Cinéma muet français

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Supfiction
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Re: Cinéma muet français

Message par Supfiction »

La revue des revues de Joe Francis est disponible en replay sur Arte mais avec une musique acide jazz particulièrement envahissante (pertinente dans les scenes de danse, moins pour d'autres). Des amateurs ?

C'est davantage du spectacle filmé qu'un véritable film mais l'occasion d'y croiser André Luguet jeune et Josephine Baker (à la fin)..

http://cinema.arte.tv/fr/article/la-rev ... oe-francis
Dernière modification par Supfiction le 16 oct. 16, 10:20, modifié 1 fois.
bruce randylan
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Re: Cinéma muet français

Message par bruce randylan »

La princesse aux clowns (André Hugon - 1924)

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Alors qu'elle est sur le point d'épouser le Prince Michael, la princesse Olga doit fuir le royaume de Solénie à cause d'une révolution. Quelques temps plus tard à Paris, elle reconnaît son ancien fiancé devenu clown de music hall.

Gros roman photo des familles, ce mélodrame-romantique est une délicieuse sucrerie parfaitement réussie. :D
Le genre de film ouvertement commercial et populaire mais conçu avec soin, application voire inspiration pour une histoire prenante et touchante.
Malgré les énormes ficelles du scénario et un héros abusant un peu trop des sourcils froncés (au point d'avoir le front constamment déformé !), il est difficile de résister face à un très beau livre d'images qui utilise à merveille matte-painting, nombreux figurants, vastes décors et quelques très jolis extérieur, le tout agrémenté d'une jolie photographie suffisamment stylisée pour échapper à l'académise mais suffisant discrète pour éviter le démonstratif. Il y a des effets de clairs-obscurs magnifiques tel l'arrivée de la princesse et sa garde dans un hall à moitié dans l'obscurité, quand celle-ci se trouve uniquement éclairé par une lampe au dessus d'elle dans une modeste chambre ou lorsque que le clown fait ses adieux à la scène.
Les scènes de foules sont de plus très bien rendus grâce à quelques travellings réussis et bien toujours bien intégré à l'élan de la scène. Le découpage peut aussi se révéler fort habile pour créer une réelle tension dramatique dans les interactions des protagonistes, souvent séparer (parfois par un trucage d'ailleurs).

Le scénario, totalement rocambolesque, permet d'obtenir un rythme soutenu et sans le moindre temps mort entre séquences romantiques, passages tumultueux, révélations, mélodrame, twist, ironie du destin, flash-backs etc... Pour y parvenir, le scénario use un peu trop facilement de raccourcis comme une population adepte des révolutions (et qui rentre tranquillement dans un palais munie de fourches et de flambeaux :mrgreen: ) mais le principal est que les personnages et leurs dilemmes touchent le spectateur.

La princesse aux clown est l'un des excellent représentants qui ne visent nullement à être un chef d'œuvre mais dont le résultat est hautement enthousiasmant.
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Re: Cinéma muet français

Message par bruce randylan »

En ce moment, il y a une chouette rétro Alfred Machin à la Fondation Pathé.
En partenariat avec La Cinémathèque Royale de Belgique, et durant un mois, la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé met en lumière le réalisateur Alfred Machin. Cinéaste à la carrière prolifique, Alfred Machin tombe quelque peu dans l’oubli jusqu’au début des années 1990, quand le grand projet de restauration financé par la Communauté Européenne parvient à conserver 37 des 150 films qu’il a réalisé.
Né en 1877 dans les Flandres françaises, Alfred Machin débute sa carrière comme reporter-photographe à Paris. A partir de 1907 il rejoint les rangs des nombreux opérateurs-réalisateurs que la société Pathé envoie aux quatre coins du monde. Pour lui, ce sera l’Afrique.
A son retour en 1911, il continue de travailler pour Pathé et notamment sa filiale à Amsterdam puis Bruxelles. Il réalise alors le célèbre film d’anticipation « Maudite soit la guerre » deux mois avant le début du conflit. Mobilisé, il devient opérateur de guerre, filme la bataille de Verdun et initie avec quelques autres ce qui deviendra le Service Cinématographique de l’armée.
Devenu directeur du Studio de Nice, il tourne un grand nombre de films comiques avec quelques vedettes de l’époque (Little Moritz, Georges Winter ou Louis Boucat) et se spécialise, au début des années 20, dans les récits et comédies animalières dont le célèbre « Bête comme les hommes ». Il installe une vraie ménagerie à Nice dans laquelle il entraîne panthère, aigles, poules, chiens et le chimpanzé Auguste, grande star du « Manoir de la peur » ou encore « L’Enigme du mont Agel ».
Durant cette programmation exceptionnelle, seront projetés plus d’une vingtaine de films parmi les plus marquants, tirés des différentes périodes de création d’Alfred Machin.
Ca tombe bien, je viens d'attaquer sa biographie par Lacassin et j'avais beaucoup aimé Maudite soit la guerre

