Marco Ferreri (1928-1997)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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frarom
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Re: Marco Ferreri (1928-1997)

Message par frarom »

Bonjour à tous,
j'adore Ferreri, un des réalisateurs les plus libres au monde.
je cherche depuis longtemps un de ses films que je n'arrive pas à trouver: "faicts ce que vouldras". Quelqu'un le possède? Avez-vous des pistes pour pouvoir le récupérer? merci pour votre attention,
Francesco
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Kevin95
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Re: Notez les films naphtas - Mai 2010

Message par Kevin95 »

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L'Udienza (Marco Ferreri) Image

Voilà un film qui avait beaucoup de choses pour plaire, un sujet appétissant (satire autours Vatican), un réalisateur propice à ce genre de projet (Ferreri), un casting aux petits oignons et une atmosphère pesante, paranoïaque comme la décennie 70 pouvait en produire en Italie (citons le génial Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon d'Elio Petri).
Et bien le pauvre Marco s'est perdu dans ce qu'il voulait Kafkaïen (c'est même ouvertement répété dans le film plusieurs fois) et qui au final ressemble à un brouillon de ce que voulait aborder L'Udienza. Le film se traine... à un tel point que l'on assiste plus à une série de scènettes qui n'ont presque rien à voir entre elles, qu'à une descente en enfer passionnante. Une fois réussie, une autre laborieuse, voila comment se compose le film le tout avec un rythme très inégal. Mais lorsque l'on se penche sur la filmographie du monsieur, on s'étonne guère de constater qu'il tourna ce film la même année que Liza, autre film fantasme et au final autre film "test" ou "brouillon" pour être méchant.
Intéressons nous donc à l'aspect intriguant et de qualité de L'Udienza à savoir son esprit satirique (chose que manie avec talent Ferreri contrairement à sa capacité à instaurer une ambiance pesante) et apprêtions ces comédiens qui aiment avec un plaisir communicatif interpréter de parfaites ordures tel Ugo Tognazzi en flic cabot, Michel Piccoli en prêtre manipulateur ou Vittorio Gassman en prince fasciste. Mais dommage que tout ne fonctionne pas, que le film ne soit pas aussi vif et nerveux que les autres films politisés italiens de l'époque car le film de Ferreri est l'un des seuls à s'attaquer de front au Vatican.
Un film audacieux mais à semi-raté (ou semi-réussi).
Les deux fléaux qui menacent l'humanité sont le désordre et l'ordre. La corruption me dégoûte, la vertu me donne le frisson. (Michel Audiard)
Anorya
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Re: Marco Ferreri (1928-1997)

Message par Anorya »

Touche pas à la femme blanche (Ferreri - 1974)


"Belle fresque n'est-ce pas ? C'est notre chapelle Sixtine à nous."
(Général Terry - Philippe Noiret)

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Le 25 juin 1876, un détachement de l’armée américaine emmené par le Général Custer (Marcello Mastroianni) est mis en pièces par les Sioux à Little Big Horn. Dans les heures qui précèdent la bataille, militaires, hommes d’affaires ou responsables politiques américains se croisent, font des affaires, préparent l’avenir…

Peu de temps après la grande bouffe et le succès déclenché suite au scandale, Ferreri et son scénariste, Raphael Azcona se disent qu'il faut remettre au plus vite le couvert. L'enthousiasme et la bonne entente du précédent film les décident à reprendre le même casting, agrémenté de nouvelle têtes. S'ajoutent donc à l'équipe déjà merveilleuse de Noiret, Mastroianni, Piccoli et Tognazzi, les noms de Catherine Deneuve, Alain Cuny, Serge Reggiani (méconnaissable le crâne rasé et presque toujours complètement nu !), Darry Cowl... Sans compter une tripotée de seconds, voire troisièmes rôles succulents comme Ferreri lui-même dans le rôle du reporter toujours là quand il faut ou Monique Chaumette (qui n'était autre que la femme de Noiret) ou... le critique Noël Simsolo.

