David Wark Griffith (1875-1948)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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allen john
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Re: David Wark Griffith (1875-1948)

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A COUNTY CUPID (1911)

Ce court métrage d’une bobine, avec Blanche Sweet dans le rôle principal, est un film pastoral à suspense : autant dire une petite expérimentation typiquement Griffithienne. Dans un petit village rural Américain au début du vingtième siècle, la maitresse d’école est aimée de tous, depuis les enfants jusqu’à l’idiot du village. Après s’être disputée avec son petit ami, elle se fait agresser à la fin des cours par un paysan, qui veut sans doute apprendre à lire entre les lignes, mais elle est sauvée in extremis : grâce à un petit garçon amoureux de la maitresse, le petit ami a reçu un message de pardon qui l’a fait venir à l’école à temps, et lui a permis d’empêcher que la maitresse ne subisse un sort pire que la mort…

Voila : au-delà du suspense lié à l’inévitable et sacro-saint sauvetage de dernière minute, le film nous présente deux autres traits Griffithiens, sous un jour inédit : d’une part, le village rural dans lequel la maitresse n’a aucun mal à faire figure de prix Nobel, tant les paysans y sont frustes et arriérés, ce qui va à l’encontre des morales de Way down east ou True heart Susie, et ensuite le motif de l’amour central, unique moteur dramatique de la communauté telle qu’elle est présentée dans le film : on ne sait rien d’autre d’eux.

Au-delà, un film très distrayant, mais qui n’apporte pas grand-chose de nouveau. Si on le replace dans le contexte, grâce à l’inévitable filmographie établie par Patrick Brion, on remarquera que, tourné peu de temps après Enoch Arden et pas longtemps avant The last drop of water, le film est un petit exercice mineur dans l’œuvre de Griffith. Par contre, sa ressortie en complément de programme du DVD Bach films de Hearts of the world se justifie totalement…
allen john
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HEARTS OF THE WORLD (1918)

Ce film de guerre prend beaucoup de place dans l’univers Griffithien,et n’oublions pas qu’il se situe après Birth of a nation, terminé en novembre 1914 et montré en février 1915, et Intolerance, dont le tournage avait déjà débuté en février 1915, et qui ne sera présenté au terme d’un tournage plusieurs fois pharaonique qu’en septembre 1916 : d’une durée de 12 bobines, réalisé sur une période de plus d’un an, en Angleterre, en France et aux Etats-Unis, au terme d’un périple qui vit Griffith, embarqué avec Bitzer et les sœurs Gish accepter une mission du gouvernement Britannique, Hearts of the world est bien le digne successeur des deux grands films précités, mais il va marquer un point d’arrêt dans l’expansion Griffithienne : les films qui suivront seront tous plus modestes, et pratiquerons même le recyclage avec une telle ardeur qu’on ne peut que se dire que ce nouveau film énorme n’a pu qu’aller trop loin, et a probablement poussé Griffith à se modérer.

C’est donc dans le cadre de la promotion d’Intolerance que Griffith a emmené sa troupe en Grande-Bretagne. Intolerance, on le sait, se clôt sur un plaidoyer anti-guerre, et le metteur en scène, tout comme sa principale star, est un Républicain conservateur, donc volontiers pacifiste en ces temps incertains. La question de l’intervention des Etats-Unis dans le conflit mondial est pourtant dans l’air, et le cinéma de cette époque nous le rappelle, par le biais de Cecil B. DeMille, dont les films Joan the woman (1916) et The little American (1917) se prononcent plus ou moins ouvertement pour une entrée des Etats-Unis dans le conflit. Mais l’Amérique, en ce début 1917, est encore réticente (L’opinion publique, du moins, qui ne pardonne pas à Wilson, réélu sur une plateforme non-interventionniste, mais qui tente d’entraîner les Etats-Unis dans le conflit suite à l’affaire du Lusitania). Griffith aussi, mais sollicité par le gouvernement Britannique pour réaliser un film sur le conflit, il ne peut qu’être touché par cette croyance du gouvernement d’un pays aussi avancé culturellement dans le medium relativement nouveau qu’est le cinéma, et flatté qu’on fasse appel à lui, dans une période ou il a bien besoin de ce type de marque de confiance. Et de plus, il n'a jamais été un ennemi de la contradiction... L’idée était de faire le film sur place, en France, mais c’était impossible, et peu d’images y seront tournées, ou utilisées. L’équipe profitera beaucoup plus de la Grande-Bretagne, notamment de la collaboration de l’armée, et des populations locales qui figureront dans le film. Néanmoins, au départ, Griffith n’a pas de scénario, comme d’habitude…. Une fois l’expédition Européenne achevée, Griffith s’empressera de retourner de nombreuses scènes à Hollywood et de continuer à étendre son film pour lui donner une véritable forme : si on osait, eu égard aux conditions rocambolesques du tournage, on parlerait de Guerilla filmmaking, mais ce serait peu en phase avec le résultat final. A Hollywood, Griffith a pu se retrancher sur son studio, faisant appel à ses techniciens, mettant en scène des batailles sur les lieux qui lui étaient familiers, retrouvant son équipe d’acteurs, les sœurs Gish, bien sur, mais aussi Bobby Harron, Kate Bruce, Josephine Crowell, George Siegmann ou encore Erich Von Stroheim. Aucun de ces cinq acteurs n’a fait partie du voyage en Europe.