Dévouement d’un gosse (1911)
Un p'tit mélo correct vu sa durée (moins de 10 minutes) dont l'intérêt repose bien-sûr sur la ménagerie du cinéaste dont sa fameuse panthère Mimir qui tue ici son dresseur. Son très jeune fils n'a d'autre choix que de reprendre le flambeau s'il ne veut pas que la famille sombre dans la misère. Scénario édifiant donc (la fin avec la "pluie" de pièces d'or est très grotesque) mais voir un garçon de 8 ans seul face à une hyène et une lionne est tout de même impressionnant.
Et Machin fait tout pour éviter une impression de théâtralité pour des cadrages souvent obliques ou en légère contre-plongées.

L'héritier de l'oncle James (co-réalisé avec Henri Wulschleger - 1924)
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Entouré de ses animaux exotiques, Mr. James voit son quotidien chamboulé par l'arrivée de sa nièce pétillante. Une venue mal perçu par les cousins du riche propriétaire qui lorgne sur son héritage.

Un long-métrage très sympathique qui s'adresse avant aux plus jeunes avec son cortège de singes facétieux, d'échassiers taquins, d'un duo d'orphelins et des bons sentiments. L'humour, la poésie plein de charme et la tendresse du récit permettent d'éviter le sentimentalisme envahissant, souvent contrebalancé par l'arrivisme cynique de la famille des cousins.
Il y a des images irrésistiblement mignonnes et pleine d'innocence comme les deux enfants tractés sur un petit radeau par deux canards dans un bassin ou le concert de jazz qui fait danser les poules. L'humour n'est pas d'une grande finesse mais fonctionne sans trop de problèmes surtout avec le singe Auguste (autre grande vedette de l'écurie Machin). D'ailleurs, Machin n'hésite pas à faire parler ses animaux aux enfants par le biais de cartons où les animaux se montre tout aussi humains et compréhensifs, si ce n'est plus, que certains individus.
L'excellente surprise de ce film est de voir que les deux cinéastes livrent une très jolie mise en scène. La photo est une franche réussite, le découpage toujours précis et alerte et surtout le sens du cadre fait preuve d'une belle sophistication avec de nombreuses idée de cadres dans le cadre, pas toujours pour valoriser les comédiens mais aussi pour les ridiculiser comme lors de la première visite des cousins qui scrutent Mr James avec avidité et inquiétude par de petits orifices.
Le dernier acte est plus dispensable pour un happy end total et complet.
Spoiler (cliquez pour afficher)
le retour du père des orphelins, bel et bien veuf par contre et qui va vite se fiancer avec la nièce.
Rien de bien méchant non plus car la réalisation trouve de jolie idée romantique et légère pour emballer cette sous-intrigue, par ailleurs très brève.

Pour ma part, une chouette comédie familiale pleine de charme et de fantaisie.

