Richard Quine (1920-1989)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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blaisdell
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Re: Notez les films naphtalinés de septembre 2008

Message par blaisdell »

Parlons-en de Richard Quine tiens donc !

Strangers when we meet - Les liaisons secrètes (1960)

Voilà une de mes plus belles découvertes cinéphiliques, permises par le récent dvd.. Puisse cette sortie promouvoir ce petit bijou qui a ces fervents admirateurs mais qui n'est pas non plus toujours célébré à sa juste valeur.

Dans la mise en scène, dans la peinture des sentiments, dans le scénario tout est d'une grande délicatesse... mais justement Quine n'a pas son pareil pour boucsuler cette délicatesse. Il campe la petite ville typique des Etats-Unis pour mieux la bouleverser. Dans ce film, le calme apparent précède la tempête. Ainsi le personnage de Walter Matthau, qui passe d'ami délicat à parfait salaud dans une scène bien dérangeante. Le bonheur conjugale fait place à l'adultère.

Le couple Kirk Douglas- Kim Novak ( :oops: :oops: )est superbe, surtout que les personnages qu'ils campent sont infiniment attachants. En tous cas quand est venue la fin du film j'ai éprouvé une petite tristesse à les quitter. Difficile après coup d'oublier certaines de leurs scènes, notamment celle à la plage où il est question de la femme de Kirk Douglas - Larry.

L'utilisation du cinémascope et de la couleur est tout à fait exemplaire. Les décors ont une grande importance outre la petite ville américaine typique; ainsi la maison édifiée par Kirk Douglas - Larry Coe pendant tout le film n'est-elle pas la métaphore de la passion qu'il éprouve pour Kim Novak - Maggie ?

Un beau film d'amour (pas seulement adultère) tout à fait remarquable qui me donne envie de voir d'autres Quine ..
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Jeremy Fox
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Re: Notez les films naphtalinés de septembre 2008

Message par Jeremy Fox »

blaisdell a écrit :
Strangers when we meet - Les liaisons secrètes (1960)

Voilà une de mes plus belles découvertes cinéphiliques, permises par le récent dvd.. Puisse cette sortie promouvoir ce petit bijou qui a ces fervents admirateurs mais qui n'est pas non plus toujours célébré à sa juste valeur.

Un beau film d'amour (pas seulement adultère) tout à fait remarquable qui me donne envie de voir d'autres Quine ..
Selon moi (et d'autres ici même), un pur chef d'oeuvre !

D'autres excellents Richard Quine : My Sister Eileen - Pushover - It Happened to Jane
Fatalitas
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Re: Notez les films naphtalinés de septembre 2008

Message par Fatalitas »

faudrait que je pense à le regarder, tiens, le dvd prend la poussiere depuis un mois :oops:
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Jeremy Fox
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Re: Richard Quine (1920-1989)

Message par Jeremy Fox »

Un réalisateur que j'apprécie tout particulièrement et dont le chef d'oeuvre est Strangers when we meet (Liaisons secrètes) avec le couple poignant constitué par Kirk Douglas et Kim Novak. Un drame de l'adultère absolument sublime.

Sinon, quelques-uns de mes avis :


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Ma Soeur est du tonnerre (My Sister Eileen) de Richard Quine (1955) COLUMBIA