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"Lèche.
_ Mais c'est pas moi qui a chié.
_ Lèche !
_ Obéis !"


Au début, on met évidemment un peu de temps pour rentrer dans le film. L'alliance de tout un pan du XXe siècle avec ce quartier des Halles alors en destruction puis reconstruction à Paris avec l'imagerie propre au XIXe siècle américain (de par les costumes) secoue constamment. Puis cette idée (de regrouper le massacre des indiens transposés et regroupés dans des réserves qui s'amoindrissent, d'où la métaphore des Halles qu'on détruit, incroyable chantier dont le film prend figure de témoignage exemplaire) commence lentement à infuser. L'enthousiasme des comédiens et les répliques y jouent pour beaucoup, tournant parfois à une espèce de caricature les situations parfois les plus banales (c'est d'ailleurs pas toujours très fin mais assez ironique et jouissif. Comme disait Doniol-Valcroze à la sortie du film : c'est Gotlib et Hara-kiri qu'on a mis en bande dessinée). Si j'ai trouvé Piccoli assez irritant dans un rôle qui le dessert considérablement, rien à redire sur Noiret, Mastroianni et Deneuve.


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"Mon général, je suis ici en attendant vos ordres.
_ Non Mitch, touche pas à la femme blanche !"



Ce qui est fascinant, c'est de voir le couple Deneuve-Mastroianni ici dans ce film, jouer la comédie romantique (avec chanteurs de country aux roucoulades grossières toujours derrière ! :mrgreen: ) alors qu'ils sortaient ensemble depuis un petit moment. Ferreri les ayant déjà filmés ensemble sur Liza en 1972. Ici, les deux sont parfaits, aux petits oignons avec leurs rôles. Elle, dans le rôle de la grande duduche romantique et mièvre qui en fait des tonnes, et lui, le crétin raciste et fasciste qui ridiculise constamment son éclaireur indien Mitch (Ugo Tognazzi) mais fond en voyant cette grande rousse (je la préfère en rousse, tiens au passage). Le film dans son contexte est déjà une satire de l'Histoire mais se renforce d'un sous-texte succulent grâce à ces deux larrons. Au final, une belle réussite.

"C'est beau ces paysages. Dommage qu'il y ait tous ces indiens."
(Marie-Hélène de Boismonfrais - Catherine Deneuve)

A une exposition où Cowl embaume des cadavres d'indiens avec du papier journal, Mastroianni/Custer qui parle à une petite fille sioux :
"Tu vois tout ça ? C'est des indiens qui ont pas été sages." :mrgreen:

5/6.
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Alligator
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Re: Marco Ferreri (1928-1997)

Message par Alligator »

El pisito (Le petit appartement) (Marco Ferreri & Isidoro M. Ferry, 1959) :

http://alligatographe.blogspot.com/2010 ... isito.html

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Quelle bonne idée ont eu les organisateurs du 36e cinémed : un hommage à Marco Ferreri, avec une grande partie de ses films. Parmi cette profusion, j'ai opté pour "Le petit appartement", une de ses premières œuvres. J'avais vu plutôt récemment "El cochecito". Dans la même veine sociale et perfide, le duo Azcona / Ferreri nous sort un peu avant ce "pisito" un appartement qui représente pour une humble engeance un trésor inestimable, aussi indispensable que rare, un toit sûr, mais surtout une petite fortune, une sécurité financière assez efficiente pour faire oublier aux plus faibles leur pauvre humanité.

Le cinéma de Ferreri est d'ores et déjà en 1959 d'une fraîche cruauté, d'un cynisme volontiers révoltant de prime abord si l'on prend le film au premier degré. En réalité, sa filmographie dessine le parcours d'un homme sensible et révolté par la petitesse des hommes, leurs faiblesses et les hypocrisies qui servent à les masquer. Son cinéma n'est pas triste, ni désespéré. Bien au contraire, il affiche son sourire et forge des aiguillons afin de prendre conscience de certains problèmes fondamentaux.

