Les films du studio Ealing

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Sybille
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Re: Les films du studio Ealing

Message par Sybille »

Dans le coffret zone 2 anglais grâce auquel je découvre ces films, il n'y a aucun sous-titrage évidemment. :evil:
Concernant l'existence d'autres éditions, je ne suis pas au courant.
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Profondo Rosso
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Re: Les films du studio Ealing

Message par Profondo Rosso »

Merci du renseignement. Bon je vais peut être me choper ce coffret anglais et m'accrocher pour suivre malgré les accent imbitable des british :twisted:
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nobody smith
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Re: Les films du studio Ealing

Message par nobody smith »

J’ai pu me pencher sur les films du studio Ealing avec la diffusion sur arte il y a quelques temps de tueurs de dames et noblesse oblige. J’ai été assez déçu par le premier qui, bien que très plaisant, se met à piétiner sévèrement lors de son dernier acte. C’est peut-être choquant mais je préfère définitivement la version des frères Coen. Par contre, je ressors très enthousiaste de noblesse oblige. Outre le pari complètement fou d’Alec Guinness, irrésistible dans chacun de ses personnages, j’ai beaucoup apprécié la structure du film et sa tendance à en foutre plein la gueule de tout les côté à la noblesse du titre. Une très heureuse découverte en somme.
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Sybille
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Re: Les films du studio Ealing

Message par Sybille »

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Nicholas Nickleby
Alberto Cavalcanti (1947) :

Bon film, qui mélange humour, noirceur et pittoresque. On retrouve là l'univers de Dickens, du moins me semble-t-il (car je n'ai encore jamais lu cet auteur). L'adaptation laisse probablement beaucoup d'épisodes ou de personnages de côté, mais l'essentiel est conservé. Le film nous plonge donc dans l'Angleterre du 19e siècle, et c'est plutôt savoureux. Le reconstitution est assez modeste en elle-même, les décors ne sont pas fabuleux, cependant les personnages sont croqués avec une fantaisie moqueuse tout à fait réjouissante.
Il y a donc Nicholas Nickleby, héros pauvre et méritant, interprété assez fadement par Derek Bond, personnage qui au premier abord pourrait sembler ennuyeux, mais qui est heureusement rattrapé par son caractère entier et décidé, de plus il n'hésite jamais à user du fouet ou du bâton pour corriger les 'méchants'. Les autres personnages sont plus ou moins présents, ils peuvent n'apparaître que le temps d'une scène ou d'une séquence, mais presque tous offrent quelque chose de particulier, aidés en cela par une panoplie d'acteurs que l'on sent connaître leur métier. Il y a d'ailleurs des visages familiers, des gens que le spectateur a pu apercevoir dans d'autres productions Ealing, dans les premières oeuvres de David Lean..., c'est très sympathique.
Je suis souvent perplexe devant les acteurs britanniques de cette époque : je les aime bien, ils sont à la fois très professionnels, plein d'une assurance toute théâtrale, de dérision, mais en même temps ils me paraissent trop peu charismatiques, pas assez attirants en quelque sorte. La plupart du temps, soit ils cabotinent trop, soit leur interprétation est trop sage, trop modeste. Ce film en donne un bon exemple, entre les acteurs effacés et les autres plus tonitruants, et cela même si ce sont aussi leurs personnages qui exigent cette différence d'attitude. Je ne m'explique pas vraiment cette exagération (par ailleurs souvent plaisante) opposée à ce manque d'intensité, malgré tout cela me plaît, j'aime le cinéma anglais de ces années-là.
Pour en revenir au film, remarquons la mise en scène de Cavalcanti qui, bien que ne payant pas forcément de mine, fait tout de même preuve d'une certaine dose de dynamisme, en particulier à la fin. 6,5/10
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Ann Harding
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Re: Les films du studio Ealing

Message par Ann Harding »

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Went the Day Well? (Quarante-huit heures, 1942) d'Alberto Cavalcanti avec Leslie Banks, Marie Lohr, Elizabeth Allan et David Farrar

1942, un groupe de militaires en uniforme britannique arrive dans un petit village anglais. Ils sont cantonné chez les habitants. Rapidement, plusieurs habitantes du village comment à avoir des doutes sur la nationalité des soldats...

