Marco Ferreri (1928-1997)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Alligator
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Re: Marco Ferreri (1928-1997)

Message par Alligator »

Il Seme dell'uomo (La semence de l'homme) (Marco Ferreri, 1969) :

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Je me suis profondément ennuyé, ne parvenant jamais à entrer dans cette histoire désorientée. Je me demande si les scénaristes savaient franchement où ils allaient. Je m'interroge sur la portée du film. Que son symbolisme soit élitiste ou de pacotille m'importe finalement peu, il n'en reste pas moins que je n'y adhère en aucune manière. Les personnages et leurs trajectoires forment un tout assez indigeste, c'est bien la seule chose que je trouve à dire. C'est triste parce que j'aime beaucoup le cinéma de Ferreri. Là, je me suis fait eu, par ignorance, inaptitude ou que sais-je, bref, ne comprenant pas où il voulait en venir. Long, sans queue ni tête, à première vue, j'imagine qu'avec une bonne gesticulation de la cervelle on peut décemment obtenir un discours, avec du sens et de grandes idées.
Hier soir j'ai pas pu. Et des acteurs, à la photo en passant par les dialogues banals et insipides, rien ne m'a interpellé pour chercher à en savoir un peu plus.
Cadichon
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Re: Marco Ferreri (1928-1997)

Message par Cadichon »

Marco Ferreri a réalisé des grands films "La grande bouffe", "Le lit conjugal" mais je trouve que vers la fin il avait tendance à en rajouter gratuitement dans la provocation. Sa fascination pour
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le cannibalisme dans "Y'a bon les blancs" et "La chair" devenait franchement pesante.
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Kevin95
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Re: Notez les films naphtalinés de Novembre 2008

Message par Kevin95 »

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La Grande Bouffe (Marco Ferreri)

C'était il y a environ dix ans, je découvrais cette "montagne" que l'on nomme Grande Bouffe et je me souviens être resté perplexe, je ne savais pas comment prendre la chose.
Depuis j'ai dû voir le film de Ferreri une bonne dizaine de fois pour y découvrir à chaque vision quelque chose de nouveau, quelques chose venant ébranler l'interprétation que je m'étais faite du film, quelque chose venant définitivement mettre La Grande Bouffe comme une œuvre majeure (dans tout les sens du terme).
Je ne peux dire si c'est un drame, une comédie, un poème, non il m'est incapable d'analyser avec les mêmes critères que pour d'autres films ce bordel organisé. Mais quoi qu'il en soit, je suis comme lié à ces hommes (acteurs) qui apparaissent à l'écran comme une partie de moi-même et telle la face la plus animale (donc humaine) de ma propre personne (à ce point, ce n'est pas le meilleur film du réalisateur, ce n'est même plus un film de Ferreri ou alors c'est LE film de Ferreri).
Ce n'est certes pas un chef d'œuvre fulgurant qui vous frappe à l'esprit par sa beauté, ce n'est pas un film que l'on cite pour exprimer son amour du cinéma, mais c'est un film qui compte énormément dans ma cinéphilie (aller savoir pourquoi).

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Liza (Marco Ferreri)

Etrange que ce poème (essentiellement) visuel avec pour tout un décor et deux comédiens qui n'est pas sans rappeler le Ciao Maschio du même réalisateur.
Le propos est digne de Ferreri (provocant) puisque Liza narre la dérive d'une bourgeoise blasé qui va devenir le "chien" d'un écrivain cynique, bref de quoi effrayer les bien-pensants et horripiler les chiennes de garde. Mais rapidement on s’aperçoit qu'il ne s'agit pas d'une soumission à la connotation sexuelle, mais une soumission par amour et ce paradoxe entre le besoin de liberté et la nécessité d'une autorité.
C'est un peu lent, j'en conviens, on se demande parfois où Ferreri veut en venir mais globalement ce n'est inintéressant, les paysages sont superbes et le couple Deneuve / Mastroianni parfait.
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Re: Marco Ferreri (1928-1997)

Message par Alligator »

Touche pas à la femme blanche (Marco Ferreri, 1974) :

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Le tournage de la grande bouffe avait été si joyeusement ressenti par la troupe que les gais lurons ont voulu remettre le couvert le plus tôt possible. Ascona et Ferreri se sont alors attelés à écrire un scénario encore plus foldingue. Démesuré avec des personnages complètement hors norme, rien que pour donner libre cours à la profusion et l'enthousiasme de ces comédiens.