Encore une réussite de Richard Quine qui les a cumulé dans les années 50 que ce soit dans le film noir (Pushover), la comédie (It Happened to Jane) ou le mélodrame (Strangers when we Meet). [Hâte de découvrir tous les autres qui me sont encore inconnus.] Et My Sister Eileen est à son tour une formidable réussite dans le genre qui nous intéresse ici avec toujours un style reconnaissable, "langoureux", élégant et jamais tape à l'oeil, refusant tout spectaculaire : alors qu'avec un tel scénario, Stanley Donen aurait mené son film sur un rythme plus que soutenu, Richard Quine prend son temps et laisse se prolonger chacune de ses scènes sans pour autant jamais nous ennuyer. Nous aurions certes aimer que parfois ça s'accélère mais le film respire tellement la joie de vivre qu'on s'accommode de cette apparente paresse ; comme dans un film de Hawks, on s'attache vite à ce petit groupe de personnage et les péripéties passent alors au second plan. Aux côtés de la délicieuse Janet Leigh, une Betty Garrett qui aura rarement été aussi charmante, un Jack Lemmon absolument parfait (mais qu'on aurait aimé voir plus longtemps à l'écran) et, dans le rôle des deux jeunes gens tournant autour d'Eileen, deux danseurs exceptionnels en la personne de Tommy Rall et Bob Fosse (déjà tous deux dans le chef-d'oeuvre de George Sidney, Kiss me Kate). La chorégraphie de Bob Fosse est d'une grande modernité et toujours aussi dynamique, le tout sur une musique vraiment charmante de Jule Styne et Leo Robin. Les chansons et numéros musicaux sont d'ailleurs fluidement intégrés à l'intrigue et certains sont inoubliables comme le 'duel virtuose' "Competition dance" et surtout 'Give me a band and my baby' qui peut rivaliser sans crainte avec Good Morning ou Be a Clown pour sa gaieté et son entrain. Peut-être pas le chef-d'oeuvre escompté mais pas loin et qui risque de me plaire de plus en plus au fur et à mesure des visionnages car le style de Richard Quine est tellement sobre qu'il s'apprivoise en plusieurs temps.

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Train, amour et crustacés (It happened to Jane - 1959) de Richard Quine COLUMBIA

C'est une comédie "à la Capra" et non une pure comédie "romantique" (avec forces allusions sexuelles) comme celle du début des 60's. Le film raconte l'histoire véridique d'une femme qui a presque été ruinée par la faute d'un financier sans scrupule et qui, à l'aide d'un ami avocat (superbe Jack Lemmon), décide de ne pas se laisser faire et de le contrer jusqu'à ce qu'elle obtienne réparation. C'est un peu David contre Goliath. C'est parfois drôle grace à un numéro hilarant d'Ernie Kovacs dans le rôle de l'ordure de service mais c'est surtout profondément attachant grâce au couple Day-Lemmon qui fonctionne à merveille. Richard Quine ne fait pas se dérouler sa comédie à 100 à l'heure mais au contraire prend son temps pour enrichir ses personnages (au passage, il croque avec chaleur toute une communauté bien sympathique) et sa mise en scène est toujours aussi élégante, sa caméra se baladant au milieu de décors naturels bien mis en valeur.
Un film au final qui ne paie pas de mine mais profondément humain, assez touchant et qui comporte quand même une séquence chantée pour ceux à qui ça aurait pu manquer, avec Jack Lemmon à la guitare.

Ma critique de L'adorable voisine
Nestor Almendros
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Re: Richard Quine (1920-1989)

Message par Nestor Almendros »

Un avis que j'ai posté le 4 août 2007:

L'ADORABLE VOISINE de Richard Quine

Après une tentative infructueuse sur le câble il y a quelques années, j'ai voulu redonner une petite chance à ce film, notamment inspiré par les chaleureux avis de Jeremy (il me semble) sur certains films de Richard Quine.

Eh bien ce fut un petit ennui bien poli. Que c'était long! Le scénario souffre d'un manque assez flagrant d'une intrigue consistante. Il ne se passe pas grand chose pendant ces 100 minutes, et tout m'a donc paru bien mou. Le film manque de souffe, forcément, et les dialogues m'ont paru très bavards.

Pourtant il y avait tout pour faire un beau succès: Kim Novack d'abord, que j'ai trouvé plus fade que dans VERTIGO (mon Hitchcock préfér, donc la barre était très haute), James Stewart, Jack Lemmon, et même Elsa Lanchester et Philippe Clay (dont MusicMan a peut-être dejà parlé dans son topic phare).

Peut-être que naïvement j'attendais trop un "pilote" de MA SORCIERE BIEN AIME sur grand écran, car il est impossible de ne pas penser à la série tv tellement il y a de points communs.
J'essaierai quand même quelques Richard Quine à l'occasion, et surtout par curiosité, en espérant être mieux servi cette fois-ci.

Alligator (22 novembre 2007) a écrit :Bell Book and Candle (Adorable voisine) (Richard Quine, 1958)
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Comédie romantico-fantastique dont finalement le seul intérêt est le casting.