Cette production du studio Ealing a été mise en scène par le Brésilien Albert Cavalcanti dont la carrière est totalement internationale. Il a fait des films en France, en Grande-Bretagne, en Italie et au Brésil. Ce film est une vraie curiosité en ce qu'il imagine l'occupation d'un petit village anglais par des soldats allemands, précédant une possible invasion. Cavalcanti gère au mieux le suspense. Tout d'abord, les habitants accueillent ces soldats avec chaleur avant de remarquer quelques détails bizarres qui vont les faire douter. A cette époque, l'Angleterre a peur de la 'Cinquième Colonne' et le film montre ce qui peut arriver lorsque des espions allemands envahissent une ville. Néanmoins, c'est un film qui pousse plus loin l'anticipation que ne le font, par exemple, certains films d'Alfred Hitchcock sur les espions allemands infiltrés en Grande-Bretagne. Et surtout la seconde partie montre un déchaînement de violence assez peu commune en 1942. Tout le village va se soulever contre les envahisseurs y compris les femmes. Cette violence est d'autant plus choquante qu'elle se déroule dans des lieux familiers comme une chambre à coucher ou une cuisine. On reconnaît parmi les espions, Leslie Banks (alias le Comte Zaroff) qui est un dangereux agent double. Un film décidément très intéressant. (Le DVD paru en GB ne comporte pas de ST. Vous pouvez dire merci à Studio Canal !)
Nestor Almendros
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Re: Les films du studio Ealing

Message par Nestor Almendros »

Ce film est l'une des bonnes surprises du coffret Ealing sorti chez nous il y a quelques années. J'y pensais justement il y a quelques jours, je vais certainement le revoir bientôt...
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joe-ernst
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Re: Les films du studio Ealing

Message par joe-ernst »

C'est un très bon film, en effet, où la violence est vraiment surprenante, comme l'a très bien souligné Ann.
Spoiler (cliquez pour afficher)
J'avoue ne pas être prêt d'oublier la scène où la dame se précipite sur la grenade tombée dans la pièce où se trouvent les enfants, sort en fermant la porte derrière elle et... :(
L'hyperréalisme à la Kechiche, ce n'est pas du tout mon truc. Alain Guiraudie
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Sybille
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Re: Les films du studio Ealing

Message par Sybille »

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It always rains on Sunday / Il pleut toujours le dimanche
Robert Hamer (1948)

Film modeste, âpre, "It always rains on Sunday" est un récit aux nombreux personnages, qui le temps d'une journée révèle les diverses facette d'un quartier populaire de Londres à la fin des années 1940. Un bagnard évadé qui trouve refuge chez son ancienne fiancée sert de fil directeur à l'intrigue, cette dernière est plutôt bien traitée, mêlant de fait enquête policière à la redécouverte d'une histoire d'amour perdue. Googie Withers, en quelque sorte l'héroïne principale, donne l'image d'une femme résolue, un instant prête à vaciller à la remémoration de ses souvenirs, mais qui sait se préserver d'illusions néfastes, conserver ainsi le quotidien que la vie a fini par lui donner. Elle joue avec une assurance ferme, ne cherche à s'attirer ni sympathie ni pitié, mais tout au plus une certaine admiration lointaine. Rien de sentimental, encore moins de misérabiliste. Au-delà de cette femme devenue touchante de par les circonstances, c'est également toute la vie qui gravite autour de son histoire qui nous importe le plus. Hamer montre les gens, leurs actes de tous les jours, la faiblesse et la lâcheté de certains. Derrière son titre tristement assertif, "Il pleut toujours le dimanche" prend en effet la valeur d'un constat, sans qu'il y ait rien d'autre à dire. 7/10

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Hue and cry / A cor et à cri
Charles Crichton (1947)