Entrent dans l'étrange farandole un grand nombre de personnes.
A la production, on trouve Jean Yanne.
A la synchro, Michel Galabru double Paolo Villagio.
Et le casting fait rêver : outre les Mastroianni, Noiret, Tognazzi et Piccoli du film précédent s'ajoutent, mesdames Mastroianni et Noiret, respectivement Catherine Deneuve et Monique Chaumette, Darry Cowl, Alain Cuny, Franco Fabrizzi et Serge Reggiani.

Le parti pris du film est gonflé, provocateur à la sauce Ferreri, il s'agit de transposer le génocide des indiens d'Amérique dans le quartier des Halles, au moment de la destruction du site. Ce qui donne lieu à des scènes hallucinantes et d'une étrangeté, voire d'une douloureuse mélancolie, qui sert un peu la gorge. Le parallèle entre la destruction systématique et raciste des indiens et celle de ce quartier ô combien populaire et vivant est comme à l'habitude avec Ferreri d'un humour grossier et réducteur mais qui me plait, que voulez-vous on ne se refait pas.

Il me faut avouer qu'ayant eu à subir l'outrage si je puis dire du visionnage de La semence de l'homme (quelle phrase, nom d'une pipe!), j'ai eu quelques craintes et mis une bonne dizaine de minutes à "accepter le postulat" surréel du film.
J'ai surtout fortement été invité à "entrer" dans le film par l'arrivée si délicieusement bouffone et désopilante de Marcello Mastroianni qui nous joue un Général Custer aux petits oignons, boursoufflé de suffisance et d'obsessions, celle de la charge de cavalerie ainsi que celle de la pûreté que représente Marie-Hélène de Boismonfrais (Deneuve). Leurs échanges sous une sérénade grossière et sexuelle qu'un chanteur country ne cesse de roucouler à côté d'eux sont succulents.
Il faut voir aussi Serge Reggiani en pagne et crâne rasé psalmodiant vers les cieux les dieux indiens ou Darry Cowl en empailleur d'indiens finissant par s'embaumer lui même sur le champ de bataille.

Bref une comédie qui ne brille pas par sa finesse mais qui mérite le coup d'oeil tant l'euphorie enfantine des comédiens déborde de bonheur.
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Re: Marco Ferreri (1928-1997)

Message par Alligator »

Ciao maschio (Rêve de singe) (Marco Ferreri, 1978) :

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J'aime beaucoup Ferreri. D'aucuns le dépeignent hâtivement comme un petit provocateur et cela me parait plutôt injuste. Il n'est pas seulement un provocateur. Ou alors il est un grand provocateur. C'est je pense un poète qui puise à la source de ses peurs et fantasmes une matière brute afin de dépeindre un monde gai et mélancolique à la fois. Cet homme a un univers bien à lui, des obsessions, des thèmes qu'il met en scène de manière provocatrice, certes, mais il n'empêche, ce sont des histoires qui lui appartiennent, des tableaux personnels et à nul autre pareil. Son humour particulier, noir, acide, glauque parfois, tend vers une certaine naïveté, presque puérile, qui rejaillit immanquablement de cette provocation facile et qui cache un réel malaise. Ses angoisses et ses rêves n'ont rien de gratuit, ni d'infantile, bien au contraire ils touchent par leur traitement plus ou moins frontal.

Ferreri et son conteurs -ici encore une fois Azcona mais surtout Gérard Brach- apparaissent comme des êtres sensibles, des petits garçons perdus, aux interrogations plus grandes qu'eux.

