Filmographie assez courte mais recélant un fort pourcentage de réussite. Dès son premier film, il s'avère un réalisateur à la fois élégant, d'un incroyable dynamisme et sachant fort bien manier une caméra. Si l'on veut bien passer outre son scénario, Good News possède une pêche de tous les instants. Son deuxième film n'est autre que le délicieux Parade de printemps, la seule apparition du couple Fred Astaire / Judy Garland. Dans Entrons dans la danse, Fred Astaire encore, mais cette fois pour ses dernières retrouvailles avec sa partenaire de prédilection à la RKO : Ginger Rogers. Puis Charles Walters redonne la vedette à Judy Garland, la confrontant cette fois à l'autre vedette-danseur du studio du lion : Gene Kelly ; nouvelle réussite. Lili,sur lequel Tavernier et Coursodon ne tarissent pas d'éloges, est un film délicieux dans lequel Leslie Caron se prend d'amitié pour... des marionettes (qu'anime tout de même Mel Ferrer). Toujours avec Leslie Caron, il fera une adaptation musicale de Cendrillon, The Glass Slipper. [Des DVD seraient les bienvenus pour ces deux derniers films]. Son remake de Philadelphia Story de Cukor, est un enchantement qui voit se cotoyer Frank Sinatra, Bing Crosby et Grace Kelly dans un festival Cole Porter : Haute Société. Il réalisa trois des films avec Esther Williams ; les deux que j'ai pu voir respirent le kitsch jouissif et la santé : Dangerous when Wet (Traversons la Manche) fait même partie de mes plus belles découvertes de l'année dernière et du coup l'un de mes musicals préférés : coloré, drôle, émouvant...
Ses pures comédies sont nettement moins enthousiasmantes et surotut beaucoup plus statiques même si Ne mangez pas les marguerites avec Doris Day et David Niven est charmant à défaut d'être hilarant. Son célèbre Tender Trap est du piètre théâtre filmé malgré son casting qui faisait saliver. En revanche, avant de finir par Rien ne sert de courir, une comédie agréable mais quelque peu essouflée (on peut le dire d'autant plus que l'un de ses héros est un coureur de fonds) avec Cary Grant dans son dernier rôle, il nous aura encore offert une petite merveille avec La Plus belle fille du monde.
Qui aurait vu Anna et les Maoris et The Unsinkable Molly Brown car j'hésite à acheter ce dernier ?
Quelques un des mes avis :
Good News : Vive l'amour (1949) MGM
L'ancêtre de Grease en quelque sorte. Une intrigue d'une banalité confondante, un film de teenagers comme il y en eut des centaines... mais le premier film de Charles Walters qui, en 3 comédies musicales consécutives entre directement dans la cour des grands. Un entrain phénoménal qui emporte tout sur son passage, une mise en scène pétillante, un Technicolor qui pête le feu, beaucoup d'humour, un Peter Lawford qui a rarement été aussi vigoureux et....une June Allyson encore une fois craquante. Beaucoup de chansons facilement mémorisables, des chorégraphies dynamiques et un Varsity Drag final qui finit de nous scotcher le sourire aux lèvres et de nous faire monter des fourmis dans les jambes. Bref, une comédie musicale rythmée et assez euphorisante.
Parade de Printemps : Easter Parade (1948) MGM
Le sommet de la carrière de Charles Walters, l’un de ces petits miracles de la comédie musicale comme seule savait nous en concocter la MGM de l’époque. La mise en scène est toute en discrétion et nous assistons à un véritable festival de musique (je ne pense pas qu'une autre comédie musicale comporte autant de chansons, le plus beau Medley "Irving Berlinien" qu'on eusse pu souhaiter), de costumes rutilants, de couleurs chatoyantes, de merveilleux décors... Et trois brillants interprètes : Ann Miller (son dernier duo avec Fred Astaire dans une somptueuse robe blanche et rouge) ; Fred Astaire (entre autres un époustouflant numéro de claquette et batterie et la possibilité de le voir danser au ralenti) et surtout Judy Garland qui minaude comme jamais au point de profondément nous émouvoir ; excepté par Minnelli, elle a rarement été aussi belle et magnifiée que dans cet Easter Parade. Au cours de deux séquences, elle prouve toute l'étendue de sa palette d'actrice : celle au restaurant avec Peter Lawford quand elle lui avoue, désolée, de ne pas être amoureuse de lui ; celle où, non maquillée, elle comprend que finalement son amour est partagé ; rarement elle n’aura été aussi touchante. L'intrigue est d'une grande banalité mais quelle importance puisque le scénario, lui, est très bien écrit donnant de la chair et une âme à ses personnages ! Une éclatante réussite, une comédie musicale contenant une quinzaine de numéros inoubliables et le talent d'acteurs, danseurs chanteurs hors pair. On regrette seulement de ne pas avoir vu se reformer le couple Astaire-Garland par la suite.
