David Wark Griffith (1875-1948)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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allen john
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A ROMANCE OF HAPPY VALLEY, THE GIRL WHO STAYED AT HOME (1919)

Il est intéressant de voir qu’avec ces deux films consécutifs, griffith nous montre l’étendue de sa palette. Mais ils sont peut-être précieux d’abord par leur durée ; Griffith a beaucoup donné dans les grandes machines, et il est maintenant attiré par des films de plus petite taille. Cette période, qui le voit flirter avec les genres, en expérimentant de nouveaux, alternant les films très personnels avec des petites histoires destinées à faire bouillir la marmite, est l’une des plus intéressantes de sa carrière, et nous donnera aussi des films très importants, Broken blossoms en tête. Par ailleurs, on est en droit de se dire qu’il revient à l’esprit de ses années Biograph, se reposant sur une équipe soudée, et sortant film sur film.

A romance of happy valley repose largement sur le couple Harron/Gish, mais l’accent est mis sur l’homme cette fois ci. Ce sera le contraire avec True Heart Susie ; on peut donc imaginer que Griffith a fait ce deuxième film en réaction à une demande de sa star principale. Le jeune homme veut donc quitter son cocon familial dans le Kentucky (le berceau du réalisateur) pout tenter sa chance dans la grande ville corruptrice. On assiste à l’attente de sa petite fiancée durant huit ans, et au retour bizarre et qui vire au suspense gauche et inutile, du fils prodigue. Les scènes de l’exposition, qui voient Griffith reconstituer la petite vie d’une bourgade du Sud, sont attachantes, et le film est très mignon, mais pas à la hauteur de True Heart Susie.

Le deuxième de ces films de 1919, The girl who stayed home, nous montre Griffith expérimentant avec de nouveaux acteurs ; Carol Dempster, Richard Barthelmess, Clarine Seymour sont les principaux protagonistes, complétés par le vétéran Bobby Harron. L’histoire est du pur Griffith symboliste : un homme qui a fui l’issue de la guerre de sécession er a refusé de reconnaitre la victoire du Nord s’est réfugié en France ou il vit avec sa petite fille (Dempster). Celle-ci est très courtisée par des amis Américains, en particulier un beau jeune homme, dont elle visite occasionnellement la famille. Elle se fiance néanmoins selon le vœu du grand-père avec un noble français. A la déclaration de guerre celui-ci s’engage et sera parmi les premières victimes ; on assiste ensuite à l’engagement du grand frère Grey (Barthelmess), et aux hésitations comiques du jeune frère ;, un dandy joué par Bobby Harron. Celui-ci est amoureux d’une jeune vamp toute droit sortie des films de Cecil B. DeMille (auquel Griffith a piqué un « signe » : elle écoute en l’absence de son chéri un disque dont le titre nous apparait : When you‘re back). Finalement il s’engage et tous deux finiront des héros, alors que devant les dégâts causés par les Allemands et le comportement héroïque des Américains, le grand père confédéré se rend à l’évidence et fait la paix avec sa nation, il va désormais remplacer son drapeau sudiste par un beau « stars and stripes ». Oui, bon, en effet c’est ridicule. Mais le ton est si léger, les péripéties si bien menées, et le jeu de tous ces gens fait qu’on suit ce film avec énormément de plaisir. Il nous laisse moins voir la supposée vie intérieure codée de ses personnages, n’abuse pas de ses gros plans déconnectés de l’intrigue, et franchement Carol Dempster est tout à fait à sa place ici. Par surcroît, la rôle confié à Clarine Seymour, qui ressemble un peu à Bebe Daniels et dont la coiffure accentue cette ressemblance, est intéressant par le fait que cette-fois, la vamp est montrée sous un jour finalement positif : elle a le choix entre un homme riche et un homme qu’elle aime, et fait le bon choix. De même, le stéréotype des Allemands brutaux et cruels (représentés dans le film par Edward Pell) est contrebalancé par un soldat présenté comme un descendant de Kant : non seulement il est humain, mais en prime il sauve Carol Dempster du viol contractuel (Au passage, Griffith ne se prive pas pour la déshabiller au passage, ce qui confirme : elle n’est pas Lillian Gish. Il refera le coup dans America en 1924) avant de mourir. Il est marqué par un indice Griffithien d’humanité : il aime sa maman.

