Cinéma muet français

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Cinéfil31
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Cinéfil31 »

Ce DVD italien me tente beaucoup. Ann, pourrais-tu nous dire s'il est facile de commander sur le site de la Cinémathèque de Bologne ? Les frais de port sont-ils élevés ?
allen john
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Re: Cinéma Muet Français

Message par allen john »

Cinéfil31 a écrit :Ce DVD italien me tente beaucoup. Ann, pourrais-tu nous dire s'il est facile de commander sur le site de la Cinémathèque de Bologne ? Les frais de port sont-ils élevés ?
Moi, j'ai essayé, et je bloque à l'un des renseignements (on a beau avoir des origines Italiennes, le langage reste un problème)
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Ann Harding
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Ann Harding »

Je ne connais pas le montant des fdp. Mais, je sais que le DVD est aussi mentionné sur amazon.it. Il est marqué non-disponible pour le moment, mais il le sera peut-être bientôt.
allen john
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Re: Cinéma Muet Français

Message par allen john »

Ann Harding a écrit :Je ne connais pas le montant des fdp. Mais, je sais que le DVD est aussi mentionné sur amazon.it. Il est marqué non-disponible pour le moment, mais il le sera peut-être bientôt.
Grazie mille!
:mrgreen:
Cinéfil31
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Cinéfil31 »

Merci à vous deux ! Je tenterai ma chance sur Amazon.it. :wink:
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Re: Cinéma Muet Français

Message par jacques 2 »

A propos de Louis Feuillade, les dvd anglais des "Vampires" et de "Fantômas" sont ils les équivalents à tous niveaux des éditions françaises bien plus coûteuses ?

Merci par avance si quelqu'un peut m'informer clairement à ce sujet ...

:wink:
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Ann Harding
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Ann Harding »

Je ne sais pas concernant Fantômas car j'ai la copie Gaumont française. Mais, pour Les Vampires, je crois qu'il n'y a pas de différences (même accompagnement musical) à part que les intertitres sont traduits en anglais. En fait, Gaumont doit simplement fournir le film avec la musique et les éditeurs traduisent les intertitres.
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Message par jacques 2 »

Ann Harding a écrit :Je ne sais pas concernant Fantômas car j'ai la copie Gaumont française. Mais, pour Les Vampires, je crois qu'il n'y a pas de différences (même accompagnement musical) à part que les intertitres sont traduits en anglais. En fait, Gaumont doit simplement fournir le film avec la musique et les éditeurs traduisent les intertitres.
Merci ... :wink:
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Ann Harding
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Ann Harding »

Un petit rappel pour les amateurs. Quelques muets français à ne pas manquer:

Dimanche à 0h20: Paris qui dort (1923, René Clair) et à 0h55 Entr'acte (1924, R. Clair) sur France 3
(la durée de Paris qui dort signifie que nous verrons la version accélérée et sonorisée à 24 im/sec malheureusement...)

Lundi à 0h00 Gribiche (1926, Jacques Feyder) sur Arte
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Ann Harding
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Ann Harding »

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Gribiche (1926, Jacques Feyder) avec Jean Forest, Françoise Rosay, Cécile Guyon et Rolla Norman

Le petit Gribiche (J. Forest) restitue à une riche américaine, Mme Maranet (F. Rosay) son sac qu'elle avait égaré. Il refuse toute récompense. L'enfant vit avec sa mère (C. Guyon) qui est veuve. Mme Maranet décide de l'adopter pour lui donner une éducation à sa juste valeur. L'enfant accepte de la suivre car il croit qu'il est un obstacle au bonheur de sa mère...