The Barkleys of Broadway (Entrons dans la danse) (1949) MGM
Après un Good News déluré et vivace, frais et efficace, et un magnifique Easter Parade, ce 3ème film de Charles Walters déçoit beaucoup. Dernière rencontre entre Fred Astaire et Ginger Rogers, ce musical ne tient pas ses promesses et malgré quelques superbes numéros bien euphorisants (A Weekend in the Country, Shoes with Wings on et le final), le film peine à démarrer, à trouver un rythme et le scénario se révèle très vite laborieux. Quant à Ginger Rogers, elle nous avait habitué à plus de subtilité dans son jeu. On pourra évidemment trouver l'ensemble pas si désagréable mais nous étions en droit d'en attendre bien mieux. Tout juste moyen.
La Jolie Fermière : Summer Stock (1950) MGM
Jane, une fermière ayant des difficultés à gérer seule son exploitation, voit arriver un jour chez elle une troupe de comédiens souhaitant organiser un spectacle dans sa grange. C'est sa soeur, vedette féminine principale, qui a eu cette 'brillante' idée pensant que 24 personnes supplémentaires à la ferme ne dérangerait en rien le travail quotidien. Jane ne le voit pas de cet oeil et, en échange du prêt de sa grange, les oblige à participer aux travaux de la ferme...
Comme on peut l'imaginer, les situations cocasses vont être de la partie ; voir Gene Kelly essayer de traire une vache ou Phil Silvers faire du rodéo sur un tracteur n'engendre pas la morosité. Beaucoup de situations sont certes drôles même si pas toujours d'une grande légèreté : les personnages des futurs époux et beau-père de Jane sont plutôt pénibles à la longue. Mais là ne réside pas le principal intérêt de ce très agréable 'Musical'. Dernier film de Judy Garland pour la MGM et dernière apparition de l'attachant duo qu'elle forme avec Gene Kelly qui avait déjà prouvé par deux fois sa formidable alchimie dans For me and My Gal et Le Pirate, Summer Stock, bien que moins réussi que ces derniers, vaut d'abord avant tout pour la romance qui unit une nouvelle fois ces deux stars de la comédie musicale. Leur histoire d'amour est d'une grande délicatesse et Charles Walters se surpasse lors de leurs duos ou solos chantés ou dansés. Les mouvements de caméras lors de la chanson 'Friendly Star' sont tout simplement magnifiques (Tavernier -ou Coursodon-, dans son 50 ans de cinéma américain, fait d'ailleurs une longue et très intéressante analyse filmique de cette séquence) et Get Happy est l'une des plus belles séquences musicales de Judy Garland. Autre séquence mémorable, la danse de Gene Kelly avec une feuille de journal et une planche de parquet grinçante. Le reste comporte encore plusieurs chansons très agréables et un travestissement vraiment très amusant de Gene Kelly en paysan idiot.
Si l'ensemble ne brille pas par son scénario bancal et pas toujours bien rythmé ni par des seconds rôles franchement peu convaincants, l'émotion arrive à poindre grâce au talent de Judy Garland (superbe séquence initiale la voyant se doucher et s'habiller), l'entrain d'un Gene Kelly plutôt sobre est toujours au rendez-vous, le Technicolor brille de tous ses feux et tout ce qui touche à la musique et à la danse s'avère de tout premier ordre. Et puis Charles Walters a bien du talent à revendre à chaque fois qu'il touche à la comédie musicale.
The Belle of New York (1952) MGM
En effet, une intrigue légère au possible mais au final une véritable bulle de champagne de 80 minutes grâce au métier de Charles Walters et de nos deux acteurs-danseurs qui nous offrent une kyrielle de numéros tous plus plaisants les uns que les autres. La danse millimétrée autour du tramway ('Oops'), celle au milieu des tableaux ('A Bride's Wedding Day Song'), celle où Fred Astaire danse sur du sable jeté sur la scène ('I Wanna Be a Dancin' Man') et celle au cours de laquelle Vera-Ellen s'habille pour se faire passer pour une 'cocotte' ('Naughty but Nice') sont délicieuses (pour ne citer que les 4 plus marquantes car tout le reste mérite de retenir aussi l'attention). A l'image de cette idée d'une belle naïveté comme quoi quant on est amoureux, on s'envole, Charles Walters le prend au pied de la lettre et nous enchante tout du long avec une histoire tenant sur un bout de papier. Curieux de voir comment aussi bien le réalisateur que Charles Walters ont détesté ce film !
