La Poursuite infernale (John Ford - 1946)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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tenia
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Re: La poursuite infernale (John Ford - 1946)

Message par tenia »

Sedlab0hne a écrit :Je ne me prononce pas sur le film que je n'ai pas vu. Je ne doute pas de ses qualités intrinsèques mais la Fox a bien abusé du DNR sur les plans rapporchés. Le plan avec Henry Fonda dans le test Classik est juste effrayant.

Je ne reviendrais pas sur les titres français de films étrangers car dans ce domaine, nous sommes les champions du monde (hélas c'est un jugement de valeur négatif). Remarques, les titres de films français contemporains en tiennent une couche également.
Je re-vérifierai mes captures, mais de mémoire, c'est une resto 4K excellente.
Sedlab0hne
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Re: La Poursuite infernale (John Ford - 1946)

Message par Sedlab0hne »

Je crie au complot :mrgreen:. On se rattrape aux branches comme on peut mais je persiste à dire que ce plan est fortement dégrainé. Après pour le métrage je ne sais pas.

Le test est élogieux mais il insite également sur le DNR excessif bien que diffus. Je ne doute pas que l'image puisse être très belle.
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tenia
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Re: La Poursuite infernale (John Ford - 1946)

Message par tenia »

Le Criterion gère mal le grain fin du 4K par rapport au disque FOX Européen que caps-a-holic donne comme meilleur sur ce point.

Mais le grain est ultra fin et bien présent. Par contre, peut-être y a t'il des plans litigieux (les plans dont tu parles), mais je n'en ai pas le souvenir (mais ma mémoire est faillible) et les captures dispos sur caps-a-holic tendent à me rassurer.
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Jeremy Fox
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Re: La Poursuite infernale (John Ford - 1946)

Message par Jeremy Fox »

villag
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Re: La Poursuite infernale (John Ford - 1946)

Message par villag »

ATP a écrit :Un des meilleurs Ford pour moi, mais que vaut la version preview alternative, pour ceux qui l'ont vue?

Je ne sais pas de quelle version tu veux parler, en fait il y a 2 moutures de ce film : celle définitive de Zanuck, la plus connue, celle que l'on trouve sur le blu ray, et celle beaucoup moins célèbre, montée par Ford lui même et qui aurait ma préférence: musique plus sobre, remplacée à de nombreux endroits par des bruits de rue...un exemple: A l'arrivée de Clémentine Carter et à sa montée dans la chambre, accompagnée par Fonda: aucune musique; on entend le thème de la chanson, uniquement lors de l’entrée de l’héroïne dans la chambre de Doc Holliday...la fin de Ford est plus sobre: pas de baiser entre Fonda et Clémentine, seulement une poignée de main ; la scène avec baiser étant tournée par Zanuck quelques temps plus tard...Quand au film, pour moi, un régal, un de mes Ford préféré !
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Thaddeus
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Re: La Poursuite infernale (John Ford - 1946)

Message par Thaddeus »

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Quand la légende est plus belle que la réalité…


Les trente secondes les plus célèbres de l’histoire du Far West s’écoulèrent le 26 octobre 1881 à Tombstone, en Arizona. Le règlement de comptes d’O.K. Corral opposa le clan Earp au gang des Clanton. Les premiers tentaient d’arrêter les seconds qui, armés et dangereux, arpentaient la bourgade depuis deux jours, en violation flagrante d’une ordonnance interdisant le port d’armes dans l’enceinte de la ville. La fumée dissipée, personne n’était indemne à l’exception du shérif adjoint Wyatt Earp. Quelques semaines plus tard, Virgil Earp fut à nouveau blessé et Morgan Earp tué. Presque toutes les évocations de cette histoire au cinéma inversent l’ordre des évènements et représentent la fusillade comme l’apogée finale du conflit, alors qu’elle en constitua le déclenchement. Si John Ford a bien rencontré dans les premières années de sa carrière l’homme dont il relate ici les exploits, certaines découvertes lui étaient inconnues. On n’a su qu’ultérieurement que les frères Earp n’étaient pas ce qu’ils prétendaient et que les déclarations de Wyatt jusqu’à sa mort en 1929 trahissaient grossièrement la vérité. Massacreur de bisons, joueur invétéré, policier municipal relevé de ses fonctions pour faute professionnelle, assassin d’un jeune cowboy à moitié ivre, il ne livra le fameux duel que pour liquider les Clanton, complices d’Holliday et peut-être de lui-même dans plusieurs affaires louches dont une attaque de diligence. Le cinéaste préfère la légende et ne s’en cache pas, en datant le décès du jeune frère en 1882, soit un an après la bataille qui clôt le film, ou en ressuscitant le patriarche despotique qu’est le vieux Clanton, descendu avant l’arrivée de Earp d’une mauvaise balle de colt, en représailles d’un vol de troupeaux qui coûta la vie à plusieurs vaqueros mexicains. Mais s’il refuse les circonstances authentiques et préfère leur transposition romanesque, il se défie tout autant de l’emphase héroïque, nuance son protagoniste et s’attache à la vie de Tombstone plutôt qu’à des prouesses guerrières qui n’avaient pas cours. Il retrouve dès lors une épaisseur humaine qui corrige l’orientation mythifiante du scénario. Vérité de l’homme, vérité du fait concourent ici à prouver la valeur du western en tant qu’illustration de l’épopée.