"El pisito" s'attaque à une situation sociale qui n'a pas d'âge : la garantie d'un toit, ce qu'on nomme aujourd'hui le "droit au logement". Dans l'Espagne franquiste des années 60, autant dire que ce droit se résume au strict minimum. Un jeune homme en vient ici à épouser une vieille dame, locataire principale d'un appartement madrilène de 4 pièces pour ne pas être jeté à la rue, lui et les autres sous-locataires à la mort de la vieille. Cette situation incroyable va bien entendu aller en se dégradant et dévoiler la perfidie de sa jeune fiancée ainsi que les liens de dépendance, monstrueusement destructeurs et déshumanisants qui se nouent entre tous ces individus, esclaves de leur manque de ressources et de droits.

Les portraits successifs des différentes personnages sont croqués avec beaucoup de justesse. Les acteurs font très forts.
José Luis López Vázquez en type malléable, entre couardise et imbécillité, joue remarquablement l'espèce de voie apathique que le laissent suivre ceux qui lui veulent du bien. Bien entendu, à travers lui, ils ne visent que leur propre confort. Manipulé de A jusqu'à Z, il semble être au final le seul pour qui les sentiments ont encore une signification. Il navigue ainsi entre les desiderata des uns et des autres, en dilettante, complètement infantilisé par sa castratrice fiancée et son voisin et ami (José Cordero "El Bombonero") jusqu'à la petite vieille (Concha López Silva) avec qui s'instaure une véritable amitié.
Sa fiancée jouée par Mary Carrillo est, elle aussi, superbement interprétée. Les deux comédiens nous livrent une somptueuse et émouvante scène dans un bar, dansant joue contre joue au milieu de couples amoureux. Elle se rend alors compte qu'ils ne s'aiment plus vraiment et vont devoir vivre ensemble malgré leur désamour, sans désir, par obligation. Qui est le plus dépendant de l'autre? Horrible compromission affective, marchandage du cœur sont les petites tortures qu'une société injuste inflige aux plus démunis pendant que les riches vont en Suisse soigner des maux sinon imaginaires au moins anodins.

Bref, Ferreri et Azcona frappent dur. Le sourire de cette comédie est jaune. Trop cruel, trop amer, sans aucune concession. Un cinéma solidement attaché à des valeurs qui touchent.
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Re: Marco Ferreri (1928-1997)

Message par Alligator »

L'uomo dei cinque palloni (Break-up, érotisme et ballons) (Marco Ferreri, 1965) :

http://alligatographe.blogspot.com/2010 ... lloni.html

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Le titre français est aussi inepte que mensonger. D'érotisme, il n'est point question. Mais la sortie française sur le marché érotique décidée par je ne sais quel génie a tôt fait de tuer le film qui n'est resté à l'affiche qu'une semaine, évidemment. En dehors d'une diffusion télévisée au "Cinéma de minuit" de Patrick Brion, cet "uomo dei cinque palloni" est un objet rare que la Cineteca Italiana di Milano (si je ne m'abuse?) a bien voulu prêter au 36e Cinemed afin de rendre hommage à Marco Ferreri.
Une première pour moi : visionner un film en version originale sans sous-titre, mais muni d'un casque d'où sort la voix virile d'un traducteur qui roucoule d'un accent transalpin à écorcher les nuages. Quelques secondes pour s'adapter et vole le navire!

La présentation du film par le critique Noël Simsolo pour souriante qu'elle soit ne m'a pas totalement convaincu sur le fond, même si l'idée de définir Marco Ferreri comme le cinéaste de l'obsession est souvent excitante mais pas toujours pertinente. Elle l'est complètement toutefois sur ce film-là, c'est indéniable.

Le film montre la lente agonie psychique d'un industriel milanais (me semble avoir reconnu les pointes érectiles de la cathédrale?) incapable de vivre sans réponse à une question obsessionnelle qu'il ne parvient pas à maitriser rationnellement : "combien d'air peut-il me mettre dans un ballon avant que celui-ci n'éclate?" Le film est intégralement basé sur cette idée qui tourne en boucle dans son esprit, sans fin, jusqu'à le rendre fou.

