Cinéma muet français

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Ann Harding
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Message par Ann Harding »

Je commence le coffret par ce film que je n'avais pas encore vu, contrairement à Germinal et à L'Assommoir. Quatre-Vingt-Treize offre la copie la plus médiocre car c'est une restauration ancienne de 1985. Mais tout le reste est impeccable car restauré récemment pour une rétrospective au Festival de Bologne en 2010.

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Quatre-Vingt-Treize (1914/1921) de Albert Capellani & André Antoine avec Paul Capellani, Henry Krauss et Philippe Garnier

En Bretagne, durant la révolution, le neveu du Marquis de Lantenac, Gauvain (P. Capellani), devient l'ami de Cimourdain (H. Krauss), un curé qui épouse les préceptes de la Révolution. Durant la Terreur, le Marquis s'exile en Angleterre alors que son neveu devient soldat dans l'armée révolutionnaire...

Ce film commencé en 1914 a été brutalement stoppé lors de l'entrée en guerre. Il sera repris par André Antoine après celle-ci alors que Capellani est indisponible, étant parti aux Etats-Unis. Il est fort difficile de savoir quelles parties du film ont été réalisées par Antoine ou Capellani. Mais, après avoir déjà vu sept films d'Antoine, je ne peux que constater qu'il évite constamment les studios au profit des décors naturels. On peut donc penser que toutes les scènes en Bretagne ont de fortes chances d'avoir été réalisées par lui. Le cinéma avait avancé à pas de géants entre 1914 et 1921. Un film qui sort 7 ans après le début de son tournage a de fortes chances d'être totalement dépassé en termes de grammaire filmique. Il faut bien le reconnaître, ce film conserve le style des années 10 avec de grands plans larges et n'a aucun gros-plan, sauf le plan final. Ces différents points posés, Quatre-Vingt-Treize est une oeuvre ambitieuse de 2h45 qui adapte le roman de Victor Hugo avec succès. Les cinéastes réussissent à nous montrer l'évolution des personnages emportés par le tourbillon de l'histoire. La Révolution va être un révélateur des hommes et de leur conscience. Les trois personnages principaux sont tous animés par leur foi et leurs idéaux. La Marquis de Lantenac est lui un royaliste pur et dur qui va rapidement rejoindre les chouans et devenir leur chef. Il agit sans état d'âme et fait fusiller des femmes si nécessaire. Son neveu, Gauvain était d'abord un nobliau oublieux de son environnement jusqu'à ce que Cimourdain lui fasse découvrir Jean-Jacques Rousseau. Cette lecture lui ouvre les yeux et il épouse avec ferveur le nouvel idéal républicain. La troisième Cimourdain est un curé de campagne qui suit dès le début les ideaux révolutionnaires au point de se faire chasser de sa paroisse. Une fois à Paris, défroqué, il rejoint les rangs des décideurs de la Révolution. Dans la deuxième partie du film, le destin de ces trois personnages vont se croiser pour une confrontation sans merci. Et le film réussit à rendre palpable les dilemnes moraux et de conscience de ces trois hommes. Doit-on obéir aveuglément ? Doit-on traiter humainement un ennemi qui dans la même situation vous tuerait ? Gauvain est certainement le plus humain des trois. Il épargne la vie d'une religieuse qui a fait prévenir les Chouans de leur présence. De même, il fait soigner celui qui a tenté de le tuer. Lantenac est le plus rigide. Tuer une femme ou un homme qui a failli ne l'affecte pas. On le croirait totalement insensible, jusqu'à cette scène finale où il revient sur ses pas pour épargner la vie de trois enfants innocents. Cimourdain est lui aussi un individu complexe. Ancien homme d'église, il suit la ligne révolutionnaire sans faillir. Comme Lantenac, il n'hésite pas à utiliser la guillotine. Mais, lui aussi se retrouvera face à sa conscience dans la scène finale. Les séquences tournées en studio souffrent un peu des décors assez médiocres (surtout des toiles peintes) qu'affectionnent Pathé (contrairement à Gaumont qui a toujours privilégié le tri-dimensionnel). Heureusement, une bonne partie du film se déroule en extérieur, ce qui lui donne une respiration nécessaire. Les batailles entre les Blancs et les Bleus se déroulent dans les forêts et les landes et ressemblent à la guerilla. Le jeu des acteurs est remarquable étant donné qu'ils doivent faire vivre leurs personnages en plan général ou moyen. Même sans gros-plan, on ressent les souffrances de Cimourdain ou de Gauvain. Capellani aimait s'attaquer à des sujets sociaux ou moraux en adaptant Zola et Hugo. Quant à Charles Pathé, il était capable de prendre de gros risques financiers comme en finançant La Roue d'Abel Gance. D'ailleurs, il faut noter que Gance reprendra dans Napoléon la scène entre les trois dieux (Marat, Danton et Robespierre) issue de Quatre-vingt-treize. Si on compare Quatre-Vingt-Treize à La Roue, il est évident que le film paraît daté dans sa construction. Mais, pour un film de 1914, c'est une oeuvre de grande qualité.
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allen john
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Ann Harding a écrit :Je commence le coffret par ce film que je n'avais pas encore vu, contrairement à Germinal et à L'Assommoir. Quatre-Vingt-Treize offre la copie la plus médiocre car c'est une restauration ancienne de 1985. Mais tout le reste est impeccable car restauré récemment pour une rétrospective au Festival de Bologne en 2010.

