Cinéma muet français

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

bruce randylan
Mogul
Messages : 11652
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Cinéma muet français

Message par bruce randylan »

bruce randylan a écrit :Il devrait d'ailleurs avoir une rétrospective Albatros à la Fondation Pathé début 2016 :wink:
Elle a commencé il y a une semaine et durera jusque début février :)

L'angoissante aventure (Jacob Protozanoff - 1920)
Un jeune célibataire succombe aux charmes de l'ancienne maîtresse de son frère. Filant le parfait amour, ils partent tous deux en croisière pour la turquie mais l'argent commence à manquer.

Voilà un titre qui ne laisse rien présager de son contenu ! Loin d'être un thriller ou un film policier, c'est une comédie dramatique qui doit la majeure partie de ses qualités à son duo de comédien : Ivan Mosjoukine et Natalie Lissenko qui sont tous deux excellents dans leur rôle bien que Mosjoukine sorte du lot grâce à un personnage lui permettant plus de nuances dans le jeu. Il brille ici, passant du jeune adulte espiègle à l'amoureux enfantin ou encore de l'homme en proie au doute jusqu'au père de famille au bout du rouleau.
Il est perpétuellement crédible quelque soit la scène pour parvenir à amuser et émouvoir avec une aisance remarquable quelque soit les situations.

Et les situations ne manquent pas de piquant d'ailleurs avec beaucoup de péripéties qui conduit son duo à faire carrière dans le cinéma (c'est d'ailleurs assez perturbant de voir Mosjoukine jouer une ancienne gloire tomber dans la misère quand on sait comment il a lui-même fini).
La vitesse des péripéties, la qualité des décors et de la photographie (les extérieurs sur Marseille sont merveilleux) et de nombreuses séquences inspirées (succulente scène des lettres qui se croisent - reprises à la fin avec des bouquets de fleur) permettent d'éviter de trop réfléchir à leur crédibilité mais quand l'histoire s'attarde un peu plus sur la déchéance du couple, on commence à se demander où cela va nous mener et comment les scénaristes vont s'en sortir. Du coup, la chute se fait un peu deviner et en effet
Spoiler (cliquez pour afficher)
toute l'histoire se révèle être un mauvais rêve.
Malgré tout, c'est vraiment rafraichissant pour une première production (pré-Albatros en fait) qui a l'air d'avoir tout de même fortement improvisé au jour le jour puisque certaines séquences ont été tournées lors du voyage en bateau de la Russie vers Marseille de l'équipe.


La riposte (Viatcheslav Tourjansky - 1922)

Une ancienne vedette du cirque gagne au loto. Changeant de vie, elle tombe amoureuse d'un riche séducteur d'Amérique du Sud mais un ancien collaborateur de son ancienne vie la retrouve et menace de révéler à son époux sa précédente existence si elle ne lui donne pas d'argent.

Viatcheslav (Victor) Tourjansky était un piètre cinéaste à l'époque du parlant, il n'est guère plus convainquant dans le muet comme en atteste ce mélodrame invraisemblable au scénario peu crédible, encore qu'on peut lui reconnaître la qualité d'éviter les pièges du genre puisque le chantage tombe tout de suite à l'eau, le mari ayant entendu la conversation.
La réalisation est moins kitsch que lors des années 30 mais elle brille ici par sa platitude et son manque de personnalité. Elle n'aide donc ni à gommer les rebondissements grotesques ni à nous faire apprécier le duo de comédien (pourtant honorables) ni à éviter à l'histoire d'être prévisible dans sa seconde moitié. Comme le film est assez court, on ne s'ennuie pas forcément mais il s'oublie très rapidement.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
bruce randylan
Mogul
Messages : 11652
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Cinéma muet français

Message par bruce randylan »

La dame masquée (Vyacheslav Tourjansky - 1924)

Après le décès de sa mère, une jeune femme est recueillie chez sa tante. Après que cette découvre ai découvert que sa nièce va toucher un gros héritage, elle suggère à son fils de l'épouser afin d'éponger ses nombreuses dettes de jeux dans un casino tenu par un chinois.