Il est malaisé de différencier ce qui est tourné en Europe (En France ou en Grande-Bretagne) de ce qui est tourné à Hollywood, au-delà de la participation de certains acteurs. Certains plans présentent des habitations typiquement Anglaises, d’autres ont été tournées avec Noel Coward (Des extérieurs) ; se fier au scénario n’arrangerait rien : le « scénario » reste lié au film une fois fini, comme souvent avec Griffith. Le tour de force, c’est qu’une véritable unité se dégage de l’ensemble : l’histoire concerne un village Français, pris au début du film en 1912 : tout y tourne autour de l’amour, et en particulier autour de Bobby Harron, un jeune écrivain Américain qui vit avec son père, un peintre. Sa jeune voisine, également Américaine, l’aime depuis toujours, et comme c’est Lillian Gish il l’aime aussi. Mais une jeune femme, plus ou moins Bohémienne, interprétée par Dorothy Gish, l’aime aussi, à tel point qu’un jour elle lui vole un baiser en pleine rue, sous les yeux terrifiés de sa petite amie. Celle-ci va pourtant réussir à détourner son ami des affections louches de la jeune rivale, et les jeunes gens fêtent bientôt leurs fiançailles. De guerre lasse, la rivale accepte les avances d’un autre homme. Lorsque la guerre arrive, les deux hommes partent : l’Américain s’engage sans hésiter, afin de rendre hommage à son pays d’adoption. Tout ce prologue (Environ un tiers du film quand même) se déroule dans une France tranquille et sans histoire, mais on peut voir de temps en temps un espion (Siegmann), qui répond au nom délicieusement évocateur de Von Strohm, et qui aura bien sur une fois la guerre déclarée et la province ou se déroule le film occupée, un rôle important…

On est, bien sur, en terrain connu. L’extrême lisibilité de l’ensemble ne peut nous cacher qu’une fois de plus, c’est la même histoire qui se joue, avec ses familles, ses villages, sa joie de vivre en péril, et ses batailles tournées avec clarté et lisibilité afin de ne jamais perdre le public. Mais cette-fois, Griffith joue sur de l’actualité, et si le voyage Européen est resté balisé, et sous la protection des armées alliées, il a vu. Cette présence réaliste de la mort vient très vite dans le film, lorsque le village est attaqué puis partiellement détruit avant d’être occupé, et parmi les morts, la mère de l’héroïne (Josephine Crowell) fait partie des premières victimes. Au gré d’explosions brutales, on verra ainsi un personnage coupé en deux, littéralement. De même, le montage extrêmement nerveux du film implique le spectateur de plus en plus au fur et à mesure du déroulement du film, dont la deuxième partie est nettement meilleure que la première, et la troisième reste totalement irrésistible. Au-delà de ce réalisme factuel, il faut bien dire qu’on reste dans une France d’opérette, et dans une guerre esquissée. Mais dans le déroulement du film, cette situation d’urgence (sans parler de l’étrange élasticité du temps, qui nous donne l’impression de voir se dérouler trois ans en trois jours) nous implique finalement facilement, tant le bon vieux système Griffithien fonctionne à plein régime, les Teutons veulent violer Lillian Gish et les soldats Américains se livrent à un sauvetage de dernière minute.

Les réserves que j’ai formulées sur la première partie sont pourtant émises avec bienveillance : on pourrait être plus critique encore devant le film : d’une part, le simplisme de la situation et la France quasi médiévale qui nous est présentée ont de quoi nous faire sourire. D’autre part, le sentiment anti-Allemand qui domine le film est un peu facile : ces gens-là n’ont pas beaucoup d’humanité… Oui, bon, ils en ont toutefois plus, beaucoup plus que les noirs tels que Griffith les voyait . Du reste, il y a plus d’anti-germanisme, et il est d’autant plus brutal que celui-ci, dans The Four horsemen of the Apocalypse (1921) de Ingram. Les Allemands de Shoulder Arms(1918) de Chaplin sont sans doute plus caricaturaux, comédie oblige, mais ils sont surtout moins intelligents encore. La critique largement répandue d’un film odieusement xénophobe ne tient pas tant la route que ça. Une autre légende, compréhensible quand on voit le nom du méchant, veut que celui-ci soit joué par Stroheim, que ce soit lui qui se livre au sacro-saint quasi viol de Lillian Gish. Une confusion sans doute, avec Hearts of humanity de Allen holubar, sorti l’année suivante, et qui montre notre Stroheim qui jette le bébé d’une jeune mère par la fenêtre avant de s’occuper de son, cas avec un air parfaitement tranquille. Stroheim joue ici les figurants, apparaissant à plusieurs reprises (Je l’ai vu trois fois en tout et pour tout), mais son principal rôle était d’être consultant militaire.

