Les Dimanches de ville D'Avray (Serge Bourguignon - 1962)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

bruce randylan
Mogul
Messages : 11652
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Les Dimanches de ville D'Avray (Serge Bourguignon - 1962)

Message par bruce randylan »

Ca faisait maintenant quelques années que je cherchais à le voir après avoir été très intrigué par sa citation dans Love & Pop de Hideaki Anno. Sa réputation culte et son invisibilité n'ont fait que croitre ma curiosité.
Maintenant que j'ai pu enfin le découvrir à la cinémathèque ( en présence du réalisateur :D ), je peux dire que les Dimanches de ville d'Avray mérite amplement sa réputation.

C'est un authentique chef d'œuvre bouleversant, un film touché par la grâce et la poésie et dont le sujet polémique rend encore plus miraculeux.
Image
L'histoire est celle de Pierre, un pilote qui en s'écrasant lors d'une mission au Vietnam a tué une petite fille. Même s'il a perdu la mémoire, il vit traumatisé par un sentiment de culpabilité qu'il n'explique pas. Vivant désormais dans la ville D'Avray avec l'infirmière qui l'a soignée, Pierre passe ses journées à attendre. Attendre que la mémoire revienne et que sa phobie du vide disparaisse.
Quand il croise à la gare Françoise, une petite fille en pleure que son père va abandonnée dans un couvent, sa culpabilité remonte à nouveau et il devient hanté par cette petite fille au point de passer la voir dans son pensionnat. Devant la gentillesse de Pierre et après l'abandon de toute sa famille, Françoise se jette à cœur perdu dans sa relation avec Pierre qu'elle fait passer par son père. Entre ses 2 personnages d'écorchés vif, une profonde histoire d'amitié va naître... Une histoire d'amour aussi...

Le sujet est délicat par essence. Comment faire croire à une histoire d'amour entre un trentenaire et une petite de 12 ans sans tomber dans le racolage ou les sous-entendus pédophiles ?
Comment donc ? Par la pureté tout simplement.

Pierre et Françoise sont avant tout 2 marginaux qui décident de vivre en dehors de la société qui les ignore, dans leur monde à eux, un monde qui ne se soucie pas des conventions mais seulement dicté par leur tendresse et leur compréhension mutuelle. Pierre est autant le père de Françoise que son grand-frère, son amoureux et même son fils.
Ce monde dans lequel ils s'échappent chaque dimanche par le même rituel ( celui de jeter un pierre dans un étang, les ondulation de l'eau créant la porte de leur univers ) est un monde onirique où seul leur "amour" compte. Plutôt que de re-créer un monde imaginaire, Serge Bourguignon le suggère par la seule magie de sa mise en scène : un travelling cadrant leur reflet dans l'eau plutôt que directement les personnages, des plans contemplatifs de nature sur lesquelles il glisse les conversations de Pierre et Françoise. Par des effets simples, Bourguignon capte bien plus la beauté et la pureté de leur union. La fragilité aussi. Car il suffit d'un passant pour briser leur bulle et rappeler que cette relation est contre-nature et perverse pour la société "bien-pensante".

Ce décalage entre le monde cynique des adultes et celui des 2 enfants ( puisque l'amnésie de Pierre lui donne la sensibilité d'un enfant ) crée un film d'une rare mélancolie traversée de pointes émotionnelles déchirantes.
En plus de la finesse d'écrire et du jeu exceptionnel des acteurs, la mise en scène de Bourguignon est louable du début à la fin. La caméra semble jouer le rôle du prêtre célébrant pudiquement l'union des 2 personnages. Elle est un personnage à part entière, un témoin intimidé de leur amour qui n'oserait pas toujours les regarder dans les yeux, de peurs de les corrompre.
Tourné dans un Scope noir et blanc d'une beauté inhabituelle dans le cinéma français des années 60, les plans dans n'ont pas la même durée selon les personnages qu'elles captent. Si Pierre et Françoise ont droits à des plans plus brefs et plus délicat, ceux qui mettent en scène l'infirmière ( Nicole Courcel, également époustouflante ) sont à l'inverse des plans plus longs, plus pesant, claustrophobique même. C'est la même chose dans le traitement du son qui est beaucoup plus agressif pour Madeleine ( voire à ce titre la scène où, désespérée, elle appelle un ami à l'aide depuis un bistrot).
C'est justement l'une des choses qui fait la force de l'histoire, Bourguignon ne néglige pas ses personnages et on s'émeut autant pour Pierre et Françoise que pour Madeleine.