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La Poursuite Infernale occupe une place centrale dans la filmographie de Ford et pose de façon aiguë certaines questions fondamentales concernant l’auteur. Après Qu’elle était verte ma vallée, la guerre interrompt son travail à Hollywood. Il se consacre aux documentaires sur Pearl Harbor, la bataille de Midway, la marine marchande, avant de réaliser en 1945 Les Sacrifiés, un superbe film de fiction sur la campagne des Philippines. Lui qui vient de côtoyer l’actualité la plus brûlante plonge cette fois dans le passé de son pays et entame le grand cycle westernien qui le conduit à travers six longs-métrages jusqu’à Rio Grande. On est encore loin des œuvres de la vieillesse où il s’interrogera, de La Prisonnière du Désert aux Cheyennes, sur le problème noir, l’extermination des Indiens et le crépuscule des héros. S’il est toujours l’homme de la certitude confiante, des monuments de bonne humeur et de poésie naturelle, le film offre déjà des accents sombres qui obscurcissent le rayonnement de cet Ouest idéalisé. Il ne s’y formule pas de mise en question radicale ni de retournement des valeurs, mais il s’y affirme un lyrisme grave et retenu, il s’y développe un climat propice à de tels changements (comme dans Le Massacre de Fort Apache). L’artiste innove en arrimant profondément sa fiction dans le vivant terroir de la chronique villageoise. Bouvier, Wyatt devient serviteur de la loi et apporte l’ordre à une ville en proie à la barbarie. Le "passage" se concrétise par sa transformation chez le coiffeur, ce que désigne le parfum de chèvrefeuille qui émane désormais de sa personne. Cette fleur domestiquée et sujet de plaisanterie accompagne le shérif fraîchement rasé jusqu’aux planches d’une église en construction, Henry Fonda adoptant la démarche assurée d’une cigogne distinguée. Avec sa charpente et ses drapeaux qui flottent au vent, l’édifice est témoin de la mutation d’une société en devenir. La mémorable séquence de la danse, où Wyatt esquisse quelques pas empruntés puis se laisse entraîner au son de la même musique que dans Vers sa Destinée (Golden Slippers), est à cet égard non seulement l’une des plus belles jamais tournées par le cinéaste, mais un moment très significatif sous son apparence de détente et d’allégresse.

S’il se manifeste parfois chez Ford une certaine tentation expressionniste (Le Mouchard, Les Hommes de la Mer), il s’épanouit également une approche décontractée qui se retrouve dans ses ouvrages à petit budget, apparemment tournés pour son seul plaisir (Le Convoi des Braves, Le Soleil brille pour tout le Monde). La Poursuite Infernale se situe au point d’intersection de ces deux penchants. C’est l’un de ses films les plus "tenus", sans que la forme ne verse jamais dans l’esthétisme et la raideur. Autant La Charge Héroïque et La Prisonnière du Désert frappent par leurs références à la peinture, autant le style plastique du réalisateur se rapproche ici de la gravure : le trait est vif, sec, sans gras. Sans doute faut-il y reconnaître l’influence de Joe MacDonald (comme celle de Gregg Toland dans Les Raisins de la Colère), dont on retrouvera les recherches dans Viva Zapata ! de Kazan : contraste du noir et du blanc, effets d’éclairages avec le jeu des ombres, tendance à donner au paysage une grande plasticité, utilisation de la profondeur de champ, la rue comme le comptoir de bar servant à matérialiser le suspense et à distribuer dans l’espace les rapports de force. Dans presque tous les plans extérieurs, de vastes zones de ciel occupent le cadre et — remarquable coup de maître — l’affrontement final n’est accompagné d’aucune musique assourdissante, seulement de bruits naturels : le vent, les bottes qui cherchent prise dans le sable. Le silence est obsédant. Ce périlleux exercice entre rigueur et liberté se répercute dans l’intrigue, ni trop rigide, ni trop relâchée, qui s’élabore autour de quelques tournants dramatiques (la mort du jeune frère, l’arrivée de Clementine, la découverte de la croix sur Chihuahua) mais sait ménager de remarquables moments de repos, chansons, gags et beuveries. La mise en scène ressemble au visage de Fonda lorsque Victor Mature termine le monologue d’Hamlet déclamé par le très cabotin et aviné tragédien Thorndike : attentif, observateur, au-delà de l’analyse. Le rythme méditatif rend les spasmes d’âpreté et de violence, inhabituels chez Ford, d’autant plus brutaux.