Hautement distrayant, Hearts of the world vaut mieux que sa réputation. Il est mensonger certes, mais moins que Birth of a nation. Retrouvant une narration linéaire, après le génial mais chaotique Intolerance, Griffith choisit de porter sa narration à hauteur humaine. Si certains acteurs en font des tonnes, Harron et Lillian Gish sont bons, et Bobby Harron est même excellent du début à la fin du film. Lillian est moins convancante, soumise au feu incessant de la direction d’acteur contradictoire de Griffith(Quand elle voit son amoureux embrasser sa rivale, la prempière réaction du personnage est de rire, avent de fondre en larmes... ça lasse.). Dorothy Gish en revanche est nulle. J’aime Dorothy, mais là ce n’est pas possible : elle parvient à être pire que Constance Talmadge dans Intolerance. La faute en incombe à Griffith qui n’a jamais compris qu’un femme jeune, insouciante, amoureuse ne doit pas nécessairement être agitée de soubresauts, de grimaces incompréhensibles et de mimiques illisibles : pour ma part, après le visionnage de 58 films du maître, je le dis haut et fort, Dorothy Gish hérite du titre de pire actrice dans un film de Griffith pour le rôle de la petite pertubatrice dans Hearts of the World

On parlait de contradiction, ce trait si typiquement Griffithein. Justement, le film a été mis en chantier en Europe par une équipe largement anti-belliciste au service de la propagande guerrière locale, et le tournage s’est terminé aux Etats-Unis, une fois que le pays s’est engagé dans le conflit à son tour. Les vedettes de Hollywood, Chaplin, Pickford et Fairbanks, vont encourager les Américains à s’unir sur le front, mais Griffith et sa troupe se contenteront de ce film. Le final, qui anticipe la victoire (le film a été présenté en mars 1918…), montre qu’une fois les Américains dans la course, l’issue favorable du conflit était inévitable. Un final quais prophétique, avec beaucoup de nationalisme triomphal en plus, qui clôt de façon pas inappropriée un film étonnant, qui voit Griffith faire pour une fois un film entièrement consacré à ce qu’on peut appeler de l’histoire contemporaine ; c’est déjà ce qu’il a fait dans le segment moderne d’Intolerance , mais ici, il se livre à une lmecture à grande échelle, d’un conflit qui devait résonner dans l’esprit de chacun des membres de son public, d’où un succès inévitable : Griffith allait bientôt manquer d’une telle adhésion…

Pour conclure, on se contentera de mentionner que si ce film en lui-même vaut bien l’enthousiasme que lui témoigne Patrick Brion dans l’introduction menée par notre historien du service public sur le DVD Bach films qui vient de sortir, on se réservera de faire la fine bouche devant une copie certes complète du film, mais transférée depuis une vieille VHS( ?) avec un grille-pain rouillé et passée à 25 images par secondes (et qui du fait dure 117 minutes), mais surtout affublée de grotesques intertitres qui accumulent les erreurs de traduction: la jeune fille (The little disturber) jouée par la caféinomane Dorothy Gish devient donc «le petit pertubateur». Le traducteur n’a pas prêté attention au film, ou pire, a utilisé Internet pour faire sa traduction, et ça, c’est mal. :evil:
Dominique
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Re: David Wark Griffith (1875-1948)

Message par Dominique »

Merci pour ce joli texte ... j'adore Griffith ... et je me pose la question suivante ... y'a-t-il un dvd de bonne qualité ? Je pense bien sûr à Broken Blossoms (Le Lys brisé) mais aussi à True Heart Susie (Le Pauvre amour) ou d'autres car je les aime tous ... de qualité suffisante pour passer sur très grand écran ... merci.
allen john
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Re: David Wark Griffith (1875-1948)

Message par allen john »

Les « forces de l’amour » ou quand le simplisme dramatique mène à la complication langagière

Hearts of the world est un titre tellement Griffithien qu’il va nous permettre de revenir sur une des caractéristiques les plus typiques du metteur en scène : son goût pour l’hyperbole, l’emphase, la figure de rhétorique survitaminée. Les deux orphelines de la pièce ne deviennent-elles pas « les orphelines de la tempête » ? Le voyou d’Intolerance ne s’appelle-t il pas Le mousquetaire des rues? Les orphelines de la tempête, le mousquetaire des rues, la princesse bien-aimée, la petite chérie… c’est plus absolu, plus romantique, plus griffithien donc. Plus ridicule, oui, aussi, mais c’est comme ça. Alors, qui sont les Cœurs du monde ?