J’ai souligné ici et là les rapports de ce film avec les films contemporains de DeMille, mais s’il fallait choisir entre The little American et celui-ci, je pense qu’il serait judicieux de privilégier le film de DeMille avec Mary Pickford, qui est plus réussi, et pour tout dire beaucoup plus distrayant. Cela étant dit, ce film mineur ouvre un certain nombre de voies, par sa durée, son énergie et le fait que ses jeunes acteurs relèvent plus que bien le défi. On les reverra…
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THE IDOL DANCER, THE LOVE FLOWER (1920)

Tournés simultanément en Floride par un Griffith désireux sans doute de retrouver ses années Biograph, lorsqu’avec une équipe soudée il tournait un film par semaine, The idol dancer et The love flower font partie d’un pan totalement abandonné et oublié de l’histoire, tant de Griffith que de celle du cinéma. L’impression générale est qu’il n’ya au mieux rien à en dire, contrairement aux grandes épopées (Intolerance), et contrairement aussi aux grands mélos (Broken blossoms) ou aux petits films familiaux (True heart Susie). De fait, ce sont de purs petits films de genre, sans aucune autre ambition affichée. Sur Idol dancer, on ne va pas cacher longtemps que c’est un film totalement inintéressant, mais The love flower a ses mérites…

L’un des premiers points remarquables des deux films mis ensembles, c’est bien sur leurs actrices. Au moment ou Lillian Gish déclare de plus en plus farouchement son indépendance, Griffith a plus que jamais besoin d’une relève. Les rôles assignés aux deux heureuses élues, mais aussi la direction d’actrices, tout concorde à faire penser que Griffith a pour l’instant le souci de les formater. Si Clarine Seymour (The Idol Dancer) est traitée comme une Mae Marsh bis, Carol Dempster (The love flower) échappe de au fait de devoir être une Lillian Gish bis, réussissant à se différencier sur un point crucial : Elle est beaucoup plus active que la diva ne l’a jamais été dans les films de Griffith. L’autre gros point commun de ces petits films vite fait, c’est l’exotisme de pacotille. Les deux histoires font appel aux grosses ficelles, mais on va voir que le deuxième s’en tire de façon plus intéressante.

The idol dancer se passe dans une île. Le révérend Blythe est un missionnaire natif du New Hampshire, dont le neveu neveu Walter Kincaid quitte la Nouvelle Angleterre pour demeurer auprès de lui, espérant que le climat local va améliorer ses problèmes de santé. Il tombe amoureux de la jeune sauvageonne Mary mais celle-ci a des vues sur un vagabond, Dan McGuire, aux idées nihilistes bien arrêtées. Walter, quant à lui, est plutôt enclin au puritanisme et à la probité. Mais lorsqu’il tombe malade, Mary se rapproche de lui afin d’aider sa guérison, et elle se rapproche aussi du Christianisme.
Walter Kincaid, c’est Creighton Hale, dans le premier d’une série de rôles de nigauds cosmiques, le plus célèbre restant son « professeur » dans Way down east. Mais on le verra aussi chez Borzage (The circle), ou encore Paul Leni (The cat and the canary). Dan est interprété par Richard Barthelmess, l’un des rares points communs entre les deux films ; Sinon, la jeune Clarine Seymour interprète Mary, qui sera son unique rôle de premier plan avant son décès prématuré. On le voit à la lecture du synopsis, on est dans le délire vaguement Chrétien, même si cette tendance au prêchi-prêcha n’est qu’une façade : ce qui compte pour Griffith, c’est de permettre à Clarine Seymour de faire tourner les têtes en agitant son popotin, et éventuellement d’agiter pour sa part son habituel chiffon rouge raciste, en représentant d’abominables indigènes dont la bêtise et la cruauté, sans parler de leur sensualité bestiale, nous rappelle ce que vaut vraiment la tolérance façon Griffith… L’histoire est indigente, le final habituel en forme de maison assiégée totalement irritant (et traité par-dessus la jambe), et Clarine Seymour est nulle.