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Conformément au schéma dialectique de L’Homme qui tua Liberty Valance, c’est à travers les personnages que se structurent les termes de la réflexion et s’articulent les enjeux du discours. Infirmière venue de l’Est, Clementine deviendra institutrice et contribuera à faire évoluer la frontière mouvante vers une Amérique stable. Chihuahua est l’Indienne et l’entraîneuse de saloon, c’est-à-dire la sauvage qui vit en marge de la collectivité. Ford ne lui ménage pas sa sympathie, tout comme à la Dallas de La Chevauchée Fantastique ou à la Katie du Mouchard. Ajoutant à ces Marie-Madeleine un parfum d’aventure, de bravoure, d’effronterie, elle fait partie des minorités appelées à être soumises, balayées par la civilisation américaine qui progresse et que Ford soutient non sans une tendresse secrète pour leurs mondes qui disparaissent. Tuberculeux, alcoolique, Doc Holiday est quant à lui victime de la vie tumultueuse qu’il a mené à Deadwood et à Denver. Il a renoncé à son cabinet au profit des tables de jeu. Prisonnier de ses faiblesses mais tentant en vain de se fuir, conscient de son inutilité, il est poussé peu à peu vers le suicide. Après avoir échoué dans l’exercice de son métier (il ne peut réussir l’opération sur Chihuahua), il ne lui reste plus qu’à donner un sens à sa mort en combattant auprès de Wyatt Earp. Ce dernier est d’une part l’ex-shérif qui n’a pas l’intention de s’arrêter à Tombstone, le grand frère décidé à retrouver le meurtrier dans ce qui demeure "une affaire de famille" et le justicier qui, après avoir redressé les torts, s’en ira toujours seul dans sa campagne. Mais il est d’autre part le nouveau shérif veillant à ce que les honnêtes citoyens ne soient pas molestés ou chassés de la ville, l’amoureux transi qui invite sa belle à danser et découpe le poulet du dimanche midi et le client du barbier qui s’inquiète de l’inclinaison de son chapeau. En tant que héros de western romantique il tient une place singulière : son jugement est aussi infaillible que son œil au tir et, en dehors d’une maladresse charmante lorsqu’il s’agit de Clementine, il est toujours parfaitement maître de lui et de la situation à laquelle il est confronté. Ford admire l’homme mais associe ses qualités particulières à l’isolement, avec une nuance intime et individualiste insécable de sa force et de sa conviction morales. Qu’il reçoive au dénouement la promesse d’un pur sourire obéit à la seule logique de la sensibilité : pourquoi considérer comme inconvenante la fleur bleue cachée sous son étoile ?

