Cinéma muet français

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Tommy Udo
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Tommy Udo »

allen john a écrit :Au bonheur des dames (Julien Duvivier, 1930)

Ce qui frappe de prime abord dans ce film muet tardif (Il est sorti en juillet 1930, et n'a pas obtenu un grand succès, à cette époque où on allait voir n'importe quoi du moment que ça parle), ce n'est pas tant la modernisation à laquelle se sont livrés Duvivier et son équipe; c'est bien plutôt la virtuosité du début, un montage extrêmement dynamique qui accompagne l'arrivée de Denise Baudu (Dita Parlo) à Paris. Le metteur en scène alterne des plans rapprochés de la jeune femme, en petite provinciale dépassée devant le gigantisme et la foule qui l'entourent, et des plans plus éloignés, comme pris sur le vif en pleine rue, de façon aussi réaliste que possible, ainsi que des plans qui établissent un motif qui reviendra tout au long du film: la publicité du magasin Au bonheur des dames, ce qui établit dès le départ l'inéluctable présence agressive du centre commercial qui donne son titre au film, mais aussi symbole du progrès. Virtuosité donc, qui est la marque du film en son entier, puisque Duvivier fait ici usage d'une caméra mobile (Et de quatre mousquetaires de l'image, dont un tout jeune Armand Thirard), d'un don pour les placements judicieux et novateurs de caméra qui son époustouflants: Quelques minutes après cette introduction, il nous fait vivre l'arrivée déçue de Denise au "Vieil Elbeuf", le magasin de son oncle Baudu (Armand Bour) en caméra subjective, tout en offrant des contrechamps qui établissent une comparaison méchante entre le flambant neuf magasin d'Octave Mouret, et la vieille échoppe miteuse du père Baudu... elle y rencontre deux protagonistes secondaires dont l"histoire va agir en qualité de contrepoint: Geneviève, sa cousine (Nadia Sibirskaïa), et son mari Colomban (Fabien Haziza).

Dès le départ, Denise sait qu'elle va devoir aller chercher un travail au Bonheur des Dames, et c'est avec un mélange d'effroi et de fascination qu'elle s'y rend. Immédiatement choisie pour être mannequin, elle va découvrir l'atmosphère de taquinerie blessante maintenue par ses collègues dans une séquence encore une fois impressionnante, dans laquelle Duvivier multiplie les points de vue, et d'une manière générale joue énormément sur le regard, comme pour appuyer les angoisses de Denise, qui n'est par exemple pas prète à se déshabiller, ou simplement à être vue. C'est dans ce contexte qu'elle rencontre Octave Mouret, interprété par Pierre de Guingand. Celui de Pot-Bouille (Confié par Duvivier à Gérard Philippe dans son adaptation de 1957) est un ambitieux qui se sert des femmes pour arriver à ses fins, mais on a le sentiment que cette version du personnage, situé plusieurs années après la réussite décrite par Zola dans Pot-Bouille, est différent: toujours le protégé d'une femme ("Madame Desforges", interprétée par Germaine Rouer), on a le sentiment qu'il se sert désormais de sa situation pour séduire les femmes. quoiqu'il en soit, il est au fond, bien que très carnassier dans son capitalisme, plutôt humain, et surtout il est amoureux de Denise, ce que celle-ci va mettre longtemps à comprendre...

Et puis ce film n'est pas une histoire d'amour; l'essentiel de l'intrigue réside dans l'essor inexorable du progrès représenté par ce magasin énorme et qui mange tout sur son passage, et le "Vieil Elbeuf" du père Baudu, soit le magasin à l'ancienne, un commerce à visage plus humain... Le film mène l'oncle de la jeune femme, qui retient des traits de plusieurs personnages du roman, à venir suite au décès de sa fille dans le grand magasin et tirer sur la foule des clients: Duvivier ici nous propose un parallèle dérangeant entre les scènes vues quelques séquences auparavant durant les soldes, et la panique qui suit le getes désepéré du vieux commerçant... comme si le progrès incarné par le grand magasin devait porter en lui le germe de la violence, de la folie, de l'assassinat (Baudu dans son geste abat une cliente); un constat qui va peut-être plus loin, ou du moins est plus démonstratif chez Duvivier que chez Zola: il faut dire que la crise est là, et du même coup le choix de moderniser l'action prend tout son sens, tout comme un autre motif aussi récurrent que celui de la publicité agressive: les plans de travaux d'agrandissement nombreux, et qui rythment la deuxième moitié du film. Ils consistent principalement en des images de destruction...