The Love flower, par contre, a bénéficié de plus de soins. Pour commencer, le scénario est intéressant, proche d’un thriller : on est ici chez un Griffith plus adulte, qui a des questions à poser à ses personnages, et le fait qu’ils soient peu nombreux sert bien son propos.
L’histoire tourne autour d’une famille, les Bevan : le père (George McQuarrie) a causé involontairement la mort de l’amant de sa femme, et prend la fuite avec sa fille (Carol Dempster) ; ils se réfugient dans une île des mers du sud, ou ils se tiennent à l’écart de toute trace des blancs. Jusqu’au jour ou Crane (Anders Randolph), un détective à la réputation infaillible, vient les chercher, aidé par un jeune homme, amoureux de la jeune femme, et qui n’avait pas conscience du malheur qu’il leur apportait (Richard Barthelmess).

Les plus étonnants ingrédients de ce petit film qui fait partir son intrigue d’un crime, c’est bien sur que techniquement, le père est bien un criminel, ce qui n’empêche pas Griffith de nous demander de prendre parti pour lui, ainsi que sa fille, d’ailleurs. Sinon, la façon dont la fille tente de sauver son père, ne reculant pas devant le sabotage, la violence, et même la tentative de meurtre sur la personne du détective, rend le film encore plus intéressant. Dempster le joue avec conviction, passion même, ce qui fait de son personnage un rôle beaucoup plus riche que bien d’autres héroïnes éthérées. Elle est plus charnelle, aussi ; on sait que Griffith avait de sérieux sentiments pour Miss Dempster, mais on sait aussi qu’il avait la tentation de l’effeuiller dans ses films. Ici, il la fait beaucoup nager en chemise… Barthelmess, qui aura beaucoup à faire pour sauver Lillian Gish d’un destin fatal plus tard dans l’année dans Way down east, est ici un assistant pour la jeune femme, la suivant dans ces décisions, approuvant même le désir de tuer le cas échéant. Un climat âpre, renforcé par l’isolement des personnages. A l’opposé de l’innocence et de l’état de nature des îles présentées dans Idol dancer, la présence de Crane, et son implacable sens de la justice aveugle, transforme le lieu en un petit enfer. On n’est finalement dans le sillage d’un film comme Victory de Maurice Tourneur (d'après Joseph Conrad), sur des prémices similaires, même si Griffith, novice dans ce genre de drame criminel, est beaucoup moins à l’aise. Cela ne l’empêche pas d’être enthousiaste, et son film culmine dans une série excitante d’actions violentes, avec siège, séquestration, tentative de meurtre, mensonge et dissimulation. Bref : Le bonheur du cinéphile, on l’a bien compris. Sinon, Griffith s’essaie bien naïvement à la cinématographie sous-marine afin d’accompagner les mouvements gracieux et aquatiques de la naïade Carol Dempster. Quant à celle-ci, décidément, il faut sans doute la réhabiliter.
allen john
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DREAM STREET (1920)

L’une des meilleures indications de ce qu’il faut penser de ce petit film curieux, c’est sans doute qu’alors que des livres entiers sont publiés sur les « grandes oeuvres » de Griffith, les seules rares mentions de ce film sont pour signaler qu’il a été exploité avec une tentative de sonorisation rudimentaire et parait-il (la copie examinée en étant dénuée) assez peu glorieuse. On en parle parfois aussi pour faire des comparaisons peu flatteuses avec l’autre, plus prestigieuse adaptation des romans de Thomas Burke, Broken blossoms. De fait, la comparaison tourne fatalement à l’avantage de ce dernier film, qui a beau tenter de forcer occasionnellement la main du spectateur (Construction linéaire, actrice trop vieille pour le rôle, maquillage incertain) mais ne parvient absolument pas à détourner son attention de l’intensité du drame. Or, ici, c’est le contraire: la richesse, la complication de l’intrigue, la multiplication des personnages, le ton parfois léger, tout mène malgré tout à l’ennui devant un film raté, vite fait mal fait, malgré des images parfois superbes. Les acteurs n’y croient que peu, et on, devine que comme d’habitude, le metteur en scène a tellement improvisé que le plupart des acteurs ne savaient pas exactement ou ils allaient… L’histoire est une vague intrigue romantique sur fond de pauvreté, parfois Dickensienne (l’histoire originale est située à Londres, et de nombreux éléments nous le confirment, mais l’héroïne, jouée par Carol Dempster est originaire du Sud, certainement pas le sud Londonien quand on connait Griffith.). Tout comme dans Broken blossoms, Griffith joue avec les préjugés raciaux, mais Carol Dempster, contrairement à Lillian Gish, ne laissera pas Swan Way, joué par Edward Pell (Evil Eye, déjà le méchant, dans Broken Blossoms), l’approcher, précipitant le drame. L’histoire est centrée autour de Carol Dempster, donc, la jeune fille à sauver, comme toujours assez énergique, et de deux frères, qui sont mêlés à des trafics louches, et qui sont de fait concurrents en amour. Sinon, comme toujours, famille en détresse, perte d’un parent (ici le père de Carol Dempster), trahison, sacrifice, rédemption… Griffith joue les mêmes cartes, et fait donc bouillir la marmite. Du moins il essaie : le film n’a pas marché, et coincé entre Way down east et Orphans of the storm, il a été oublié, tout simplement.
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Re: David Wark Griffith (1875-1948)