Un peu meilleur que Riposte mais rien de bien extraordinaire. L'histoire est un peu plus ambitieuse avec son arrière-fond misanthrope où tous les hommes cherchent à v(i)oler l'héroïne. Beaucoup de bassesses, de manigances, de frustrations, d'espoirs déçus... On ne peut pas dire que la moralité et la bienséance en sorte grandies puisque même le personnage principal est coupable d'un crime qui restera impuni.
Le problème vient d'une réalisation qui ne parvient pas à créer cette atmosphère viscérale et pessimiste, justement écrasée par une direction artistique trop propre avec des décors trop larges et trop grands (les plafonds semblent se situer à 10 mètres au dessus du sol même dans un restaurant chinois). Il aurait fallut au contraire faire sentir une impression d'enfermement et d'étouffement pour qu'on sente réellement son héroïne captive d'une classe sociale hypocrite, à l'image de la scène du bal où tout le monde porte un masque.
Par contre le film, lui, est assez prisonnier de plusieurs clichés à commencer par la présence d'un méchant asiatique (façon Forfaiture et sa ribambelle de déclinaisons) totalement artificiel, pas assez nuancé pour éviter le racisme "péril jaune". On a presque l'impression qu'il a été rajouté à l'histoire pour servir de solution au dernier acte.

Cependant, le scénario plutôt bien structuré, les acteurs convainquant, la photographie de qualité et quelques jolis plans en font un divertissement pas déplaisant. Il est toutefois dommage que le film ne soit plus proposé avec sa fin alternative, moins optimiste que ce happy end un peu factice.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
bruce randylan
Mogul
Messages : 11652
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Cinéma muet français

Message par bruce randylan »

La mort heureuse (Serge Nadejdine - 1924)

Larue, un médiocre auteur dramatique, tombe à la mer lors d'une sortie en bateau. Supposé mort, ses chroniques funéraires en font un auteur de premier plan et bientôt ses pièces trouvent un rapide succès. Sauf que Larue a survécu à sa noyade et décide, avec la complicité de sa femme, de continuer de faire croire à son décés pour mieux profiter de son succès posthume

Avec son pitsch ayant quelques similitudes avec Feu Mathias Pascal (aussi produit par Albatros), le comédien-auteur Rimsky compose une sympathique comédie drôle et cocasse qui ne manque pas d'esprit. :)
Contrairement au classique de L'Herbier/Mosjoukine, son film file très vite avec à peine 1h15 au compteur ce qui est parfait pour une production sans prétention telle que celle-ci. Celà permet un rythme solide, gagnant en accélération sur la durée et s'avère dénué de longueur sans pour autant négliger les personnages attachants et sympathiques. Bien-sûr, ça ne prend pas trop de risque dans son écriture et le film manque un peu d'humour visuel, ce sont d'ailleurs pour ainsi dire presque les cartons qui sont les plus amusants (certains sont vraiment excellents comme celui de l'épouse africaine). Reste que la galerie de comédie suffit à faire naître bon nombres de (sou)rires tel la ribambelle d’académiciens abattus par le décès précoce devant lequel Larue (déguisé) et son meilleur ami se bidonnent.
Je suis cependant un peu sévère avec la réalisation puisqu'on trouve 3 excellentes séquences : la scène du mal de mer truffée d'effets avant-gardistes, la tempête narrée par l'épouse qui donne un rôle héroïque à son mari et surtout une scène du duel au pistolet en dessin-animé :o :D
Ce genre d'intermède devait vraiment être très rare à l'époque et il faut reconnaître que ça fonctionne particulièrement bien ici.

Ce genre d'originalité, l'humour bon enfant et léger et les acteurs rafraîchissant font passer un moment vraiment divertissant.
Je garde d'ailleurs un bon souvenirs de Paris en cinq jours avec le même Rimsky (qui avait co-réalisé le film)

Par ailleurs, il y aura une second cycle Albatros à la Fondation Pathé en juin :)
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
bruce randylan
Mogul
Messages : 11652
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Cinéma muet français

Message par bruce randylan »

La Danseuse Orchidée (Léonce Perret - 1928)

Alors qu'elle revient tout juste de Paris, une institutrice du pays basque retrouve son ami d'enfance qui lui propose de l'épouser. Malgré leur amour réciproque, elle fuit pour Paris où son fiancée part la chercher... et découvre qu'elle en est fait une célèbre danseuse de cabaret.