James Stewart en pétard, ça vaut le coup d'oeil.
Kim Novak toujours aussi belle malgré ces sourcils trafiqués pour faire... sorcière?
Jack Lemmon, tout jeune, tout fringant et dont la bouille mobile ne peut pas ne pas vous arracher quelques sourires.
Elsa Lanchester, toujours à l'aise dans les rôles fantasques, délirants mais sympathiques (je l'ai vue dernièrement dans La grande horloge où elle jouait également un personnage un peu braque).
Et puis Ernie Kovacs, que je ne connaissais pas, et qui semblait très à l'aise, presque désinvolte, un personnage dans la lune et immodérément imbibé à la drôlerie plutôt sympathique. Mort très tôt, sa filmographie est maigrichonne. Dommage.

Le scénario reste agréable mais ne décolle pas vraiment. Les dialogues sont simples, sans charme particulier. Il manque quelque chose à ce film. Du rythme peut-être. Certainement une mise en scène plus jubilatoire. Avec le sujet et les acteurs qu'avait en main Quine, ce dernier nous propose un film bien tiède, beaucoup trop sage.
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Re: Richard Quine (1920-1989)

Message par Lord Henry »

Ma Soeur est du tonnerre (My Sister Eileen) de Richard Quine (1955)
C'est précisément le film que projette Janet Leigh à ses invités, dans l'épisode de Columbo où elle interprète une actrice en mal de retour (Forgotten Lady).

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Re: Richard Quine (1920-1989)

Message par Ballin Mundson »

Nestor Almendros a écrit :
L'ADORABLE VOISINE de Richard Quine

Après une tentative infructueuse sur le câble il y a quelques années, j'ai voulu redonner une petite chance à ce film, notamment inspiré par les chaleureux avis de Jeremy (il me semble) sur certains films de Richard Quine.
Moi, c'est seulement après la 2è vision que j'ai aimé ce film.
Comme plusieurs ici, j'ai été bien déçu la première fois : rythme mou, couleurs moches, jack lemmon un peu pénible, ... Peut être que j'en attendais trop, ou quelque chose de différent, plus pétillant, un peu à la manière d'un épisode de ma sorcière bien aimée.

En lui donnant une deuxième chance, je me suis laissé porté par ce film et j'ai aimé son rythme, dont la langueur est à l'image du personnage de Kim Novak, doux et mélancolique. Maintenant, je suis fan
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Re: Richard Quine (1920-1989)

Message par Jeremy Fox »

Ballin Mundson a écrit :
Nestor Almendros a écrit :
L'ADORABLE VOISINE de Richard Quine

Après une tentative infructueuse sur le câble il y a quelques années, j'ai voulu redonner une petite chance à ce film, notamment inspiré par les chaleureux avis de Jeremy (il me semble) sur certains films de Richard Quine.
Moi, c'est seulement après la 2è vision que j'ai aimé ce film.
Comme plusieurs ici, j'ai été bien déçu la première fois : rythme mou, couleurs moches, jack lemon un peu pénible, ... Peut être que j'en attendais trop, ou quelque chose de différent, plus pétillant, un peu à la manière d'un épisode de ma sorcière bien aimée.

En lui donnant une deuxième chance, je me suis laissé porté par ce film et j'ai aimé son rythme, dont la langueur est à l'image du personnage de Kim Novak, doux et mélancolique. Maintenant, je suis fan
Doux et mélancolique, voilà qui pourrait s'appliquer quasiment à l'ensemble de sa filmographie, tout du moins avant les années 60. Et oui, la première fois, au vu du pitch, on s'attend trop à une comédie délirante, ce qu'elle n'est évidemment pas. Si je devais réécrire ma critique aujourd'hui, je serais également encore un peu plus enthousiaste.
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Jeremy Fox
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Re: Richard Quine (1920-1989)

Message par Jeremy Fox »

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Train, amour et crustacés (It Happened to Janes)

Réalisation : Richard Quine
Avec Doris Day, Jack Lemmon, Ernie Kovacs, Steve Forrest
Scénario : Norman Katkov & Max Wilk
Photographie : Charles Lawton Jr. (Eastmancolor 1.85)
Musique : George Duning
Une production Columbia
USA – 98 mn -1959