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Quatre-Vingt-Treize (1914/1921) de Albert Capellani & André Antoine avec Paul Capellani, Henry Krauss et Philippe Garnier

En Bretagne, durant la révolution, le neveu du Marquis de Lantenac, Gauvain (P. Capellani), devient l'ami de Cimourdain (H. Krauss), un curé qui épouse les préceptes de la Révolution. Durant la Terreur, le Marquis s'exile en Angleterre alors que son neveu devient soldat dans l'armée révolutionnaire...

Ce film commencé en 1914 a été brutalement stoppé lors de l'entrée en guerre. Il sera repris par André Antoine après celle-ci alors que Capellani est indisponible, étant parti aux Etats-Unis. Il est fort difficile de savoir quelles parties du film ont été réalisées par Antoine ou Capellani. Mais, après avoir déjà vu sept films d'Antoine, je ne peux que constater qu'il évite constamment les studios au profit des décors naturels. On peut donc penser que toutes les scènes en Bretagne ont de fortes chances d'avoir été réalisées par lui. Le cinéma avait avancé à pas de géants entre 1914 et 1921. Un film qui sort 7 ans après le début de son tournage a de fortes chances d'être totalement dépassé en termes de grammaire filmique. Il faut bien le reconnaître, ce film conserve le style des années 10 avec de grands plans larges et n'a aucun gros-plan, sauf le plan final. Ces différents points posés, Quatre-Vingt-Treize est une oeuvre ambitieuse de 2h45 qui adapte le roman de Victor Hugo avec succès. Les cinéastes réussissent à nous montrer l'évolution des personnages emportés par le tourbillon de l'histoire. La Révolution va être un révélateur des hommes et de leur conscience. Les trois personnages principaux sont tous animés par leur foi et leurs idéaux. La Marquis de Lantenac est lui un royaliste pur et dur qui va rapidement rejoindre les chouans et devenir leur chef. Il agit sans état d'âme et fait fusiller des femmes si nécessaire. Son neveu, Gauvain était d'abord un nobliau oublieux de son environnement jusqu'à ce que Cimourdain lui fasse découvrir Jean-Jacques Rousseau. Cette lecture lui ouvre les yeux et il épouse avec ferveur le nouvel idéal républicain. La troisième Cimourdain est un curé de campagne qui suit dès le début les ideaux révolutionnaires au point de se faire chasser de sa paroisse. Une fois à Paris, défroqué, il rejoint les rangs des décideurs de la Révolution. Dans la deuxième partie du film, le destin de ces trois personnages vont se croiser pour une confrontation sans merci. Et le film réussit à rendre palpable les dilemnes moraux et de conscience de ces trois hommes. Doit-on obéir aveuglément ? Doit-on traiter humainement un ennemi qui dans la même situation vous tuerait ? Gauvain est certainement le plus humain des trois. Il épargne la vie d'une religieuse qui a fait prévenir les Chouans de leur présence. De même, il fait soigner celui qui a tenté de le tuer. Lantenac est le plus rigide. Tuer une femme ou un homme qui a failli ne l'affecte pas. On le croirait totalement insensible, jusqu'à cette scène finale où il revient sur ses pas pour épargner la vie de trois enfants innocents. Cimourdain est lui aussi un individu complexe. Ancien homme d'église, il suit la ligne révolutionnaire sans faillir. Comme Lantenac, il n'hésite pas à utiliser la guillotine. Mais, lui aussi se retrouvera face à sa conscience dans la scène finale. Les séquences tournées en studio souffrent un peu des décors assez médiocres (surtout des toiles peintes) qu'affectionnent Pathé (contrairement à Gaumont qui a toujours privilégié le tri-dimensionnel). Heureusement, une bonne partie du film se déroule en extérieur, ce qui lui donne une respiration nécessaire. Les batailles entre les Blancs et les Bleus se déroulent dans les forêts et les landes et ressemblent à la guerilla. Le jeu des acteurs est remarquable étant donné qu'ils doivent faire vivre leurs personnages en plan général ou moyen. Même sans gros-plan, on ressent les souffrances de Cimourdain ou de Gauvain. Capellani aimait s'attaquer à des sujets sociaux ou moraux en adaptant Zola et Hugo. Quant à Charles Pathé, il était capable de prendre de gros risques financiers comme en finançant La Roue d'Abel Gance. D'ailleurs, il faut noter que Gance reprendra dans Napoléon la scène entre les trois dieux (Marat, Danton et Robespierre) issue de Quatre-vingt-treize. Si on compare Quatre-Vingt-Treize à La Roue, il est évident que le film paraît daté dans sa construction. Mais, pour un film de 1914, c'est une oeuvre de grande qualité.
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Tu me donnes encore plus envie de le voir. il est fascinant, ce film,, de par son histoire pas banale... vivement, vivement...
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Ann Harding
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Tu ne seras pas déçu. J'ai trouvé quelques infos sur le tournage et la contribution d'Antoine au film:
The contribution of Antoine to this film, co-signed with Albert Capellani, was quite scanty and limited. According to the testimony of his son André-Paul, “In 1914, at the moment of signing the contract with S.C.A.G.L., Antoine was present at the shooting of some scenes of '93.” Work on the film was, however, interrupted by the outbreak of war, and Capellani left France for the United States, leaving the film incomplete: “To recoup the capital invested S.C.A.G.L. asked Antoine to complete it, which he did in a few days, with the agreement of Capellani.” According to some sources, Antoine directed the final episode of La Torgue and some exteriors, and supervised the montage. It would have been possible to finish it sooner if the wartime censorship had not intervened to forbid the treatment of a subject which evoked civil war. Adapted from Victor Hugo's novel of the same name, the film in fact deals with events and characters of a crucial year in French history, 1793, when the Convention collapsed in the internal struggle between the different revolutionary factions while the supporters of the Ancien Régime gambled their reactionary chances in La Vendée.
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Ann Harding
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Le Chevalier de Maison-Rouge (1914, Albert Capellani) avec Paul Escoffier, Marie-Louise Deval, Henri Rollan et Georges Dorival