Message par garbitsch »

Bonjour, est-ce que par hasard l'un d'entre vous a regardé les 7 court-métrages diffusés le 15 août dernier au Cinéma de Minuit ? J'ai adoré la musique d'accompagnement, notamment sur The House with Closed Shutters, mais quel est le nom du compositeur ?
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Ann Harding
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Re: David Wark Griffith (1875-1948)

Message par Ann Harding »

La musique est d'un certain Rurik Sallé.
allen john
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Re: David Wark Griffith (1875-1948)

Message par allen john »

THE GREATEST QUESTION (1919)

Avant de partir pour la floride tourner deux "drames le cinéaste tentera d’opérer une synthèse de ses films avec The greatest question. Ce titre est éclairé par l’introduction verbeuse dans laquelle Griffith pose le problème de la vie éternelle, présentée comme la principale question de l’humanité. Cette thématique prétentieuse parcourt le film par le biais d’un personnage, celui d’une mère visitée par son fils décédé. Dernier des films de Griffith produits et sortis en 1919, The greatest question appartient pourtant sans aucune ambiguité au canon mélodramatique, mais louche aussi du coté des chroniques campagnardes du metteur en scène; du reste, Lillian Gish et Bobby Harron en sont une fois de plus les protagonistes, après A romance of happy valley et le splendide True heart Susie. Comme dans ces deux films l'enjeu est pour Lillian Gish et Bobby Harron de sortir de l'enfance en préservant au maximum leur cocon, mais en cette fin 1919, le spectre de la guerre d'une part, les réminiscences de Broken blossoms et de sa brutale noirceur font que la sauce est relevée d'une pointe de sadisme, et comme dans les meilleurs Griffith, Lillian Gish est, une fois de plus, menacée d'un traitement "pire que la mort"... La noirceur du film provient de l'une des scènes d'exposition, lorsque la petite Nellie assiste à un meurtre crapuleux... la campagne Américaine chère à Griffith ne sera plus la même...

Une jeune fille, traumatisée donc par meurtre, trouve refuge suite au décès de ses parents chez des braves agriculteurs pauvres mais bons. Leur fils cadet devient vite le compagnon de jeux, et plus encore; mais lorsque le fils ainé part pour le front Européen, la nécessité économique pousse Nellie à parti s’installer chez les méchants voisins, dont elle devient la bonne à tout faire, le souffre-douleur et l’objet des douteux désirs du chef de famille. Comme en plus le couple de quasi-Thénardiers est coupable du crime dont Nellie a été le témoin, on se doute qu’une fois de plus Griffith fait peser une menace importante sur ce monde rural qu’il aime tant peindre…

Bien que sérieusement mis en danger de sombrer dans le ridicule à cause de son thème philosophico-Chrétien, et en dépit des sales manies de Griffith qui confie à Tom Wilson le soin d’interpréter Zeke, le bon vieux noir superstitieux, c’est un film qui passe tout seul, grâce à sa construction sans temps mort, à la photo de Bitzer, et à sa troupe d’acteurs. A 80 minutes, le film est un spectacle complet, dans lequel Griffith se fait plaisir. Ce qui va le pousser à expérimenter plus avant dans le mélo avec ses films suivants…
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Re: David Wark Griffith (1875-1948)

Message par Ann Harding »

En relisant ce qui a déjà été écrit sur Birth of a Nation plus haut, je me rends compte que peu de gens ont pu voir le film dans de bonnes conditions.

