Jean Negulesco (1900-1993)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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feb
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Re: Jean Negulesco (1900-1993)

Message par feb »

Merci pour ta critique Cathy, je crois que je vais me laisser tenter par le BR sorti récemment...et puis bon Barbara quoi :oops:
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Jeremy Fox
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Re: Jean Negulesco (1900-1993)

Message par Jeremy Fox »

Ca m'a rendu curieux moi aussi.
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Re: Jean Negulesco (1900-1993)

Message par feb »

Toi aussi tu veux prendre le BR du film ? :fiou: :mrgreen: :arrow:
frédéric
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Re: Jean Negulesco (1900-1993)

Message par frédéric »

Cathy a écrit :Titanic (1953)

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Tout le monde connaît l'histoire du célèbre navire, et de plus on fête cette année, et plus précisément le 14 avril, les 100 ans de la catastrophe. L'histoire a été immortalisée pour beaucoup par James Cameron, mais plusieurs fois auparavant, l'histoire avait été abordée notamment par Jean Negulesco puis cinq ans plus tard par Roy Ward Baker dans A night to remember. Le film de Negulesco suit le même postulat scenaristique que le film de Cameron à savoir une histoire d'amour et de haine sur fond de catastrophe. Le film ne dure qu'1h30 et la catastrophe ne tient qu'en une petite demi-heure. Ce qui est le nerf central du film, même si l'iceberg responsable de l'accident est montré en pré-générique se détachant de la banquise, et qu'un panneau avertit que les faits sont ceux consignés dans le rapport officiel de l'enquête qui a suivi le naufrage, est l'histoire d'une famille. Cette famille est une famille en crise, une femme qui a décidé de quitter son mari pour aller vivre aux USA et empêcher sa fille d'être baladée comme elle de pays en pays, d'hotels en hotels. Nous sommes dans le plus pur mélo finalement avec ce fils fou de son père, mais qui va le rejeter
Spoiler (cliquez pour afficher)
en effet sa femme va lui apprendre dans une dispute qu'il n'est pas le sien
puis se réconcilier avec lors du naufrage
Spoiler (cliquez pour afficher)
en effet le gamin mourra dans le naufrage aux côtés de son père car il cèdera sa place dans le radeau à une femme.
Negulesco filme une superbe Stanwyck dans son manteau de fourrure, éclatante comme jamais en femme mature, et bouleversante quand elle s'aperçoit que son fils a quitté le radeau, un plan nous montre une moue de l'actrice exceptionnelle dans son desarroi (on se demande même si elle ne sombrera pas dans la folie). Il y a aussi cette histoire secondaire entre la fille et un joueur de tennis d'une université américaine. Pour le romanesque de l'histoire, les deux jeunes amoureux se retrouveront sur un canot de sauvetage. Il y a naturellement les plans incontournables, l'accrochage sous-marin avec l'iceberg, le fameux "plus près de toi seigneur" et l'engloutissement du Titanic en quelques secondes. il y a aussi ce prêtre défroqué à cause de son alcoolisme et qui naturellement trouvera sa rédemption en essayant de sauver des machinistes. On a aussi les fameux joueurs de bridge au flegme britannique. Le film s'avère donc plus être un mélodrame typique de cette époque avec Clifton Webb en mari détestable à souhait, Robert Wagner dans son rôle de jeune premier plein de charme, Audrey Dalton en jeune fille trop fière, Thelma Ritter en joueuse invétéree, Richard Baseheart en prêtre alcoolique ou encore Brian Aherne en capitaine du navire. Ici la catastrophe ne sera qu'un point final, et sans doute une fin un peu trop abrupte, car le spectateur se retrouve centré sur la catastrophe, alors que celle-ci n'a finalement qu'un rôle très secondaire. Pour avoir un point de vue "technique" sur le naufrage, il faudra attendre le britannique "A night to remember" qui contrairement au film de Negulesco se centre sur la nuit du 13 au 14 avril uniquement. En tout cas le film est quand même très réussi, même si un peu trop court finalement !
Plutôt d'accord, j'ajouterais que le blu ray est correct (image comme un écran de cinéma de l'époque, n&b très satisfaisant pour ma part).
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Re: Jean Negulesco (1900-1993)

Message par Profondo Rosso »

La Mousson (1955)

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1938. En Inde la Maharani de Ranchipur fait ses derniers adieux à son défunt mari, le Mahârâja Man Singh Bahadur. Quelques dignitaires ont fait le déplacement pour les obsèques. Parmi eux, Lord Albert Esketh et sa femme, Lady Edwina. Cette dernière va tomber amoureuse du Dr Rama Safti, un jeune homme autrefois adopté par les suzerains de la région, et que la Maharani considère comme son propre fils. Une idylle que refuse la veuve, et que les éléments déchaînés vont mettre à mal.