"Hue and cry" (ou selon sa traduction, " A cor et à cri") porte parfaitement son titre.
Sympathique comédie policière enfantine, à l'ambiance très 'Clan des Sept', c'est un film mouvementé, bruyant, parfois à la limite de la cacophonie. Mais ce désordre apparent n'empêche pas le film de trouver son rythme, plutôt rapide, et d'avoir droit à une mise en scène adroite. Crichton sait utiliser les extérieurs de Londres et des banlieues, montrer les immeubles en ruines de l'après-guerre, devenus autant de terrains de jeu et de refuges pour les enfants lors d'après-midi oisifs. Fantaisie mystérieuse et ludique, qui mêle l'imaginaire à la réalité de la vie quotidienne, où l'on joue du sérieux des enfants et de la (fausse) crédulité des adultes. 6,5/10
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Profondo Rosso
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Re: Les films du studio Ealing

Message par Profondo Rosso »

Nowhere to go de Seth Holt (1958)

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Nowhere to go est l'avant dernier film produit par Ealing, The Siege of Pinchgut l'année suivante constituant le chant du cygne du célèbre studio britannique. Ealing avait déjà perdu un peu de son identité en vendant ses locaux situé dans le quartier auquel il devait son nom et depuis la plupart des films étaient coproduit avec la succursale anglaise de la MGM. Cela se ressent dans le ton surprenant et la noirceur de ce Nowhere to go. Bien sûr en dehors des comédies qui ont fait sa gloire Ealing avait exploré des terrains plus sinueux avec entre autre Il pleut toujours le dimanche (1947) au croisement du polar et du mélodrame ou encore le très sombre film de guerre Went the day well (1942). Malgré tout la profonde identité anglaise caustique demeurait dans ces films quand Nowhere to go donne dans une sécheresse étonnante.

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Le film adapte un roman de Donald MacKenzie et est la dernière occasion de faire fonctionner la politique de promotion d’Ealing où un technicien doué pouvait gravir les échelons jusqu'à la réalisation comme ce fut le cas pour un Alexander McKendrick par exemple. Ici l'heureux élu est Seth Holt auparavant monteur et qui montre déjà un sacré talent. Nowhere to go est un film noir classique et déroutant à la fois. Le poids de la fatalité, du destin tournant en défaveur des protagonistes est un classique des intrigues du genre et ne déroge pas ici. Cependant cet aspect s'articule généralement dans un crescendo dramatique où l'on voit progressivement tout s'écrouler. Ici la construction est quasi conceptuelle avec deux films en un, l'un très positif et roublard et l'autre profondément désespéré. L'intrigue débute sur une mémorable scène d'évasion silencieuse où on appréciera l'astuce et l'organisation de l'évadé, Paul Gregory (George Nader). Une séquence filmée de main de maître par Holt avec son remarquable usage du décor ferroviaire près de la prison, la photo sombre de Paul Beeson accentuant la nature expressionniste de ce cadre et la manière de magnifier le brio de son héros avec le score jazzy de Dizzy Reece et le générique se déclenchant pile au moment où celui-ci fait exploser sa cellule.

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Après nous avoir montré l'assurance sans faille du plan de fuite de Gregory, une narration en flashback nous expliquera la manœuvre audacieuse qui l'a conduit à cette situation. Quelques mois plus tôt, il aura séduit une veuve et compatriote canadienne de passage à Londres pour vendre la collection de pièce rares de son mari. Le flashback dans un montage percutant dévoile à coup d'ellipses inventives l'intelligence de Gregory gagnant progressivement la confiance de sa victime par son charme et bagout, jusqu'à s'introniser intermédiaire de la vente des fameuses pièces. Une fois la vente effectuée Gregory se laisse volontairement arrêter afin de laisser la valeur de son argent fructifier et en profiter sans crainte à sa sortie mais la peine sera plus lourde que prévue, dix ans, d'où son évasion. Jusque-là on avait un polar enlevé avec un héros malin et charismatique, George Nader le brushing impeccable et le regard charmeur semble toujours avoir un coup d'avance sur tout le monde.