J'ai de prime abord été cueilli de découvrir que la version originale était en anglais (Marcello et Gérard ont bien du mal mais font un petit effort). Je ne sais quelle est la part de l'absence de sous-titres dans le sentiment de légère incompréhension sur les détails du récit, les enjeux cachés pour les personnages, les subtilités psychologiques, etc. Je ne crois pas avoir mal compris le film, mais plutôt que le fait de voir le film sans sous-titres a souligné en moi la difficulté à décrypter l'enchevêtrement des idées que véhicule le film, les idées absurdes, saugrenues ou symboliques qui parsèment le récit et qui par moments m'ont un peu laissé sur le bord du chemin. Je ne suis pas sûr du reste qu'il y ait une réelle signification, quelque chose de bien rationnel sur toutes ces idées de mise en scène ou narratives. Par exemple, au-delà de la difficulté du personnage de Lafayette (Depardieu) à s'exprimer pleinement, je ne comprends pas bien le sens du sifflet qu'il a souvent à la bouche. Je penche plus volontiers pour un sens esthétique, la beauté de l'idée et de son incongruité. C'est la même chose pour le King Kong sur la plage? Pourquoi ce grand singe? Quelle est sa signification? Je pense bien plutôt qu'il n'y en a pas -ça m'arrangerait bien, puisque je ne comprends pas, je me sens moins con évidemment- et que les auteurs privilégient là le fait de créer des images étranges et poétiques qui elles mêmes produisent des sensations chez le spectateur, un rêve incarné, peint, encadré pendant presque deux heures. Ils y parviennent les saligauds!

La thématique du monde en pleine déchéance revient souvent chez Ferreri, du moins dans ses films que j'ai déjà vus. C'était déjà le thème central d'un film qui m'a échappé complètement, La semence de l'homme. C'était également le cas pour La grande bouffe et Touche pas à la femme blanche qui m'avaient au contraire totalement conquis. La poésie de la chute. Les situations se dégradent non sans humour, un humour non de la justification, mais du désespoir, foncièrement triste, d'un pessimisme irrévocable.

Ce rêve de singe fourmille de ces moments pleins de hauteurs, de tendresse, de rires. Le film alterne avec d'autres temps, pleins de tragique, de pleurs et de malaises. Aussi vaut-il mieux prendre ce film pour ce qu'il est : une peinture verte et bleue d'abord, rouge et noire au final, avec toutes sortes de nuances ici et là, sous quelques coups de pinceaux tour à tour fins ou gros, d'un monde en perdition où les hommes ne trouvent plus leur place, ni les clefs de leur virilité. Les plages et les terrains vagues de la ville, en perpétuel mouvement, entre nature et main humaine, sont des déserts temporaires où la machine n'en finit pas de passer. Les hommes se font rares au pied du World Trade Center, grandes fûtaies de la jungle urbaine qui gronde au loin, alors que les rats pullulent, ici bas, promesse de mort ou d'enfer. Les relations entre hommes et femmes sont biaisées dans ce monde où les repères sont faussés.

On a droit à de jolis numéros de Marcello Mastroianni ainsi que de James Coco (merde, je vois qu'il a incarné le grand-père de Samantha Micelli! Vingt dieux!).
Le jeune Gérard Depardieu est un peu trop laissé en roue libre parfois. Sa gestuelle est un peu trop débridée à mon goût, manquant quelque fois de naturel.
La petite Gail Lawrence -dont l'essentiel de la carrière sous le nom d'Abigail Clayton s'est faite dans le porno semble-t-il, merci imdb- est fort jolie, c'est indiscutable : elle fait penser sous certains angles à la jeune Adjani. Mais la pauvrette manque de présence. Difficile de l'expliquer. Manque de conviction, de talent? Sais pas.