La Poursuite Infernale est de ces classiques immarcescibles sur lesquels le temps ne saurait infliger aucun outrage. On reverra toujours avec la même émotion les coches soulever la poussière des pistes de l’Utah, et ce bon vieux J. Farrell MacDonald tenir le troquet où circulent les pires ivrognes, les bandits les plus redoutables, les cabotins les plus bouffons, les gentlemen les plus dévoyés, les tricheurs les plus funambulesques et les vachers les plus courtois. Qu’une femme importunée jette son bol de lait au visage d’un goujat, que Wyatt Earp se balance nonchalamment dans un rocking-chair pour tromper l’ennui, que faute de prédicateur on se livre à la fête, l’atmosphère compte davantage que la ligne narrative. Le film porte le titre d’une chanson sifflotée par le héros et qui évoque un personnage important inventé de toutes pièces. C’est la mythologie propre à Ford qui lui fait choisir pour décor, après La Chevauchée Fantastique et avant La Charge Héroïque et La Prisonnière du Désert, sa chère Monument Valley, ses imposantes mesas travaillées par le temps, ses aiguilles et pitons effilés, son air cristallin, cette nature vierge auprès de laquelle il plante la scénographie de Tombstone. La nuit inquiétante de la ville s’impose avec ses meurtres, ses escarmouches et la solitude de Doc face à ses démons dans la chambre plongée dans l’obscurité. Wyatt lui-même cultive sa part d’ombre : son mutisme quasi constant le nimbe de mystère et sa destinée reste indécise. Dans le regard de l’acteur pointe déjà cette menace inquiète, comme le souvenir d’une fatalité toujours plus cruelle, qui rend son assurance si fragile, son intégrité si touchante. À la fin du film, Morgan est déjà loin lorsqu’il prend congé à son tour. Sa promesse de revenir un jour trahit plus de circonspection que de détermination. Il s’éloigne à l’horizon et laisse derrière lui une Clementine ayant fait allégeance à la communauté. Mais le temps n’est pas encore à la désillusion et aux révisions déchirantes. C’est l’époque où Henry Fonda domine la scène fordienne, symbole d’une Amérique idéaliste, sereine, sûre d’elle-même et croyant aux aubes nouvelles. Demain John Wayne, rude et professionnel, fera son travail avec conscience et efficacité. Après-demain James Stewart incarnera le héros torturé, inquiet et blessé. Pour le baladin du monde occidental qu’est John Ford, un simple prénom féminin suffit à conter la naissance d’une nation où le bien et le mal se distinguent. Bientôt naîtra le western moderne…


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Dernière modification par Thaddeus le 8 sept. 23, 17:31, modifié 4 fois.
The Eye Of Doom
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Re: La Poursuite infernale (John Ford - 1946)

Message par The Eye Of Doom »

Welcome back !!!
Ci dessous mon post de 2005…
The Eye Of Doom a écrit : 11 mai 05, 00:31
Il est INDISPENSABLE de voir la version proposée sur le DVD Z1, avec que le bonus associé pointant les différentes entre les deux versions.

Je n'avais pas vu le film depuis de nombreuses années et lorsque j'ai acheté le DVD j'ai regardé sans le savoir la version DC : j'ai retrouvé intact le choc qu'avait propoqué la decouverte du film. Ce n'est qu'en listant les bonus que j'ai decouvert que cette version n'etait pas "tout à fait" la version d'exploitation...
Toutes les modifications apportées par Zanuck , même si elles semblent mineures vont vers une "standartisation" hollywodienne du film : scène "naturaliste" ecourtée (arrivée des fermiers en ville pour la messe) , ajout inutile et dénaturant d'une musique dramatique sur deux scènes majeures, et sommet : changement scandaleux du dernier plan.

Pour reprendre l'expression de Mankiewicz : Zanuck a bien joué son role de producteur en "pissant dans la boite"...

Je rappelle qu'il ne s'agit pas d'une version Director's Cut mais d'une version de travail intermediaire entre le premier montage de Ford d'une durée de 3h (!!!) et la version d'exploitation.
Cette version n’est pas sortie en bluray en france saif erreur.
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Re: La Poursuite infernale (John Ford - 1946)

Message par Thesix »

Thaddeus a écrit : 14 déc. 21, 20:32 (...)
La Poursuite Infernale occupe une place centrale dans la filmographie de Ford et pose de façon aiguë certaines questions fondamentales concernant l’auteur. Après Qu’elle était verte ma vallée, la guerre interrompt son travail à Hollywood. Il se consacre aux documentaires sur Pearl Harbor, la bataille de Midway, la marine marchande, avant de réaliser en 1945 Les Sacrifiés, un superbe film de fiction sur la campagne des Philippines. Lui qui vient de côtoyer l’actualité la plus brûlante plonge cette fois dans le passé de son pays et entame le grand cycle westernien qui le conduit à travers six longs-métrages jusqu’à Rio Grande. (...)
Où l'on reparle de la Bataille de Midway ! :mrgreen:
Alors, Les Sacrifiés, c'est la Bataille des Philippines, l'invasion japonaise qui débute quelques heures à peine après Pearl Harbor et qui va conduire à la défense héroïque, et désespérée, des troupes américaines et philippines acculées dans la péninsule de Bataan et à Corregidor pendant près de 6 mois. La campagne des Philippines, c'est la reconquête US de 44-45 (promise par McArthur à la fin de la dite bataille). (Et d'ailleurs, pas tant fiction que ça dans mes souvenirs. Il me semble que beaucoup de personnages sont réels, jusqu'aux n°des 3 PT Boats)
Voilà, cette importante rectification étant faite :mrgreen:, un grand merci à toi ! Tu m'as redonné l'envie de revoir La Poursuite Infernale dont j'ai eu plusieurs fois le disque entre les mains ces derniers mois (rangement, classement, changement de boite, reclassement), mais sans jamais trouver la motivation pour m'y replonger. Je me rends compte que cela fait drôlement longtemps que je ne l'ai pas revu et ta belle analyse était tout ce dont j'avais besoin pour piquer ma curiosité. Merci !