Je viens de revoir The Birth of a Nation dans une très belle copie avec une superbe partition orchestrale et je dois dire que le film a certainement gagné dans mon estime du point de vue esthétique. Son propos raciste reste pour moi totalement inacceptable. Mais, je commence à comprendre pourquoi le film a eu une telle influence sur tant de metteurs en scène.

Il existe sur le marché une multitude de versions DVD toutes assez affreuses. J'avais découvert le film dans la version proposée par David Shepard qui est disponible aux USA chez Image Entertainment et Kino (qui est censée être la meilleure). Maintenant que j'ai vue la version restaurée par Photoplay Productions (qui n'est disponible qu'en VHS) je ne regarderais plus jamais mon DVD Image Entertainment. :mrgreen: L'image est considérablement plus nette avec de beaux contrastes et une finesse de grain superbe pour une VHS. Regardez plutôt ci-dessous :
ImageImage
(En haut: copie Photoplay-VHS; en bas: DVD Image Entertainment).

Et en plus, la version en DVD souffre d'un sérieux problème de recadrage qui rend certaines scènes incompréhensibles. Le cinéma muet était souvent cadré très serré. Petit exemple: Gus debout en haut des rochers voit Mae Marsh se jetter dans le vide. On le voit nettement les bras en l'air sur la copie plein cadre (Photoplay) alors que seules ses jambes sont visibles sur la copie IE (à gauche).
ImageImage

En regardant cette belle copie, j'ai enfin pu apprécier à plein le travail remarquable de Billy Bitzer qui utilise la lumière naturelle avec un talent fabuleux. Vous ne verrez rien de tel en regardant une copie miteuse BACH films ou même la version Kino et Image.
Mais, ce qui différencie encore plus cette version, c'est la partition orchestrale de John Lanchbery. Au lieu de reprendre in extenso la composition originale de Carl Joseph Breil, il a retravaillé la musique de A à Z. Il réutilise les mêmes thèmes tels que Dixie, L'ouverture du Feischütz de Weber ou La Chevauchée des Walkyries de Wagner, mais, en les réorchestrant totalement. Et la différence à la vision du film est vraiment incroyable. Au lieu d'entendre un petit orchestre étriqué qui annone une série de thèmes, vous avez la chaleur orchestrale de l'Orchestre de la Radio-Télévision Luxembourgeoise enregistré comme lors d'un concert. Chaque scène du film gagne en intensité et en émotion. J'ai redécouvert des petites choses qui m'avaient complètement échappé lors de la première vision du film. John Lanchbery a aussi écrit une superbe partition pour The Iron Horse de Ford. Les scènes finales avec la musique de Wagner que j'avais trouvées insupportable sur le DVD prennent là une ampleur que je n'aurais pas cru possible. Enfin, je ne peux que vous engager à découvrir le film avec cette VHS éditée en GB chez Connoisseur Video. (La VHS est épuisée, mais on en trouve d'occasion à un prix tout à fait correct: ici )
Image
feb
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Re: David Wark Griffith (1875-1948)

Message par feb »

:shock: Pour une simple VHS, il faut reconnaitre une qualité et un gain d'image non négligeable par rapport à l'édition DVD.
allen john
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Re: David Wark Griffith (1875-1948)

Message par allen john »

Ann Harding a écrit : The Birth of a Nation
la version restaurée par Photoplay Productions (qui n'est disponible qu'en VHS)
Les captures en disent long!
:shock:
En effet, le travail de Photoplay productions a été loué en son temps, et je me souviens être arrivé en Grande-Bretagne pour y vivre un certain temps, deux jours après la diffusion de cette version sur Channel 4: on m'e a beaucoup parlé. J'ai pu voir également la superbe édition Photoplay / Channel 4 de Intolerance, que k'avais fait enregistrer. la VHS que tu mentionnes est parue cette année-là, mais cela n'a pas été sans heurts: prévue pour le printemps, la cassette a finalement été éditée en été, suite à diverses protestations dont s'étaient fait l'écho la presse spécialisée (Sight & Sound, un peu, Movie collector, et surtout Première et Empire.)