En tout cas, s'il n'est pas aussi maîtrisé dans la mise en scène et peut-être aussi un peu fouilli dans le scénario, le film projette de bien belles images par moments.
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Kevin95
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Message par Kevin95 »

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Dillinger è morto (Marco Ferreri) Image

Ouai bah voilà... après Manhattan, encore une œuvre dite "phare" qui se dégonfle devant mes yeux.
De la jaquette du dvd au intervenants des bonus dvd, tous criaient au chef d'œuvre et au film culte (le mot est répété une dizaine de fois) seulement voila si Dillinger è morto est un exercice de style intrigant, pendant 1h30 il ne se passe pas grand chose.
Le film se veut une lente dérive d'un homme aisé, une folie lentement perceptible mais pendant tout le film qu'es que l'on voit ? Piccoli qui se fait à bouffer, qui joue avec un pistolet et qui regarde la télé. On sent la symbolique, mais au bout d'un moment on se demande où veux nous emmener Ferreri avec ses scènes interminables, parfois vide de sens, parfois drôles mais aussi (je l'avoue) parfois fascinantes. Non Dillinger è morto n'est certainement pas une œuvre enivrante (où alors je suis passé à coté), pas inintéressante, certaines idées sont géniales, mais le "culte" je le cherche toujours (même si un film aussi particulier peut facilement obtenir une adhésion passionné auprès de certains).
Pour les novices du cinéaste, préférez commencer avec un autre film.
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Re: Marco Ferreri (1928-1997)

Message par Alligator »

Chiedo asilo (Pipicacadodo) (Marco Ferreri, 1979) :

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http://alligatographe.blogspot.com/2009 ... asilo.html
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Un film de Ferreri optimiste c'est assez rare pour le signaler. Peut-être que l'attente plus ou moins consciente chez moi d'une noirceur profonde a un peu entamé mon adhésion à cette histoire. Il me fallut attendre l'infinie beauté de la fin pour que le film trouvât quelque grâce à mes yeux. Jusque là, j'ai apprécié l'interprêtation d'un Roberto Benigni débutant et simple, même s'il ne peut s'empêcher de piailler. Celle de Dominique Laffin est précieuse : elle donne une touche de mystère dans le tableau relativement réaliste du film. Toute la partie pédagogique m'a plutôt ennuyé. Je sais bien que la crédibilité n'est pas l'objectif n°1 de Gérard Brach, Roberto Benigni et Marco Ferreri au scénario. Je ne fustige en aucun cas le parti pris provocateur du récit, loin de là, c'est d'habitude l'une des caractéristiques du cinéma de Ferreri qui m'émoustille le plus, non, c'est seulement qu'ici, cette histoire-là ne m'a pas paru d'une originialité bouleversante. Explication de mon désintérêt un peu hâtive. Je ne sais pas bien pourquoi je me suis longtemps emmerdé à dire vrai. Ca se voit?
Les interrogations sur la paternité, sur les relations aux enfants, la dynamique affective du couple, la profonde humanité des personnages et les notions de partage qui se distinguent peut-être un peu plus des autres thématiques sont intéressantes a priori, mais ne m'ont pas excité le bulbe. Pourquoi? Je n'en sais rien. J'avais vu ce film tout jeunot, vers 10-11 ans et je m'étais déjà profondement ennuyé. Je pensais que le rythme du film très lent serait aujourd'hui parfaitement apprécié. Hé bien, manquate.
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Re: Marco Ferreri (1928-1997)

Message par mannhunter »

Le mésestimé I LOVE YOU est disponible en kiosques:

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Re: Notez les films naphtalinés - août 2009

Message par Profondo Rosso »

Aujourd'hui, demain et après demain de Marco Ferreri, Rafael Razcona et Eduardo de Filippo (1965)

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Trois épisodes paradoxaux décrivant la crise du couple dans l'Italie des années 60.