The Rains of Ranchipur est la seconde adaptation du roman de Louis Bromfield et constitue donc un remake de The Rain Came, fabuleuse version réalisée par Clarence Brown deux ans après la parution du livre. Pour la Fox qui produit le film, on est là dans une démarche proche de celle de la MGM lorsqu'elle remaka La Belle de Saigon pour en faire le Mogambo de John Ford. Il s'agit donc de revisiter un ancien classique à l'aune des techniques et éléments en vogue du moment, ici le cinémascope et le visuel monumental qui en découle, l'exotisme tapageur magnifié par le technicolor flamboyant. On le saisit dès l'ouverture où Negulesco multiplie les vues grandioses de cités et paysage à perte de vue, fait déambuler les personnages dans des palais gigantesque et luxueux.

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L'histoire est sensiblement la même que l'original mais avec plusieurs modifications essentiellement dues à la présence de Lana Turner qui monopolise bien plus l'attention que Myrna Loy chez Clarence Brown qui avait réalisé un vrai film choral. On en est loin ici où l'histoire d'amour entre l'ingénieur alcoolique joué par Fred MacMurray et la jeune Joan Caulfield (George Brent et Brenda Joyce dans l'original) est nettement plus en retrait et moins intéressante la faute notamment à la prestation un peu transparente de Joan Caulfield. L'attention sera donc essentiellement portée sur Lana Turner et ses amours coupables avec le Docteur Safti. Le personnage de Lady Edwina est d'ailleurs nettement plus chargé ici dans ses mœurs dissolues : mariée à son époux uniquement pour son titre de noblesse, elle lui mène la vie dure par ses infidélités qu'il ne peut discuter puisqu'il dépend d'elle financièrement.

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Invités à la cour de la Maharani de Ranchipur, elle jette son dévolu sur le vertueux et innocent Docteur Safti (Richard Burton), futur héritier et dévoué à son peuple. Lana Turner excelle dans ce registre de séductrice vénéneuse et sans cœur, que ce soit le début du film dans le train où elle humilie son mari (Michael Rennie) ou encore la séduction tout en œillades brûlante qu'elle fait auprès de Richard Burton. Le problème survient quand l'histoire d'amour surgit et qui si elle fonctionne paraît bien fade pour qui a vu le film de Clarence Brown. Dans le film de 1939, Rafti bien que troublé par les avances d'Edwina ne cède pas car devinant l'égoïsme de cette dernière. Ce n'est que dans la dernière partie lorsqu'Edwina ayant elle-même connu la souffrance se dévoue aux autres qu'elle éveille des réels sentiments chez Rafti. La prestance et la noblesse dégagée par Tyrone Power et l'intensité dégagée par Myrna Loy y était pour beaucoup.

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De plus la mise en scène de Brown regorgeait d'idée prodigieuse (cette allumette éteinte qui plonge l'image dans l'obscurité, Myrna Loy qui découvre qu'elle est empoisonnée...) transcendant encore la prestation des acteurs. Jean Negulesco n'a pas ce talent et fait finalement reposer l'évolution des personnages par le seul dialogue, Lana Turner devenant amoureuse éperdue d'une scène à l'autre sans que l'on ait trop vu la transition, tout comme Richard Burton qui lui cède bien trop facilement. On sent d'ailleurs Burton prêt à amener sa personnalité avec un Rafti plus dur par rapport à l'interprétation bienveillante de Tyrone Power mais cela ne sera qu'esquissé. L'histoire d'amour fonctionne donc néanmoins mais on est plus devant un mélo exotique conventionnel que face au drame poignant de Clarence Brown.