Dans ce film, donc, Griffith dépeint une France simplifiée, présentée par le filtre de deux familles, séparées par un mur. Aucune rivalité entre elles, d’autant qu’elles sont Américaines, du moins vaguement, et par le biais de sous-titres uniquement, ce qui trahit un possible ajustage de dernière minute pour cadrer à la nouvelle situation Américaine, désormais interventionniste et intervenante. Si la rivalité n’est pas le ressort dramatique, ici, c’est donc d’amour qu’il s’agit. Et entre Bobby Harron et Lillian Gish, tout va bien, si ce n’est la menace d’une rivale, et un mur dressé entre leurs deux maisons. Ce mur, par ailleurs franchissable, a deux cousines dans l’œuvre, plus précisément dans Intolerance. Lorsque Bobby Harron et Mae Marsh se querellent autour d’une porte qui symbolise l’hymen de la jeune fille : Harron veut entrer, elle ne le souhaite pas, ils vont en conclure qu’il vaut mieux se marier. De même, la jeune princesse dans l’épisode Babylonien dit elle le jour de ses noces par le biais d’un Intertitre, «demain ces portes vont s’ouvrir ». Le lendemain les portes vont en effet s’ouvrir, pour laisser entrer les armées de Cyrus… On est donc une fois de plus en plein symbolisme, avec la mobilisation générale prononcée le jour des fiançailles, et la bataille décisive qui se joue au jour initialement programmé pour le mariage. C’ets d’ailleurs en cherchant son amoureux à l’issue de cette bataille que Lillian Gish le trouve, étendu par terre, entre la vie et la mort : stoïquement, résignée, elle se couche à ses cotés, pour ce qui est de son point de vue une nit de noce. Plus tard, au plus fort des escarmouches de la fin du film, les deux amants se réfugieront derrière le même mur que celui du début, au terme d’un chassée croisé incessant qui les voit passer, toujours seuls, d’un coté et de l’autre d’une porte qui finit toujours par se fermer entre eux, obstacle incessant à leur amour, aidé par les agissements maléfiques des soldats Allemands. La guerre ? Une affaire de cœur, un obstacle au bonheur de deux amants, rien de plus. Voila comment on escamote la situation géopolitique compliquée qui en temps normal aboutit à un conflit…

Par ailleurs, les «cœurs du monde», pourrait-on croire, ce sont les cœurs des gens du monde, qui se déchirent dans une guerre fratricide… eh bien non. A en croire le film, les cœurs du monde, les « forces de l’amour » pour reprendre la terminologie de Griffith, ce sont les forces du bien, et donc les alliés. Ou plutôt nos deux tourtereaux et leur entourage, tous pris en otage par les forces du mal : les boches!

On aura compris pourquoi finalement ce film, quand même, écoeure du monde.
:mrgreen:
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Re: David Wark Griffith (1875-1948)

Message par allen john »

JUDITH OF BETHULIA (1913)

Le long métrage, pour Griffith, c'est l'aboutissement de ses années de formation à la Biograph. On l'a vu il y a un certain temps, j'avais souligné la volonté farouche du metteur en scène de se livrer à une expansion de son art, en ajoutant une bobine dès Enoch arden, puis vers la fin de la période, à rendre systématiquement des films à ses commanditaires qui prennent tout l'étendue des deux bobines. L'étape suivante, chez lui, c'est Judith de Béthulie. Comme avec d'autres films de Griffith, on est face à un écueil, quand même: le but poursuivi a dépasseé en intérêt l'exécution, et ce petit film de 5 bobines (dans la version visionnée) est une oeuvre biblique lourde et répétitive. Il saura être plus constructif, y compris dans l'abominable Birth of a nation.

Avec Blanche Sweet, sa plus importante égérie aux cotés de Mary pickford à la Biograph, il a été inspiré (Sans doute pour amadouer les spectateurs et les décideurs de l'Est, plutoôt portés sur la religion) par l'anecdote de Judith se sacrifiant pour sauver Béthulie assiégée, et se donant à Holofernes pour mieux le tuer. Le principal mérite de ce film aujourd'hui, au-delà de son rôle de point de départ d'une nouvelle étape de sa carrière, est de voir Griffith tenter l'aventure d'un érotisme plus explicite, après des années à jouer avec les symboles (L'assaut d'une maison pour le viol, par exemple): ici, il y a du sexe, mais avec quelle gaucherie! Holofernes (Walthall, qui a du être mobilisé pendant très peu de temps pour jouer son rôle: il ne bouge pas de sa tente!) ne se lasse tellement pas de ses danseuse, qu'on voit la même séquence de danse lascive (Et ridicule) quatre fois durant le film! Et Judith se voit obligée de mettre une robe aguichante (Rien de très grave, toutefois) afin de rejoindre le camp du conquérant... Bon, ce n'est pas une réussite, mais on y voit en germe les incroyables images de mélange entre religion antique et prostitution (Intolerance), ou encore tant de danses censées suggérer plus au spectateur (America). Les futures stratégies de contournement de la censure dont Griffith sera vite un spécialiste, concurrencé dangereusement par Cecil B. DeMille, se mettent un peu en place avec ce film. C'est déja ça...