Aux dernières nouvelles, le BFI va éditer la version Photoplay: dans quelles mesures cela se fera, à l'avenir de nous répondre... Mais tu as raison, pour un film de cette importance, et quelles que soient les réserves qu'on ait (je me suis, je pense, assez exprimé sur la question), il faut le voir dans des conditions optimales, si on doit le voir.
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Re: David Wark Griffith (1875-1948)

Message par allen john »

Home, sweet home (David Wark Griffith, 1914)

Les premiers longs métrages de Griffith, ceux qui suivent donc la période fascinante des courts métrages réalisés pour la Biograph et qui précèdent l'explosion de Birth of a nation, sont parmi les films les plus obscurs de Griffith. Au nombre de cinq (un pour la Biograph, quatre pour la Mutual, dont deux perdus: Battle of the sexes et The escape), ils représentent les efforts du metteur en scène pour maintenir en vie une troupe qui l'a suivi, et pour continuer à explorer la forme cinématographique. On l'a déja vu avec Judith of Bethulia, la forme longue qu'il a tant voulu explorer est quand même pour Griffith un sacré défi...

Le troisième long métrage de Griffith fait immanquablement penser à ses courts, pour deux raisons : le prétexte ‘littéraire’ est exactement le même que pour son Enoch Arden, ou Pippa passes, voire ses adaptations de Poe : il s’agit de sonder la culture populaire Américaine, en mettant en images des mots qui résonnent chez le citoyen Américain moyen, tout en s’amusant avec la forme cinématographique. Il ne faut sans doute pas prendre ce film, qui prend prétexte de la chanson de John Howard Paine, très au sérieux, tant son message parait anecdotique (On n’est jamais mieux que chez soi, et quand on s’en aperçoit, on arrête de faire n’importe quoi), mais il renvoie tellement aux années Biograph que c’est au moins un plaisir de voir tous ces acteurs défiler : passé un prologue (avec Henry B. Walthall, Lillian et Dorothy Gish, et Josephine Crowell) qui conte la vie et la mort de Paine, dont les pêchés auront la peau, on assiste à trois histoires dans lesquelles la chanson joue un rôle, toutes les trois sur un mode différent : comédie rustique avec Bobby Harron et Mae Marsh, drame avec James Kirkwood et Donald Crisp, et enfin comédie de mœurs avec Edward Dillon, Owen Moore et Blanche Sweet… Les histoires se suivent te se ressemblent peu, autorisant les recours à des expérimentations formelles, suspense, rupture de ton, jeux de point de vue… si la morale est d’une exaspérante platitude, si le film reste définitivement du Griffith Victorien, au moins on n’a pas le sentiment de perdre son temps…

http://allenjohn.over-blog.com/article- ... 84629.html
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Re: David Wark Griffith (1875-1948)

Message par Frances »

L’amour maternel – The mothering heart – D.W. Griffith – 1913.
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Ce court métrage s’inscrit à la fin de la période que Griffith consacre à ceux-ci (1908-1913). Il tentera ensuite de convaincre la Biograph de produire des films plus longs. Après avoir réalisé plusieurs moyens métrages d’environ une heure il tournera la première super production d’Hollywood « Naissance d’une nation » en 1915. The mothering heart se situe donc à une période charnière. Griffith nous offre ici quelques beaux exemples de sa maîtrise du montage parallèle.

The mothering heart s’ouvre sur une figure féminine (Lilian Gish) baignée dans la lumière du jour d’un jardin (figure renforcée comme en écho par celle de la mère qui traverse le champ). La jeune femme observe deux chiots qui s’amusent avec une boîte de conserve, libère la tête de l’un d’eux coincée dans la boîte puis les prend dans ses bras et les dorlote attendrie. Elle utilise ici déjà, des gestes maternels, de tendresse. Survient alors son fiancé qui réclame son attention et l’éloigne des chiots.
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On retrouve le couple dans son foyer, marié. Elle trime pour payer la maison, faisant fi de sa fatigue quand son époux rentre du travail. Le temps passe et le mari rencontre la prospérité. Il a envie de sortir, de se distraire, de s’étourdir. Il s’agace plus facilement, est contrarié de la tenue pas suffisamment convenable que porte sa femme. Alors qu’elle s’apprête à lui annoncer sa grossesse il l’entraîne dans un cabaret et se laisse séduire par une oisive qui minaude dans le dos de sa femme visiblement mal à l’aise dans cet environnement.
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Le mari s’échappe du foyer pour aller retrouver la femme oisive. Nous voyons alors en montage parallèle sa femme seule à la maison et le mari frivole qui s’amuse. Les images s’opposant et renforçant le signifiant de chacune. L’époux s’empare du long gant de l’oisive, objet métaphorique de son désir (puis preuve de son infidélité). Sa femme berce une dernière fois la brassière de son bébé à naître, fait ses valises et retourne chez sa mère.
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L’enfant est né. Le décor est dépouillé et sombre. Une fois encore en montage parallèle nous voyons les danseurs sur scènes qui s’étourdissent littéralement dans un tourbillon et la mère seule près du berceau de son enfant.