Durant la Terreur, le Chevalier de Maison-Rouge (P. Escoffier) revient incognito à Paris pour organiser l'évasion de Marie-Antoinette du Temple. Il s'installe chez son beau-frère Dixmer (G. Dorival) et sa soeur Geneviève Dixmer (M.-L. Deval)...

Le roman d'Alexandre Dumas se déroule durant la Terreur comme le Quatre-vingt-treize de Victor Hugo. Comme toujours avec Dumas, on est face à un roman-feuilleton plein de rebondissements avec trahison, complot, se mêlant aux événements historiques. Les personnages sont parfaitement caractérisés par les acteurs qui jouent avec retenue et sensibilité. Au centre du complot, Le Chevalier de Maison-Rouge tente de faire évader la Reine de sa prison. Il utilise le manque d'argent de son beau-frère pour le mettre de son côté. Sa soeur Geneviève, épouse malheureuse de Dixmer, est elle prise dans une nasse. Elle doit aider, malgré elle, son frère et son époux, parfois sous la contrainte. Comme toujours chez Dumas quand il traite de la Révolution, il essaie de créer un équilibre entre les révolutionnaires et les royalistes. D'un côté, la Reine enfermée dans sa prison et de l'autre l'honnête Maurice Lindey qui est officier dans l'armée revolutionnaire. Le film offre un mélange de décors avec des toiles peintes et de superbes extérieurs qui offrent des perspectives intéressantes de ruelles humides et insalubres. Les productions contemporaines de la Gaumont sont, elles, toujours tournées en extérieurs. Mais, malgré tout, le film reste passionnant. L'intrigue se déroule avec de nombreux rebondissements qui tiennent en haleine. On tremble en voyant l'un des geoliers qui a intercepté un message destiné à la Reine. Mais, celui-ci laisse le message échapper. Alors que l'on croit que les chances d'évasion s'améliorent, le chien de la Reine se met à aboyer et fait découvrir l'entrée du souterrain. Alors que le roman se terminait mal, le film nous offre une fin heureuse finalement plutôt bien amenée. Les cadrages sont toujours 'théâtraux', en plan large. Mais, le film fonctionne admirablement et on passe un excellent moment.
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Message par Ann Harding »