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La scène de catastrophe naturelle résume à elle seul le fossé qui sépare les deux films. Elle est aussi spectaculaire dans les deux œuvres mais là où chez Negulesco on a le sentiment d'une démonstration du département des effets spéciaux, avec Brown on a un vrai point de vue sur cette apocalypse aquatique en marche bien plus douloureuse et intense par les choix du réalisateur, la capture bien plus terrifiante de cette panique ambiante. Le seul vrai démarcage se situe dans la conclusion et est assez discutable. Le choix entre devoir et passion constitue l'enjeu final dans chaque film mais là où en 1939 ces responsabilités sont vues comme nécessaires malgré les sacrifices, elles sont un poids et presque une source de culpabilité en adoptant le seul point de vue égoïste de Lana Turner comme en témoigne le dialogue final avec la Maharani.

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La fin de The Rain Came était un déchirement où le héros abandonnait tout douloureusement à sa patrie et là ce serait plutôt le renoncement d'une Lana Turner jamais soucieuse de ce qui l'entoure qui l'emporte (même si la séparation finale est très belle). Un choix assez curieux tout de même. Donc chez Brown on aura eu un film d'une vraie subtilité porté par un regard personnel (et probablement plus fidèle au livre) quand Negulesco propose une production façonné par le studio et phagocytée par sa star. Ceci dit le film est fort dépaysant, romanesque et agréable à suivre si l'on a pas vu le premier film dont la connaissance biaise un peu l'avis au désavantage de son remake. 4/6

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Re: Jean Negulesco (1900-1993)

Message par feb »

Belle critique :wink:
Tu l'as vu comment Profondo ?
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Jeremy Fox
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Re: Jean Negulesco (1900-1993)

Message par Jeremy Fox »

feb a écrit :Belle critique :wink:
Bien meilleure que le film d'ailleurs
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Re: Jean Negulesco (1900-1993)

Message par feb »

Jeremy Fox a écrit :Bien meilleure que le film d'ailleurs
:mrgreen: Oui mais c'est un autre débat...je ne suis pas non plus spécialement grand fan de l'original de Clarence Brown.
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Re: Jean Negulesco (1900-1993)

Message par Profondo Rosso »

feb a écrit :Belle critique :wink:
Tu l'as vu comment Profondo ?
Merci ! Vu en édition dvd espagnole, pas de sous-titre mais une très belle copie comme on peut le voir sur les captures. :wink: J'avais vraiment adoré la version de Clarence Brown (j'en parlais là http://www.dvdclassik.com/forum/viewtop ... 4&start=75) on est loin du compte même si c'était agréable.
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Re: Jean Negulesco (1900-1993)

Message par feb »

En effet tes captures ont vraiment de la gueule :wink: Je l'avais enregistré lors de son passage sur Ciné Géants (master 4/3 :evil: ) et aussitôt vu, aussitôt effacé malgré la présence de Lana.
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Re: Jean Negulesco (1900-1993)

Message par Rick Blaine »

Lord Henry a écrit : The Mask of Dimitrios (1944)

Intrigué par la personnalité du criminel international Dimitrios Makropoulos dont le cadavre s'est échoué sur une plage d'Istanbul, l'écrivain de romans policiers Cornelius Leyden (Peter Lorre) décide de rencontrer ceux qui croisèrent sa route.
Chemin faisant, il s'alliera au mystérieux Mr Peters (Sydney Greenstreet) dont le concours s'avère des plus intéressé.

The Mask of Dimitrios exhale le charme fragile du cinéma des petits maîtres, celui empreint d'un semblant de style qu'un rien suffirait à briser. Jean Negulesco – dont ce fut la première réalisation – filme avec méticulosité la résurrection de cet enchevêtrement d'intrigues et sa cohorte de fantômes tragiques.