J'étais un peu curieux de découvrir un Perret des années 1920, et plus précisément de la fin du parlant. J'avais quelques craintes de voir son talent s'être dilué avec les années mais il faut reconnaître que ce n'est absolument pas le cas et que son style est toujours aussi sophistiquée et soignée. C'est avant tout dans sa direction d'acteurs qu'on reconnaît son talent tant les comédiens y sont d'une finesse et d'une justesse remarquables. Jamais une fausse note, un geste superflu ou une attitude qui ne correspondrait pas au personnage. Et pourtant la gamme de leurs registres couvre une très large palette d'émotion, ce qui enrichit divinement les personnages.
Ricardo Cortez, que le cinéaste a ramené des USA, est sensationnel est demeure constamment humain qu'il soit dans le romantisme béa, la jalousie maladive, l'insouciance irresponsable, la pauvreté ou la légèreté. Ou tout ça à la fois comme lorsque la fierté lui fait refuser un sandwich que la faim lui fera dissimiler malgré tout dans sa poche.

La direction artistique est irréprochable et Perret s'adjoint les services de Burel, fidèle opérateur d'Abel Gance pour une photographie splendide. Par contre, le scénario est le point faible de l'entreprise et sent l'improvisation : l'héroïne disparaît rapidement du récit pour se recentrer sur Cortez qui reste à Paris pour revoir son amoureuse sans jamais chercher à provoquer une rencontre (?), tombe dans la misère, devient une star de cinéma etc...
Beaucoup trop de péripéties et plusieurs sont vraiment inutiles et alourdissent le récit tel le faux départ pour les USA et surtout le dernier acte qui aurait pu s'arrêter à l'incendie puisque le final ne fait que reprendre sa séquence (en l'achevant véritablement). De plus, on ne connaîtra jamais les raisons de la Danseuse Orchidée à fuir son fiancée (alors qu'elle doit lui promettre de dire la vérité à 4-5 reprises :roll: ).

Malgré donc la psychologie des personnages assez fouillée (la vedette de cinéma est très touchante), il est impossible d'échapper à une certaine lassitude devant les circonvolutions du script. Celà dit, le film avait une durée annoncée de 2h00 mais la séance se conclut après 2h30. Possible que la projection est été trop lente, ce qui n'arrange pas l'affaire. C'est aussi ce qu'à l'air de penser Ann Harding dans son blog.

Sinon, j'ai trouvé passionnant tout ce qui dévoile l'univers du cinéma et qui occupe une bonne partie de la seconde moitié du récit. On y découvre les coulisses de plusieurs tournages qui se déroulent sur le même plateau avec les ordres criées par le réalisateur depuis sa plateforme, les musiciens à côté de la caméra, le dispositif d'éclairage etc... J'y ai vu un hommage de Perret au cinéma muet, conscient qu'il allait être balayé par le cinéma sonore déjà installé de l'autre côté de l'Atlantique.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
bruce randylan
Mogul
Messages : 11652
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Cinéma muet français

Message par bruce randylan »

Les grands (Henri Fescourt - 1924)

Image

Dans un petit collège, la majeure partie des élèves est partie en vacances mais il reste à l'internat une petite dizaine de pensionnaires. L'un deux est amoureux de la femme du directeur tandis qu'un autre est un délinquant qui a appris qu'une somme d'argent se trouve dans l'établissement.

Un scénario insipide au service d'une belle et sensible réalisation.
L'histoire est rapidement assommante avec les problèmes de cœurs et des dilemmes superficiels du jeune héros qui doit hésiter entre passer pour un voleur ou compromettre la femme qu'il aime (et qui ne le prend pas au sérieux). Les enjeux ne fonctionnent pas vraiment comme si chacun des protagonistes concernés choisissait l'option la moins intelligente pour affronter la situation. On evite pas non plus le chantage affective avec la maman chagrinée de voir son fiston accusée d'un larcin.

A côté de ça, il y a un évident talent à diriger les acteurs avec délicatesse pour une réalisation discrète mais ne manquant pas d'assurance. Les cadrages sont précis, le découpage toujours dans le bon timing, la photographie soignée et il y a quelques excellentes idées dans l'utilisation dans la profondeur de champ et le flou/mise au point.

Avant les Misérables, Fescourt montre qu'il sait vraiment dépeindre le monde de l'enfance avec justesse car les meilleures séquences s'attardent sur un enfant un peu chétif, souffre douleur du délinquant qu'il tente de convaincre à se dénoncer. Ce sont des moments touchants, émouvants, évitant le manichéisme et servi une fois par une merveilleuse direction d'acteurs. Cette sous-intrigue est autrement plus réussie que la trame principale et aurait mérité un traitement digne de ce nom.

A noter enfin qu'on trouve Jacques Prévert en figurant.