Faut juste que je le retrouve maintenant.
Si on passe AC/DC, je quitte la pièce (J. Jarmusch)
Et Amazon, c'est toujours le mal (et l'internet haut débit, et Google...)
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Re: La Poursuite infernale (John Ford - 1946)

Message par The Eye Of Doom »

Mon épouse voulait le regarder ce soir sur arte. Redoutant un vf j’ai remis la main sur le dvd zone a soigneusement conservé et on s’est revue la version director cut évoquée un peu plushaut.
Scandaleux que cette version ne soit pas sortie en bluray.

Quant au film, c’est toujours un chef d’oeuvre.
Beauté des plans a couper le souffle tant ils sont frappés de l’evidence. Comme dit Thaddeus, point de tentation pictural ou esthétique, juste des compositions incroyables. Il y a une relation à l’instant particulièrement intense. Chaque moment est un instant de la vie des personnages. Je pense a l’arrivée de Clémentine qui pose pied a terre et regarde où elle est. Moment fugace qui dit le voyage, l’exotisme du lieu pour cette femme de Boston, … tout est comme ca.
Les plus belles scenes sont peut etre celles de Fonda tuant le temps sur sa chaise.
Sensibilité à fleur de peau.
Ford joue admirablement sur les espaces et les contrastes/continuités entre les intérieurs et l’extérieur.
Cette ville on la voit, on y croit, elle existe.
La version longue est perdue. On ne peut que le regretter tant ici Ford atteint une pureté du geste admirable.
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Re: La Poursuite infernale (John Ford - 1946)

Message par Jack Carter »

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Re: La Poursuite infernale (John Ford - 1946)

Message par Alexandre Angel »

The Eye Of Doom a écrit : 20 déc. 22, 22:47 Les plus belles scenes sont peut etre celles de Fonda tuant le temps sur sa chaise.
Sensibilité à fleur de peau.
Ford joue admirablement sur les espaces et les contrastes/continuités entre les intérieurs et l’extérieur.
Cette ville on la voit, on y croit, elle existe.
Absolument : c'est un western urbain. Et j'ai d'ailleurs toujours été fasciné et transporté, dès la première vision, à 13-14 ans au Ciné-Club de Claude Jean-Philippe sur Antenne 2, par le premier plan du film, qui nous montrent des bovins drivés par les frères Earp sous le ciel, que le noir et blanc nous rend presque orageux, d'un coin de désert de l'Arizona. C'est très court, c'est inaugural et c'est sublime, chargé d'une mélancolie et d'une grandeur ineffables comme si Ford choisissait de laisser le Western "westernien" (celui des grands espaces) sur le seuil d'un récit qui ne souffrira plus de percées en plein air (sauf à l'occasion d'une poursuite à cheval, plutôt nocturne). Ce bref plan d'exposition porte en lui la nostalgie d'un monde qui est déjà derrière, et pour les protagonistes, et, serais-je tenté d'écrire, pour le spectateur (alors que le cinéma est encore loin, en 1946, d'en avoir fait le tour). Ce sentiment de paradis perdu est admirablement exprimé, en appui de ce plan, par la musique de Cyril Mockridge. As-tu remarqué qu'elle était belle à en pleurer ? Ce ne sont que quelques notes introductives mais elles sont dignes d'un grand symphoniste.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Re: La Poursuite infernale (John Ford - 1946)

Message par The Eye Of Doom »