J'ai été un peu moins convaincu par Bêtes comme les hommes (1923) qui est l'un des films plus célèbres films d'Alfred Machin : il s'agit en effet, à priori, du premier long-métrage entièrement interprétés par des animaux. Le tournage prit ainsi pas moins de 2 ans pour que chiens, lapins, singes, souris, canards, poules... composent leurs rôles.
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Pour cela l'histoire machin parodie ouvertement Les mystères de New-York, l'Atlantide ou True heart Susie de Griffith (pour qui Machin a tourné quelques plans de villages détruits pour Hearts of the world !). Il est ainsi question d'une rivalité amoureuse entre deux chiens pour gagner le cœur d'une chienne. La jalousie de l'un va ainsi détourner un train vers une jungle mystérieuse.
La mise en place est savoureuse avec son microcosme animalier reconstitué pour un sacré défi logistique. Il y a plein d'idées amusantes tel l'animal de compagnie de la chienne qui est une souris, promenée en laisse. Ce sont aussi d'autres canidés qui tirent des diligences ou conduisent des trains... Les animaux sont souvent habillés avec des costumes humains ou des accessoires tel éventails, instruments de musiques, pipe, couverts de cuisine... Je ne savais d'ailleurs pas que des poules pouvaient être si habile de leur pattes ! :mrgreen:


Malgré tout, je ne suis pas persuadé par la nécessité d'un film de 70 minutes. La moitié aurait été plus raisonnable car passé la surprise et l'étonnement, force est de constater que la réalisation est assez faible puisque trop dépendante de ses interprètes. Les péripéties sont aussi très basiques et sans grand intérêt pour tenir la longueur. Le passage dans la jungle apporte un peu de changement mais ne demeure pas très passionnante à ce titre.
Ca reste en tout cas une vraie bonne curiosité et un film assez unique dans l'histoire du cinéma muet. Il est d'ailleurs étonnant qu'aucun DVD n'existe car ça pourrait faire le bonheur de pas mal d'enfants (comme les Héritiers de l'oncle James)
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Message par bruce randylan »

Le manoir de la peur (Alfred Machin et Henri Wulschleger - 1927)
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Dans un petit village provincial très reclus, un scientifique vient s'installer dans un manoir réputé comme hanté. Son arrivée est d'autant mal vu qu'il s'agit d'un véritable étranger et qu'il vient avec un assistant encore plus inquiétant.

Un nouveau véhicule pour le chimpanzé Auguste dans ce mélange entre fantastique et thriller pour une direction artistique sous influence expressionnisme allemand.
L'ambiance, l'éclairage et les décors sont travaillés et n'ont pas à rougir de la concurrence outre-rhin : les croix désordonnées du cimetière, les couloirs du manoir, le tuyaux sinueux du bureau du maire...
Du bon boulot bien mis en valeur par le(s) cinéaste(s) avec toujours ce sens du cadre cher à Machin qui exploite à merveille les petites ruelles de ce village replié sur lui-même, considérant encore les chemins de fer comme un monstre digne des histoires à terrifier les enfants. Une prédominance à la superstition qui en font une proie facile pour Auguste, dressé pour voler leurs argent et bijoux. On se doute qu'ils n'ont jamais vu de singes de leurs vies et c'est ce qui rend le récit assez crédible. Cela dit, cette histoire me rappelle quelque chose que j'ai déjà vu (ou lui) mais pas moyen de me rappeler quoi ! On s'inscrit en tout cas dans la lignée des romans de Gaston Leroux par exemple, ce qui inclus les petites pointes d'ironies tel le bibliothécaire fouillant dans ses archives pour trouver un antécédent à ses crimes intriguant.

Le manoir de la peur n'est cependant pas un chef d'œuvre ni même un classique oublié mais un sympathique divertissement, bien raconté, solidement mise en scène et avec une vedette animale bien exploitée et intégrée à l'univers. Les personnages sont un peu schématiques et sa court durée (1h10) empêche de mieux installer sa première partie qui aurait mérité de jouer un peu plus longtemps la carte du mystère paranormale et fantastique plutôt que griller ses cartouches un peu trop vite.
Par contre la dernière partie est excellente avec un suspens autour d'un d'accident de train, pour un suspens palpitant diablement bien mise en scène, dotée une photographie nocturne de toute beauté.
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Message par 1kult »

Tu l'as vu en salle ou chez toi ? Je le cherche depuis quelques années, mais aucun DVD à ma connaissance...
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Re: Cinéma muet français

Message par Supfiction »

1kult a écrit :Tu l'as vu en salle ou chez toi ? Je le cherche depuis quelques années, mais aucun DVD à ma connaissance...
http://www.fondation-jeromeseydoux-path ... rojections