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Après un intolérance qui ne m’avait guère convaincu lors de sa découverte (je le reverrais prochainement), le fameux birth of a nation est ma seconde incursion dans la filmo de D.W. Griffith. Et franchement, je crois que je ne m’y replongerais guère. A mon goût, le film ne dépasse pas son statut d’œuvre sémantique. Premier blockbuster de l’histoire du cinéma, il est donc amusant de retrouver tout ce qui devenu récurrent dans la super-production hollywoodienne : le sujet hyper-fédérateur résumé dans le titre, pleins de personnages qui satisferont chaque tranche du public, un étalage de gros moyen pour rendre justice à la réalité des évènements, un propos moral qui touchera aisément l’audience... mais au-delà de l’intérêt historique, je me suis bien fait chier globalement. Je ne m’appesantirais pas sur la portée raciste de l’objet qu’un intertitre tente vainement de désamorcer. Ce racisme est inhérent à l’époque et comme tout blockbuster qui se respecte, le film donne au public ce qu’il a envi de voir. Non, ce qui me gène surtout c’est que tout ceci soit terriblement laborieux aussi bien en terme d’écriture que de réalisation. Ah, on a félicité Griffith pour son emploi du travelling, des montages parallèles et autres. Mais c’est oublié qu’entre l’utilisation de ces effets, sa mise en scène reste sévèrement guindée et diablement théâtral. Certes il y a d’excellents moments qui surnagent (tout particulièrement la reconstitution de l’assassinat de Lincoln) mais sur une longueur de 3 heures, je trouve ça maigre surtout par rapport à une narration très peu captivante (la première heure a notamment été un supplice pour moi à ce niveau là). Je m’attendais à une œuvre prétendument flamboyante et exultant de sentiments, je me suis pris une nuée de poussière dans la gueule.
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Re: David Wark Griffith (1875-1948)

Message par nobody smith »

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Révision et si je suis plus convaincu sur certains aspects du film, je n’arrive toujours pas à m’enthousiasmer pour le projet. À sa découverte, intolérance m’avait déçu par le ton adopté. Outre le choix en apparence facile de compiler plusieurs histoires en un seul long-métrage, j’avais été rapidement épuisé par la démonstration qui, en dépit de certaines qualités d’écriture, s’apparaisait poussive avec ses intertitres s’exclamant de manière indigné à quel point l’intolérance c’est caca. Un point de vu un peu exagéré, j’en conviens aujourd’hui. Après la découverte de naissance d’une nation, je relativise un peu tout cela. Le fait de raconter quatre histoires en même temps donne au contraire une dynamique narrative plutôt bienvenue au film et qui est exploité assez habilement par le script. La démonstration si elle est parfois hypocrite (il demeure un certain racisme latent) est assez convaincante et bien aidé par une illustration opulente. Griffith se montre en effet plus inspiré que sur naissance d’une nation par rapport à la gestion de sa production même si il se laisse toujours dévoré par l’ampleur du projet. Les 2 heures et demie sont ainsi franchement longue et certains passages sont interminables (désolé mais les acteurs qui lèvent les bras dans tous les sens, ça finit par me gaver). Toujours aussi mitigé en somme sur le cas Griffith.
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Re: David Wark Griffith (1875-1948)

Message par nobody smith »

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Dernier film du coffret que je m’étais procuré sur cdiscount que j’avais hâte de ranger au fond de ma dvdthèque. Et ben finalement, c’est rudement bien. à travers l’orage est une oeuvre bien moins ambitieuse que les deux mastodontes sacralisés mais c’est ce qui lui donne tout son charme. D.W. Griffith signe un humble mélodrame de facture classique, “a simple story of plain people” comme le note le sous-titre. Il ne s’investit pas moins dans un travail de qualité. Le court documentaire du DVD sur sa relation avec l’actrice Lillian Gish revient sur la jeunesse de cette dernière. Cette légère évocation biographique trouve d’étranges similarités avec l’histoire (la femme abandonnée, le doute par rapport au mariage) et on peut se demander si Griffith n’a pas conçu ce film comme un cadeau à Gish. Beau cadeau tant le film (épinglant la bourgeoisie et le rigorisme religiueux) se montre brillament orchestré dans tous les sens du terme. Et la séquence finale sur la rivière en dégel est absolument incroyable. Seul anicroche au tableau : le DVD que j’ai propose une version de 100 minutes alors qu’imdb note une durée de 2H25. Forcément frustrant. Bon cela dit, ça a suffit pour me faire revenir sur ma décision de laisser tomber le cas Griffith.
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Je n'ai vu que les deux Orphelines, mais j'ai adoré. :wink:
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Re: David Wark Griffith (1875-1948)

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nobody smith a écrit :Image
Ah, on a félicité Griffith pour son emploi du travelling, des montages parallèles et autres. Mais c’est oublié qu’entre l’utilisation de ces effets, sa mise en scène reste sévèrement guindée et diablement théâtral.
effectivement c'est assez pénible a suivre ...
la qualité plus que médiocre du master (existe il une version restaurée ??) n'aide pas non plus!
allen john a écrit :
Tancrède a écrit :que valent les DVD Bach films ? est-ce potable ?
notamment True heart susie ?
Je n'en ai aucun, mais d'une part les DVD Bach films sortent toujours après la mise à disposition (Par Kino, Image ou Milestone notamment) de DVD d'assez bonne qualité de ces films, donc il ya peut-être une sorte de piratage semble-t-il relativement légal puisque les films sont dans le domaine public. Mais ils sont également tripatouillés, avec l'ajout d'intertitres Français neutres et sans âme. D'autre part, s'il s'agit seulement de voir les films, ils le permettent. C'est déja ça.
justement a ce propos, un film qui est dans le domaine public peut il être diffusé sans restriction par n'importe quel éditeur?
Et si oui; il peut le faire partir de quel master? Un master original, un master restauré par un autre?