Pour ce film noir, très noir, Duvivier a choisi à l'imitation de Zola de rester sur une fin partiellement heureuse, puisque du chaos de leurs situations respectives (Denise a perdu les derniers membres de sa famille, et le Vieil Elbeuf fait désormais partie du passé, et Mouret n'est plus couvert par sa maitresse qui se dit prète à se débarrasser de lui), les deux amants semblent désormais plus forts, au point que denise décide d'embrasser la philosophie de Mouret et de devenir sa muse pour aller toujours plus loin, toujours plus fort. Les contrepoints de l'ensemble du film nous ont de toute façon persuadé que c'est illusoire, mais la fin est malgré tout un passage de témoin de madame Desforges à denise, puisque c'est désormais sous l'influence d'une autre femme que Mouret va continuer à moderniser la ville et le commerce de Paris... L'ironie est magistrale, la mise en scène bouillonnante, et décidément le film, avec sa vision urbaine fascinée, son utilisation virtuose de la caméra et du point de vue, et son montage passionnant, est très réussi...

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Et ce sera le muet de ce mois de janvier sur ARTE^^
(Re)diffusion le mardi 29 à 0h30 :)
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Re: Cinéma Muet Français

Message par allen john »

Tommy Udo a écrit :
allen john a écrit :Au bonheur des dames (Julien Duvivier, 1930)
Et ce sera le muet de ce mois de janvier sur ARTE^^
(Re)diffusion le mardi 29 à 0h30 :)
Ca alors!! :mrgreen:
feb
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Re: Cinéma Muet Français

Message par feb »

Sur ce coup là Arte déconne un peu...même si le film est bon (très bonne critique allen john d'ailleurs :wink: ) et que la copie vaut le coup d'oeil.
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Re: Cinéma Muet Français

Message par allen john »

feb a écrit :Sur ce coup là Arte déconne un peu...même si le film est bon (très bonne critique allen john d'ailleurs :wink: ) et que la copie vaut le coup d'oeil.
J'avais une vieille copie enregistrée au cinéma de Minuit en 1996 ou 97, et là, je iens de découvrir la copie sortie en DVD chez Arte.
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Re: Cinéma Muet Français

Message par allen john »

Visages d'enfants (1923)

La France, la Belgique, la Suisse, les Etats-Unis... Réalisateur expatrié par excellence, le Belge Jacques Frederix, dit Feyder est aujourd'hui oublié, et c'est une profonde injustice. On connait mieux la grande Françoise Rosay qui après avoir été son interprète dès les années 10, est devenu son épouse, et sa compagne de tous les instants, de toutes les errances aussi, l'ayant suivi dans toutes ses pérégrinations même les plus hasardeuses, come ce séjour mi-figue, mi-raisin à Hollywood pour un contrat à la MGM. Visages d'enfants est un film apatride, réalisé par une équipe française en Suisse, à la demande de producteurs de lausanne. L'auteur fêté de L'Atlantide (1921) et Crainquebille (1922) y réalisait son seul et unique film muet dont il serait aussi le scénariste, et a réussi à tourner un film sur l'enfance qui s'attache à un enfant sans jamais sombrer dans la facilité, le sucre, ou l'excès pathos, un regard juste et émouvant sur les recoins sombres d'une enfance soudainement marqué par l'ignominie du deuil... Jean (Jean Forest) a perdu sa maman, et a d'autant plus de mal à l'admettre, qu'il ressent le remariage de son père (Victor Vina) comme une abandon, une trahison du lien avec la chère disparue. il va donc presque naturellement se réfugier dans une posture de défi à l'égard des deux nouvelles venues, Jeanne, la nouvelle épouse, mais surtout Arlette, sa fille, qu'il va être amené à haïr, ce qui va engendrer des situations compliquées et de nombreuses chicaneries... Ainsi que des drames.