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La veuve Jane Osgood (Doris Day) a décidé d’élever des homards dans la paisible petite ville de Cape Anne dans le Maine pour subvenir aux besoins de ses deux jeunes enfants. Malheureusement l’une de ses grosses ventes par correspondance lui revient ‘avariée’, la compagnie de chemin de fer chargée de son transport ayant négligemment trop tardée à la livrer. C’est une perte sèche pour la jeune femme d’autant qu’il s’agissait d’un de ses meilleurs clients qui refuse désormais de faire à nouveau appel à elle. Estimant être dans son bon droit, avec l’aide de son ami d’enfance l’avocat George Denham (Jack Lemmon), elle décide tel David contre Goliath d’intenter un procès à la grosse société ferroviaire que dirige un homme misogyne et sans aucun scrupule, le détestable Harry Foster Malone (Ernie Kovacs). Une bataille juridique et médiatique s’engage mais Malone ne va pas se laisser faire, n’ayant dès lors de cesse que de mettre des bâtons dans les roues à la jeune femme entêtée. Avec l’aide de ses concitoyens qui commencent à voir en elle une héroïne entreprenante et persévérante luttant pour le droit et la justice, Jane finit par bloquer la voie ferrée en s’accaparant l’un des trains de la compagnie…

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Faste période en cette fin des fifties pour le réalisateur Richard Quine qui signe successivement trois excellents films dont en 1960 très probablement le plus beau de l’histoire du cinéma sur la thématique de l’adultère -et d’ailleurs également l’un des plus beaux films tout courts, poignant comme rares l’auront été-, le sublime Liaisons secrètes (Strangers when we Met) avec l’inoubliable couple illégitime composé par Kirk Douglas et Kim Novak qui vous fera à coup sûr verser quelques larmes d’émotion. It Happened to Jane fut son film précédent, une comédie sociale ‘à la Capra’ qui elle-même faisait suite à la comédie fantastique qui inspira probablement la savoureuse série Bewitched (Ma Sorcière bien aimée) –d’autant plus certain que Richard Quine fut coréalisateur et coproducteur à la fin des années 40 avec William Asher qui non seulement initia la série mais devient l’époux d’Elisabeth ‘Samantha’ Montgomery-, L’adorable voisine (Bell, Book and Candles) avec à nouveau Kim Novak en ravissante sorcière tombant cette fois amoureuse de James Stewart. Ernie Kovacs –dont on ne cessera de tarir d’éloges sur son potentiel comique trop mal exploité tout au long de sa carrière-, troisième larron de cette élégante comédie, sera à nouveau de l’aventure It Happened to Jane aux côtés cette fois d’un couple tout aussi crédible et attachant que les deux cités ci-dessus, Doris Day et Jack Lemmon ; ce dernier allait être l’un des acteurs fétiches du cinéaste, les deux hommes ayant tourné ensemble à pas moins de six reprises.

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Richard Quine, cinéaste encore méconnu en France -injustement éclipsé à mon avis par son collaborateur et grand ami Blake Edwards, sans que le talent de ce dernier ne soit de ma part remis en question-, commença sa carrière à Broadway en tant qu'acteur à l'âge de onze ans avant d’être en 1941 le partenaire du duo Mickey Rooney/Judy Garland dans la comédie familiale et musicale Débuts à Broadway (Babes on Broadway) de Busby Berkeley. Passé derrière la caméra il réalisera avec autant de réussite aussi bien des films noirs (Du Plomb pour l’inspecteur – Pushover) que des comédies musicales (Ma Sœur est du tonnerre – My Sister Eileen), des comédies ou des mélodrames (voir les titres cités dans le premier paragraphe). Durant les années 60 il se consacrera au cinéma presque exclusivement à la comédie (Deux têtes folles – Paris when it Sizzles avec William Holden et Audrey Hepburn ; Comment tuer votre femme - How to Murder Your Wife avec Jack Lemmon et Virna Lisi…) et travaillera par ailleurs beaucoup pour la petite lucarne pour laquelle il signera notamment trois épisodes de Columbo. Revenu au cinéma à la fin des années 70 avec une nouvelle version du Prisonnier de Zenda dont le double-rôle était joué par Peter Sellers, il se suicidera dix ans après. Malgré de bonnes critiques et des têtes d’affiches prestigieuses -dont Doris Day qui était toujours à l’époque la star féminine la mieux payée ainsi que la préférée des américains-, It Happened to Jane fut malheureusement un cuisant et incompréhensible échec public ; Jack Lemmon ayant émis l’hypothèse qu’une partie du bide provenait d’un titre peu accrocheur -et ne parlons pas du stupide titre français-, la Columbia tenta de forcer le sort en le ressortant sur les écrans deux ans plus tard sous le titre Twinkle and Shine. Rien n’y fit ! Essayons presque 60 ans après de lui redonner une chance qu’à mon humble avis il mérite amplement.