Le fait de restaurer un film sur le point de tomber dans le domaine public (ou qui est déjà tombé), çela proroge-t-il la durée initiale (qui est de 70 ans après la mort de l'auteur en France sauf erreur)
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Re: David Wark Griffith (1875-1948)

Message par Nomorereasons »

nobody smith a écrit :Image

Après un intolérance qui ne m’avait guère convaincu lors de sa découverte (je le reverrais prochainement), le fameux birth of a nation est ma seconde incursion dans la filmo de D.W. Griffith. Et franchement, je crois que je ne m’y replongerais guère. A mon goût, le film ne dépasse pas son statut d’œuvre sémantique. Premier blockbuster de l’histoire du cinéma, il est donc amusant de retrouver tout ce qui devenu récurrent dans la super-production hollywoodienne : le sujet hyper-fédérateur résumé dans le titre, pleins de personnages qui satisferont chaque tranche du public, un étalage de gros moyen pour rendre justice à la réalité des évènements, un propos moral qui touchera aisément l’audience... mais au-delà de l’intérêt historique, je me suis bien fait chier globalement. Je ne m’appesantirais pas sur la portée raciste de l’objet qu’un intertitre tente vainement de désamorcer. Ce racisme est inhérent à l’époque et comme tout blockbuster qui se respecte, le film donne au public ce qu’il a envi de voir. Non, ce qui me gène surtout c’est que tout ceci soit terriblement laborieux aussi bien en terme d’écriture que de réalisation. Ah, on a félicité Griffith pour son emploi du travelling, des montages parallèles et autres. Mais c’est oublié qu’entre l’utilisation de ces effets, sa mise en scène reste sévèrement guindée et diablement théâtral. Certes il y a d’excellents moments qui surnagent (tout particulièrement la reconstitution de l’assassinat de Lincoln) mais sur une longueur de 3 heures, je trouve ça maigre surtout par rapport à une narration très peu captivante (la première heure a notamment été un supplice pour moi à ce niveau là). Je m’attendais à une œuvre prétendument flamboyante et exultant de sentiments, je me suis pris une nuée de poussière dans la gueule.
Je contrebalance cet avis, j'ai bien aimé ce film et y ai vu plus de cinéma vivant que de théâtralité. En apportant une petite précision: je venais de le voir juste après un documentaire sur les frères Lumière, en fait un entretien entre Rohmer, Langlois et Renoir (disponible en bonus du dvd "Le signe du Lion") entrecoupé de "La sortie des usines Lumière", "L'arroseur arrosé", "L'arrivée du train", etc. Ce documentaire étant la plus belle introduction au cinéma des origines dont on puisse rêver, j'ai donc pu ainsi apprécier d'autant mieux les innovations apportées par "Naissance d'une nation".
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Re: David Wark Griffith (1875-1948)

Message par allen john »

Bach films, on le sait, n'a pas la cote auprès de nos forumeurs, souvent avec raison. J'ai acheté les six nouveaux volumes de la collection Griffith, et je vais donc pouvoir revenir sur 6 longs et 12 courts métrages, mais ne discuterai ni de Bach films, de la qualité des copies, généralement assez médiocre. Mon but est uniquement de revenir sur l'oeuvre, et souvent, de la découvrir aussi.

1908: Romance of a Jewess, MOney mad, Song of the shirt

Tous ces films sont sortis et ont été confectionnés la même année que le prmier film de Griffith, The adventures of Dollie. S'il serait bien sur inutile d'attendre une mise enscène "moderne" des uns et des autres, deux au moins sont remarquables pour un certains nombre de raisons, en particulier par ce qu'ils annoncent.
Passons rapidement sur The song of the shirt, mélo ultra-classique dans lequel une jeune femme s'efforce de travailler plus afin de sauver sa soeur mourante. des plans de joyeuses fêtes organisées par la bourgeoisie, utilisés afin de contraster avec la pauvreté Dickensienne du drame principal, constituent malgré tout un avant-goût de A corner in wheat, réalisé l'année suivante, et présenté plus haut. Si la façon est encore gauche, on est déjà dans les thèmes Griffithiens.