Or, si la plupart des films de Ferreri se construisent autour de ce type de questionnement proche de l'existentiel ou d'une poétique de l'absolu et proposent donc une réflexion plus profonde, voire universelle et magnifique, ici, le soufflé se dégonfle progressivement. L'obsession de Mastroianni n'interroge pas vraiment l'existence, n'excite guère et n'engendre rien.

A part le travail toujours stupéfiant de cet immense comédien, je confesse un léger ennui vis à vis d'un sujet peu nourrissant et pas vraiment bien traité. Je me suis tellement habitué au travail d'orfèvre dans l'écriture du duo Azcona / Ferreri, que les limites du scénario, ses ratés dans le rythme me paraissent criants. La progression psychologique du personnage n'est pas maitrisée : les hauts et les bas que connait Mastroianni manquent de réalisme et ne permettent pas de crédibiliser la thèse du film qui par conséquent s'écroule dans la dernière partie.
Tout ça pour ça? La dernière scène avec le chien montrant l'animal réussir à faire ce que l'homme tout à son obsession n'était plus capable d'apprécier est pour le moins grossière et finit de faire s'effondrer le film dans le lamentable. Oui, je suis très déçu. A la mesure de l'estime que je conserve pour ce couple d'auteurs bien plus précis et subtils sur d'autres œuvres.
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Re: Marco Ferreri (1928-1997)

Message par Major Dundee »

Alligator a écrit :L'uomo dei cinque palloni (Break-up, érotisme et ballons) (Marco Ferreri, 1965) :

http://alligatographe.blogspot.com/2010 ... lloni.html

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Le titre français est aussi inepte que mensonger. D'érotisme, il n'est point question. Mais la sortie française sur le marché érotique décidée par je ne sais quel génie a tôt fait de tuer le film qui n'est resté à l'affiche qu'une semaine, évidemment. En dehors d'une diffusion télévisée au "Cinéma de minuit" de Patrick Brion, cet "uomo dei cinque palloni" est un objet rare que la Cineteca Italiana di Milano (si je ne m'abuse?) a bien voulu prêter au 36e Cinemed afin de rendre hommage à Marco Ferreri.
J'ai même le vague souvenir (si ma mémoire de me joue pas de tours) que le film était sorti directement au "Midi-Minuit" :roll:
Charles Boyer (faisant la cour) à Michèle Morgan dans Maxime.

- Ah, si j'avais trente ans de moins !
- J'aurais cinq ans... Ce serait du joli !


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Re: Marco Ferreri (1928-1997)

Message par Alligator »

Major Dundee a écrit :J'ai même le vague souvenir (si ma mémoire de me joue pas de tours) que le film était sorti directement au "Midi-Minuit" :roll:
Ah nous n'avons pas eu l'heur d'en avoir la précision par m'sieur Simsolo.
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Major Dundee
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Re: Marco Ferreri (1928-1997)

Message par Major Dundee »

Alligator a écrit :
Major Dundee a écrit :J'ai même le vague souvenir (si ma mémoire de me joue pas de tours) que le film était sorti directement au "Midi-Minuit" :roll:
Ah nous n'avons pas eu l'heur d'en avoir la précision par m'sieur Simsolo.
Et après vérification, ma mémoire ne m'a pas joué de tour, c'est bien dans cette salle que je l'ai vu lors de sa sortie parisienne :wink:
Par contre je ne l'ai jamais revu.
Charles Boyer (faisant la cour) à Michèle Morgan dans Maxime.

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Re: Marco Ferreri (1928-1997)

Message par Alligator »

Storie di ordinaria follia (Conte de la folie ordinaire) (Marco Ferreri, 1981) :

http://alligatographe.blogspot.com/2010 ... ollia.html

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Un Marco Ferreri qui m'a laissé quelque peu sur ma faim. Sûrement que j'attendais trop de cette prometteuse production. Des monts et merveilles nées d'une imagination par trop débordante.