Le film repassent demain à la fondation pathé (enfin, aujourd'hui samedi).
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
bruce randylan
Mogul
Messages : 11652
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Cinéma muet français

Message par bruce randylan »

En ce moment la Fondation Pathé organise un hommage au cinéaste Henri Diamant-Berger qui se déroulera jusqu'au 31 mai (avec la projection du sérial les 3 mousquetaires)

L'éducation du prince (1927)

La duchesse d'un royaume (imaginaire) est en voyage en France avec son beau-fils. Ce dernier qui ne connait rien des joies de l'amour est rapidement initié aux gaités de la vie parisienne. Mais les troubles politique dans son pays le conduit à partir au plus vite au palais, abandonnant une jeune femme éprise.

Découverte du cinéaste avec ce film qui manque cruellement d'originalité sur à peu prêt tous les fronts : histoire, construction dramatique et réalisation. De l'académisme qui tente un mélange de légèreté et de drame qui ne décollera jamais quelques soit le registre malgré la présence de la muse de Chaplin Edna Purviance.
Il faut reconnaître que l'intrigue est assez mal fagotée, trop hésitante à choisir quel personnage à mettre en avant : le prince ? La duchesse ? L'amoureuse du prince ?
On jongle de l'un à l'autre sans trop vraiment s'attacher à l'un ou à l'autre.

Le dernier tiers tente un peu d'aventures/suspens mais là encore l'imprécision domine à l'image de la foule qui en quelques minutes envahit le palais pour un coup d'état avant de soutenir le prince qui combat le "traître". De plus la réalisation est assez brouillonne, notamment la fuite dans la neige qui est remplie de faux raccords lumières. Je me demande si la restauration des années 80 n'a pas tout simplement viré les teintages/virages (comme ça se faisait à l'époque il me semble). Il est possible qu'en les rétablissant, ces problèmes soient corrigés (et qu'on gagne un peu en rythme).

Quoiqu'il en soit, ça ne chance pas grand chose à la banalité de cette comédie dramatique historique sans surprise (sans être raté non plus).
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
Avatar de l’utilisateur
Commissaire Juve
Charles Foster Kane
Messages : 24537
Inscription : 13 avr. 03, 13:27
Localisation : Aux trousses de Fantômas !
Contact :

Re: Cinéma muet français

Message par Commissaire Juve »

Je viens de me rendre compte qu'il n'y avait pas de topic "Mélies", alors je viens ici.

Ces dernières heures, j'ai re-sorti mon coffret Mélies et je me suis fait quelques films. Et... je me suis endormi à plusieurs reprises... :mrgreen: :oops: :oops: :oops: Ce qui est d'autant plus énorme que le films sont généralement très courts (de une à quatre minutes).

Je veux bien mettre ça sur le compte de l'heure tardive, mais... quand même !

Comme je n'ai jamais pu terminer "Verdun vision d'histoire", je crois que je suis perdu pour la cause ! :uhuh:
La vie de l'Homme oscille comme un pendule entre la douleur et l'ennui...
Avatar de l’utilisateur
Rick Blaine
Charles Foster Kane
Messages : 24074
Inscription : 4 août 10, 13:53
Last.fm
Localisation : Paris

Re: Cinéma muet français

Message par Rick Blaine »

Commissaire Juve a écrit :
Ces dernières heures, j'ai re-sorti mon coffret Mélies et je me suis fait quelques films. Et... je me suis endormi à plusieurs reprises... :mrgreen: :oops: :oops: :oops: Ce qui est d'autant plus énorme que le films sont généralement très courts (de une à quatre minutes).
Je n'ai pas fini le coffret mais pour ceux que j'ai vu, j'avais eu l'impression contraire que ses courts étaient particulièrement dynamiques et rythmés, ça m'avait même frappé.
Je crois que tu manques de sommeil ! :mrgreen:
bruce randylan
Mogul
Messages : 11652
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Cinéma muet français

Message par bruce randylan »

Deuxième passage à la Fondation Pathé pour la rétro Henri Diamant-Berger avec deux muets mettant en scène Maurice Chevalier : Jim Bougne Boxeur (1923) et Gonzague, tous deux de 1923.

Pas grande chose à dire dessus en fait. :|
Ce sont des véhicules pour son comédien qui cabotine à outrance et pas forcément pour notre plus grand bonheur. Grimaces, gesticulations et clins d'œil au programme. On est loin du charme savoureux qu'il déploiera plus tard chez Lubitsch.
Les deux films sont très proches : pour conquérir une belle jeune femme, Maurice se fait passer dans le premier pour un boxeur et dans le second pour un accordeur de piano avant d'être rapidement prisonnier de son imposture.