C'est Françoise Rosay, l'épouse de Jacques Feyder, qui a trouvé le sujet de ce film dans un roman de Frédéric Boutet. A cette époque, elle assiste son époux sur les tournages comme sur Visages d'enfants (1923) ou elle est figurante dans certains de ses films comme Crainquebille (1922). On ne la trouve pas assez photogénique. Mais, elle a l'idée de s'éclaircir les cheveux en y mettant des paillettes argentées. Soudain, les opérateurs la remarquent, dit-elle ! En tous cas, ce film sera le premier de nombreux rôles principaux sous la direction de Feyder. Le petit garçon du film est Jean Forest, un gamin de Montmartre découvert par Feyder sur la Place du Tertre. Il a déjà brillé dans Crainquebille et surtout dans Visages d'enfants, une des plus belles interprétations d'un enfant au cinéma. Gribiche est le premier d'une série de trois films que Feyder va réaliser pour la société Albatros. Il va y faire la connaissance du génial décorateur Lazare Meerson qui deviendra un des ses collaborateurs les plus fidèles. L'empreinte de Meerson est visible dans tous les intérieurs finement choisis de ce film. Il contraste admirablement le buffet néo-renaissance (très en vogue dans les années 20) de la mère de Gribiche avec le style Art Déco épuré et chic de Mme Maranet. En une image tout est dit, nous sommes immédiatement au fait de la différence de classe sociale entre le petit Gribiche issu de la petite bourgeoisie inpécunieuse et la grande bourgeoise richissime. Le petit garçon ne vit pas dans la misère, loin de là, mais sa mère, veuve de guerre, doit travailler pour subvenir à leurs besoins. Madame Maranet est une veuve américaine avec des principes strictes d'hygiène. Elle pratique la charité avec une rigueur quasi-clinique. Le petit Gribiche lui semble avoir une nature d'élite (à cause de sa probité en rendant le sac intact) et elle pense pouvoir lui donner une éducation digne de ses qualités. En fait, ses bonnes intentions se révèlent être un désastre. L'enfant passe de domestiques en précepteurs avec une régularité d'horlogerie. Nous ne sommes pas loin ici de Poor Little Rich Girl (1917, M. Tourneur) où Mary Pickford vit un calvaire quasiment identique. De plus, il n'a pas le droit de jouer avec des enfants de son âge et les repas collet monté avec Mme Maranet sont un calvaire pour lui. Il devient un objet qu'elle exhibe face à ses invités où elle raconte à plaisir comment elle l'a sauvé de la pauvreté extrême. Elle enjolive son récit pour en faire un mélo sordide et caricatural. Finalement, l'enfant s'enfuit un 14 juillet. Il retrouve la rue et les petits bals populaires où il peut s'acheter une glace entre deux gauffrettes. Le paradis après l'univers strict de Mme Maranet ! Cette fable moderne montre l'enfant qui retourne chez sa mère où il est bien plus heureux et finalement, Mme Maranet décide de continuer à pratiquer sa générosité mais différemment. Elle a compris qu'on ne pouvait pas changer la nature d'un enfant. Françoise Rosay montre son immense talent en maîtresse-femme habillée de luxueuse robe haute couture. Elle réussit à ne pas être caricaturale dans un rôle qui pourrait l'être. Le petit Jean Forest est excellent en gamin des rues transformé en petit pingouin intelligent pratiquant le baise-main. Si le film n'est pas aussi bon que Visages d'enfants, c'est que l'histoire de cette adoption temporaire n'a pas la crédibilité et la beauté de ce dernier. Néanmoins, il contient de superbes scènes tournées dans le Paris de l'époque. Feyder utilisera Paris encore mieux dans Les Nouveaux Messieurs (1928), annonçant le réalisme poétique d'un Carné qui y travaille comme assistant. Les différences sociales et d'attitude sont illustrées par quelques détails subtils tels que la position d'une serviette de table. Gribiche l'a toujours mise dans son col et il apprend chez Mme Maranet qu'il faut la mettre sur ses genoux. A son retour dans sa famille, il comprend que la serviette n'est pas un objet de classe, mais simplementun moyen d'éviter de se salir. C'est sur cette conclusion optimiste que le film se clôt. La nouvelle copie restaurée et teintée de 2010 est de toute beauté. J'avais vu en 2008 la précédente restauration en noir et blanc qui n'avait pas ce niveau de qualité. Mais, j'ai constaté qu'une scène manquait dans cette copie. Lors de sa fugue le 14 juillet, Gribiche rencontrait un clochard sous le métro aérien de Grenelle et buvait du vin avec lui. Cette scène est absente de cette copie. Pour ce qui est de la musique proposée avec cette restauration, elle m'a semblé fort ennuyeuse et souvent hors-sujet. Le pianiste pratique une série de thèmes minimalistes en boucle, ignore toutes les scènes comiques, et son compère percussionniste s'amuse à aligner les sons sans se préoccuper de la scène à illustrer. Pour un film aussi vivant et humain, il aurait fallu un accompagnement avec une toute autre sensibilité.
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Ann Harding
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Message par Ann Harding »

Voici un documentaire par le cinéaste préféré du Commissaire Juve. :mrgreen:

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La Croisière Noire (1926, Léon Poirier)

En 1924, André Citroën organise une traversée du continent africain, par les colonies françaises, sur huit autochenilles. Cette expédition, nommée Haardt Audoin-Dubreuil, a une portée plus politique et coloniale qu'une simple publicité pour la robustesse des voitures Citroën. Lors du départ, on embarque le cinéaste Léon Poirier avec son opérateur, Georges Specht. Ce dernier est un vétéran du cinéma. C'était l'un des collaborateurs favoris de Léonce Perret à la Gaumont dans les années 10. Durant huit mois, ils vont traverser les déserts, la brousse et la forêt tropicale. Dans ces années 20, la France coloniale est à son apogée et elle veut montrer au grand public l'immensité de son empire ainsi que la (soit-disant) puissance civilisatrice qu'elle apporte aux africains. Le film est certainement teinté du paternalisme et des préjugés raciaux de l'époque. On part découvrir des 'peuplades étranges' ainsi que les animaux qui peuplent les plaines et les forêts. Le film est dédié à la 'jeunesse française', ce qui en dit long sur les intentions des commanditaires. Néanmoins, le cinéaste fait l'effort de filmer toutes les tribus dans chaque ville, village ou forêt. On nous montre leurs danses rituelles en utilisant parfois le ralenti pour nous permettre d'apprécier la grâce du mouvement des femmes. Ce n'est pas vraiment encore de l'ethnologie car le regard est vraiment condescendant. Le voyage lui-même est impressionnant par sa longueur, par la variété des terrains et des paysages rencontrés. On passe du désert du Sahara, de sable ou de pierre, pour arriver au fleuve Niger. On descend alors le fleuve jusqu'à Niamey avant de partir vers le Lac Tchad à l'est. Ce lac ressemble à une mer intérieure par sa dimension. Après une traversée du Congo belge, ils partent vers le Mozambique, à travers une dense forêt tropicale, d'où ils prennent le bateau vers Madagascar (une carte détaille ici leur voyage). L'ensemble des colonies françaises a donc été couvertes par ce voyage. Chaque arrivée dans une ville est soigneusement mise en scène avec déploiement de troupes au grand complet. En chemin, on organise des safaris où on tue, sans retenue, gazelles, lion, hippopotame, girafes... Des scientifiques sont embarqués pour ramener des échantillons au Museum d'Histoire Naturelle. La conception de la connaissance animale de l'époque semble se limiter à tuer et dépecer. On tue aussi des gazelles pour nourrir les gens de l'expédition. Quant au regard sur les africains eux-même, il est assez proche de celui que l'on réserve à une espèce différente des européens. La rencontre avec une tribu pygmée est particulièrement impressionnante. Un petit homme, d'une agilité incroyable, se meut parmi les lianes et les arbres. Je n'ai pu m'empêcher de songer au Mowgli du Livre de la Jungle. On découvre leur habitat en feuilles sous l'épaisse canopée de la forêt tropicale. Une autre tribu, en Afrique de l'est (probablement une colonie anglaise), a conservé un style vestimentaire et décoratif sur leurs huttes qui rappellent les motifs de l'ancienne Egypte. Le massacre des hippopotames dans l'eau est également hallucinant. On leur tire dessus, ils coulent. Il faut attendre le lendemain matin que leurs cadavres ré-émergent pour pouvoir les sortir de l'eau avant de les tronçonner avec une scie et une hache ! Au total, même si la réalisation de Léon Poirier n'est guère imaginative, le documentaire se voit avec beaucoup d'intérêt. Mais, il lui manque la qualité narrative et de suspense que savent apporter Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack à Grass (1925). En tous cas, c'est un film qui mérite d'être étudié pour connaître cette France colonialiste des années 20.
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Ann Harding »

Image (Max de Rieux)

Les Grands (1924, Henri Fescourt) avec Max de Rieux, Jeanne Helbling, Georges Gauthier et Henri Debain

Dans un pensionnat de province, un petit groupe d'élèves restent au collège durant les vacances de Pâques, parmi eux, Jean Brassier (M. de Rieux) et le petit Bezou (P. Colligé) qui est constamment harcelé par Surot (Fabien Haziza), un cancre malfaisant. Or Jean Brassier est amoureux de la femme du principal (J. Helbling). En l'absence de son mari, il s'introduit dans son appartement...