Il passe cette semaine :

http://www.fondation-jeromeseydoux-path ... 8T16:00:00
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Re: Cinéma muet français

Message par 1kult »

Ah oui merci, mais bon... Avoir un emploi ou une cinéphilie active, il faut choisir... :?
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Re: Cinéma muet français

Message par Supfiction »

1kult a écrit :Ah oui merci, mais bon... Avoir un emploi ou une cinéphilie active, il faut choisir... :?
Faut prendre un RTT... tant qu'on en a encore! :fiou:

A moins que le film passe un prochain WE.
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Re: Cinéma muet français

Message par bruce randylan »

1kult a écrit :Ah oui merci, mais bon... Avoir un emploi ou une cinéphilie active, il faut choisir... :?
Redevient intermittent du spectacle :P
(tant que ça existe encore :fiou: )

Les prochaines rediff' sont donc prévues en journée : jeudi 8 à 16h et mardi 20 à 14 heure (et c'est con, le premier passage était un vendredi à 19h)
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Re: Cinéma muet français

Message par bruce randylan »

Et pour rester sur Alfred Machin, 9 court-métrages :

Serpentin fait de la peinture (1922 - 36 minutes) est le dernier film des aventures de Serpentin (alias Marcel Levesque, acteur récurent chez Feuillade) qui connut 10 films entre 1918 et 1922. Je ne connais pas les autres mais celui-ci est une sympathique comédie où un modeste prof de peinture aimerait bien peindre du nue mais dont la femme jalouse lui impose de prendre des vaches comme modèles. :mrgreen:
La lumière, les cadres et les extérieurs sont vraiment soignées pour une comédie potache et le rythme est très bien géré. Il y a un côté à la fois grivois (on voit de la nudité derrière des vêtements transparents) et très naïf, fleur bleue. L'acteur est très attachant et semble un peu anticiper le style et le physique de Nicolas Rimsky avec un rôle de looser débonnaire et de doux rêveur que ses proches aiment bien rabaisser.
La fin s'accélère pas mal avec un virage vaudeville très drôle quand deux damoiselles se retrouvent sans beaucoup d'habits. Frais et léger.

Je vais me faire raser (1914 - 12 minutes) fait partie de la période belge du cinéaste. Rien de vraiment marquant, c'est un farce peu subtile où un Don Juan se fait corriger par le mari, barbier, de la femme qu'il essaie de séduire. Rien de bien nouveau dans le scénario mais la réalisation rehausse le niveau avec quelques gros plans efficaces et un double panoramique haut-bas qui donne un excellent timing à une séquence.

L'aéroplane de Fouinard (1911 - 4 minutes) est le petit bijou du lot. Une sorte de comédie anarchiste et poétique très originale. Ca commence comme une traditionnelle "course" à la saucisse mais très rapidement Fouinard, un vagabond, provoque une série d'accidents qui transforme un vélo volé en vélo volant ! L'occasion de railler encore plus de l'incompétence des forces de l'ordre qui n'arrivent pas à abattre sa monture malgré le recours à des armes de plus en plus imposantes. Ca sera finalement un enfant avec un lance-pierre qui aura raison de cet autre "enfant".
Un autre épisode de la série des Fouinard était projeté Fouinard est joyeux (1911 - 6 minutes) sans que les historiens soient certains que Machin en soit le réalisateur. Un peu moins surprenant que le précédent mais assez drôle quand même avec toujours une volonté de brocarder la police avec une démarche potache et irrévérencieuse qui donne envie d'y voir un ancêtre à Charlot.

On trouvait deux épisodes aussi des Little Moritz : Little Moritz chasse les grands fauves (1911 - 11 minutes) et Little Moritz soldat d'afrique (1912 - 7 minutes) qui sont bien moins réussis. Humour colonial pas du meilleur goût avec des comédiens blanc blancs maquillés (et portant un juste au corps noir) pour des situations sans grand intérêt de tout façon. En gros Little Moritz croise des animaux sauvages qui font peur à tout le monde, l'occasion pour Machin de sortir sa ménagerie dont sa fameuse panthère Mimir (et moins courant une hyène).