Après le gros carton du film et l'Oscar du meilleur film étranger du film sketch "Hier, aujourd'hui et demain", une suite s'imposait et c'est chose faite 2 ans plus tard avec ce "Aujourd'hui, demain et après demain". L'unité de ton et de thèmes du premier film se dilue un peu avec l'absence de Vittorio De Sica, ici remplacé par trois réalisateur différents, dont le célèbre Marco Ferreri. Exit aussi Sophia Loren et avec elle tout l'aspect régional du premier spécifique à De Sica pour des trames plus universelle. Marcello Mastroianni par contre est de nouveau de la partie, secondé par 3 actrices différentes à chaque histoires, toujours centrée sur les problèmes de couple. Malgré le gros patchwork, le film est largement à la hauteur du premier, grâce à des scénario totalement jubilatoire d'inventivité et de méchanceté.


La rupture de Marco Ferreri

Un jeune industriel possède tout ce qu'un homme peut désirer, mais il est obsédé par une question : jusqu'à quel point peut-on gonfler un ballon ?

Réalisateur le plus chevronné des trois, Ferreri ne réalise sûrement pas le meilleur sketch du film même si c'est loin d'être inintéressant. L'histoire narre le week end des fiancés campés par Catherine Spaak et Marcello Mastoianni. Ce dernier campe un odieux industriel obsessionnel qui ne voit en sa fiancée qu'une distraction, un repos du guerrier auquel il se désintéresse totalement un fois son plaisir assouvi. Pour souligner son indifférence, le scénario lui attribue une fixette absurde avec ce questionnement sur la résistance maximum d'un ballon en plastique lorsqu'on le gonfle. Assez charmant au début grâce à la présence lumineuse de Catherine Spaak, on voit le couple se désagréger lentement à cause de l'attitude lamentable de Mastroianni. Loin d'être une simple dénonciation du machisme, on sent tout de même la patte de Ferreri sous la fêlure inexpliquée du héros avec une chute dramatique qui annonce les futurs héros autodestructeurs de son traumatisant "La Grande Bouffe". Au niveau de la forme on oscille entre l'onirisme à la Fellini (toute les recherches "scientifiques" de Mastroianni sur les ballons) et un aspect nouvelle vague, les échanges entre mastroianni et Sapaak évoquant le "A bout de souffle" de Godard, sentiment renforcé par l'usage du noir et blanc contrairement au deux autres sketch en couleurs.

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L'heure de pointe de Rafael Razcona

Alors que le professeur Profili est invité chez les Rossi, il se rend rapidement compte que le mari tire régulièrement sur sa femme avec un pistolet chargé à blanc...

La première scène dans un aéroport pourrait faire penser que "L'heure de pointe" du titre fait référence au transports mais non... Mastroianni, professeur invité chez un ami pour quelques jour constate les relation orageuse de celui ci avec sa femme (jouée par Virna Lisi) qui le voit régulièrement sortir une arme (parfois) chargée à blanc et lui tirer de dessus pour avoir la paix. Toute effrayée, la dame se montre douce et obéissante pendant quelques heures jusqu'au prochain conflit et ça repart. La première manifestation des moeurs étranges du couple et carrément surprenante, puis ensuite c'est l'escalade dans l'absurde où on découvre que tout l'immeuble, puis tout les maris de la ville appliquent cette méthode pour se faire respecter avec festival de coups de feu toute les 5 minutes. L'heure de pointe étant le départ des maris au travail le matin, créneau favorable au dispute et où les coups de feux pleuvent de toutes part. Le summum étant atteint lorsque le héros passe devant une cérémonie de mariage où un pistolet est offert au marié juste après avoir prononcé ses voeux, énorme :mrgreen:
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La femme blonde de Eduardo De Fillipo

Las de sa femme dépensière, un employé de banque décide de la vendre à un riche cheikh...