Ann Harding a écrit :Germinal (1913, Albert Capellani) avec Sylvie, Henry Krauss, Jean Jacquinet et Cécile Guyon

Avec cette adaptation de Zola, Capellani réalise, à mon avis, son chef d'oeuvre. Ce Germinal tient parfaitement la route et reste probablement une des meilleures adaptation de Zola. Les cinéastes ont très tôt été très intéressés par les romans sociaux de Zola. On trouve une version de L'Assommoir dès 1909, réalisée également par Capellani. Puis suivent, Travail (1919, H. Pouctal) Thérèse Raquin (1928, J. Feyder), Nana (1926, J. Renoir), L'Argent (1929, M. L'Herbier), Au Bonheur des Dames (1930, J. Duvivier) qui à chaque fois sont des réussites exemplaires de chaque cinéaste. Mais, en 1913, Capellani est un novateur. Il a choisi un groupe d'acteurs remarquables, au premiers rangs desquels Henry Krauss, un habitué des productions de Capellani (il fut Valjean et Quasimodo) qui trouve ici un rôle qui lui va comme un gant, Etienne Lantier. Ce mineur qui provoque le soulèvement de ses collègues pour réclamer un meilleur salaire, est incarné avec une parfaite exactitude et un naturalisme étonnant. Face à lui, j'ai été époustouflée par la performance incroyable de Sylvie en Catherine Maheu. Oui, il s'agit bien de Louise Mainguené dite Sylvie qui est l'inoubliable meurtrière du Dr Vorzet dans Le Corbeau (1943, HG Clouzot). Ici, âgée de 30 ans, elle est pensionnaire du Théâtre Antoine et son jeu naturaliste fait merveille dans son rôle. Elle est la fille de Maheu qui descent à la mine habillée en homme pour travailler comme hercheuse (elle remplit les wagons). D'ailleurs la scène où Lantier (H. Krauss) découvre qu'elle est une femme est absolument formidable. Elle ôte son fichu et sa longue chevelure se répand sur ses épaules devant un Lantier ébahi alors qu'ils mangent au fond de la mine.
Le film a un caractère quasiment documentaire et bien qu'il soit rythmé essentiellement avec des plans d'ensemble et de demi-ensemble (les gros-plans sont encore très rares en 1913, en France), les personnages vivent et meurent avec un étonnant relief. La scène de la grève et l'arrivée des troupes pour mater les grévistes fait encore froid dans le dos. De même, les dernières scènes avec la mine inondée où croupissent Lantier et Catherine près du cadavre de Chaval ont conservées leur pouvoir émotionnel. Il faut aussi rendre hommage à Capellani pour son utilisation économe des intertitres. Il y en a très peu. Ils commentent l'action à des moments clés, mais, tout le message est essentiellement porté visuellement. Lantier se fait licencier par un contremaître tatillon au début du film sans aucun intertitre, mais chaque geste nous fait comprendre la mauvaise foi du contremaître qui cherche un prétexte fallacieux pour le renvoyer. Un véritable chef d'oeuvre du cinéma français qui mériterait amplement un DVD. :D
J'ai revu le film hier soir avec le nouveau DVD publié par Pathé. J'en ressors tout aussi enthousiaste que la première fois. C'est le meilleur film de Capellani que j'ai pu voir et un des tous meilleurs films du début des années 10. Les performances de Sylvie et celle d'Henry Krauss sont absolument remarquables. Sylvie donne à sa Catherine Maheu, une réalité et une présence physique incroyable. On croirait voir une actrice des années 20 tant son jeu est dénué d'effets théâtraux (alors qu'elle en venait). C'est certainement son travail avec André Antoine qui lui a donné cette justesse. On sent l'electricité qui passe entre elle et Etienne Lantier (H. Krauss). Lorsqu'il devient pensionnaire chez les Maheu, elle lui sert, le sourire aux lèvres, un verre d'eau alors qu'il refuse le verre d'alcool fort qui lui est proposé. Une franche complicité l'unit au grand et fort Henry Krauss, qui lui aussi habite son rôle avec force et subtilité. La puissance émotionelle du film est intacte après presque 100 ans. On ne peut qu'avoir les larmes aux yeux en voyant la remontée du corps de Catherine de la mine inondée alors que Lantier caresse une dernière fois son bras. La composition visuelle est supérieure aux autres Capellani du coffret. Le tournage dans le Pas-de-Calais nous plonge dans l'univers de Zola et Capellani sait capturer aussi la densité des personnages dans ce paysage minier sur fond de terril. L'arrivée et le départ de Lantier sont parfaitement construits pour suggérer les sentiments qui l'animent. Avec un lent panoramique, on découvre la fosse de mine et les corons. Et la tension ne faiblit pas du début à la fin. Cette nouvelle copie est un nouveau tirage de 2010 teinté. La qualité est superbe. Mais, j'ai été un peu déçue par le teintage rouge qui donne des contours un peu flous (c'est souvent le problème de ce type de couleur) et qui efface un peu les détails des visages. Le pianiste, Maxence Cyrin, qui accompagne tous les films, apporte à Germinal plus de puissance et de sensibilité qu'aux autres films où il reste en retrait. Un film essentiel de l'histoire du cinéma français.
Dernière modification par Ann Harding le 16 mai 11, 17:17, modifié 1 fois.
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Message par bruce randylan »