Henri Fescourt est un oublié du cinéma français malgré ses nombreuses réalisations prestigieuses durant la période muette. Ses Misérables (1925) et son Monte-Cristo (1928) sont à ranger parmi les plus grandes adaptations de Hugo et de Dumas. Avec Les Grands, un film intime, il montre son habilité à diriger les acteurs et à rendre cette histoire simple et humaine. Nous sommes dans un pensionnat pour jeunes garçons qui vivent en vase clos, rêvant de liberté et d'aventures. Jean Brassier, joué avec talent par Max de Rieux, qui fut la même année Le Petit Chose (1924, A. Hugon), est un jeune garçon qui aspire à 'être grand' et à être considéré comme tel. Il est secrètement amoureux de la femme du principal. Et cette infatuation va le mettre dans une situation difficile. Il est allé, la nuit, voir la femme du principal alors que le cancre Surot fracturait le bureau du principal pour voler 500 francs. Jean décide de s'accuser du vol pour protéger l'honneur de la femme qu'il aime. Il se retrouve dans une situation impossible: il va être renvoyé du collège et sermonné violemment par son père. Mais, il se refuse à dire la vérité. Il considère son sacrifice comme un signe qu'il est maintenant 'grand'. De son côté, le petit Bezou, un pauvre gosse abandonné par des parents en plein divorce, va oeuvrer pour aider son ami Jean. Il a deviné que Surot était le vrai coupable à cause de son attitude. Il fouille ses affaires et découvre les billets volés. Mais au lieu de le dénoncer lui-même, il le pousse à le faire de son propre chef. On ne peut que louer le jeu des différents acteurs dans les rôles secondaires comme Henri Debain, en économe dégingandé à pince-nez et Paul Jorge en portier compatissant. La copie est de très bonne qualité et met en valeur le travail des opérateurs. Un Fescourt de très bonne facture.
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Ann Harding »

Image (Lia: Raquel Meller)
La Terre Promise (1924, Henry Roussel) avec Raquel Meller, Max Maxudian, Tina de Izarduy, Pierre Blanchar, Albert Bras et André Roanne

En Bessarabie, dans un ghetto juif, la famille Sigoulim célèbre la Pâques juive. Samuel Sigoulim (A. Bras) est un rabbin pieux qui vit selon la tradition talmudique alors que son frère Moïse (M. Maxudian) lui s'est lancé dans les affaires. Moïse fait fortune dans le pétrole et part pour Londres emmenant ses deux jeunes nièces Lia (R. Meller) et Esther (T. de Izarduy)...