Marié à une charmante créature blonde, mais dépensière et piètre ménagère, Mastroianni découvre un étonnant moyen de s'en débarrasser. Les cheikh arabe, friand de belles blondes offrent de véritables fortunes pour en alimenter leur harem. C'est parti pour une folle équipée commerciale dans le désert où Madame sera offerte au plus offrant. Meilleur sketch du film, une idée de départ bien barrée exploitée jusqu'au bout en poussant le bouchon de plus en plus loin dans le grand n'importe quoi. Sans doute le défilé de blondes le plus ahurissant vu sur grand écran, avec un Mastroianni odieux bien comme il faut, négociant dur la valeur de sa femme. Pamela Tiffin dans le rôle de la femme campe une véritable bombe sexuelle insatiable et faussement écervelée comme le montre la chute mémorable où
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elle inverse la manoeuvre en vendant son mari à un cheikh homo.
Superbe conclusion girl power à un sketch génial prouvant la capacité des italiens à tirer le meilleurs des pitch les plus fous. Esthétiquement c'est très soigné avec des séquences dans le désert (des moyens colossaux pour un script pareil :shock: ), tournages dans de vrais palais arabes et pas mal d'outrages qui ne passerait plus aujourd'hui comme
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le cheikh homo
ou encore Mastroianni et Tiffin qui vont faire l'amour derrière une dune pendant que les fidèles font la prière. 5/6

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Alligator
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Re: Marco Ferreri (1928-1997)

Message par Alligator »

La casa del sorriso (La maison du sourire) (Marco Ferreri, 1988) :

http://alligatographe.blogspot.com/2009 ... rriso.html

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Marco Ferreri retrouve un thème qui lui est cher : les laissés pour compte de la société, les hypocrisies bourgeoises et l'étroitesse d'esprit des coincés du coeur et du cul. Il avait déjà évoqué l'ostracisme dont sont victimes les personnes âgées et les handicapés dans El cochecito, du temps où Ferreri bossait en Espagne avec Ascona. Dans cette "maison du sourire", on plonge dans l'univers ouvert mais paradoxalement carcéral d'une maison de retraite. La violence du milieu saute au visage avec d'emblée une séquence brutale durant laquelle une vieille femme obèse est "lavée" au jet d'eau pour s'être chiée dessus, sous un tombereau d'insultes et de reproches de la part de l'aide soignante. La vieille dame recule tant que faire se peut l'angoissant moment où elle sera si impotente qu'elle devra changer de quartier dans l'hospice. Dans l'établissement, une zone appelée l'Afrique parce que le personnel est majoritairement noir, est constituée de rangée de lits où les individus incapables de se déplacer attendent la mort. Plus tard, elle feindra d'avoir eu chaud et de préférer le sol frais de sa chambre pour expliquer qu'on la trouve ainsi affalée par terre.

Mais ce n'est pas uniquement de la terrible vérité du grand terminus où tout le monde descend, de l'inhumaine manière dont certains membres du personnel s'occupe de leurs patients que provient la plus cruelle des violences. Entre les vieux également se déroulent des combats acharnés. Pour dépeindre ces rapports parfois indignes, le scénario accompagne Ingrid Thulin qui rencontre Dado Ruspoli. Ces deux petits vieux après une gentille cour, forte d'abord de sourires et de mots doux, s'adonnent à une bonne baise dans la caravane en forme de pastèque qu'un couple d'africains leur a prêté.

D'ailleurs le contraste entre l'amabilité du personnel africain et l'européen est un peu schématique et simpliste faisant d'un racisme à l'envers un argument symbolique bête et grossier. Ferreri en profite pour asséner quelques méchants coups de pieds à l'usage que l'on fait parfois de la psychanalyse, surtout quand on y associe un discours rétrograde à la morale déshumanisante. Parce que c'est bien de cela qu'il s'agit, l'axe, le centre d'intérêt de cette histoire : montrer combien le regard sur les vieux est imprégné d'une philosophie de la faute, une vision rétrécie, religieuse de la vieillesse, de la décrépitude, de la sexualité, du corps et de l'usage que l'on en fait. Pour beaucoup de gens, les vieux n'ont pas de sexualité, n'y ont pas droit. Une sorte de tabou où vieillesse, mort et sexe font un dégoûtant ménage à trois. Le couple amoureux est confronté aux regards des autres vieux, à la jalousie, à la folie mais également à la réprobation de toutes les institutions : la famille d'abord avec la belle-fille de Thulin qui récupère l'argent de la vieille mais ne se prive pas pour autant de lui donner des leçons de morale ; la directrice de l'hospice qui entend mater dans l'oeuf cette amorale idylle, par trop débridée ; les jeunes du personnel blanc qui s'amusent aux dépens de Thulin en lui cachant puis en paumant son dentier, ce qui va déclencher une vague d'évènements paroxystiques.