Tout ces points font des Dimanches de Ville D'Avray un film inoubliable qui étonne aujourd'hui plus que toujours par sa prise de risque de un traitement qui fera grincer les dents d'une bonne partie des personne fermés d'esprit ( certains des grincheux de la cinémathèque étaient presque révoltés qu'on puisse faire et montrer un tel "éloge de la pédophilie" ??? :| )


Autant dire que je vous encourage vivement à le découvrir pas tout les moyens. Ils sont cependant bien maigres mais le film ayant été diffusé rapidement sur Canal + il y a quelques années, il doit bien avoir quelques VHS en circulation. ;)

N'esperez pas trop d'édition DVD pour le moment, Bourguignon expliquait avant la séance que la Columbia qui détient les droits du films ne veut les céder à personne en signalement fortement son attachement à cette "oeuvre de prestige" mais refuse de l'éditer elle-même. :cry: :evil:
Durant cette intervention le réalisateur expliqua aussi pourquoi le film n'était pas si connu en France alors qu'il jouit d'un statut culte au Japon et aux USA ( avec l'oscar du film étranger à la clé ) : son film fut vivement attaqué par la presse, surtout pas les Cahiers du cinéma qui n'appréciait pas du tout que ce film soit mis en avant à la place d'une réalisation de Godard, présenté aussi au festival de Venise. D'ailleurs leur lobbying marcha si bien que le film n'obtint pas le Lion D'or mais deux prix inférieur. :?
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
julien
Oustachi partout
Messages : 9039
Inscription : 8 mai 06, 23:41

Re: Les dimanches de ville D'Avray ( Serge Bourguignon - 1962 )

Message par julien »

bruce randylan a écrit :Autant dire que je vous encourage vivement à le découvrir pas tout les moyens. Ils sont cependant bien maigres mais le film ayant été diffusé rapidement sur Canal + il y a quelques années, il doit bien avoir quelques VHS en circulation. ;)
On peut aussi trouver l'édition VHS en provenance des Etats-Unis.

Image

C'est vrai que le film est bien plus populaire là bas que chez nous en france. C'est d'ailleurs grâce à ce film que Maurice Jarre à pu faire une carrière aux Etats-Unis. Pourtant il a composé très peu de musique.
Image
"Toutes les raisons évoquées qui t'ont paru peu convaincantes sont, pour ma part, les parties d'une remarquable richesse." Watki.
Nestor Almendros
Déçu
Messages : 24313
Inscription : 12 oct. 04, 00:42
Localisation : dans les archives de Classik

Re: Les dimanches de ville D'Avray ( Serge Bourguignon - 1962 )

Message par Nestor Almendros »

bogart (23 mars 2005) a écrit :Les dimanches de Ville-d'Avray de Serge Bourguignon (1962) : diffusion sur Canal Plus.

Film méconnu en France mais devenu culte aux Etats-Unis, Les dimanches de Ville-d'Avray raconte la relation d'amour entre un adulte (Hardy Kruger) et une enfant (Patricia Gozzi). Sur ce sujet tabou, Bourguignon traite avec sensibilité et pudeur le relationnel entre ces deux êtres que la vie a malmenés...
La fin sera brutale et prévisible de par son aspect non conventionnel.
"Un film n'est pas une envie de faire pipi" (Cinéphage, août 2021)
bruce randylan
Mogul
Messages : 11652
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Les dimanches de ville D'Avray ( Serge Bourguignon - 1962 )

Message par bruce randylan »

julien a écrit : On peut aussi trouver l'édition VHS en provenance des Etats-Unis.
D'après les clients d'amazon.com, la cassette est recadré ce qui est toujours violent pour un film en Scope. :?
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
julien
Oustachi partout
Messages : 9039
Inscription : 8 mai 06, 23:41

Re: Les dimanches de ville D'Avray ( Serge Bourguignon - 1962 )

Message par julien »

Non le film est bien en scope. Par contre, il y a les sous-titres en anglais qui sont incrustés sur l'image. (Et pas dans les bandes noires). Ce qui est un peu génant.
Image
"Toutes les raisons évoquées qui t'ont paru peu convaincantes sont, pour ma part, les parties d'une remarquable richesse." Watki.
bruce randylan
Mogul
Messages : 11652
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Les dimanches de ville D'Avray ( Serge Bourguignon - 1962 )

Message par bruce randylan »

Ok, c'est toujours bon à savoir.

Personne ne l'a enregistré sur Canal à l'époque ?
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
julien
Oustachi partout
Messages : 9039
Inscription : 8 mai 06, 23:41

Re: Les dimanches de ville D'Avray ( Serge Bourguignon - 1962 )

Message par julien »

je vais essayer de retrouver l'affiche originale du film. Elle était pas mal...
Image
"Toutes les raisons évoquées qui t'ont paru peu convaincantes sont, pour ma part, les parties d'une remarquable richesse." Watki.
julien
Oustachi partout
Messages : 9039
Inscription : 8 mai 06, 23:41

Re: Les dimanches de ville D'Avray ( Serge Bourguignon - 1962 )

Message par julien »

Ah voila :

Image
Image
"Toutes les raisons évoquées qui t'ont paru peu convaincantes sont, pour ma part, les parties d'une remarquable richesse." Watki.
bruce randylan
Mogul
Messages : 11652
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Les dimanches de ville D'Avray ( Serge Bourguignon - 1962 )

Message par bruce randylan »

J'accroche pas trop aux grosses bandes de couleurs, ça n'est pas trop dans l'esprit du film... comme le couteau qui prend bien trop de place.
Je préfère pour le coup la VHS américaine.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
Zeluloid
Stagiaire
Messages : 2
Inscription : 19 août 09, 08:15

Re: Les dimanches de ville D'Avray ( Serge Bourguignon - 1962 )

Message par Zeluloid »

Bonne nouvelle: Les dimanches de Ville d'Avray est apparu sur DVD le 16 Juillet 2009!

