Je l'ai vu la semaine dernière à la cinémathèque et j'ai beaucoup aimé aussi.Ann Harding a écrit :Quelques films sur la Grande Guerre. Le premier film est Belge, mais il peut s'insérer dans ce topic car il est produit par Pathé.
Maudite soit la guerre (1914, Alfred Machin) avec Baert, Suzanne Berni, Fernand Crommelynck et Albert Hendricks
Dans un pays non défini, la guerre est déclarée séparant pour toujours Adolf Hardeff (Baert), venu d'un pays voisin et maintenant ennemi, de son son ami Modzel (A. Hendricks), ainsi que sa soeur Liza (S. Berni) dont il est épris...
Tourné en 1913 et sorti en mai 1914, ce film antimilitariste et pacifiste d'Alfred Machin était prémonitoire du conflit mondial qui allait bientôt éclater. Cette oeuvre est remarquable à plus d'un titre. Tout d'abord, il s'agit d'un des tous premiers films réalisés en Belgique, marquant les débuts de la production cinématographique dans le plat pays. Ensuite, c'est un film entièrement colorié au pochoir par le procédé Pathécolor ce qui lui donne un relief tout particulier. Le film est à la fois une réalisation cinématographique de première classe pour son époque, pour la qualité de sa composition, du jeu des acteurs et l'articulation de l'intrigue, et aussi pour sa dénonciation du nationalisme qui mène à la guerre. La simplicité de l'intrigue met en relief les différents personnages. Tout d'abord, il y a Hardeff, venu d'un pays voisin et ami, qui est venu apprendre le pilotage en compagnie de son ami Modzel. Ils sont tous deux dans l'armée, mais amis. La brutale entrée en guerre de leurs pays respectifs va faire d'eux des ennemis et les mettre l'un face à l'autre pour un combat à mort, de la même manière que dans le futur Wings (Les Ailes, 1927) de William Wellman. Aucun des deux ne réchappera de cette lutte à mort. De son côté, Liza, la soeur de Modzel, qui aimait Hardeff perd à la fois un fiancé et un frère. Alors qu'elle songeait à refaire sa vie avec un autre officier, elle découvre effrayée une breloque sur sa chaîne de montre. C'est elle qui avait offert cette breloque à Hardeff à son départ, et l'officier se désigne lui-même comme le meurtrier de son fiancé. Liza décide d'entrer au couvent et le film se clôt sur un gros plan du visage de la belle Liza, une grande et belle actrice belge qui ressemble à la star française Suzanne Grandais. Si vous voulez découvrir ce film d'Alfred Machin, il est disponible en ligne sur le site European Film Gateway .
Comme tu dis, la réalisation de Machin est de premier ordre. On voit qu'il accorde énormément de soin au découpage, cherchant à diversifier les angles de prises de vues. Ainsi même si le film se déroule en grande partie dans un nombre réduit de décor (dont la maison familiale et son jardin), il varie autant que possible le placement de caméra plutôt que tout capter du même axe : légèrement décalé sur le côté, un peu reculé, ou un peu plus tourné vers la droite. Des nuances pas toujours perceptibles mais qui enrichissent l'émotion de la scène pour se recentrer sur une atmosphère ou des rapports entre les personnages. Machin comprend qu'une histoire se raconte aussi par la caméra et ça se ressent vraiment à l'image.
De plus, l'histoire reste bien construite (malgré certaines conventions mélodramatiques un peu prévisibles vers la fin) et on trouve même un scène clé qui se rejoue selon différents points de vue (le plus vieil exemple que je connaisse). Sans oublier en effet, des acteurs sobres au jeu intériorisé. Cerise sur le gâteau, la restauration est magnifique et les couleurs aux pochoirs étaient époustouflante de beauté pour un émerveillement de tous les instants.
Sur le nouveau site des Europa films treasure (qui se met à jour quand il veut), on peut voir un autre court-métrage d'Alfred Machin qui se déroule aussi autour d'un moulin : le moulin maudit (1909). La réalisation y est déjà d'un raffinement incroyable avec un sens du cadre spectaculaire.
http://cinema.arte.tv/fr/le-moulin-maudit
Pas pu voir le Léonce Perret hier mais je vais essayer d'y aller samedi prochain
Ce Cycle 14-18 à la cinémathèque m'a aussi permis de découvrir Alfred Jasset avec son Protéa (1913).
C'est un sérial trépidant, délirant au rythme totalement fou. On dirait une série condensée en 40 minutes. Protéa et son assistant sont tous deux des rois du déguisement et passent leur temps à se travestir pour les besoin de leurs missions où ils doivent récupérer des documents secrets en territoires ennemis. Ils doivent changer de costumes au moins 2 fois par scène tout en s'échappant de manière improbable à la fin. C'est du grand n'importe quoi mais les péripéties sont irrésistibles et multiplie les situations rocambolesques : poursuites en voiture, domptage de lion, trappes en tout genre, dîners mondains, explosifs, plongeon par la fenêtre etc...
La réalisation de Jasset est très astucieuse rempli de trouvailles géniales comme l'escalade de la façade ou le fondu qui fait disparaitre des portes pour montrer ce qui se cache derrière... sans oublier donc la cadence infernale de ses aventures qui a dû inspirer Feuillade et Musidora puisqu'on trouve déjà ce grand costume entièrement noir et moulant.
Gros coup de coeur donc !
Ce soir j'y retourne pour un Abel Gance (les Gaz mortels) et un André Antoine (les frères corses)