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Pourquoi un tel flop, l'excuse du titre paraissant quand même un peu grosse ? Les fans de Doris Day étaient-ils réfractaires à la voir jouer dans une comédie sociale à la Capra ? Car c’est la première et dernière fois que nous la verrons dans ce sous-genre de la comédie -qui a surtout fleuri durant les années 30 à l’époque du New Deal-, les prochaines allant être soit des comédies musicales, soit des ‘Sex Comedy’ préfigurant les comédies romantiques contemporaines –celles notamment avec pour partenaire Rock Hudson- ou encore des parodies burlesques plus ou moins drôles de films d’espionnage. Richard Quine disait à Bertrand Tavernier à propos de It Happened to Jane -lors d’un entretien que l’on peut retrouver dans son imposant ouvrage ‘Amis américains’- : "Une régression par rapport aux films de Capra ou de McCarey, par exemple, que j'aime beaucoup. Il me semblait que je devais faire ce film, qu'il était important, socialement, de le réaliser, pour réagir contre l'indolence qui sévissait aux États-Unis. Mais je le ratai complètement. C'est la vie". Cette sévérité envers son film serait-elle due à la difficulté à accepter son échec financier ? Quoiqu’il en soit j’estime au contraire qu’il s’agit non seulement de l’une de ses plus savoureuses réussites mais également l’un des meilleurs films dans lequel a joué Doris Day -toujours aussi fraîche et pétulante-, l’actrice formant avec Jack Lemmon un couple tout à fait délicieux. Comme avec Clark Gable l’année précédente, l’alchimie fonctionne à merveille et l’on regrette que ces couples de cinéma ne se soient pas reformés par la suite même si Rock Hudson et James Garner s’avèreront eux aussi parfaits.

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Il s’agit donc cette fois d’une comédie sociale et non d’une pure comédie ‘romantique’ avec force délirants quiproquos et savoureuses allusions sexuelles comme la plupart de celles du début des 60's. Il y a bien une double romance dans le film puisque Jane est non seulement amoureuse en secret de son ami d’enfance (Jack Lemmon) mais va également être séduite par un beau ténébreux -journaliste de son état- qui n’attendra pas longtemps avant de la demander en mariage. Malgré tout, ce triangle amoureux est loin de tenir la première place au sein de l’intrigue. Le film raconte avant tout l'histoire véridique d'une femme qui, par la faute à un financier sans scrupule, a presque été ruinée mais qui, à l'aide d'un ami avocat, a décidé de ne pas se laisser faire et de le contrer jusqu'à ce qu'elle obtienne entière réparation. A l'instar du tout aussi excellent Erin Brockovich de Steven Soderbergh avec Julia Roberts qu'il préfigure grandement, It Happened to Jane est en quelque sorte une variation sur l’affrontement entre David et Goliath avec caricaturalement d’un côté les gentils américains moyens contre les méchants patrons, antagonisme 'outrancier' expressément voulu par les auteurs afin que le message soit plus clair ; et puis s’agissant d’une comédie, ce manichéisme n’est pas du tout dérangeant, à l’origine au contraire de maintes séquences délectables de drôlerie. De plus, l’intrigue se situant au sein de la seule ville américaine dans laquelle toutes les décisions municipales sont soumises au vote de l’ensemble de la population, les auteurs peuvent aborder bille en tête la thématique de la démocratie et des valeurs qu’ils jugent primordiales -et dont ils souhaitent ardemment qu’elles redeviennent importantes aux USA- comme l’entraide, l'égalité de la femme, la tolérance ou la justice sociale ; cette comédie est d'ailleurs probablement l’un des films les plus ‘à gauche’ du cinéma hollywoodien de l’époque. Même lors des séances de scoutisme -puisque le personnage de Jack Lemmon est responsable d’un groupe de scouts à ses heures perdues tout en étant le seul démocrate de la ville- la religion n’est jamais mise sur le tapis, uniquement les idéaux sus cités ainsi que le sens de l’éthique par l’intermédiaire également de la seule chanson du film –en plus de celle du générique- chantée par Doris Day et des enfants. Comme le reste du film cette séquence aurait facilement pu verser dans la mièvrerie mais Richard Quine et ses scénaristes évitent l’écueil avec talent (même si certains pensent le contraire).