La tentative d'exister pour ce couple contre vents et marées, malgré l'hostilité croissante de leur environnement est une jolie idée qui se concrétise facilement grâce aux deux comédiens. Thulin, au visage comme boursouflé par le bistouri, a fait là un choix courageux en acceptant ce rôle ingrat sur la vieillesse. Ruspoli n'est pas placé dans la même position délicate. Il apparait comme un simple latin lover, débordant d'amour et avec une dépendance à son physique beaucoup moins fragilisante. C'est bien sur Thulin que repose le propos du film, sur sa capacité à endosser la parure de la fleur fânée et à qui on refuse la dignité élémentaire de bien vieillir, dans la quiétude de l'estime de soi.
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Message par Amarcord »

Kevin95 a écrit :pendant 1h30 il ne se passe pas grand chose.
Dillinger è morto... Quel dommage de passer à côté de cette oeuvre quasiment antonionienne (au moins sur la forme)... Comme chez l'auteur de L'Avventura, c'est toujours quand rien ne se passe que tout se passe.
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Re: Marco Ferreri (1928-1997)

Message par Amarcord »

bronski a écrit :Je me rappelle d'un étudiant en cinéma qui me disait que Ferreri faisait des téléfilms et pas du cinéma.
Des téléfilms, Ferreri en a faits, justement... Et c'était pas exactement dans la lignée de Joséphine, ange gardien... Il me semble que Ferrei percevait la télé comme un laboratoire, un vaste terrain d'expérimentations. J'ai le souvenir de Faictz ce que vouldras et Le Banquet : si c'est ça, faire des téléfilms, alors tu peux considérer que ton étudiant en cinéma faisait un compliment à Ferreri.
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Re: Marco Ferreri (1928-1997)

Message par Amarcord »

Sinon, moi, il y a deux Ferreri que j'aime particulièrement : Le mari de la femme à barbe et, surtout, Breakup.
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Re: Marco Ferreri (1928-1997)

Message par bronski »

Amarcord a écrit :
bronski a écrit :Je me rappelle d'un étudiant en cinéma qui me disait que Ferreri faisait des téléfilms et pas du cinéma.
Des téléfilms, Ferreri en a faits, justement... Et c'était pas exactement dans la lignée de Joséphine, ange gardien... Il me semble que Ferrei percevait la télé comme un laboratoire, un vaste terrain d'expérimentations. J'ai le souvenir de Faictz ce que vouldras et Le Banquet : si c'est ça, faire des téléfilms, alors tu peux considérer que ton étudiant en cinéma faisait un compliment à Ferreri.
Je me rappelle, je montrais La dernière femme quand ce petit con qui ne baisait que par Tarkovski interposé m'a lancé ça. Je n'ai rien répondu, mais après coup je n'avais qu'une phrase à dire: "Et La grande bouffe c'est un téléfilm?".
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Re: Marco Ferreri (1928-1997)

Message par Major Dundee »

Je viens de parcourir ce topic et au regard des quelques reproches que j'ai vu, je pense que ce n'est pas un cinéaste très facile à aborder et si on ne fait pas un tout petit effort, il peut passer pour un cinéaste de l'esbrouffe. Or ce n'est absolument pas le cas, aucun de ces films ne me laissent indifférent. Moi je l'aime beaucoup et quand il m'arrive d'en revoir un, le plaisir laisse vite la place à une vraie redécouverte. Je m'aperçois aussi de mes lacunes, je n'ai pas vu "La semence de l'homme" et "La maison du sourire".
Charles Boyer (faisant la cour) à Michèle Morgan dans Maxime.

- Ah, si j'avais trente ans de moins !
- J'aurais cinq ans... Ce serait du joli !


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