La réalisation est assez invisible et sans grand intérêt, l'humour pas vraiment subtile (ni même foncièrement drôle) mais les films ont l'avantage de durer 30-40 minutes chacun ce qui fait qu'on ne s'ennuie pas trop. Sans pour autant trouver que le temps passe vite.

Moyennement convaincu donc par ce cinéaste pour le moment. J'irai peut-être en tenter quelques autres au Forum Des Images dans leurs salles de collections.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
Avatar de l’utilisateur
Alexandre Angel
Une couille cache l'autre
Messages : 13984
Inscription : 18 mars 14, 08:41

Re: Cinéma muet français

Message par Alexandre Angel »

bruce randylan a écrit :Deuxième passage à la Fondation Pathé pour la rétro Henri Diamant-Berger avec deux muets mettant en scène Maurice Chevalier
J'ignorais que Chevalier avait fait des muets :shock: (et aussi tôt, en plus!)
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
bruce randylan
Mogul
Messages : 11652
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Cinéma muet français

Message par bruce randylan »

Oui, ça m'a surpris aussi. Mais en vérifiant sa carrière sous imdb, il apparaît épisodiquement dès 1908 !
Mais pour les années 20, il semble n'avoir tourné que pour Diamant-Berger.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
bruce randylan
Mogul
Messages : 11652
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Cinéma muet français

Message par bruce randylan »

bruce randylan a écrit : Par ailleurs, il y aura une second cycle Albatros à la Fondation Pathé en juin :)
Et tout le monde sera ravi de savoir qu'il a commencé ce nouveau cycle !

La nuit du 11 septembre (Dominique Bernard-Deschamps - 1918)

Jean Malory a tenté d'assassiner une comtesse sans succès. Des années plus tard, sa fille tombe justement amoureuse du fils de la comtesse. Mais un maître-chanteur fait son apparition.

Le premier film français d'Ermolieff est une fait une production officieuse estampillée Albatros, sans doute commandé par Pathé et qui fut bloqué 4 ans par la censure.
Est-ce que cette censure imposa des coupes. C'est probable car j'ai trouvé l'histoire assez trouble et pas franchement toujours claire. Il y a certes un bobine manquante mais ça n'explique pas quelques ellipses bien trop gênante pour se passionner pour les tourments pourtant violents des personnages. Il en ressort un sentiment très arbitraires... et aucune fluidité.
Ainsi le film commence directement sur un champ de bataille sans qu'on comprenne vraiment les enjeux et sans réelle présentation des personnages. La scène de la tentative de meurtre lors d'un incendie est également très brouillonne dans la motivation de Malory. Mais il est possible que la censure ai donné quelques coups de ciseau pour adoucir le climat de ce film assez torturé et pessimiste il faut dire.

C'est cette noirceur qui donne un réel intérêt au film. La photographie est très travaillée avec des images clairs-obscurs (ou plutôt sombres-obscurs) d'une grande beauté. De plus l'utilisation de l'ombre du "maître chanteur" anticipe la figure de Nosferatu et de ses mains crochues. C'est particulièrement saisissant de savoir que le film est antérieur de 4 ans au Murnau (même si logiquement personne ne l'avait vu alors).
Les trucages sur les corps en flammes sont également impressionnants et d'une grande force visuelle.

Malgré ces qualités, on a cependant l'impression de passer à côté d'un vrai film, de n'en avoir qu'une impression floue.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
bruce randylan
Mogul
Messages : 11652
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Cinéma muet français

Message par bruce randylan »

Justice d'abord (Jacob Protozanov - 1921)

Un avocat général réputé pour son intégrité et ses puissants réquisitoires tombe amoureux d'une modèle. Peu de temps après, il est agressé dans le cadre d'une affaire d'espionnage international.

Un très bon cru Albatros qui repose une nouvelle fois sur un excellent duo campé par les incontournables Ivan Mosjoukine et Nathalie Lissenko (comme le précisait la présentatrice, le nom de leurs personnages sont identiques à L'angoissante aventure et l'enfant du carnaval !).
Leur interprétation est comme d'habitude remarquable, parvenant à donner corps aux nombreuses émotions qui traversent ce mélodrame assez peu subtile par ailleurs. Mosjoukine et Lissenko réussissent à transcender les stéréotypes pour dessiner une belle et puissante tragédie assez poignante en faisant oublier les grosses lacunes du scénario.
L'histoire est en effet assez bâclée pour ne pas dire invraisemblable, ce qui reste fréquent avec les scénarios écrit par Mosjoukine. Là par exemple, les deux protagonistes sont réunis par le biais par d'un enfant SDF qui disparaitra par la suite du récit (alors que l'avocar l'adopte). Quant à l'intrigue d'espionnage, elle ne repose sur rien et surtout on ne comprend pas tout simplement pas pourquoi Lissenko ne détruit pas le document compromettant, ce qui l'a contraint à un choix dramatique absurde.