Machin est bien plus à l'aise dans les Babylas : Babylas vient d'hériter d'une panthère (1911 - 8 minutes) et Madame Babylas aime les animaux (1911 - 9 minutes). Je les avais déjà vu mais ils passent très bien grâce à Mimir qui s'en donne à cœur joie et quelques gags assez absurdes (comme le cochon). C'est pas d'une grande finesse mais ça marche.

Enfin, Moi aussi, j'accuse (1923 - 28 minutes) fait partie de ses co-réalisations avec Henry Wulschleger. Il s'agit en réalité d'une version rallongée de Nuit agitée en lui ajoutant quelques chutes de Bêtes comme les hommes. On voit que c'est antérieur à ce dernier car la direction des animaux est loin d'être aussi harmonieuse. Au point désormais de rendre le film un peu gênant à regarder car on devine que certains animaux n'ont pas forcément été bien traités. On voit que certains sont limites empaillés ou en tout cas contraints dans leurs mouvements par des fils métalliques (la ronde des poulets étant le plus marquant et dérangeant). Que dire aussi des papiers tue-mouches fort collant et entravant la marche des animaux de la basse-cour ? Difficile donc d'y prendre un réel plaisir d'autant que la narration est totalement bordélique. Dommage car certaines scènes sont assez étonnantes notamment la fête foraine pour animaux avec buche, toboggan et manèges !
D'ailleurs dans ce côté "autre temps, autre mœurs", ça m'a rappelé que Bêtes comme les hommes commence par un carton surréaliste où l'on incite le spectateur à réfléchir à la prochaine volaille qu'il va manger car elle aura peut-être joué dans le film. On s'attend à une sensibilisation pour la cause végétarienne... et bien que nenni, c'est pour nous conseiller d'en savoureux encore plus le goût ! :lol:
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Re: Cinéma muet français

Message par 1kult »

bruce randylan a écrit :
1kult a écrit :Ah oui merci, mais bon... Avoir un emploi ou une cinéphilie active, il faut choisir... :?
Redevient intermittent du spectacle :P
Ouiiiiii... Vu que je viens ENFIN de trouver un boulot (de 8 mois) que j'attends depuis des années, je vais aller les voir et dire "oui, non finalement il y a Machin chez Pathé... Vais laiser tomber" :mrgreen:

Je me débrouillerai autrement ! ;)
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Re: Cinéma muet français

Message par Supfiction »

1kult a écrit : je vais aller les voir et dire "oui, non finalement il y a Machin chez Pathé... Vais laiser tomber" :mrgreen:
J'imagine bien la scène, on dirait du Coluche, j'adore. :mrgreen:
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Re: Cinéma muet français

Message par bruce randylan »

1kult a écrit :
Ouiiiiii... Vu que je viens ENFIN de trouver un boulot (de 8 mois) que j'attends depuis des années, je vais aller les voir et dire "oui, non finalement il y a Machin chez Pathé... Vais laiser tomber" :mrgreen:
Bon, ben, comme tout le monde, un p'tit arrêt maladie alors !


Sinon infidélité Pathé avec un retour chez Gaumont (et à la cinémathèque) :

L'imprévu (Léonce Perret - 1917)

Fraîchement mariée, l'épouse d'un docteur flirte avec un voisin, tandis que le médecin n'est pas insensible aux charmes d'une amie de passage chez eux pour quelques jours.

Contrairement à ce qu'on pourrait croire, l'imprévu n'est ni une comédie, ni un vaudeville mais un mélodrame aux artifices plus ou moins grossiers reposant sur des axiomes discutables : un couple à peine marié (et à la situation respectable) qui cède facilement aux avances et une épouse à la santé étonnement fragile.