. La scène des danseurs annonce une répétition de la situation. Un homme s’attable à côté du mari volage et de sa maîtresse et entreprend de charmer cette dernière. Elle quitte alors le restaurant au bras de l’homme sans un regard pour son amant et sous l’œil amusé du portier, familier de ce genre de situation.
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Le mari blessé part chercher sa femme chez sa belle-mère. Là, il découvre et revendique sa paternité simultanément. Elle le chasse. L’enfant meurt. Elle sort alors dans le jardin frapper les fleurs de toutes ses forces révélant ainsi la douleur et la révolte qui l’envahissent. En rentrant elle trouve son mari penché sur le berceau, tente de le chasser à nouveau mais tombe dans ses bras quand elle voit qu’il tient la tétine de l’enfant dans la main.
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Griffith n’aborde pas un sujet d’une grande originalité mais travaille sur des oppositions pour mieux renforcer la portée de son propos. De quoi est-il question ? De l’instinct maternel, ciment indispensable du couple et dont Lilian Gish fait preuve dès les premiers plans. Elle incarne la mère… et ses gestes où elle berce un chiot, une brassière, la veste de son mari, son enfant sont là pour le rappeler. Alors qu’il progresse sur l’échelle sociale son époux va, en revanche s’égarer. Griffith interroge sur la corruption par l’argent, les meurs libertines, l’oisiveté. Cherche le vrai sens des valeurs. Propose à son héros la tentation. Suggère et condamne la superficialité d’un monde de surface qui détourne l’époux de ses responsabilités. Il oppose la figure de la femme oisive et tentatrice à celle de l’épouse travailleuse, dévouée et aimante.
Griffith nous dit que si la maternité est une évidence, la paternité est loin de l’être. C’est seulement en prenant conscience de celle-ci à la mort de son enfant que le mari regagnera le cœur de son épouse. Le héros devra suivre un chemin tortueux parsemé d’épreuves avant d’assumer pleinement sa paternité et accepter le deuil d’un premier enfant pour reconstruire son couple. Griffith nous expose une histoire fort moralisatrice. Selon lui point de salut en dehors de la structure familiale et afin de renforcer sa démonstration il filme la mort d’un nourrisson comme ultime châtiment. On ne badine pas avec la sacro-sainte famille !
"Il faut vouloir saisir plus qu'on ne peut étreindre." Robert Browning.
" - De mon temps, on pouvait cracher où on voulait. On n'avait pas encore inventé les microbes." Goupi
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Re: David Wark Griffith (1875-1948)

Message par bruce randylan »

Hearts of the world (1918)

A force de savoir que Griffith était un génie et un pionnier, on aurait presque tendance à oublier de vérifier pourquoi... La vision d'un film tel que celui-ci vient remettre les pendules à l'heure. Donc oui, Griffith était un génie et un novateur au talent éclatant et hearts of the world est presque toujours aussi moderne qu'à sa sortie.

Sa grammaire cinématographique impose toujours le respect par son sens du spectacle, sa capacité à jouer sur la temporalité, son ambition formel, ses visions gigantesque et un lyrisme exacerbé.