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C'est parfois très drôle grâce donc surtout à une prestation mémorable et hilarante d'Ernie Kovacs dans le rôle de l'ordure de service -"the Meanest Man on Earth" comme le nomme la délicieuse chipie interprétée par Gina Gillespie- mais c'est surtout profondément attachant grâce au couple que forment Doris Day et Jack Lemmon, tellement naturel qu’il semble tout à fait crédible d’autant que les comédiens n’en font jamais des tonnes et s’avèrent au contraire toujours justes et spontanés. La plupart des seconds rôles ont été choisis parmi les habitants de Chester, la petite ville du Connecticut où s’est déroulé le tournage, afin de donner au film plus d’authenticité -alors qu'accessoirement l’histoire est censée se dérouler dans le Maine- ; parmi les acteurs professionnels on se doit de citer l’inénarrable Mary Wickes, le bellâtre Steve Forrest -assez drôle dans l’assurance machiste qu’il met à demander la main de Doris Day- ou encore le savoureux Russ Brown dans le rôle du vieux conducteur de locomotive. Nous n’oublierons pas non plus de revenir sur les deux délicieux enfants effrontés de Jane dont le petit garçon n’est autre que celui de Mickey Rooney. Richard Quine ne fait pas se dérouler sa comédie à 100 à l'heure mais au contraire prend son temps pour enrichir ses personnages ; au passage, il croque avec chaleur toute une communauté bien sympathique et sa mise en scène s'avère toujours aussi élégante, sa caméra se baladant avec aisance au milieu des apaisants décors naturels du Connecticut superbement mis en valeur. Le film est d’ailleurs grandement dépaysant au propre comme au figuré ; non seulement les comédies sociales étaient devenues une denrée rare à Hollywood à cette époque mais les décors naturels ou non demeurent assez inoubliables, que ce soit les rues de la paisible ville de Chester, ses alentours verdoyants ou encore la campagne environnante que l’on traverse à bord du train, lui aussi délicieusement anachronique. Sans oublier le décor inhabituel de la maison où vit Doris Day, située en bord de rivière et dont l’entrée se situe à l’étage, les habitants devant descendre sous la mezzanine pour se rendre à la cuisine. Enfin, pour les fans de Doris Day à qui ça aurait pu manquer, le film comporte une séquence chantée –celle du barbecue des scouts- avec pour ne rien gâcher Jack Lemmon à la guitare.

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Une comédie familiale gentiment satirique et qui ne paie à priori pas de mine, cependant profondément humaine, plaisamment idéaliste et au final aussi amusante et enlevée que touchante. "A Delightful Blend of Ealing Comedy and Capra-esque Social Satire" pouvait-on entendre sur la BBC Radio Times : un résumé assez bien vu de cette comédie charmante et rafraichissante de Richard Quine qu’il serait temps de réévaluer -le film tout autant que le réalisateur ! Ne boudons pas notre plaisir d’autant que, comme dans les meilleurs comédies de Capra, la scène finale est hautement euphorisante avec le vilain capitaliste se transformant quasiment en bienfaiteur de la ville.
Nestor Almendros
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Message par Nestor Almendros »

LIAISONS SECRETES (1960)

Très beau film, en effet.