Ce film, le deuxième de ses grands muets à faire l'objet d'une édition DVD (Après L'Atlantide), est assurément son chef d'oeuvre. Il y est question, comme pour Crainquebille et Gribiche, d'enfance, vue non pas du versant pittoresque, mais du coté de la cruauté: cruauté du sort qui prive l'enfant de sa mère, intransigeance de l'enfant qui refuse la nouvelle épouse de son père; sur ce canevas, Feyder fait dire à ses interprètes, petits et grands, la douleur et la jalousie, le désespoir et l'injustice, se refusant systématiquement le confort du manichéisme: pas de marâtre à la Folcoche, mais une belle-mère attendrissante. Pas de héros à la Dickens, mais un jeune garçon en révolte, qui refuse les nouvelles venues, sa belle-mère et la fille de celle-ci, dont il manquera provoquer la mort. Dans le rôle principal, Jean Forest est génial, et ceci n'est pas son premier travail avec Feyder: la grande complicité qui les unit est fructueuse. Il était déja le garçon qui accompagnait Crainquebille, et on le reverra dans Gribiche. Le petit parisien a su s'adapter à la merveilleuse nature Suisse... et conserver son talent naturel.

Si le film, bien que mélodramatique, se termine bien, c'est aussi parce que c'est l'ordre des choses; Feyder, qui a ancré ses personnages dans un paysage montagnard, dans lequel la neige rythme le passage immuable des saisons, a su nous montrer le passage d'une tempête sous le crane d'un enfant, qui saura grandir mieux, et plus fort. Ce souci de mettre en relation les personnages et le décor est une des marques distinctives du cinéaste, qui sait tisser des liens entre le drame de St Avit et le Sahara (L'Atlantide), entre Dom José et l'Andalousie (Carmen), entre Crainquebille et les marchés et le pavé Parisiens... Jusqu'aux Bourgeois inquiets de La Kermesse Héroïque qui évoluent dans un village Flamand plus vrai que nature. La photo de Léonce-Henri burel, qui avait accompagné feyder déja dans les expériences formelles audacieuses de Crainquebille, retrouve ici un style lyrique plus classique, en mettant en perspective la magnifique nature des Alpes dans les compositions superbes de Feyder. Au-delà de ce travail splendide, peu d'audaces formelles ici, ce n'est pas le sujet... Mais le point de vue, systématiquement celui des enfants est d'une rare justesse.

Une autre constante du cinéma de Feyder, le thême du choix d'un destin, prend ici une tournure plus dramatique encore, lorsqu'un enfant se place de lui-même en lutte contre toute sa famille, afin de laisser éclater sa colère et sa tristesse. Comme St-Avit dans L'Atlantide, Jose dans Carmen, l'enfant a choisi son destin, et aurait peut-être pu l'assumer jusqu'au bout, jusqu'à la mort, afin de ne pas avoir tort. en s'autorisant deux recours à la tension dramatique et au suspense, feyder concrétise de façon troublante le drame intérieur de Jean, et finit de capter son public...
Voila un film indispensable a toute personne interessée par le muet, et admirablement restauré.

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Ann Harding
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Ann Harding »

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Nuits de princes (1928, Marcel L'Herbier) avec Gina Manès, Jaque Catelain, Alice Tissot, Nestor Ariani et Jean Toulout