Le premier tiers débute sous le signe du calme et de la tendresse avec son histoire d'amour et de mariage, entre romantisme désuet, évocation du cadre fictionnel par les petits détails sans oublier les touches d'humour qui cachent des personnages pas si conventionnels que ça (notamment le deuxième personnage féminin, une femme libérée mais éconduit qui se rabat sur un autre homme en décidant d'en garder le meilleur).
L'arrivée de la guerre fait basculer le film dans l'anti-thèse total de cette introduction : à l'idéalisme chaleureux vient la folie destructrice et démesurée. Griffith ne fait pas dans la sobriété et conçoit des visions stupéfiantes et choquants à l'instar de ce plan fugace et glaçant du corps du père coupé en deux après la chute d'un obus :o

La suite est du pur Griffith qui était alors en pleine possession de ses moyens : grandes scènes de bataille, vastes décors, plusieurs actions en parallèles, dilatation de la narration et un montage qui n'en finit plus de s'accélérer. La deuxième moitié est pour ainsi un long climax ininterrompu qui possède plusieurs passages anthologiques. Ce qui est le plus impressionnant est qu'on sent la ferveur de Griffith dans chaque séquences, dans chaque plan, dans chaque raccord. Il y a une passion et un élan qui ne peut que créer un enthousiasme contagieux chez le public. On voit Griffith inventer presque en direct les bases d'une mises en scène contemporaine. Il essaye, il teste, il triture la matière, les mouvements, l'espace dans un maelstrom de bruit, de fureur et d'amour (forcément plus puissant que la menace quelle qu'elle soit). Il tient alors plus de l'alchimiste que du réalisateur... surtout comparé à ceux de l'époque. Il suffit par exemple de comparer les scènes de tranchées dans le reste de la production des mêmes années (et j'en ai vu plusieurs durant les 15 jours de ce cycle 14-18) avec celle de Griffith qui sentent la boue et le danger.
On oubliera pas de sitôt par exemple la longue et épuisante (pour les nerfs) séquence de suspense où les amoureux sont enfermées dans une pièce dans laquelle les allemands tentent de pénétrer par deux entrées opposées.

Alors pour ces moments de purs cinéma qui avançaient avec l'assurance et la confiance des grands sculpteurs transcendés par leur sujet, on oubliera (ou pardonnera) le contexte totalement invraisemblables qui ne se soucie par du réalisme et de la crédibilité. C'est peut-être ce qui en fait une oeuvre si vivante, si exaltante.

Merci donc Mr Griffith. :D

(PS : l'accompagnement de Iñar Sastre, élève de la classe d'improvisation au piano de Jean-François Zygel, était brouillonnant et épique. Peut-être un peu trop même puisque même les séquences intimistes ne connaissaient d’accalmie... Mais le tempérament de Sastre traduisait bien l'apocalypse et l'urgence du récit)
Dernière modification par bruce randylan le 14 nov. 16, 20:55, modifié 1 fois.
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Re: David Wark Griffith (1875-1948)

Message par Ann Harding »

allen john a écrit :
Ann Harding a écrit : The Birth of a Nation
la version restaurée par Photoplay Productions (qui n'est disponible qu'en VHS)
Les captures en disent long!
:shock:
En effet, le travail de Photoplay productions a été loué en son temps, et je me souviens être arrivé en Grande-Bretagne pour y vivre un certain temps, deux jours après la diffusion de cette version sur Channel 4: on m'e a beaucoup parlé. J'ai pu voir également la superbe édition Photoplay / Channel 4 de Intolerance, que k'avais fait enregistrer. la VHS que tu mentionnes est parue cette année-là, mais cela n'a pas été sans heurts: prévue pour le printemps, la cassette a finalement été éditée en été, suite à diverses protestations dont s'étaient fait l'écho la presse spécialisée (Sight & Sound, un peu, Movie collector, et surtout Première et Empire.)

Aux dernières nouvelles, le BFI va éditer la version Photoplay: dans quelles mesures cela se fera, à l'avenir de nous répondre... Mais tu as raison, pour un film de cette importance, et quelles que soient les réserves qu'on ait (je me suis, je pense, assez exprimé sur la question), il faut le voir dans des conditions optimales, si on doit le voir.
Ca a été plutôt long, mais la version Photoplay va enfin paraître le 28 septembre prochain au BFI en Blu-Ray.
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Rick Blaine
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Re: David Wark Griffith (1875-1948)

Message par Rick Blaine »

Donc si je comprends bien l'édition à prendre pour le découvrir.
Ca me permettra d'éviter de me faire du mal sur mon édition Bach (ou ciné club je ne sais plus)
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Marcus
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Re: David Wark Griffith (1875-1948)

Message par Marcus »

Différence de qualité notable avec la version Eureka / Masters of Cinema parue l'an passé ?
Elle était belle comme le jour, mais j'aimais les femmes belles comme la nuit.
Jean Eustache, La Maman et la Putain
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