Alexandre Angel a écrit : 21 déc. 22, 08:04
The Eye Of Doom a écrit : 20 déc. 22, 22:47 Les plus belles scenes sont peut etre celles de Fonda tuant le temps sur sa chaise.
Sensibilité à fleur de peau.
Ford joue admirablement sur les espaces et les contrastes/continuités entre les intérieurs et l’extérieur.
Cette ville on la voit, on y croit, elle existe.
Absolument : c'est un western urbain. Et j'ai d'ailleurs toujours été fasciné et transporté, dès la première vision, à 13-14 ans au Ciné-Club de Claude Jean-Philippe sur Antenne 2, par le premier plan du film, qui nous montrent des bovins drivés par les frères Earp sous le ciel, que le noir et blanc nous rend presque orageux, d'un coin de désert de l'Arizona. C'est très court, c'est inaugural et c'est sublime, chargé d'une mélancolie et d'une grandeur ineffables comme si Ford choisissait de laisser le Western "westernien" (celui des grands espaces) sur le seuil d'un récit qui ne souffrira plus de percées en plein air (sauf à l'occasion d'une poursuite à cheval, plutôt nocturne). Ce bref plan d'exposition porte en lui la nostalgie d'un monde qui est déjà derrière, et pour les protagonistes, et, serais-je tenté d'écrire, pour le spectateur (alors que le cinéma est encore loin, en 1946, d'en avoir fait le tour). Ce sentiment de paradis perdu est admirablement exprimé, en appui de ce plan, par la musique de Cyril Mockridge. As-tu remarqué qu'elle était belle à en pleurer ? Ce ne sont que quelques notes introductives mais elles sont dignes d'un grand symphoniste.
L’arrivée du chariot au debut est d’ailleurs assez surprenant. On est dans les decors sauvages du grand ouest et surgit incongru un véhicule civilisé. Je me suis dit qu’il devait etre super costaud pour arriver jusque la ! On ne revera d’ailleurs plus les Clanton sur ce curieux chariot mais bien à cheval.
Le long passage dela poursuite sur la route de Tucson est important dans la topographie des lieux : des routes relie la ville au monde. Voir aussi le dernier plan magnifique avec sa route droite qui part vers l’horizon.
Anecdote perso : j’ai emprunté a pied les pistes à monument valley que l’on voit dans le film: voyageant en stop avec 3$ par jours pour survivre, on avait decider de faire le tour du parc a pied…. Évidemment au bout de 2h sur la piste poussiéreuse et en pleine chaleur, on en pouvait plus et on a levé le pouce. Un aimable touriste nous a convoyé sur le reste du parcours.

Edit : je vais revoir le debut et profiter de la musique.
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Re: La Poursuite infernale (John Ford - 1946)

Message par Alexandre Angel »

The Eye Of Doom a écrit : 21 déc. 22, 08:25 Anecdote perso : j’ai emprunté a pied les pistes à monument valley que l’on voit dans le film: voyageant en stop avec 3$ par jours pour survivre, on avait decider de faire le tour du parc a pied…. Évidemment au bout de 2h sur la piste poussiéreuse et en pleine chaleur, on en pouvait plus et on a levé le pouce.
Gerry ? :mrgreen:
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Re: La Poursuite infernale (John Ford - 1946)

Message par villag »

J' ai déjà dit plus haut tout l' amour que j’éprouve pour ce film ; j' ai le bluray et le dvd montage Ford et c'est ce dernier que je préfère,d'ailleurs sur mon 65 pouce je ne vois, coté image, aucune différence entre les deux....ma séquence préférée, la marche de Fonda et Clementine vers le lieu de l'inauguration de la cloche prévue pour la future église ,séquence toute en champ cotre champ, plongée contre plongée : admirable....!






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Re: La Poursuite infernale (John Ford - 1946)

Message par The Eye Of Doom »

villag a écrit : 21 déc. 22, 10:22 ma séquence préférée, la marche de Fonda et Clementine vers le lieu de l'inauguration de la cloche prévue pour la future église ,séquence toute en champ cotre champ, plongée contre plongée : admirable....!
Effectivement !
Tout ce passage, de l’arrivée des familles en chariots jusqu’à la danse est magnifique.
Dans la version finale, les plans sur l’arrivée des chariots sont reduits!!! Alors que c’est évidemment le moment coeur du film : la rassemblement et la construction d’une communauté.
On peut tiquer que cela soit juste pour l’inauguration d’une eglise mais Ford n’est pas dupe: il y a meme pas de pretre et tout le monde est venu pour le bal.
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