Le casting présentait une alléchante affiche avec Ben Gazzara et la somptueuse Ornella Muti. Cette actrice italienne a fait les beaux jours des cinémas italiens et français dans les années 70/80 et a fait fantasmer beaucoup de cinéphiles. J'avoue que ce n'est pas (pour une fois) sur cet aspect libidinal que j'orienterais l'attention portée sur cette actrice. Son regard bleu glacial et son jeu tout aussi froid, s'ils n'éveillent pas en moi les éruptions de fluides qui préludent habituellement à l'acte sexuel, produisent une certaine fascination, mêlée de crainte. Et le personnage d'amoureuse passionnée et extrêmement fragile, porcelaine humaine, prisonnière d'instincts auto-destructeurs, rajoute une dose d'adrénaline. Personnage à fleur de peau, dansant sur le fil d'un rasoir, d'une existence mal fichue, elle s'éprend d'un épave, un type presque aussi cassé.

Ben Gazzara incarne Charles Serking alias Charles Bukowski, poète qui noie dans l'alcool l'affreuse vérité du monde qui l'entoure et l'oppresse. Tout aussi mal adapté à l'absurdité de la vie, il se suicide à la bouteille. La littérature le rattache un peu au monde des vivants. Entre deux pays, entre un est et un ouest lointains, entre terre et mer, sur des plages vides, il est seul à la lisière, condamné à cet exil et s'en nourrit. Charles est un héros qui fait du gringue à Marco Ferreri. Rien d'étonnant à ce que l'italien adapte l'américain.

Mais le scénario qui pour une fois n'est pas conçu en collaboration avec Azcona manque de rythme et surtout d'un peu d'humour, une certaine hauteur. Si le roman initial en est dépourvu, il s'avère logique que les scénaristes aient sauvegardé cette lacune, d'autant plus que j'ai le sentiment qu'elle alimente le désarroi du personnage et sans doute autant sa poésie. Charles aborde les aléas de son existence avec une certaine gravité. Le sourire de Gazzara n'a rien de jovial, d'expansif, il est amer. La lippe est triste. Cette folie ordinaire emprunte bien plus au désespoir qu'à une autre incapacité.

Rares sont les personnages d'écorchés vifs et se vouant aussi gracieusement à leur propre déchéance qui trouvent grâce à mes yeux. Je m'en lasse si rapidement. Pour ces deux-là, je n'irais pas jusqu'à parler de lassitude mais en fin de film, je me rends compte que je n'ai que très peu d'empathie à leur encontre et me soucis peu du sort qu'ils se sont réservés. L'émotion est un peu sèche, ne m'atteint pas vraiment. Dommage.
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Re: Marco Ferreri (1928-1997)

Message par zybine »

Le coffret avec "La grande bouffe ; Touche pas a la femme blanche ; Dillinger est mort ; Contes de la folie ordinaire ; La petite voiture ; Pipicacadodo ; La semence de l'homme" est à 14,5€ sur amazon.fr

Je ne sais pas si ça en dit plus sur la rélative désaffection que subit Ferreri ou sur l'écroulement du marché DVD.
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Re: Marco Ferreri (1928-1997)

Message par julien »

Ah ben Ferreri et le cinéma d'auteur c'est plus très à la mode maintenant. Facebook et Twitter c'est quand même autrement plus fun. Moi je ne les achète même pas les Ferreri. Je les prends à la médiathèque, par pour mon plaisir mais par souci d'historien. Pour réaliser ce que c'était que l'art du cinéma.
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"Toutes les raisons évoquées qui t'ont paru peu convaincantes sont, pour ma part, les parties d'une remarquable richesse." Watki.
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Re: Marco Ferreri (1928-1997)

