montre ses véritables intentions quand, après avoir tenté de la rassurer et lui avoir proposé de l'héberger quelques temps pour l'aider, Dwan le montre un court instant grimaçant et inquiétant derrière la porte qu'il s'apprête à franchir pour aller "travailler". Manon, elle, déambule dans ce monde sordide sans se rendre compte des intentions des hommes de son entourage. Même Paul n'est pas tout blanc. Il semblera d'abord indifférent puis l'aidera mais aura besoin d'être poussé à le faire.

Enfin pour finir, un mot sur les vicissitudes de cette production. Lorsque le Hays Office à visionné le film au début de 1932, il a refusé catégoriquement de le sortir en l'état exigeant de nombreuses coupures. Des passages entiers ont été supprimés et des scènes retournées dans les semaines suivantes. Les échanges entre la direction du comité de censure et la Fox ont été conservée mais il serait fastidieux de rentrer dans les détails. Toute allusion à la prostitution posait problème. Le bar ou travaillait Manon, visiblement un bar à hôtesses du être "nettoyé". Le travail de Julot, un proxénète et son réseau qui sous couvert de rechercher des modèles couvrait un réseau de traite des blanches…a été conservé mais de manière allusive grâce semble t'il à un stratagème trouvé par Dwan lui même. La bande de Julot n'enlevait plus des filles…mais proposait à Manon de devenir modèle pour un couturier sud-américain en la prévenant que les hommes riches se servaient de son établissement comme d'une agence matrimoniale. Il reste tout de même des allusions plus directes à la prostitution. Ainsi lorsque Jacques, à la recherche de sa fille déambule dans Paris, une fille l'aguiche en lui faisant signe de la tête de monter. Juste avant, à Manon qui s'inquiète de son avenir maintenant qu'elle n'a même plus un toit ou dormir, sa logeuse lui réponds : "If I had a face and figure like yours, I wouldn't ask silly questions !" . Même tel qu'on peut le voir le film suscita des réactions parait-il indignées de certains ambassadeurs sud-américain, pas contents qu'on laisse entendre que des femmes pouvaient être exploitée sexuellement au sein de réseau de traites des blanches en Amérique latine. Plus près de nous, Paul Claudel, alors ambassadeur de France à Washington, écrivit au Hays Ofice pour protester contre l'image de Paris que renvoyait ce film ! Difficile de juger d'un film aussi mutilé. Tel qu'il est, je vois un bon Dwan mais pas un aussi beau Dwan que celui qu'à vu Jacques Lourcelles. Néanmoins, reste tout de même l'envie de replonger au plus tôt dans les Dwan des années 30.
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Re: Allan Dwan (1885-1981)

Message par Jeremy Fox »

Le western du samedi : The Restless Breed
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Chances - Allan Dwan

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Chances (1931)
Production : First national - Distribution : Warner
Scénario : Waldemar Young d'après un roman de A. Hamilton Gibbs
Photographie : Ernest Haller
Avec : Douglas Fairbanks Jr. (Jack Ingleside), Rose Hobart (Molly Prescott), Anthony Bushell (Tom Ingleside), Holmes Herbert (Le major Bradford), Mary Forbes (Mme Ingleside)