Vous me faîtes envie là !
Heureusement je devrais récupérer mon coffret ce week-end :D
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Message par Rick Blaine »

bruce randylan a écrit :Vous me faîtes envie là !
A moi aussi. Je n'avais pas prévu l'investissement, mais ce coffret semble essentiel. Je prends note.
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Message par Ann Harding »

Quelques captures de Germinal pour achever de vous faire envie:
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Lantier (Henry Krauss au centre) arrive à la mine de Monsou.

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Lantier rencontre Bonnemort (Marc Gérard)

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La fête foraine de Monsou. On remarque que la caméra se promène dans la foule d'une vraie fête foraine
avec les acteurs au milieu. De nombreux badauds s'arrêtent pour regarder la caméra.

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Au fond de la mine, Lantier et Catherine (Sylvie)

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De G à D: Chaval (J. Jacquinet), Catherine Maheu (Sylvie), Bonnemort (Marc Gérard), Le Maheu (Mevisto), Lantier (H. Krauss) et La Maheude (Jeanne Cheirel)

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Le départ de Lantier.
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Message par Rick Blaine »

Ann Harding a écrit :Quelques captures de Germinal pour achever de vous faire envie:
Tu as gagné :D. Tes chroniques et ces captures sont bien plus convaincantes que ma volonté d'économiser quelques euros ce mois ci. C'est commandé!!

J'aime beaucoup, notamment, la dernière image que tu as postée. Je trouve ce plan fort joli.
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Re: Cinéma Muet Français

Message par allen john »

Rick Blaine a écrit :
Ann Harding a écrit :Quelques captures de Germinal pour achever de vous faire envie:
Tu as gagné :D. Tes chroniques et ces captures sont bien plus convaincantes que ma volonté d'économiser quelques euros ce mois ci. C'est commandé!!

J'aime beaucoup, notamment, la dernière image que tu as postée. Je trouve ce plan fort joli.
Moi aussi: tu es tellement convaincante que je l'ai recommandé.
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Ann Harding »

allen john a écrit :
Rick Blaine a écrit :
Tu as gagné :D. Tes chroniques et ces captures sont bien plus convaincantes que ma volonté d'économiser quelques euros ce mois ci. C'est commandé!!

J'aime beaucoup, notamment, la dernière image que tu as postée. Je trouve ce plan fort joli.
Moi aussi: tu es tellement convaincante que je l'ai recommandé.
Eh bien! Je vais vite m'acheter des actions Pathé! :mrgreen:
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Message par allen john »

Ann Harding a écrit :
Ann Harding a écrit :Germinal (1913, Albert Capellani) avec Sylvie, Henry Krauss, Jean Jacquinet et Cécile Guyon