Malheureusement pas encore en France apparement, mais la DVD est disponible en Allemagne et en Suisse (Avec une version Francaise bien sûr)

http://outnow.ch/Movies/1962/DimanchesD ... vray/Shop/
http://www.amazon.de/Sonntage-mit-Sybil ... 261&sr=8-1

Pour éviter toute confusion: Le titre allemand est "Sonntage mit Sybill"

Il ne reste plus que de passer la commande ;-)
bruce randylan
Mogul
Messages : 11652
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Les dimanches de ville D'Avray ( Serge Bourguignon - 1962 )

Message par bruce randylan »

:shock: :shock: :D :D :D :shock: :shock: :D :D :shock: :shock: :D :D :shock: :shock:

Zeluloid je t'aime :D :D
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
Zeluloid
Stagiaire
Messages : 2
Inscription : 19 août 09, 08:15

Re: Les dimanches de ville D'Avray ( Serge Bourguignon - 1962 )

Message par Zeluloid »

Merci beaucoup!

Ce que j'aime moi, c'est que Amazon.de a déja livré la DVD!

La boite, le disc et les menues sonts en allemand forcément, mais on peut voire la version originale sans sous-titres. (Ou en anglais, espagnol, allemand...)

Je suis ravi, car c'est enfin la fin d'une longue recherche! J'espère que Sony vas bientôt publier une version francaise pour la France, afin que tout le monde vas pouvoir acheter le film dans les magasins.
julien
Oustachi partout
Messages : 9039
Inscription : 8 mai 06, 23:41

Re: Les dimanches de ville D'Avray ( Serge Bourguignon - 1962 )

Message par julien »

Zeluloid a écrit :J'espère que Sony vas bientôt publier une version francaise pour la France, afin que tout le monde vas pouvoir acheter le film dans les magasins.
Et avec l'affiche originale ça serait encore mieux. La jaquette allemande elle n'est pas sensass je trouve.
Image
"Toutes les raisons évoquées qui t'ont paru peu convaincantes sont, pour ma part, les parties d'une remarquable richesse." Watki.
Tom Peeping
Assistant opérateur
Messages : 2365
Inscription : 10 mai 03, 10:20

Re: Les dimanches de ville D'Avray ( Serge Bourguignon - 1962 )

Message par Tom Peeping »

Merci à Brice et à Zeluloid d'avoir parlé de ce film dont j'avais bien entendu parler mais qui était complètement sorti de ma mémoire : vous m'avez donné envie de le découvrir, ce qui est fait grâce au très bon DVD Z2 Allemand.

Le début m'a semble un peu trop "qualité française" (dans le pire sens du terme) mais très vite, j'ai été emporté par l'anticonformisme de l'histoire racontée, le jeu de la jeune comédienne et la sublime photographie N&B et 2:35 d'Henri Decae (pas évidente compte-tenu de la froideur de l'atmosphère). Cybèle ou les Dimanches de Ville d'Avray, qui se passe en hiver en banlieue parisienne (mais dans la nature, près des étangs chers à Corot), est aussi gris que son titre le laisse entendre. Mais le charme et la poésie triste qui se dégage du film est saisissante. J'imagine sans mal à quel point le film a du provoquer une sensation à Hollywood lorsqu'il a été projeté en 1962 et quand il a raflé l'Oscar du Meilleur Film Etranger : les américains n'avaient jamais vu quelque chose de semblable, et c'était tellement "français". La fin est un peu facile, il y avait une autre sortie qui aurait mieux fonctionné, mais c''est peut-être la fin du roman qui est comme cela, je ne sais pas. Près de 50 ans plus tard, c'est intéressant de penser qu'un film comme celui-là ne pourrait en aucun cas être produit et diffusé sous peine de subir les foudres la censure et du politiquement correct : l'ombre pédophile plane trop sur tout le film même si ce n'est pas de cela dont il s'agit uniquement. Un film vraiment étonnant que je suis super content d'avoir pu découvrir.
Dernière modification par Tom Peeping le 17 nov. 09, 16:19, modifié 1 fois.
... and Barbara Stanwyck feels the same way !

Pour continuer sur le cinéma de genre, visitez mon blog : http://sniffandpuff.blogspot.com/
Nestor Almendros
Déçu
Messages : 24313
Inscription : 12 oct. 04, 00:42
Localisation : dans les archives de Classik

Re: Les dimanches de ville D'Avray ( Serge Bourguignon - 1962 )

Message par Nestor Almendros »

A quand une diffusion hertzienne??? :?
"Un film n'est pas une envie de faire pipi" (Cinéphage, août 2021)
Répondre