Henry Roussel est une figure oubliée du cinéma muet français. Il mériterait pourtant d'être redécouvert car il est l'un des rares metteurs en scène de cette époque qui pouvait être aussi appelé un 'auteur' avant même que ce terme ait été créé. En effet, Henry Roussel, en plus d'être un excellent acteur, écrivait lui-même les scénarios de ses films et ceux-ci n'étaient pas de simples adaptations de romans ou de pièces de théâtre, mais des scénarios entièrement originaux. Ayant déjà pu voir plusieurs films d'Henry Roussel, j'ai toujours été conquise par sa capacité à faire vivre ses personnages dans leur milieu naturel, quel qu'il soit: dans L'Ile enchantée (1927), nous sommes en Corse où la tradition affronte la modernité alors qu'un barrage hydroélectrique est en construction, dans Violettes Impériales (1923), déjà avec Raquel Meller, une petite bouquetière de Séville devient la coqueluche de Paris sous le Second Empire et dans La Valse de l'adieu (1928), Chopin se souvient de sa jeunesse en Pologne. (Il faut d'ailleurs préciser que Violettes Impériales est bel et bien un scénario original de Roussel qui ne sera transformé en opérette qu'en 1948 par Vincent Scotto.) La variété des sujets abordés tranche avec les mélos mondains qui abondent dans le cinéma français des années 20. Avec cette Terre Promise, il nous fait revivre les ghettos juifs d'Europe de l'est, en Bessarabie (qui est maintenant la Moldavie). Avec un talent remarquable, il nous dresse le portrait de cette communauté qui vit dans le dénuement. Bien loin de recréer les stéréotypes juifs, les personnages sont complexes. D'un côté le rabbin Samuel vit au milieu de son peuple dans le dénuement, dans le plus grand respect des traditions, et de l'autre Moïse qui trouve que ces traditions sont surrannées et veut faire fortune coute que coute. Les deux filles du rabbin, l'aînée Esther et la cadette Lia sont également partagées dans leur acceptation des traditions. Esther aime la belle vie qu'elle découvre à Londres et se détourne du passé, alors que la plus jeune elle reste fidèle aux principes de justice de son père. Mais, Lia est amoureuse d'un 'gentil', André (A. Roanne), un fils d'aristocrate, qui n'appartient pas à la communauté. Elle devra faire un choix cornélien entre rester fidèle à sa famille ou partir pour toujours pour suivre l'homme qu'elle aime. Les deux soeurs sont jouées par Raquel Meller et sa soeur Tina (créditée sous le nom de Tina de Izarduy) ce qui renforce la crédibilité de leur affrontement. En effet, elles sont toutes deux amoureuses du même homme, et Esther ne reculera devant rien pour se venger de sa soeur et de sa communauté. Le film culmine alors que les travailleurs des champs pétrolifères décident de mettre le feu aux puits. Esther les incite à la violence raciale en attisant les rancoeurs entre juif et non-juif. Henry Roussel montre une grande habilité à la construction de son récit entre rivalité amoureuse et histoire sociale. Il est aussi un metteur en scène habile qui sait créer une atmosphère aussi bien pour une scène intime que pour une émeute. Il y a une superbe séquence sous une pluie battante où André va partir, désespéré d'être abandonné par celle qu'il aime. Il est rejoint par Esther qui se jette à son cou, lui avouant ses sentiments longtemps refoulés. Esther dégage exactement la sensualité rebelle de son personnage, accentuée par l'averse. Le début du film nous montre la cérémonie de la Pâques juive où un verre de vin est servi pour le Prophète Elie. Puis, on ouvre symboliquement la porte pour le laisser entrer. La petite Lia, qui va ouvrir cette porte au début, se méprend en voyant un petit garçon tout de blanc vêtu dans la rue et le prend pour le prophète. La cérémonie se répète 13 ans plus tard, Lia ouvre la porte, le petit garçon est maintenant André, son amoureux qui l'attend dehors. Elle va lui rendre sa bague, lui signifiant qu'elle ne peut quitter le giron familial. On ne peut que louer les interprètes du film, des soeurs Meller, à leur meilleur, à un jeune Pierre Blanchar qui joue un rôle secondaire en jeune frère destiné au rabbinat. L'opérateur Jules Kruger fait merveille avec de superbes intérieurs contrastés. La copie restaurée en 1987 semble malheureusement incomplète. Il semble que le prologue était nettement plus long que ce qu'il en reste, si on en croit les synopsis d'époque. Néanmoins, cette Terre Promise reste un film passionnant.
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(A G.: Tina et Raquel Meller; à D. Henry Roussel)
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Commissaire Juve
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Commissaire Juve »

Ann Harding a écrit :Voici un documentaire par le cinéaste préféré du Commissaire Juve. :mrgreen: .
Hein ? Qui ? Quoi ? :mrgreen:

Tu vois, malgré tout, je jette un coup d'oeil...
La vie de l'Homme oscille comme un pendule entre la douleur et l'ennui...
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Re: Cinéma Muet Français

Message par riqueuniee »

Je viens de visionner les courts (et moyens, le Mystère des roches de Kador faisant 3/4 d'heure) métrages de Léonce Perret contenus dans le coffret cinéma premier.
Superbe découverte que ce cinéaste que je ne connaissais pas du tout (même de nom). Les films, même très courts, sont bien scénarisés , ont un générique, ce qui n'était pas usuel à la Gaumont, d'après le livret d'accompagnement, et l'interprétation est naturelle.
A noter de belles séquences ferroviaires dans l'express matrimonial et Sur les rails (avec toute une séquence tournée sur les voies ferrées de la gare de Niort ).Et dans le film sur Molière, de grands décors, beaucoup de figurants, et des séquences tournées dans le parc du château de Versailles.
Les films sont accompagnés d'un petit bonus, léonce, cinématographiste cinématographié, montage de séquences où Perret utilise le cinéma dans les films : affiches, film dans le film, tournages (jusqu'à une séquence de tournage aux studios de la Victorine, comme dans la nuit américaine de Truffaut).
Par contre, je n'ai pas trop compris pourquoi la pellicule changeait régulièrement de teinte, y compris à l'intérieur d'une séquence .
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