Sortie de ces limites qui s'oublient plus ou moins facilement, Léonce Perret prouve une nouvelle fois sa supériorité sur une bonne partie de ses confères grâce à une direction d'acteur sobre et subtile qui permet de nuancer un quatuor qui avait de quoi inquiéter sur le papier. On évite ainsi le manichéisme un peu primaire pour des émotions et une psychologue au contraire plus fouillée que d'habitude.
Mais c'est surtout au niveau de la photographie que l'imprévu impressionne pour une très belle utilisation des contrastes et des clairs-obscures. Certaines séquences ont admirables par leur utilisation de la profondeur de champ, des silhouettes découpées (digne d'ombre chinoise) et d'une utilisation virtuose de l'obscurité tel le plan où l'épouse semble irradiée une pièce plongée dans le noir tandis que le mari sort doucement des ténèbres pour se rapprocher d'elle.
Un belle compréhension de la lumière, toujours adaptée à l'émotion de la séquence (l'amie dans la pénombre en train de lire ; le salon du voisin avec différentes sources de lumières...).
En revanche, j'ai trouvé qu'au niveau du cadrage, c'était un peu moins abouti que d'autres films du cinéaste. Il est vrai que l'imprévu se déroule peu en extérieur et dans un nombre très réduit de décors qui ne sont pas beaucoup renouvelé au niveau de la composition de plans.
Il y a aussi quelques soucis dans le gestion du temps avec surtout une action parallèle peu crédible selon la stricte narration du film (une panne de voiture semble arriver au bout de plusieurs heures de routes mais il lui faut 10 minutes pour faire demi-tour en calèche).

Si on fait donc abstraction de son scénario abracadabrantesque (dans les conventions du genre en fait), un bon opus à voir pour sa dimension visuelle très sophistiquée et raffinée.
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Re: Cinéma muet français

Message par bruce randylan »

Toujours à la cinémathèque

L'orage (Camille de Morlhon - 1917)

Un employé est amoureux de la femme de son patron qui travaille dans la finance. Il monte un stratagème pour ruiner son rival en lui proposant de mauvaises transactions boursière avec l'espoir que l'épouse le quitte.

Un peu plus d'un an après la petite rétrospective consacrée au cinéaste à la Fondation Pathé, voici l'opportunité de faire un peu mieux connaissance avec Camille De Morlhon avec la programmations de 3 de ses films à la cinémathèque (via leur rétrospective centrée sur l'année 1917).

L'orage reste cela dit dans les limites du réalisateur et fait un peu pâle figure face au Léonce Perret découvert quelques jours. Ici, on a presque l'impression que le cinéaste n'a pas su (ou voulu) évoluer depuis le début des années 10. Le découpage est très basique, avec toujours un recours privilégié du plan large et des décors assez frontaux. Très peu de variation dans les valeurs de plans pour une gestion de l'espace encore un peu prisonnière du théâtre. La photographie, tout en étant propre, manque vraiment de relief et demeure uniforme du début à la fin.
Malgré tout, Orage a quelques mérites à son actif à commencer par une direction d'acteurs retenue et assez élégante dans l'ensemble, à quelques rares exceptions près. La qualité de l'interprétation permet ainsi autant de saisir les émotions qui traversent les personnages que de comprendre la progression narrative de l'intrigue sans avoir à user de beaucoup d'intertitres. Le récit possède une réelle fluidité qui souffre juste d'un manque de rythme et d'un peu plus d'audace dans la mise en scène, trop timorée.
Quant à l'histoire, elle suit sans un enthousiasme démesuré mais sans ennui non plus. Le dépouillement du style se retrouve ainsi dans le scénario qui évite les artifices habituels du mélodrame en évacuant autant que possibles les paramètres extérieurs pour ne garder que les 4-5 acteurs principaux et une poignée de lieux. De ce fait, le déroulement n'est pas si prévisible que ça et refuse le chantage à l'émotion, le tragique ou la morale rébarbative.
Comme pour Expiation (1918), la sobriété du réalisateur est donc autant un avantage qu'un handicap. Mais on va pas dire que ça me motive pas non plus particulièrement à tenter les 2 autres films qui seront diffusés prochainement.
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Re: Cinéma muet français

Message par bruce randylan »

Nouveau programme de court-métrages signés Machin

La Chasse aux singes (1912)
Ce documentaire a probablement été tourné quelques années auparavant lors des précédentes expéditions de Machin en Afrique mais la société Pathé avait préféré espacer la sortie de ses réalisation pour des raisons commerciales. On peut se demander ainsi si les inserts avec les chasseurs n'ont pas été filmés plus tard (et en France). Quoiqu'il en soit, cette chasse aux singes se fait de manière non violente avec un piège aussi simple qu'astucieux où des fruits sont placés dans une calebasse. Le singe y glisse la patte mais avec le fruit dans la paume, son poing est trop volumineux pour ressortir... et le singe préfère se laisser capturer plutôt que de lâcher son bien.
Instructif et je me demande si ce documentaire n'a pas bénéficié du long téléobjectif inventé par Machin lui-même pour pouvoir filmer de très loin les animaux sauvages avec l'impression que l'objectif n'est qu'à quelques centimètres du sujet.