Message par Federico »

zybine a écrit :Le coffret avec "La grande bouffe ; Touche pas a la femme blanche ; Dillinger est mort ; Contes de la folie ordinaire ; La petite voiture ; Pipicacadodo ; La semence de l'homme" est à 14,5€ sur amazon.fr
Merci pour le tuyau ! :D
J'avais acheté La grande bouffe il y a quelque temps dans cette belle collection mais très envie d'en revoir 2-3 autres...
Je ne sais pas si ça en dit plus sur la relative désaffection que subit Ferreri ou sur l'écroulement du marché DVD.
"Ferreri ?... Il joue à quel poste ?" (extrait d'un micro-trottoir imaginaire) :mrgreen:
The difference between life and the movies is that a script has to make sense, and life doesn't.
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Re: Marco Ferreri (1928-1997)

Message par Profondo Rosso »

Le Lit conjugal (1963)

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Alfonso, la quarantaine, épouse Regina, une jeune fille catholique et vierge afin de l’initier au devoir conjugal selon ses désirs. Mais Regina va vite s’avérer insatiable et l’épuiser jusqu’à ce qu’elle soit fécondée, tout comme la reine des abeilles…

Le Lit conjugal est un des premiers succès public et critique de Marco Ferreri, dont le sujet sulfureux lui vaudra également ses premières démêlées avec la censure. Le film est en quelque sorte un prolongement plus acide encore de La Petite Voiture (1961) qu'il réalisa en Espagne. Dans ce dernier un octogénaire se voyait mis de côté par sa famille pour laquelle il n'avait plus d'utilité et négligeant ses demandes telle cette petite voiture pour laquelle il retrouvera toute sa pugnacité envers les siens. Féroce satire contre la famille, le mariage et l'église, Le Lit conjugal est encore plus cinglant avec cette fois un protagoniste dans la fleur de l'âge qui va connaître le même sort que le vieillard de La Petite Voiture. Alfonso (Ugo Tognazzi) renonce à sa vie de célibataire pour épouser la Regina, jeune fille catholique et vierge. Avant même l'union les signes avant-coureurs du désastre affluent avec cette belle-famille partagée entre vieilles tantes bigotes envahissante et beau-frère idiot, Regina dont les regards provocants (dont un échange fort ambigu avec une bonne sœur à la complicité coupable durant la scène de mariage) contredisent les attitudes chastes et timorées.

Impression confirmée une fois le mariage célébré lorsque la prude Regina se transforme en véritable chatte en chaleur harcelant de ses assauts amoureux Alfonso à tout instant et en tout lieu. Le mâle italien viril est largement moqué avec un Tognazzi rapidement éreinté, obligé de se faire des piqûre d'hormones pour suivre la cadence et surtout surpris du féroce désir de son épouse alors qu'il attendait du mariage un paisible ronron après une vie de célibataire agitée. La famille est ici un enfer pour lequel vous devez tout sacrifier, qui vous use jusqu'à la corde et se débarrasse de vous lorsque vous ne pouvez plus répondre à sa demande. L'élément le plus manifeste est bien sûr les étreintes incessantes du couple de la part d'une Regina désirant au plus vite être engrossée. Il faut voir le sourire malicieux de satisfaction de Marina Vlady lorsque l'heureux évènement est annoncé, signant l'arrêt immédiat des ébats du couple puisque ayant atteint son but elle se refuse désormais à Alfonso de toute manière très diminué. Les autres renoncements s'avèrent plus matériels (Regina prenant en charge l'entreprise, Alfonso renonçant à son appartement luxueux pour vivre avec la nombreuse famille de son épouse) ou symbolique (la vue sur Rome de l'appartement d'Alfonso devient une terrasse donnant sur le Vatican une fois marié, puis carrément sur une impasse à la fin lorsqu'il est malade et isolé). Ce déroulement "naturel" des choses obéit aux vertus procréatrices de l'église qui en prend pour son grade mais masque surtout la dimension de sangsue de la cellule familiale où l'homme doit être vidé dans tous les sens du terme. Le mâle faible et manipulé, la femme en quête d'un géniteur et d'un financier, la famille en profitant et l'église cautionnant le tout constitue un ensemble vicié où personne n'est épargné.. Dans son premier rôle majeur Ugo Tognazzi est parfait en chien battu rapidement dépassé mais c'est surtout une sournoise Marina Vlady qui emporte l'adhésion en passant de la jeune fille innocente à la matrone dominatrice avec une finesse épatante et récompensée du Prix d'interprétation féminine à Cannes (même si entaché de polémique puisque comme souvent dans le cinéma italien elle fut doublée puisque française). Un grand Ferreri. 5/6
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Re: Marco Ferreri (1928-1997)