Dans l'épais brouillard de Londres en 1914, le soldat Jack Ingleside heurte une jeune femme et tente de la séduire. En vain. Elle semble se jouer de lui, ses propos laissant entendre qu'ils se connaissent et si elle accepte de lui laisser un numéro de téléphone il s'avère être faux. Jack retrouve son frère Tom dans un pub et le lendemain les deux inséparables frères, voyagent ensemble pour aller rendre visite à leur mère avant de partir au front. Dans le train, Ils évoquent des souvenirs d'enfance et se souviennent de Molly Prescott, la petite fille de leurs voisins qui accompagnait leurs jeux. À la surprise de Jack, l'un des invités de sa mère est la jeune inconnue de la nuit précédente…en laquelle Tom reconnait immédiatement Molly. Très vite, la proximité entre Tom et la jeune femme semble évidente, le jeune homme avouant à sa mère que Molly est la seule femme qu'il ai jamais aimé. Le lendemain, se retrouvant seul, Jack et Molly se trouve des affinités. Le charme du jeune séducteur opère et malgré la réputation d'homme à femmes de Jack, Molly semble séduite. Cependant, lorsque Jack se rend compte des sentiments profonds de son frère pour Molly, il décide de s'effacer. Les deux hommes partent au front…
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L'un des meilleurs films des années 30 de Allan Dwan que j'ai vu jusque là. Il est divisé en deux parties. La première : à Londres puis dans la campagne anglaise ; la seconde sur le front français. C'est un mélodrame guerrier visuellement splendide qui propose une variation sur le thème du triangle amoureux dans le contexte de la guerre. L'intrigue présente quelques similitudes avec celle de Hell's Angels (1930). Deux frères très liés, un sérieux et romantique ; l'autre séducteur et insouciant tombent amoureux de la même femme. Les scènes le plus réussies sont celles qui précèdent le grand bal donné par la mère de Jack et Tom pour fêter leur retour, et le bal lui-même qui s'achève assez brutalement par le télégramme ordonnant leur départ pour le front. C'est au cours de cette parenthèse, entre la fin de leur instruction et le départ à la guerre, que dans un instant très court se déroulent en accéléré les événements qui vont bouleverser les personnalités et qui vont par conséquent bousculer les sentiments éprouvés par Tom, Jack et Molly.
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Leurs retrouvailles ne sont pas vécu de la même façon par les 3 jeunes amis. Tom retrouve celle qu'il n'a jamais cessé d'aimer ; Jack trouve Molly à son gout mais elle n'est d'abord qu'une jolie fille comme une autre ; quant à la jeune femme, elle semble un peu perdue entre Tom, un jeune garçon charmant et naïf, simple et rempli de certitude et le second qui, au contact de la jeune femme, va montrer, au delà de son charme et de sa personnalité plus brillante, qu'il est aussi plus profond qu'il n'y paraissait. Molly va être bousculée par les sentiments qu'elle suscite mais elle va d'abord repousser gentiment Jack. Car, ignorant tout de l'amour de son frère pour Molly, celui qui a le plus d'expérience de ce type de jeu, va tenter de devancer son frère et tenter de la séduire. Le lendemain de leurs retrouvailles, il profite d'une sortie au bord de la mer pour tenter de se rapprocher d'elle mais elle esquive ses tentatives. Plus tard, en marge du grand bal donné par sa mère, à l'évidence, les deux jeunes gens semblent se rapprocher mais plus tard, lorsque Jack va apprendre de sa mère les projets de son frère, épouser celle qu'il n'avait jamais cessé secrètement d'aimer, Jack va s'effacer. Se sachant observé par Molly, pour donner le change, il va même tenter de rétablir son image de playboy en flirtant avec Sylvia, une autre invitée.
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Pour susciter sa jalousie ? Même pas sûr, tant ces personnages se respectent, à priori, et malgré une situation potentiellement explosive. Le rôle tenu par la jeune femme est relativement moderne. On comprend son attachement profond pour un jeune homme sérieux et fou d'elle mais aussi son attirance, qu'elle ne parvient pas à comprendre, pour un jeune homme en apparence léger mais qui s'est sincèrement épris d'elle. Malgré la grande honnêteté et le respect éprouvé pour les deux autres, chacun garde ses doutes et sa part de mystère. Molly lorsqu'elle accepte la proposition de mariage de Tom, se sait aussi attirée par Jack mais elle n'est en rien une manipulatrice, juste une jeune femme inexpérimentée tiraillée entre deux hommes. C'est la guerre qui, frappant brutalement à la porte -puisque c'est cette nuit là qu'arrive le télégramme contenant l'ordre de mobilisation des deux frères- va décider pour eux et les séparer provisoirement, en sachant que la séparation peut être définitive dans un tel contexte.
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La seconde partie rappelle qu'on peut faire de bonnes choses, même dans le cinéma d'action, avec un petit budget. Il est évident que Dwan avait moins d'argent que n'en avait eu Milestone pour À l'Ouest, rien de nouveau (1930), mais sans égaler ce classique, les scènes guerrières sont très réussies, notamment une spectaculaire charge de cavalerie dans le brouillard qui évoque davantage des conflits antérieurs que les images de la première guerre mondiale habituellement filmées. J'en reste là concernant l'évolution de la situation de nos trois personnages. On anticipe certaines choses : la permission de l'un ou de l'autre ? Molly, engagée elle aussi dans la guerre ou pas ? Allan Dwan ose l'humour dans un sujet s'y prêtant peu mais il est exclusivement présent à travers quelques personnages secondaires de la partie Londonienne et plus globalement anglaise du récit. Évidemment, par la suite…Le seul souci relatif est du au casting assez inégal. La quasi débutante Rose Hobart, qui fait penser un peu à Norma Shearer, ne la vaut pas et Anthony Bushell (Tom) est aussi par moment un peu léger pour un tel film mais ça n'empêche pas ce film d'être très recommandable.
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Jeremy Fox
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Re: Allan Dwan (1885-1981)

Message par Jeremy Fox »

Surrender - 1950

Portrait d'une femme fatale arriviste qui va semer le trouble et les drames autour d'elle dans une petite ville de Californie à la fin du 19ème siècle.

Un mélodrame mâtiné de film noir en décors westerniens ; un Dwan mineur et pour tout dire assez faible ayant pour cause principale une interprétation d'ensemble plutôt moyenne. Vera Ralston ne me déplait pas forcément dans les films assez légers (Le bagarreur du Kentucky ou La Belle du Montana) mais elle n'a guère l'étoffe d'une femme fatale ; William Ching n'est guère plus crédible et Walter Brennan a eu des rôles plus intéressants à interpréter que ce "Javert" du Far West. Reste un John Carroll toujours aussi classieux. Ceci étant, le film se laisse voir sans trop d'ennui et mérite le coup d'oeil au moins pour ses dix dernières minutes durant lesquelles Allan Dwan prouve une fois de plus son talent pour le mouvement et les scènes d'action. Moyen, pas mauvais pour autant.
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John Holden
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Re: Allan Dwan (1885-1981)

Message par John Holden »

Jeremy Fox a écrit :Surrender - 1950

Portrait d'une femme fatale arriviste qui va semer le trouble et les drames autour d'elle dans une petite ville de Californie à la fin du 19ème siècle.

Un mélodrame mâtiné de film noir en décors westerniens ; un Dwan mineur et pour tout dire assez faible ayant pour cause principale une interprétation d'ensemble plutôt moyenne. Vera Ralston ne me déplait pas forcément dans les films assez légers (Le bagarreur du Kentucky ou La Belle du Montana) mais elle n'a guère l'étoffe d'une femme fatale ; William Ching n'est guère plus crédible et Walter Brennan a eu des rôles plus intéressants à interpréter que ce "Javert" du Far West. Reste un John Carroll toujours aussi classieux. Ceci étant, le film se laisse voir sans trop d'ennui et mérite le coup d'oeil au moins pour ses dix dernières minutes durant lesquelles Allan Dwan prouve une fois de plus son talent pour le mouvement et les scènes d'action. Moyen, pas mauvais pour autant.
Assez d'accord avec toi, on pourrait croire que le scénario n'était pas sa préoccupation principale pour ce film.
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