Saïda a enlevé Manneken Pis (1913) est l'une des meilleures comédies du cinéaste. Cette production belge met en avant Mimir dans le rôle de Saïda, une panthère échappé d'un cirque qui subtilise la célèbre statue. De quoi provoquer l'intervention de la police et la panique générale.
Des forces de l'ordre incompétentes, trouillardes et maladroites face à Mimir en grande forme, plus taquine que jamais. Elle n'hésitera pas à retourner le canon de ses adversaires contre eux. Assez court (7 minutes) mais dynamique, rythmé, drôle et avec l'avantage de se dérouler en grande partie en extérieur.

Mr. Beulemeester, garde civique (1913)
Autre comédie belge, un peu plus longue cette fois (16 minutes) ce qui se ressent avec un rythme un peu moins soutenu mais qui demeure assez plaisant et amusant. Une nouvelle fois la police en prend pour son grade via ce Mr. Mr. Beulemeester qui se fait berner par le prétendant de sa fille dans un stratagème qui lui permettra de lui demander sa main.

En Artois – Le drapeau des chasseurs et Zouaves d’Afrique dans les Flandres belges datent tous deux de 1915 et font partie des réalisations de Machin pour l'armée lors de la première guerre mondiale. De purs films de propagande où l'armée imposait un cadre très stricte qui offrait très peu de liberté. En gros les opérateurs ne pouvaient pas s'approcher du front et devaient se contenter de filmer des défilés, des remises de médailles et le bon morale des troupes. Le premier n'a ainsi pas grand intérêt (remises de médailles) mais le second, en s'intéressant aux zouaves durant leur temps libres, permet de livrer plusieurs séquences légères que le cinéaste a pris beaucoup de plaisir à mettre en scène : plan larges où les soldats forment des lettres géantes en s'allongeant sur le sol et différents spectacles comiques dont un curieux combat où un homme se tartine le corps en noir avant de se livrer à de la lutte française. A la fin du combat, les deux adversaires sont tout deux recouverts de cirage (ou de peinture) et il est difficile de retrouver le vrai "nègre" pour l'hilarité des spectateurs.
On savait rigoler en 1915 :mrgreen:

Mœurs et coutumes Sakalaves : cérémonie à Madagascar (1910) est pour le coup une révélation.
Issue des documentaires tournées en Afrique que le cinéaste voulait montrer dans son authenticité, et non servir de simple carte postales exotiques (filmés généralement dans le confort, pas des très loin des hôtels). Ca représentait un fort investissement et un logistique conséquente. Sa première expédition se solda par un échec puisque la pellicule ramenée ne fut pas exploitée à part pour une poignée de court-métrages. Le cinéaste qui avait la confiance de Pathé put tout de même monter un second voyage en apprenant de leurs erreurs. Ce documentaire de 10 minutes n'est ainsi pas si éloigné de ceux de Jean Rouch en filmant une cérémonie où deux hommes se jurent amitié dans un rituel très codifié. C'est filmé sans mépris, jugement ou condescendance colonialiste. De plus les images sont d'une incroyable beauté et rappelle que Machin fut un brillant photographe avant de faire carrière dans le cinéma. Certaines images sont d'une beauté stupéfiante et très moderne avec plusieurs gros de visages admirables et plans embarqués sur des pirogues. La composition des plans larges est tout autant remarquable.
Dommage de ne pas avoir présenter plus de films de cette période.... et aussi ses drames flamands. On les trouve sur YouTube grâce à la cinémathèque néerlandaise mais sans sous-titres :|
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
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