Mais heureusement ces artifices sont gommés par ses deux acteurs et la réalisation sobre de Protozanov qui ne perd pas de temps (à peine une heure), sans oublier la direction artistique irréprochable.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
Avatar de l’utilisateur
Supfiction
Charles Foster Kane
Messages : 22127
Inscription : 2 août 06, 15:02
Localisation : Have you seen the bridge?
Contact :

Re: Cinéma Muet Français

Message par Supfiction »

allen john a écrit :Au bonheur des dames (Julien Duvivier, 1930)

Ce qui frappe de prime abord dans ce film muet tardif (Il est sorti en juillet 1930, et n'a pas obtenu un grand succès, à cette époque où on allait voir n'importe quoi du moment que ça parle), ce n'est pas tant la modernisation à laquelle se sont livrés Duvivier et son équipe; c'est bien plutôt la virtuosité du début, un montage extrêmement dynamique qui accompagne l'arrivée de Denise Baudu (Dita Parlo) à Paris. Le metteur en scène alterne des plans rapprochés de la jeune femme, en petite provinciale dépassée devant le gigantisme et la foule qui l'entourent, et des plans plus éloignés, comme pris sur le vif en pleine rue, de façon aussi réaliste que possible
Je viens de le voir et j'ai été frappé par la ressemblance de cette scène d'arrivée en ville de Dita Parlo avec la fameuse scène urbaine dans l'Aurore de Murnau dans laquelle le couple traverse la rue.
Le film diffusé sur Arte est très beau dans sa première partie. L'image est splendide, Dita Parlo semble vivante. Étrangement la seconde moitié semble ne pas avoir pu être aussi bien restaurée.
La bande son est extrêmement présente et donne un air d'opérette au film qui n'était peut-être pas l'intention initiale.
bruce randylan
Mogul
Messages : 11652
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Cinéma muet français

Message par bruce randylan »

La lutte pour la vie (Ferdinand Zecca et René Leprince - 1914)
Image

Renvoyé par son patron, un dessinateur de pièces d'usine connaît bientôt la misère. Engagé un temps dans une ferme, il est bientôt jalousé par les fils de l'exploitant.

Curieux mélange que ce film qui alterne mélodrame pur jus avec tous les clichés du genre (largement prévisibles) et une vision sociale bien plus (néo)réaliste.
Il va sans dire que c'est ce second aspect qui demeure le plus intéressant. Certains plans sont très proches du documentaire (qui n'existait pas encore il me semble) quand le héros déambule dans les rues parisiennes, notamment les immenses marchés ou quand on suit des récoltes paysannes. Une fois de plus, ces moments là sont d'autant plus marquant que la photographie en extérieur est autrement plus belle que certains décors en studio qui demeurent bien plus plats et artificielles (tout en étant plus soignés que chez la concurrence tout de même, les toiles peintes étant de qualité). On regrette d'ailleurs que ces séquences ne durent pas plus longtemps.
Ce qui reste le plus notable dans la réalisation, et même admirable, est l'utilisation très fréquente et souvent intelligente de la profondeur de champ avec des actions se déroulant simultanément dans deux niveaux du cadre. Ca donne un rythme naturel aux plans/scènes tout en dynamisant la caméra immobile et l'absence de découpage.

En parallèle, il y a donc une intrigue bien plus conventionnelle où le héros connaît deux fois de suite la misère mais se relève rapidement grâce à ses talents et découvrira même l'amour via la fille d'un entrepreneur. Fondamentalement il n'y a pas grand chose à reprocher formellement à ses moments qui reste toujours cadré avec goût et photographié avec application. C'est juste que l'intrigue est plus banale et peut prêter à sourire.

Quoiqu'il en soit pour un film de 1914, cette Lutte pour la vie demeure sans aucun doute l'un des films français les plus aboutis malgré quelques trous dans la première partie de l'histoire (on dirait qu'il manque des cartons explicatifs)
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
Répondre