Le cadre de l'action est plutôt original : un hôpital psychiatrique militaire dans le désert de l'Arizona à la fin de la seconde guerre mondiale. Chapeauté par un colonel pète-sec (James Gregory, un habitué des seconds rôles en uniforme) mais surtout dirigé par le très humain capitaine Newman, joué par Gregory Peck, incarnation de l'empathie et de la force tranquille (un peu trop même, j'y reviendrai) qui, sans faire copain-copain avec ses patients, se comporte avec eux de la façon la plus... civile possible. Y compris avec ses subordonnés, comme l'apprend très vite le jeune lieutenant Alderson (Dick "Ma sorcière bien-aimée" Sargent) et surtout le caporal Leibowitz. C'est Tony Curtis qui campe ce dernier avec tout le dynamisme et la fantaisie qu'on lui connait. Son personnage de p'tit gars du New Jersey débrouillard et à la tchatche inarrétable semble carrément annoncer les petits rigolos de M*A*S*H.
Dans le rôle-titre, Peck amène sa prestance et sa belle voix rassurantes mais je l'ai vu meilleur. Ce n'est pas que le rôle ne lui aille pas mais je trouve qu'il joue un peu trop sur le même mode comme si une petite voix lui disait sans cesse : "Calm down, boy. Calm down..."). Le self-control fut sa marque de fabrique mais là, c'est un peu trop "Mister Perfect". Par exemple, lorsque après avoir vu un de ses patients se suicider devant ses yeux, il a en prime droit aux reproches de son colonel, on a la terrible envie qu'il sorte enfin de ses gonds voire lui file un bourre-pif mais non, il sort une petite phrase désabusée, tranquille et puis s'en va, lonesome cowboy à caducée.
Bon et puis j'ai gardé le plus mignon pour le plaisir des yeux : Angie Dickinson en lieutenant Corum (quel nom !!), au top de sa beauté, qui décoche des sourires à tomber gaga... et donner l'irrépressible envie de se faire porter P4. En toute honnêteté, ce n'est pas sa prestation la plus mémorable non plus mais tout ce qu'elle fait, elle le fait très bien et puis elle est tout simplement trop craquante.
Avec elle, c'est champagne sur chaque photogramme...
Effet Kiss (very) Cool du : "Call on me anytime !" que vient de lancer Angie... (no comment)
Cette absence de romance classique ne la rend que plus adorable lorsqu'elle et Peck vont s'envoyer quelques verres bien mérités après la terrible épreuve du penthotal administré à Darin et qu'elle le ramène chez lui, complètement murgé. On en oublierait presque l'improbabilité qu'elle ait pu traîner cette grande carcasse jusqu'au pied de son lit où il s'endort comme une masse contre ses frêles (mais ravissantes) épaules...
"Good try, ol' man..." (toujours du Angie dans le texte)
Albert est un colonel devenu schizo au dernier degré après avoir perdu tous ses hommes. Peck ne peut le faire réagir qu'en tombant dans son jeu et en l'appelant "Mister Future" ("Mister Past" étant le côté noir du colonel, bouclé à triple tour). Ce patient extrêmement imprévisible et violent finira par se suicider du haut d'un gigantesque réservoir d'eau, sous les yeux de Newman monté le sauver (scène qui m'a d'autant plus impressionné que j'ai dans ma famille un médecin-pompier qui a récemment vécu le même drame en tentant de raisonner un malheureux qui menaçait de se jeter du haut de la Tour Eiffel).
Le gros point faible du film, c'est l'alternance ficelée avec de gros bouts entre ces séquences hautement dramatiques et les pauses de pure comédie. On me répondra que c'est aussi le cas chez Capra ou Ford et que cela fait partie de la continuité scénaristique de base d'une majorité de films. Mais ici, c'est aussi téléphoné que dans les séries TV et téléfilms ordinaires. Et comme chez eux, on a droit à un final gentillet un peu cu-cul la praline avec Curtis organisant un spectacle de Noël où il fait danser les POW italiens sur une chorégraphie amérindienne sauce Rabbi Jacob , histoire que les spectateurs aient le temps de sécher leurs larmes et sortent de la salle avec malgré tout un petit sourire.
Curtis amène son entrain communicatif, échange quelques réparties impertinentes et amusantes avec Peck et se met vite les patients dans sa poche par ses facéties, son culot et sa bonne humeur. Mais les interludes comiques plombent plus le film qu'autre chose (le coup du salami*, les moutons sur la piste, les prisonniers de guerre italiens, le sapin de Noël...)
En conclusion : je serai plus sévère que Julien Leonard qui le qualifie de : "petit chef-d'oeuvre"
J'y ai vu un petit film sympathique mais sans grande personnalité (en lieu et place de David Miller, il aurait fallu un Richard Brooks ou un Robert Mulligan) qu'il faut néanmoins voir pour son sujet original, ses interprètes et quelques très grands moments.
(*) L'infirmier d'origine génoise ravitaillé chaque semaine par sa soeur en salami du pays et que Curtis fait tourner en bourrique est joué par Larry Storch qui sera sept ans plus tard le vieux copain d'enfance de Danny Wilde dans Angie, Angie, l'un des meilleurs épisodes d'Amicalement vôtre.
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