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La deuxième partie entame donc comme dans un cauchemar le pendant inversé de cette insolente réussite. Traitrise inattendue, hasard malheureux, tous les "trucs" qui rendaient Gregory intouchable se retournent contre lui comme dans un châtiment inéluctable. Après avoir donné dans l'esthétique enlevée et percutante pour illustrer l'invulnérabilité de son héros, Holt soudain étire plus que de raisons les scènes les plus anodines, Gregory jusque-là avantageusement filmé perd de sa superbe par un Nader de plus en plus éprouvé physiquement mais aussi dans sa manière de le faire évoluer dans son environnement. Les décors filaient à toute vitesse au départ avec un Gregory avançant sûr de sa force et déterminé, désormais l'ambiance urbaine menaçante le submerge comme une chape de plomb avec ces nombreux plans nocturnes aérien en plongée où il se perd dans l'immensité londonienne. Les demeures élégantes et salons d'enchères prestigieux cèdent aux bars miteux, l'évasion décontractée du début bascule à une fuite désespérée sur les toits.

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Rien ne semble entraver la chute dans cette ville où gangsters comme flics constituent tous des menaces et le semblant d'espoir ne viendra que d'une jeune femme innocente incarnée par Maggie Smith qui trouve là son premier rôle au cinéma. Le Nowhere to go prend tout son sens avec cette ville dont il semblait le maître et qui s'avère pour Gregory un piège où il est partout indésirable et pourchassé. On pense un peu au Huit heures en sursis de Carol Reed sans la dimension martyr du héros, la compassion n'étant pas la même et le ton neutre jurant avec le grand mélo de Reed. Holt expérimente avec brio, la dernière partie hors de la ville virant presque à l'abstraction, Antonioni n'est pas loin dans la très étrange errance finale en campagne. Un Ealing et un polar déroutant sur une trame pourtant classique sur le papier, belle réussite. 4,5/6

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Commissaire Juve
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Message par Commissaire Juve »

Tu parles du DVD StudioCanal UK qui vient de sortir ?
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Profondo Rosso
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Re: Les films du studio Ealing

Message par Profondo Rosso »

Commissaire Juve a écrit :Tu parles du DVD StudioCanal UK qui vient de sortir ?
Oui c'est bien celui-là copie superbe !
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Re: Les films du studio Ealing

Message par Profondo Rosso »

Il pleut toujours le dimanche de Robert Hamer (1947)

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Evadé de prison, Tommy Swann se réfugie chez Rose, une ancienne conquête. Mariée et mère de famille, Rose accepte alors de bouleverser sa vie rangée pour cacher le fugitif.

Cinéaste au parcours fulgurant et tragique, on ne retient généralement de Robert Hamer que le brillantissime Noblesse Oblige, féroce et caustique jeu de massacre qui occasionna une des performance les plus marquantes de Alec Guiness qui y jouait neuf rôles. Il pleut toujours le dimanche est un de ses chef d'oeuvre, atypique de l'approche habituelle du studio Ealing. Un dimanche dans le quartier d'une bourgade anglaise ordinaire va être troublé par l'annonce de l'évasion de Tommy Swann, voyou local qu'on soupçonne de revenir en ville au cours de sa cavale. Le récit choral nous dépeint donc la manière dont Tommy Swann va influencer le destin de divers personnages plus ou moins important et lié à lui. Cela va des petites frappes du cru cherchant à refourguer le fruit de leur dernier larcin à la police locale aux en aguets et surtout Rose (Googie Withers) ex fiancée de Tommy aujourd'hui mère de famille étouffant dans son foyer. Ayant retrouvée Tommy, elle ne peut s'empêcher de l'aider tandis que les souvenirs du passé afflue et que la frustration du présent se fait plus forte que jamais.