SPOILERS
J'ai d'abord été séduit par le charme que dégage le film, dans une veine "adulte et sérieuse" comme le sont THE ET SYMPATHIE ou DERRIERE LE MIRROIR, par exemple. Les très nombreuses allusions au sexe surprennent, d'ailleurs, par leur côté direct et audacieux (pour un film US de cette époque).
J'aime surtout le ton du film, très "profil bas", qui démontre un tact et une sensiblité évidents dans la forme comme dans le fond, et qui vont parfaitement avec le sujet.

C'est un drame romantique, comme on l'a déjà souligné ici. Sur le fond, on est dans un environnement thématique proche de certains grands mélodrames de Douglas Sirk. Et, comme l'a suggéré Profondo Rosso, on n'oublie pas d'égratigner le fameux "American Way Of Life". Car, sous le vernis de ces quartiers résidentiels proprets et de ces foyers sans problèmes, on découvre en fait une société castratrice qui vit sur des mensonges et où tous les personnages souffrent intérieurement: il n'y a qu'à observer leurs mines tristes et leur manque de gaité, ou le comportement renfermé du couple central quand il n'est pas réuni dans leur passion.

Kim Novak, épouse insoupçonnable, victime aussi de son physique avantageux (on lui répète à longueur de scènes qu'elle est "très belle"), est en fait une femme frustrée par une vie sexuelle taboue et inexistante ("Je n'aime pas quand tu parles comme ça" lui sermonne son mari).
Kirk Douglas, à la vie a priori normale et qui ne demandait rien, finalement, tombe soudainement fou amoureux de Kim Novak. Les vrais sentiments ne se contrôlent pas.
Ce couple est victime de la rigidité de la société, victime du monde qui les entoure (Kirk Douglas construirait bien des douves pour isoler leur maison fantasmée). Aucun ne veut faire souffrir l'entourage proche, chacun reste dans ses retranchements, dans ses foyers.
Kirk Douglas, aidé par une proposition de travail que sa veine artistique ne peut refuser, finira par partir loin de la ville, loin de celle qu'il aime, mais gardant sa femme et ses enfants, gardant donc le "bonheur" qu'il s'était construit jusque là, et refusant presque par obligation une nouvelle vie qui s'offrait à lui. Il fait ainsi des compromis difficilescompensés par son projet (de travail) égoïste: il suit ainsi les recommandations de son client, l'écrivain, qui lui conseillait d'accepter ce genre d'offre, des projets personnels enthousiasmants, pour s'épanouir individuellement. Si l'on suit la conclusion du film, il n'y a donc pas de harmonie possible en commun, mais plutôt des opportunités de satisfaction personnelle.

Au-delà de la peinture d'une société craquelée, le film décrit subtilement quelques différences de comportement sexuel entre hommes et femmes. Les femmes sont, ainsi, montrées toujours dignes dans leur sexualité (qu'elle soit assouvie, ou non). Certaines ont connu l'adultère (Kim Novak et sa mère, par exemple) et ont un besoin sexuel pas forcément accepté dans notre société quand il s'agit d'une femme (cf la réaction de kirk Douglas, qui repousse Novak après l'altercation dans le bar avec le présumé ancien amant).
Mais toutes ne sont pas frivoles: la femme de Kirk Douglas est une femme au foyer, sans problèmes particulier, qui aime tellement son mari qu'elle est prête à changer pour le garder.
Concernant les hommes, on observe ici trois types de comportements. Notons, avant tout, qu'ils ont tous une tendance "innée" à tromper leur conjointe. Parmi eux il y a l'amoureux, ici Kirk Douglas, victime d'un coup de foudre, emporté par une passion ("le plus important, c'est d'avoir un téléphone sous la main", pour pouvoir appeler celle qu'il aime). Il y a celui qui cherche l'amour, la femme de sa vie, mais qui ne trouve pas et qui se contente d'un "exemplaire" momentané: c'est l'écrivain dans le film. Et puis il y a le mâle en "rut" qui lorgne au coin des rues, jette des regards tendancieux aux inconnues (cf l'ouvrier beau gosse qui regarde avec insistance Kim Novak dans sa voiture, dans les toutes dernières secondes du film). Ou celui, plus discret (sous ses airs irréprochables) qui se dit qu'il peut tenter sa chance en profitant d'une proie a priori facile: c'est Walter Matthau, qu'on imaginerait presque séduisant la femme de son meilleur ami.