A Paris, la pension de Mlle Mesureux (A. Tissot) à Paris est le refuge de russes blancs réfugiés. Vassia (J. Catelain), gravement malade, est follement amoureux d'Hélène Vronsky (G. Manès). Or, un nouveau pensionnaire arrive, la prince Achkélian (N. Ariani). Il est immédiatement fasciné par Hélène...
Ce film de Marcel L'Herbier est un rescapé du muet. Tourné en 1928, il ne sort en salles qu'en 1930 dans une version 'sonorisée et chantante'. Le film a été projeté en version muette à la cinémathèque. Le film souffre d'un scénario mal construit où les intentions des personnages sont mal définies. Au centre de l'intrigue, on trouve Gina Manès, absolument magnifique de puissance émotionnelle, en Hélène Vronsky. Mais, la psychologie du personnage reste assez mystérieuse. Au début, on la découvre vivant avec sa soeur infirmière dans la pension Mesureux. Leur voisin, Vassia qui est presque mourant, est follement épris d'elle. Elle semble avoir surtout pitié du jeune homme et accepte de se fiancer avec lui pour repousser les avances du prince Achkélian. Mais, lorsque ce dernier se blesse lors d'une cascade à cheval, elle va se dévouer et lui permettre d'être soigné. Elle va même jusqu'à lui donner l'argent destiné à Vassia, pour lui permettre de partir au soleil. Elle va ensuite accepter de devenir entraîneuse dans une boîte de nuit russe pour payer son voyage. Hélène est un personnage torturé : elle ressent attirance et répulsion pour Achkélian. Puis, elle sombre dans la dépravation pour se punir de son égarement. Malheureusement, malgré les splendides éclairages du génial Léonce-Henri Burel, L'Herbier ne réussit pas à convaincre. Le film souffre de déséquilibres et de scènes mal conçues. La relation Hélène-Vassia ne convainc pas. L'Herbier ne semble plus savoir maîtriser sa caméra comme dans le génial L'Argent. Si il faut voir ce film, c'est essentiellement pour l'actrice principale: Gina Manès. Elle était au sommet de son art et de sa popularité. L'arrivée du parlant va marquer le déclin de sa carrière. Quelques années plus tard, elle ne jouera plus que des utilités...
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Re: Cinéma Muet Français

Message par allen john »

J'ai enfin reçu mon DVD de Capellani commandé chez Amazon.it il y a un an! Tout vient à point, etc...

N'empêche, il a l'air vraiment bien...
:mrgreen:
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Ann Harding
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Ann Harding »

Ca tombe bien. Tu vas pouvoir jeter un oeil sur mon livre ! :wink:
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Ann Harding
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Ann Harding »

Ca y est, le programme complet de la rétro Capellani est en ligne. Il va y avoir d'excellents musiciens pour accompagner les films: Stephen Horne, John Sweeney, Neil Brand et Jacques Cambra. 8) Pour ma part, je présenterai la séance du 9 mars à 15h avec les deux versions de La Bohème réalisées par Capellani. Voir détails ici.
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Music Man »

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LA BOHEME d’Albert CAPELLANI – 1912
Avec Paul CAPELLANI et Suzanne REVONNE

Rodolphe le poète, partage avec un ami sa mansarde du quartier latin. Il fait alors la connaissance de sa voisine Mimi : Une passion qui ne durera que quelques mois : capricieuse et infidèle, la jolie Mimi le quitte pour un homme plus fortuné. Mais elle est rongée par la maladie …

Voici la 1ère version du roman d’Henri Murger tournée par Capellani, avant son remake aux USA 4 ans après. En dépit des limites techniques du cinéma de l’époque, (et de l’absence de cartons de sous titres, disparus, sur cette copie), j’ai apprécié l’excellente direction des comédiens (Paul Capellani a beaucoup de prestance et d’allure), et la vie que le cinéaste insuffle à cette histoire dramatique : la balade à dos d’âne des amis de la bohème est cocasse et charmante ; la camaraderie, la solidarité et la joie de vivre du petit clan est dépeinte de façon très convaincante. C’est vraiment déjà du très bon boulot !
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Re: Cinéma Muet Français

Message par bruce randylan »

Music Man a écrit :Image

LA BOHEME d’Albert CAPELLANI – 1912
Avec Paul CAPELLANI et Suzanne REVONNE

Rodolphe le poète, partage avec un ami sa mansarde du quartier latin. Il fait alors la connaissance de sa voisine Mimi : Une passion qui ne durera que quelques mois : capricieuse et infidèle, la jolie Mimi le quitte pour un homme plus fortuné. Mais elle est rongée par la maladie …