Mélange de film noir, drame et chronique sociale, It Always Rain on Sunday propose finalement un instantané peu reluisant de l'Angleterre de l'immédiat après guerre. Chacun des différents personnage qu'on accompagne tout au long de l'histoire est ainsi prétexte à soulever un aspect social marqué en toile de fond. L'enquête des policiers nous mène ainsi dans un sordide foyer d'accueil ou en quelque plan Hamer soulève une misère insoutenable. Le puritanisme ambiant pèse tel une chape de plomb sur la jeunesse le temps d'une scène où deux amoureux ne peuvent se réfugier de la pluie chez le garçon, la faute à une logeuse trop tatillonne et inquisitrice. Les rues ne sont pas sûre avec des voyous dont la bêtise poussera à un acte de violence révoltant en conclusion. Enfin, c'est la cellule familiale elle même qui s'avère instable avec une Rose frustrée et malheureuse lâchant sa rancoeur sur ses belles-filles.

Robert Hamer, grand amateur de cinéma français semble clairement avoir voulu donner un équivalent anglais au cinéma français des années 30 et du réalisme poétique qu'il admirait tant. L'esthétique évoque ainsi clairement les oeuvres de Carné au niveau de la photo tout en jeu d'ombres (excellent travail de Douglas Slocombe) et l'agencement de la ville et des décors qui rappelle (à une échelle plus réduite) Les Portes de la Nuit notamment. L'authenticité des situations, la gouaille conférée aux personnages et l'aspect grouillant de l'ensemble sont quant à eux marqués par l'empreinte de Renoir. Hamer digère toute ses influence pour un film qui ne ressemble qu'à lui finalement. Le studio Ealing était réputé malgré ses audaces être particulièrement frileux sur la question du sexe à cause des inhibitions de son patron Michael Balcon. Hamer fait pourtant tout tourner autour de la question que ce soit les intrigues secondaires (les tromperies du patron du drugstore, l'intérêt porté sur l'avenir d'une jeune fille par parrain local) et surtout celle de Rose. Formidablement incarné par Googie Withers, ce personnage qu'on pourrait détester s'avère finalement poignant dans le réveil de son désir pour son ancien amant, qu'on ressent vraiment physiquement dans la rigidité de ses postures et son regard terne retrouvant une flamme oublié lorsqu'il se met torse nu face à elle. Le film ne peut bien évidemment pas aller trop loin mais Hamer instaure une tension sexuelle indéniable.

La facette polar n'est pas oubliée non plus et surgi réellement le temps d'une formidable course poursuite en conclusion. Une très belle réussite qui cache une grande richesse sous son récit minimaliste et sans vrais héros, anticipant grandement ce que fera bien plus tard un Robert Altman. 5/6
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Re: Les films du studio Ealing

Message par joe-ernst »

Profondo Rosso a écrit :Il pleut toujours le dimanche de Robert Hamer (1947)
Très beau texte, PR ! Ce film avait été une de mes plus belles découvertes du coffret Ealing et j'en garde un excellent souvenir. Pour l'anecdote, Googie Withers et John McCallum, qui jouent le rôle des anciens amants dans ce film, se sont mariés l'année suivante de la sortie du film.
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Re: Les films du studio Ealing

Message par Profondo Rosso »

joe-ernst a écrit : Pour l'anecdote, Googie Withers et John McCallum, qui jouent le rôle des anciens amants dans ce film, se sont mariés l'année suivante de la sortie du film.

Ah ben l'alchimie qui se ressentait déjà fortement à l'écran s'est concrétisée dans la réalité ! :mrgreen: Et merci pour le texte :wink:
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Profondo Rosso
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Re: Les films du studio Ealing

Message par Profondo Rosso »

Passeport pour Pimlico de Henry Cornelius (1949)

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A Pimlico, un quartier de Londres, l'explosion d'une bombe, dernier vestige de la guerre, met à jour un trésor du XVe siècle ainsi qu'un édit royal certifiant que Pimlico est la propriété des ducs de Bourgogne. Aucun décret n'ayant annulé depuis cet héritage, les habitants décident de proclamer leur indépendance à l'égard du Royaume-Uni.