Kirk Douglas est architecte, et donc artiste. Je dois avoir un goût particulier pour cet art puisque j'avais déjà été séduit par le pourtant oubliable ENTRE DEUX RIVES (Alejandro Agresti, 2006) et ses métaphores architecturales. Ainsi, dans LIAISONS SECRETES, j'ai aussi été très séduit par certains parrallèles entre architecture et sentiment, notamment la réplique de Kim Novak, dans la dernière scène: "Il ne sait même pas qu'il habitera notre maison" (ou quelque chose d'approchant :wink: .
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Re: Richard Quine (1920-1989)

Message par someone1600 »

De Richard Quine, j'ai adoré les trois films que j'ai vu, que ce soit Strangers when we meet, It Happened to Jane et Bell Book and Candle. :wink:
Tancrède
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Re: Richard Quine (1920-1989)

Message par Tancrède »

D'ailleurs, des avis sur Comment tuer votre femme avec Jack Lemmon et Virna Lisi ? Le DVD est trouvable à 4.99 chez Mediadis
c'est bien
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Re: Richard Quine (1920-1989)

Message par Jeremy Fox »

Tancrède a écrit :
D'ailleurs, des avis sur Comment tuer votre femme avec Jack Lemmon et Virna Lisi ? Le DVD est trouvable à 4.99 chez Mediadis
c'est bien
:) Merci

Je ne vais pas tarder à me le prendre avec en complément Deux têtes folles
Tancrède
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Re: Richard Quine (1920-1989)

Message par Tancrède »

Je ne vais pas tarder à me le prendre avec en complément Deux têtes folles
ça par contre c'est pas terrible terrible.
Jean Itard
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Re: Sex and the Single Girl (Une vierge sur canapé)

Message par Jean Itard »

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Alligator a écrit :Sex and the Single Girl (Une vierge sur canapé) - Richard Quine - 1964 - 7/10

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Surprise! Bonne comédie, dopée à coups de quelques malins gags et percutantes idées de situations ou de mise en scène. Surtout le rythme est soutenu avec intelligence et maîtrise.
Les comédiens sont excellents. Le quinté gagnant dans l'ordre : Curtis, Wood, Bacall, Fonda père et Ferrer! A ces grands jeux d'acteurs, les femmes portent haut leur classe et leur talent. C'est pour moi une découverte de voir Bacall et Wood aussi alertes et vives, maîtrisant la vélocité du ton comique avec assurance. Gros plaisir.
Par contre, le film dépasse la ligne jaune, la double ligne jaune sur la fin, avec une course poursuite en voiture qui tourne au n'importe quoi avec le motard mais également par sa longueur vite lassante. Dommage parce que jusque là l'équilibre entre comédie et romance était bien ancré par un scénario peut-être ordinaire dans sa trame principale mais qui en fait parait être un immense prétexte squelette pour les joutes physiquo-verbiales des deux couples.
Comédie classieuse, piquante, nerveuse.
D'accord avec cet avis. Découverte hier cette vierge sur canapé, bien qu'un peu bêbête par moments, est menée bon train et se rélève être, au final, une comédie assez réjouissante, dans un esprit assez typique des années 60. Une bonne distribution, l'insertion réussie de plages chantées (et accompagnées par le Count Basie Orchestra), une satire amusante de la psychanalyse et de la presse à scandale en constituent les atouts.
Quine en profite pour rendre hommage à Certains l'aiment chaud ainsi qu'au Faux coupable (Fonda oblige).
Miss Wood, particulièrement agressive sexuellement :oops: en deviendrait presque gênante...
Le film est assez souvent délirant et loufoque comme dans le final évoqué par Alligator qui est très long mais que j'ai trouvé relativement amusant :
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une course poursuite assez débile, un peu dans l'esprit de celle d'Une sacré vérité si mes souvenirs sont bons.
Pas si mal ! 7/10
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