Money mad est le moins traditionnel des trois films: le résumé donné par Patrick Brion dans sa filmographie comentée en dit long en peu de mots ("Le vol d'un sac entraîne une succession de morts violentes"). En effet, il y des morts, et ça va vite. L'inspiration est plutôt du coté du grand guignol, et le feu qui termine le film donne un aperçu de la dimension morale forcément partagée par le puritain GRiffith, qui voue finalement l'argent et ceux qui y succombent aux flammes infernales. le film est surtout remarquables par son ton et sa violene, qu'on attendrait plus facilement d'un film Italien, que d'un griffith, même si celui-ci saura occasionnellement avoir recours à des images choc, y compris dans ses classiques: il y a notamment une décapitation truquée dans Intolerance.... ce film possède ausi un avant-gout de belles choses à venir, puisqu'il nous propose un brouillon d'une scène de suspense qui sera l'un des clous de The musketeers of Pig alley, quatre ans plus tard.

L'héroïne du troisième est une jeune femme Juive dont la mère décède au début du film. Elle travaille désormais avec son père dans la boutique familiale. Le père souihaite organiser un mariage traditionnel, mais la jeune femme tombe amoureuse d'un homme qui n'est pas juif, et se marie avec lui. Le père refuse de les fréquenter, et la petite famille vit heureuse, et prospère dans leur librairie jusqu'au jour ou le jeune homme meurt; contrainte de vendre sa librairie, la jeune femme tombe malade, et sa fille va trouver son grand père dans le but de réconcilier père et fille avant a mort de cette dernière...
Romance of a Jewess étonne pour trois raisons: d'une part, bien que Griffith sort peu du studio, et utilise encore des décors approximatifs et des toiles peintes, ce mélodrame situé dans deux lieux principalement (Boutique et librairie) a en fait été tourné exactement sur le même dcor enstudio, mais agencé différemment, sous un autre angle de prise de vue: voilà comment on économisait intelligemment, sans que ça se voie trop.

Le deuxième point remarquable tient dans les ruptures de ton; un intermède très sennettien (Sennett est d'ailleurs l'un des acteurs qui y participent, et était à l'époque le conseiller ès-comédie de Griffith) occupe le deuxième plan, qui finit quand même avec souplesse dans le mélodrame. Voilà clairement un rappel du coté touche-à-tout de ces films Biograph, tournés par une équipe versatile et rompue pour l'instant à tous les styles de films. Griffith mettra cependant vite un frein à ce mélange, en prenant les drames et les histoires plus subtiles en charge, laissant la comédie à Mack Sennett.

Enfin, dans ce film plutôt délicat dans son traitement "ethnique", le titre ne trouvant aucun écho dans le déroulement de l'action, on notera une série de plans assez naturalistes qui non seulement tranchent sur le coté factice des décors cités plus haut, mais constituent aussi un avant-goût de plans similaires des rues populeuses de New York dans The musketeers of PIg Alley en 1912. Ces plans pourtant tournés en studio sont remarquables par le naturel qui se dégage de l'ammoncellement de figurants..
Donc si le cinéma de Griffith balbutie encore en 1908, la construction d'une oeivre solide et fascinante a vraiment déjà commencé.
M le maudit
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Re: David Wark Griffith (1875-1948)

Message par M le maudit »

Ouf, D.W. Griffith!

Un visionnage de Birth of a Nation m'a complètement rebuté de son oeuvre. Peut-être "Broken Blossoms", un jour...
allen john
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Re: David Wark Griffith (1875-1948)

Message par allen john »

1909

8 films donc viennent s’ajouter à l’ensemble de courts métrages que j’avais répertoriés l’an dernier. Comme avec ceux de 1908, on est face à des films qui portent en germe le futur de Griffith, à court ou long terme. On notera la présence de films antialcooliques, une constante de ces premières années, qui disparaitra avant de revenir à la fin de sa carrière (The struggle, 1931) : on ne reviendra pas sur l’ironie de la situation, on sait que Griffith est mort alcoolique, par désoeuvrement principalement. What drink did et The drunkard’s reformation sont un peu les deux faces d’une même médaille : dans le premier, Un homme alcoolique entraine involontairement la mort de sa fille. Bien que convenu et académique, on ressent l’effort effectué sur la reconstitution d’intérieurs en studios. C’est donc le versant noir de l’anti-alcoolisme. Par contre, The drunkard’s reformation, lui, montre une échappatoire, par le biais d’une citation intéressante : un homme brutal par son alcoolisme terrorise sa femme et sa fille. Il amène celle-ci voir une pièce adaptée de l’assommoir de Zola, et est bouleversé, décidant d’arrêter de boire sur le champ. On notera dans les deux cas la catharsis apportée par la petite fille. Déjà, la femme-enfant a un rôle crucial, à l’opposé de l’épouse, ici passive.

Avec Resurrection, Cricket on the hearth et The golden Louis, Griffith se laisse aller à ses penchants pour un Art majuscule. Si The golden Louis est basé sur un scénario original, il se rattache au penchant de Griffith pour un cinéma noble, on sait sa fascination pour les films en costumes Européens. Ici, il fait encore mourir une petite fille sur l’autel du mélo qui tâche, c’est une manie ! Les deux autres films sont adaptés d’œuvre importantes, respectivement Tolstoi et Dickens, excusez du peu. Resurrection n’est prestigieux que par ses intentions, hélas, et Cricket est un peu confus à force de précipitation: il faut tout caser dans une bobine !