Avec cette adaptation de Zola, Capellani réalise, à mon avis, son chef d'oeuvre. Ce Germinal tient parfaitement la route et reste probablement une des meilleures adaptation de Zola. Les cinéastes ont très tôt été très intéressés par les romans sociaux de Zola. On trouve une version de L'Assommoir dès 1909, réalisée également par Capellani. Puis suivent, Travail (1919, H. Pouctal) Thérèse Raquin (1928, J. Feyder), Nana (1926, J. Renoir), L'Argent (1929, M. L'Herbier), Au Bonheur des Dames (1930, J. Duvivier) qui à chaque fois sont des réussites exemplaires de chaque cinéaste. Mais, en 1913, Capellani est un novateur. Il a choisi un groupe d'acteurs remarquables, au premiers rangs desquels Henry Krauss, un habitué des productions de Capellani (il fut Valjean et Quasimodo) qui trouve ici un rôle qui lui va comme un gant, Etienne Lantier. Ce mineur qui provoque le soulèvement de ses collègues pour réclamer un meilleur salaire, est incarné avec une parfaite exactitude et un naturalisme étonnant. Face à lui, j'ai été époustouflée par la performance incroyable de Sylvie en Catherine Maheu. Oui, il s'agit bien de Louise Mainguené dite Sylvie qui est l'inoubliable meurtrière du Dr Vorzet dans Le Corbeau (1943, HG Clouzot). Ici, âgée de 30 ans, elle est pensionnaire du Théâtre Antoine et son jeu naturaliste fait merveille dans son rôle. Elle est la fille de Maheu qui descent à la mine habillée en homme pour travailler comme hercheuse (elle remplit les wagons). D'ailleurs la scène où Lantier (H. Krauss) découvre qu'elle est une femme est absolument formidable. Elle ôte son fichu et sa longue chevelure se répand sur ses épaules devant un Lantier ébahi alors qu'ils mangent au fond de la mine.
Le film a un caractère quasiment documentaire et bien qu'il soit rythmé essentiellement avec des plans d'ensemble et de demi-ensemble (les gros-plans sont encore très rares en 1913, en France), les personnages vivent et meurent avec un étonnant relief. La scène de la grève et l'arrivée des troupes pour mater les grévistes fait encore froid dans le dos. De même, les dernières scènes avec la mine inondée où croupissent Lantier et Catherine près du cadavre de Chaval ont conservées leur pouvoir émotionnel. Il faut aussi rendre hommage à Capellani pour son utilisation économe des intertitres. Il y en a très peu. Ils commentent l'action à des moments clés, mais, tout le message est essentiellement porté visuellement. Lantier se fait licencier par un contremaître tatillon au début du film sans aucun intertitre, mais chaque geste nous fait comprendre la mauvaise foi du contremaître qui cherche un prétexte fallacieux pour le renvoyer. Un véritable chef d'oeuvre du cinéma français qui mériterait amplement un DVD. :D
J'ai revu le film hier soir avec le nouveau DVD publié par Pathé. J'en ressors tout aussi enthousiaste que la première fois. C'est le meilleur film de Capellani que j'ai pu voir et un des tous meilleurs films du début des années 10. Les performances de Sylvie et celle d'Henry Krauss sont absolument remarquables. Sylvie donne à sa Catherine Maheu, une réalité et une présence physique incroyable. On croirait voir une actrice des années 20 tant son jeu est dénué d'effets théâtraux (alors qu'elle en venait). C'est certainement son travail avec André Antoine qui lui a donné cette justesse. On sent l'electricité qui passe entre elle et Etienne Lantier (H. Krauss). Lorsqu'il devient pensionnaire chez les Maheu, elle lui sert, le sourire aux lèvres, un verre d'eau alors qu'il refuse le verre d'alcool fort qui lui est proposé. Une franche complicité l'unit au grand et fort Henry Krauss, qui lui aussi habite son rôle avec force et subtilité. La puissance émotionelle du film est intacte après presque 100 ans. On ne peut qu'avoir les larmes aux yeux en voyant la remontée du corps de Catherine de la mine inondée alors que Lantier caresse une dernière fois son bras. La composition visuelle est supérieure aux autres Capellani du coffret. Le tournage dans le Pas-de-Calais nous plonge dans l'univers de Zola et Capellani sait capturer aussi la densité des personnages dans ce paysage minier sur fond de terril. L'arrivée et le départ de Lantier sont parfaitement construits pour suggérer les sentiments qui l'animent. Avec un lent panoramique, on découvre la fosse de mine et les corons. Et la tension ne faiblit pas du début à la fin. Cette nouvelle copie est un nouveau tirage de 2010 teinté. La qualité est superbe. Mais, j'ai été un peu déçue par le teintage rouge qui donne des contours un peu flous (c'est souvent le problème de ce type de couleur) et qui efface un peu les détails des visages. Le pianiste, Maxence Cyrin, qui accompagne tous les films, apporte à Germinal plus de puissance et de sensibilité qu'aux autres films où il reste en retrait. Un film essentiel de l'histoire du cinéma français.
Je viens juste de le voir, c'est un miracle.
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Re: Cinéma Muet Français