Haute société : High Society (1956) MGM
Nous tenons avec High Society l’une des plus charmantes comédies musicales de la MGM même si elle ne fait pas partie des plus inventives. Je prend d'ailleurs encore plus de plaisir à cette version musicale qu’à l’intouchable original qui n’est autre qu’Indiscrétions (The Philadelphia Story) de Georges Cukor. Il est assez ridicule de comparer les deux films, l’un étant une ‘Screwball Comedy’, l’autre un pur ‘musical’ ; mais l’intrigue (reposant sur la pièce de Philip Bany) étant quasiment identique, il peut-être compréhensible d’en parler, les détracteurs du film de Charles Walters ne se gênant pas pour enfoncer ce dernier pour la circonstance. Au contraire, High Society est une délicieuse comédie musicale champagnisée aux chansons de Cole Porter toutes aussi superbes les unes que les autres (une véritable mine de tubes que ce soient "Sensational", "Mind if I Make Love to You", "Who Wants to be a Millionaire", "True Love", "What a Swell Party This is", "Little One", "I Love You Samanta" ou "Now You Has Jazz"), aux dialogues pétillants, à l'interprétation parfaite et à la mise en scène aérienne. Grace Kelly, minaudant avec talent, y est plus charmante que jamais dans son dernier rôle et l’exquis duo Bing Crosby et Frank Sinatra n’a rien à envier à celui précédemment formé par James Stewart / Cary Grant. Après Good News, Easter Parade, Summer Stock et Lili, encore une comédie musicale qui cale Charles Walters bien au chaud et en bonne position parmi les plus sympathiques réalisateurs du genre.
Please don't Eat the Daisies (1960) MGM
Agréablement surpris par cette comédie de Charles Walters qui met assez intelligemment en avant le métier de critique d'art, la tentation de se laisser aller à l'ironie et se complaire dans le bon mot plutôt que de juger sincèrement une oeuvre (ici le théâtre) avec son coeur. A côté de ça, nous assistons à une comédie familiale plutôt drôle portée par un couple qui fonctionne parfaitement (David Niven et Doris Day), quatre enfants 'monstrueux' dont le petit dernier est gardé en cage pour qu'il ne casse pas tout dans la maison et un chien qui se jette dans les bras de ses maîtres à tout bout de champ, effrayé par tout ce qui bouge.
La Plus Belle Fille du Monde : Billy Rose's Jumbo (1962) MGM
Film peu connu et on se demande bien pourquoi car il possédait tous les éléments pour en faire le film familial par excellence, pouvant plaire à toutes les tranches d'âge et aussi spectaculaire par exemple, pour en rester dans les films évoquant la vie d'un cirque, que le classique de Cecil B. DeMille, Sous le plus grand chapiteau du monde. Que ceux qui se disent en lisant le titre ou en voyant l'affiche que Jumbo va être de toutes les scènes se rassurent ; il ne doit apparaitre en tout et pour tout qu'une dizaine de minutes. Sinon, il s'agit de l'adaptation d'un énorme succès des années 30 mélangeant déjà numéros de cirque, comédie et chansons, narrant les déboires d'un cirque dont le directeur dilapide toutes les recettes en allant jouer au craps et qui, ne pouvant ainsi plus payer ni ses fournisseurs, ni verser le salaire de ses artistes, voit ses derniers le quitter un par un pour aller se faire embaucher par la concurrence. Le spectacle original était écrit par non moins que le duo 'wilderien' Hecht/Mcarthur et le scénario de Sidney Sheldon n'a presqe pas à rougir devant ceux de ses illustres pairs, une mixture comédie/musique/romance/spectacle tout à fait gouteuse relevée par des acteurs tous plus sympathique les uns que les autres.
Le directeur offre à Jimmy Durante un rôle picaresque assez jubilatoire ; sa fille est interprétée par une Doris Day plutôt sobre et constamment convaincante. Stephen Boyd et Martha Raye complètent le revigorant quatuor. Niveau musical, ça vole assez haut : Doris Day est en superbe forme (inoubliables interprétations de "Little Girl Blue", "My romance" et "This Can't Be Love"), les sept chansons de Richard Rogers & Lorenz Hart sont de très grande qualité et somptueusement orchestrées par Conrad Salinger et la chorégraphie de Busby Berkeley (son dernier travail pour Hollywood) mémorable dans l'étonnant numéro de trapézistes "Over and Over Again". Les numéros de cirque sont tous de premier ordre et parmi les plus réussis que j'ai pu voir sur grand écran, qu'ils soient acrobatiques, clownesques ou animaliers (Jumbo lui même est talentueux). Et ce n'est pas fini car il faut aussi applaudir la photographie de William H. Daniels qui nous offre quelques plans nocturnes absolument magnifiques (je ne m'attendais pas à ça dans un film de ce style) et surtout, on ne le répètera jamais assez, une mise en scène pleinement accomplie d'un cinéaste qui n'en était pas à une réussite près : Charles Walters qui mérite sans problème de figurer aux côtés de Minnelli, Donen et Sidney au panthéon des plus grands de la comédie musicale américaine. Souvent inventive, toujours gracieuse et élégante, avec une caméra tour à tour caressante et virevoltante lors des séquences les plus spectaculaires, sa mise en scène est un délice de presque tous les instants. Car des fautes de gouts, il y en a plus d'une mais elles sont vite oubliées devant la qualité et l'ampleur et la générosité du spectacle qui se termine d'une façon plutôt original par un long numéro d'à peu près 15 minutes oscillant entre kitsch et modernité. Une très très belle réussite.