Message par Profondo Rosso »

Liza (1972)

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En croisière sur un yacht avec des amis, Liza éprouve l'envie de tout quitter et nage jusqu'à l'île la plus proche. Elle fait la connaissance du propriétaire des lieux, Giorgio, qui vit seul dans une boule de pierre. Ils passent la nuit ensemble. Giorgio la ramène à terre mais Liza revient, tue le chien et prend sa place.

On se souviendra plus de ce Liza pour avoir été le film de la rencontre du couple Catherine Deneuve/Marcello Mastroianni que pour être un grand cru de Marco Ferreri. Le postulat (adapté du roman Melampus de Ennio Flaianoa et adapté par Jean-Claude Carrière) a pourtant tout pour intriguer au vu des vertus provocatrices d'un Marco Ferreri qui signerait La Grande Bouffe l'année suivante. Giorgio (Marcello Mastroianni) est un peintre ayant fui la civilisation et vivant seul avec son chien sur une île au sud de la Corse. Ce quotidien paisible se voit troublé par l'arrivée de Liza (Catherine Deneuve), jeune femme ayant quitté sa croisière sur un coup de tête et s'accrochant à lui désormais. Seulement les minauderies et caprices de Liza ne trouvent guère d'échos chez un Giorgio qui s'il n'est pas insensible à ses charmes préférera toujours la compagnie et la conversation de son chien... Qu'à cela ne tienne la belle va provoquer la mort du canin pour susciter plus d'attention, jusqu'à se substituer à lui dans un jeu d'amour et de soumission étrange et dangereux.

Au départ on est aussi intrigué que captivé par la beauté des images et d'une Catherine Deneuve radieuse et dévêtue plus souvent qu'à son tour. On voit le rapport curieusement s'inverser, celle qui se plaisait à plier le monde à ses caprices soudainement s'épanouir dans la soumission/humiliation quand celui ayant fui les hommes trouve un nouvel éclat de vie par cette domination. Les séquences curieuses et embarrassantes s'enchaînent donc, Catherine Deneuve ramenant le bâton lancé par son "maître", attendant la tape et le regard approbateur de celui-ci et lui léchant le visage avec affection... Ces scènes sont tellement étranges que l’on n’arrive même pas complètement à songer au machisme qu'elles dégagent pour simplement en rester à l'absurde, l'ensemble ne tenant la route que par la conviction des personnages pour exprimer cette relation qui montrera ses limites confrontée à la civilisation. La séquence où Catherine Deneuve fidèle et docile retrouve la trace de Mastroianni reparti vivre en ville vaut ainsi le détour, sur la corde raide entre la tendresse réelle et le ridicule.

Malheureusement passé cet argument et l'abattage du couple vedette l'intérêt se dilue progressivement faute d'enjeu dramatique concret auxquels s'accrocher et c'est l'ennui qui domine. Le retour à une relation "normale", au contraire une poussée plus extrême dans la déviance, rien de tout cela n'est réellement creusé et pour compliquer le tout Ferreri ajoute encore une dimension vaguement politique et philosophique avec l'évocation du marxisme ou la dénonciation de la brutalité militaire (supposée plus barbare que le lien unissant nos héros). D'une beauté plastique indéniable et mettant magnifiquement Catherine Deneuve en valeur, une curiosité tout au mieux donc. Quelques années plus tard, Catherine Deneuve ira enquiquiner un autre reclus dans un film un peu plus vivant, Le Sauvage de Jean-Paul Rappeneau. 2,5/6
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Re: Marco Ferreri (1928-1997)

Message par monfilm »

En ce qui me concerne c'est 2,5 pour le sauvage et 4/6 à ce Liza.
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Tout le reste est dérisoire.
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