Voici la 1ère version du roman d’Henri Murger tournée par Capellani, avant son remake aux USA 4 ans après. En dépit des limites techniques du cinéma de l’époque, (et de l’absence de cartons de sous titres, disparus, sur cette copie), j’ai apprécié l’excellente direction des comédiens (Paul Capellani a beaucoup de prestance et d’allure), et la vie que le cinéaste insuffle à cette histoire dramatique : la balade à dos d’âne des amis de la bohème est cocasse et charmante ; la camaraderie, la solidarité et la joie de vivre du petit clan est dépeinte de façon très convaincante. C’est vraiment déjà du très bon boulot !
J'y étais aussi. :)
J'ai bien aimé également. La fraicheur et le charme de l’interprétation en font un très joli film même si en effet cette oeuvre n'est pas spécialement abouti techniquement. Ce n'est pas le film de Capellani où les extérieurs sont le mieux choisis mais sa réalisation n'en demeure pas moins enlevée grâce justement à ses acteurs entre qui on sent une vrai complicité. Le fait d'avoir une réalisation uniquement composée de plan larges ne dérange pas puisque le sujet du film est justement l'amitié et l'entraide. Et le virage dans le drame est plutôt bien géré.

Par contre, je n'ai pas vraiment accroché à son remake américain en 1916. Certes la direction artistique est presque irréprochable avec de surcroit un vrai découpage à l'intérieur des séquences mais j'ai trouvé la narration particulièrement ratée. En voulant dynamiser le récit, Capellani confond vitesse et précipitation. Du coup, les relations entre les personnages sont moins approfondies et l'émotion n'a pas le temps de s'installer. La narration est très heurtée et avance par à coup sans la moindre fluidité.
Et puis de manière générale, l'adaptation, ne fonctionne pas pour moi car la dimension misère sociale est évacuée pour quelque chose de plus lisse/propre et donc d'assez artificiel. De la même manière, ils ont rajoutés des personnages et des péripéties pas très engageantes (les problèmes entre Alice Brady et ses parents). Du coup quand on arrive dans la dernière partie avec Alice Brady malade, j'ai eut l'impression de me retrouver devant un autre film tant l'histoire est brouillonne. D'ailleurs, on ne comprend pas trop dans cette version pourquoi elle a veut à tout prix son accessoire de mode.
Reste Paul Capellani qui est excellent, loin de sa partenaire qui surjoue bien trop durant les dernières scènes.
Bref, je garde la version française, moins aboutie visuellement mais bien plus touchante.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Music Man »

Hello Bruce ! Oui, je t’ai aperçu à la projection, mais j’étais tout à fait de l’autre côté dans la salle. :)
Tu étais aussi présent, il me semble, à la Glu(tout comme nos amis Ann ,Abdul et Caroline que je salue au passage), qui a fait salle comble lundi .


Ann Harding a écrit : Image
La Glu de Albert CAPELLANI - 1913
avec MISTINGUETT, Paul CAPELLANI et Henry KRAUSS


Fernande (Mistinguett), dite La Glu, enjôle les hommes avec son charme canaille. Après avoir épousé le Dr Paul Cézambre (H. Krauss) plus âgé qu'elle, elle le trompe d'une manière éhontée. Elle le quitte et part pour la Bretagne. Elle s'installe au Croisic où elle ne tarde pas à conquérir le jeune pêcheur Marie-Pierre (P. Capellani)...

Cette adaptation d'un roman de Jean Richepin se révèle être une oeuvre remarquable d'Albert Capellani. Il est aidé par la performance excellente d'une Mistinguett tout à fait convaincante en femme fatale. Le film est de plus réalisé pour le plus grande part en extérieurs, en Bretagne. On reconnaît le port du Croisic, la Côte Sauvage et les petites rues de Guérande. Cappelani montre un sens du récit qui est proche en qualités de celui de Léonce Perret. Mistinguett passe d'homme en homme en montrant des qualités d'interprète moderne. Elle danse un tango endiablé avec l'une de ses conquêtes au Pré Catelan, avant de s'aventurer en maillot de bain sur les plages bretonnes sous les yeux d'un jeune pêcheur (joué par Paul Capellani). Elle se roule dans le sable. Voilà une attitude fort indécente en 1913 ! Certes, ce roman de Richepin fait un peu sourire avec ses clichés sur la mauvaise femme qui pervertit les hommes. Mais, Mistinguett est tellement bien dans son rôle de femme libérée que l'on accepte sans problème les excès même de cette histoire fort misogyne. De plus le film offre une vision documentaire de la Bretagne des années 10. On assiste à l'arrivée des bateaux de pêcheurs de crustacés dans le port du Croisic. Le final atteint un sommet mélodramatique avec l'assassinat de La Glu par la mère du jeune Marie-Pierre. Un excellent film de Capellani qui a bien vieilli.
Image