Les trois derniers films sont des mélos purs, et comme il fallait s’y attendre, les plus intéressants du lot, Griffith s’impliquant vraiment, à commencer par son penchant pour le suspense final: At the altar, avec le fiancé jaloux qui menace de tuer la femme qui lui en a préféré un autre le jour de ses noces, est un exemple intéressant, complété par des scènes de quasi-comédie. Fools of fate, de son coté, joue sur les situations extrêmes (pour 1909, ce n’est pas Sàlo !!) avec deux hommes qui se rencontrent dans des circonstances dangereuses, et l’un des deux qui ensuite va rencontrer l’épouse de l’autre. Un peu confus, mais un exemple de la façon dont Griffith souhaitait faire évoluer le genre-roi de ses courts métrages. A trap for Santa, enfin, est un film ultra-classique, dans lequel Griffith confronte sa vision traditionnelle de la famille à la force spirituelle de la nuit de Noël : on peut le rattacher aux deux premiers, puisque l’homme de la maison, désoeuvré, est un alcoolique, qui finit par abandonner sa famille. A ce moment, l’épouse hérite, et va s’installer avec ses deux enfants dans une belle maison. Le soir de Noël ;, les deux bambins ont tendu un piège au père Noël, mais ne savent pas qu’ils vont en fait attraper un vagabond poussé par la faim… leur propre père, qui est fort surpris de se trouver face à sa famille… Ca parait ne pas pouvoir tenir debout ? Et pourtant, ça marche !!
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Re: David Wark Griffith (1875-1948)

Message par allen john »

JUDITH OF BETHULIA (1913)

Vu sur Youtube cet hiver, le film m’est apparu anecdotique. C’est à porter au crédit de Bach films de nous permettre de nous faire une bien meilleure idée du premier long métrage de David Wark Griffith…

Judith (Blanche Sweet), de la ville assiégée de Béthulie, se sacrifie en séduisant Holopherne (Henry B. Walthall), le prince commandant l’armée menaçante qui prive sa ville de liberté. Elle cherche à le tuer, mais tombe amoureuse de lui et hésite désormais à faire ce pourquoi elle est venue. Parallèlement, on assiste aux efforts de Nathan (Bobby Harron) pour récupérer sa bien aimée (Mae Marsh), prisonnière des armées d’Holopherne. Les deux histoires sont plus ou moins liées par l’exposition, mais on sent bien le désir d’expansion, qui a poussé Griffith à aller au-delà de l’anecdote de Judith : son but est clairement d’aller au-delà de ses deux bobines habituelles. Il a décidé de montrer à la BIograph de quel bois il se chauffe. Il est permis de se demander dans quelle mesure le réalisateur avait vraiment envie de raconter cette histoire… Avec des films comme Enoch Arden, The battle of Elderbush Gulch, il a été motivé sans doute par la possibilité d’extension contenue dans le scenario, et c’est précisément l’un des ingrédients qui l’ont motive dans cette histoire biblique, mais pas le seul… après tout, il y a aussi l’influence maintes fois proclamée par Griffith des films d’art français et des films Italiens, dont le décorum proche du péplum se sent dans ce film. Néanmoins, on est ici au-delà de l’anecdotique démonstration de force des bateleurs-cinématographes d’Italie, et du coté m’as-tu-vu des films Français. Même ampoulée et maladroite, l’histoire est malgré tout centrée sur un personnage et son dilemme, qui parle d’amour, mais aussi de désir. A ce sujet, les efforts de Griffith pour aborder l’érotisme, le grand absent de ses courts métrages Biograph, sont touchants. On sait que les Italiens, les allemands, les Danois et même les Français ne se privaient pas, mais ici, il dépêche à plusieurs reprises des danseuses qui ne sont pas que lascives : elles sont aussi ridicules. Par contre, Blanche Sweet a plusieurs robes un peu suggestives, et nous fait comprendre que son attirance pour Holopherne n’est pas que spirituelle. Un autre point sur lequel il expérimente, c’est le domaine de la violence, et c’est là que se situe le plus intéressant effort de mise en scène : la décapitation d’Holopherne, traitée de main de maître ; mais il me semble qu’il demande directement au spectateur ceci : vous croyez que je vais vous le montrer ? Il utilise pourtant une ellipse splendide, et a une autre idée, dans la même séquence : afin de se donner du courage, Judith se représente ses amis morts, tous par la faute de l’homme qu’elle aime. Elle va pouvoir accomplir son acte, et rentrer, la tête haute et le cœur brisé. C’est dire si le film prend de la hauteur. Néanmoins, le sujet parait forcé, clairement, Griffith, comme avec The battle of Elderbush Gulch, ses cherche, et il est probable qu’il ne se trouvera qu’avec son Birth of a nation de sinistre mémoire. Hélas.
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