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Germinal (Albert Capellani, 1913)

Avec la S.C.A.G.L., Capellani se lance dans l'adaptation fleuve de grands classiques, ses deux principales sources étant Zola et Hugo. Germinal, contemporain de Judith of Bethulia de Griffith (environ 60 minutes), et du premier Fantômas de Feuillade (55 minutes), totalise 2h28, et propose un spectacle peu banal... Aussi enthousiasmant aujourd'hui qu'il y a 98 ans.

Licencié de l'usine qui l'employait parce que son bon coeur l'a poussé à défendre un camarade viré avant lui, Etienne Lantier (Henry Krauss) trouve un travail à la mine. Il tombe vite amoureux d'une femme, Catherine (Sylvie), la fille de l'homme qui l'a hébergé. Elle est promise à un autre, Chaval (Jean Jacquinet), et la rivalité entre les deux hommes va faire de sérieuses étincelles, tout comme les dégradations des relations entre les patrons et les ouvriers. Vite reconnu comme un leader syndical, Lantier se trouve au centre des passions...

Le naturalisme de l'interprétation et des décors, le sens de la composition du metteur en scène font merveille. Capellani, qui a vocation à illustrer le roman dans un premier temps, utilise les intertitres comme des en-têtes de chapitre: "Ou Lantier découvre la raison de l'hostilité de Chaval", un peu comme Griffith annonçait l'action par les titres avant de la montrer. A une époque ou le gros plan, le montage serré deviennent des options qui font encore polémiques, Capellani fonctionne encore sur le principe des tableaux. Il en tire deux avantages: d'une part, le cadre est composé en fonction des séquences, avec un talent pour trouver l'angle parfait, et une utlisation de l'espace pensée en fonction de l'ensemble de la séquence; la profondeur de champ est utilisée aussi, notamment dans les scènes de réunions syndicales, ou les scènes dans les bars, restaurants, les intérieurs. d'autre part, les acteurs jouent l'ensemble de chaque scène, généralement avec retenue, même si par exemple Jean Jacquinet en fait parfois trop.

Les scènes anthologiques dépassent le cadre des tableaux, je pense en particulier à la première déscente dans la mine, iluminée par une révélation: ce jeune mineur, qui vient de dénouer une imposante chevelure, est donc une femme... L'idylle entre lantier et catherine vient de commencer, elle se terminera tragiquement en écho de cette jolie scène: lorsque le corps de la jeune femme sera remonté, seuls dépasseront de la couverture, son bras et la massede ses cheveux...

La scène de la fusillade, qui voit le monde simpliste de la lutte des classes exploser, lorsque les militaires tirent sur lea foule des grévistes et que la fiancée du patron tombe victime des balles, est préparée lentement par une montée de la tension. capellani nous montre les préparaitfs, l'arrivée des bataillons, les ouvriers qui contiennent leur colère... On sait que le drame est inéluctable.

Maintenir la tension pendant 2h28, nous rendre témoins et complices d'une histoire déja rendue immortelle par la littérature, relayer sans restriction le cri d'indignation d'Emile Zola, et pouvoir le faire encore presque un siècle plus tard... sacré cahier des charges! Sacré film, aussi.

http://allenjohn.over-blog.com/article- ... 36405.html
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Ann Harding
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Ann Harding »

Bonne nouvelle! Les films Albatros vont enfin sortir en DVD en 2012. Mais, pas en France, aux USA. Voici un message de David Shepard (qui travaille avec Flicker Alley):
Assuming the contract now with the Cinematheque's legal department goes through, next year Film Preservation Associates will be releasing through Flicker Alley an Albatros DVD box set with KEAN, LE BRASIER ARDENT, FEU MATHIAS PASCAL, GRIBICHE and LES NOUVEAUX MESSIEURS; also the complete serial LA MAISON DE MYSTERE as a separate release.

En tous cas, le choix est excellent. Tous les meilleurs films Albatros seront disponibles. :D
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