Là aussi j’ai apprécié la mise en scène de Capellani, qui commençait déjà à s’affranchir de l’immobilité scénique des débuts du cinéma (scène dans la voiture avec Mistinguett en plan rapproché, vues de Bretagne..). Comme tous les gens présents dans la salle, j’ai été scotché par la présence et l’abattage de Mistinguett, artiste mythique du music-hall (c’est vrai, ça c’est Paris) qui crève l’écran dans son rôle de femme fatale. Les inter-titres étaient à mourir de rire, mais je me suis demandé s’ils étaient d’époque ou s’ils avaient été réécrits après en forçant le trait ?
Sinon, le film m’a paru beaucoup trop lent (mais il semble probable que la vitesse de projection n’ait pas été respectée…) et au bout d’un certain temps l’argument de ce mélo comique (volontairement outré pour faire rire les spectateurs ?) a cessé de m’intéresser. Je n’ai pas vu la version de 1938 avec Marie Bell : le film est-il traité aussi de façon (volontairement ou non) parodique ? Pour la petite histoire, j’ai lu que lors du tournage de la scène finale, Mistinguett a beaucoup souffert car le marteau avait été mal calfeutré !
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Re: Cinéma Muet Français

Message par Ann Harding »

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La Femme et le pantin (1928, Jacques de Baroncelli) avec Conchita Montenegro, Raymond Destac et Henri Levêque

Don Mateo (R. Destac) rencontre dans un train Concha Perez (C. Montenegro) et en tombe follement amoureux. Mais, la belle le repousse...

Le roman de Pierre Louÿs a fait l'objet d'une multitude de versions cinématographiques dont la plus célèbre est The Devil is a Woman (1935) du tandem Dietrich-von Sternberg. Pour cette première version, contrairement aux autres cinéastes qui utiliseront une star dans le rôle principal, Baroncelli fait le pari inverse. Il choisit une jeune danseuse espagnole de 17 ans seulement, Conchita Montenegro qui éclate à l'écran avec sa beauté et son charisme. Le film est réalisé avec tout ce qu'il faut de rafinement dans les décors et de nombreuses scènes ont été tournées à Cadix et à Séville. Certes l'intrigue est relativement banale. On suit le cheminement de Don Mateo qui est prêt à tout pour posséder Concha. mais, celle-ci a plus d'un tour dans son sac et lui file toujours entre les doigts en attisant sa jalousie avec malice. Baroncelli joue avec les grilles qui ferment les cours ou les pièces des maisons andalouses. Tel un animal dans une cage, Don Mateo en ait souvent reduit à observer Concha qui se déhanche hors de sa portée. C'était une excellente idée que de confier le rôle de la tentatrice à une très jeune actrice car celle-ci fait de Concha une femme-enfant manipulatrice, tout en conservant une certaine innocence. Son personnage conserve sa part de mystère. Baroncelli va assez loin dans le dévoilement de son actrice qui danse nue face à un groupe de vieux messieurs libidineux. Il filme tout cela de loin à travers une vitre ou un rideau de perles, si bien que cette vision semble presque être un phantasme de Don Mateo qui suffoque face à la tentation. Le film se clot comme il avait commencé par une reconstitution du célèbre tableau de Goya, El pelele (Le pantin) où quatre jeunes filles font sauter un pantin dans une toile tendue. Don Mateo restera à jamais un pantin dans les mains de la belle Concha. Le film a été diffusé en 1997 sur Arte avec une partition de Georges van Parys qui est entraînante, mais bien trop répétitive.
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Jeremy Fox
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Re: Cinéma muet français

Message par Jeremy Fox »

Les Vampires de Louis Feuillade sorti en DVD chez Artificial Eye
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Re: Cinéma muet français

Message par Tommy Udo »

Chez moi, on arrive à une chronique des VAMPIRES du même Feuillade :?:
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