Passeport pour Pimlico est une des plus audacieuses productions Ealing de l'époque et témoigne magnifiquement de la capacité du studio se faire un prolongement de la réalité anglaise d'alors dans une tonalité où s'entremêlent la célébration et la critique de cette anglicité. Le pitch audacieux voit Pimlico, un petit quartier de Londres bouleversé par la découverte d'un décret d'Edward IV enterré depuis le XVe siècle en faisant une propriété du Duc de Bourgogne et donc une terre indépendante en pleine Angleterre. Par jeu les habitants vont rapidement défier l'autorité mais seront rapidement dépassé par les enjeux socio-politiques de ce nouveau statut.

Le film arbore un postulat commun à plusieurs productions Ealing, à savoir une petite communauté ligué contre une entité puissante le plus souvent symbolisé par la Grande-Bretagne elle-même. Ce sont les villageois écossais alcoolisés du génial Whisky à gogo (1949), les chansonniers tout aussi avinés de Champagne Charlie ou encore le village défendant son train à vapeur dans Titfield Thunderbolt (1953), les protagonistes luttant dans ces trois films sur une forme d'autoritarisme de l'état britannique qu'il soit politique ou moral. Des thèmes cher au scénariste T. E. B. Clarke qui dans Il pleut toujours le dimanche (1947) aura également fait le portrait d'une Angleterre d'après-guerre assez sinistre pour une des productions Ealing les plus sombre. Le film surprend ainsi par ce ton vindicatif faisant sous l'humour du pays une nation sclérosée et autoritaire via l'attitude du gouvernement, mais se moquant aussi dans un sens du côté insulaire et autarcique typiquement anglais par l'attitude fermée des héros quand ils se découvrent malgré eux citoyens bourguignons. Une approche osée qui se rééquilibrera et évitera la froide démonstration par la truculence et l'empathie typique d’Ealing envers ses héros modestes.

Quelques années après la fin de la guerre l'Angleterre est encore un pays sinistré et criblés de dette, les quartiers en ruine (dont celui de Pimlico) venant rappeler le souvenir des difficiles années du Blitz. Une période de privation encore vivace qui explique le sentiment de défi des habitants qui voient là une occasion de s'en sortir mais mettra à jour les dérives du moment avec une foules d'individus louches profitant de cet espace hors la loi pour faire fructifier le marché noir et trafic de bons de rationnement. Derrière la légèreté de l'ensemble vient donc pointer une réalité pas si éloignée encore mais c'est à nouveau la communauté qui sera ici mise en avant pour célébrer l'Angleterre. Si effectivement le gouvernement est fustigé par son attitude ambiguë (qui les verra affamer et assoiffer Pimlico pour soumettre les dissidents), le peuple ayant survécu par l'entraide et la solidarité est représentée ici par le microcosme des habitants de Pimlico dont l'astuce est louée lors des séquences où il se joue de l'autorité pour assurer leur survie. Ironiquement, des situations de film de guerre (exactement comme dans Whisky à gogo) sont reprises avec évasion, guet-apens et camouflage pour permettre à nos héros passant sous les barbelés et sortant de nuit de se rationner. Cette solidarité sera même étendue lorsque les denrées arriveront de tout le pays pour aider nos héros. Une habile pirouette scénaristique verra tout de même les rebelles rentrer dans le rang tout en gardant la main, rétablissant intelligemment l'ordre moral cher à Michael Balcon, tatillon patron d’Ealing.

Tout cela ne fonctionnerait par sans un merveilleux casting de monsieur et madame tout le monde attachants à la tête desquels trône le génial Stanley Holloway (ou une tordante Margaret Rutherthord en historienne farfelue). Henry Cornelius qui triomphera plus tard avec la géniale comédie automobile Genevieve (1953) mène l'ensemble à la perfection, autant pour pousser le postulat de départ jusqu'à l'absurde que pour conférer une chaleur et émotion de tous les instants. 5/6
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