Je ne me lasserai décidément jamais de la fréquentation du couple cinématographique dont la compagnie me ravit plus que tout autre: Peter Lorre et Sydney Greenstreet – ici en vedette, passant avec bonheur d'un rendez-vous mystérieux dans quelque chambre d'hôtel, aux ruelles sombres peuplées d'ombres menaçantes.
Je me retrouve parfaitement dans ces mots. Negulesco orchestre remarquablement la plongée de l'innocent Leyden dans le monde corrompu de Dimitrios, transformé tout au long du film, en incarnation diabolique du mal absolu. Filmant avec beaucoup d'élégance, Negulesco s'appuie sur un scénario très réussi de Frank Gruber, qui n'hésite pas à inclure quelques traits d'humour bienvenus dans cette histoire d'une grande noirceur, et qui culmine dans un final superbe.
Porté par le talent Lorre et Greenstreet, le Masque de Dimitrios est un excellent film noir.
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Re: Jean Negulesco (1900-1993)

Message par Jeremy Fox »

Papa longues jambes vient de sortir en BR et en DVD chez Opening/Filmedia
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Re: Jean Negulesco (1900-1993)

Message par Père Jules »

Légère déception à la vision de Road House. Je m'attendais à quelque chose de plus fouillé. Là, les choses (en l'occurrence les rapports entre les personnages) ne sont abordées que superficiellement et il ne reste sur la pellicule qu'un ensemble un peu bavard. Il n'empêche que c'est toujours un plaisir de voir Widmark, Wilde et Lupino (sans oublier la regrettée Celeste Holm) se déchirer à l'écran même si le film m'est apparu longuet (toujours cette impression dommageable d'être face à une oeuvre qui verse trop dans le psychologisme pataud). En 1h15/1h20 il aurait gagné à être bouclé (on aurait pu ainsi se passer des tours de chants pas terribles de Lupino, de cette scène de bagarre un peu ridicule et de cette abracadabrantesque histoire de procès) et en serait sorti nettement meilleur me semble-t-il. Restent dix dernières minutes remarquables, photographiées avec génie (on a presque l'impression d'être dans Les chasses du comte Zarroff !).

Mais j'ai bon espoir avec Negulesco ne serait-ce que pour Le masque de Dimitrios qui est régulièrement salué comme un très bon film.
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Re: Notez les films naphtalinés - août 2009

Message par Jeremy Fox »

bruce randylan a écrit :
Captives à Bornéo ( Jean Negulesco - 1950 )
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Excellente surprise que ce film d'un réalisateur dont je n'attendais rien.
C'est un drame tiré d'une histoire vraie et écrit par la personne ayant vécu elle-même les événements : Agnes Newton Keith, une écrivaine vivant à Bornéo qui fut envoyée dans un camp de prisonnier puis séparée de son mari lors de l'invasion japonaise en 1941.

Première grosse qualité : à aucun moment le film tombe dans une quelconque propagande. Les ennemis ne sont jamais diabolisé mais décrit avec justesse y compris dans l'aveuglement militariste des japonais. La peinture est tout à fait crédible et il est à parier que l'auteur à du suivre l'adaptation très fidèle. L'héroïne dit d'ailleurs qu'elle déteste la guerre, pas les ennemis mais seulement la guerre. A ce titre le général japonais est saisissant et vraiment très inhabituel. Il donne quelques unes des scènes les plus émouvantes du film tout en rappelant brièvement l'injustice causé par la bombe H sur la population civile.

Mais de manière générale, l'émotion est toujours présente mais là aussi jamais mélodramatiquement ( bon, ok, peut-être la dernière d'autant que le titre US qui spoile à fond mais bon ). Il faut dire que les acteurs sont formidables ( Claudette Colbert en tête, comme d'habitude ), que la réalisation est très sobre et trouve un rythme parfait à sa narration et que la photo en NB est un petit bijou... Bien qu'aucunes scènes ne soit inutiles ou bâclées, certaines sortent tout de même du lot : Colbert malade essayant de rejoindre son mari de l'autre coté de grillages, des GI tentant de franchir des barbelés pour aller fricoter avec les femmes, la dernière scène entre Colbert et le général Japonais et surtout la scène d'au-revoir entre les maris et les femmes/enfants séparé par un petit fossé sont des instants merveilleux dans ce que le mélo à de plus beaux sans verser dans le larmoyant ou le pathétique.

Bon sang comme vous aviez raison ! Un superbe mélo, tout en retenue.
kiemavel
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Re: Jean Negulesco (1900-1993)

Message par kiemavel »

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Take Care of My Little Girl (1951)
Produit par Julian Blaustein (20th Century Fox)
Scénario : Philip et Julius Epstein d'après le roman de Peggy Goodin
Image : Harry Jackson
Musique : Alfred Newman

Avec :

Jeanne Crain (Liz Erickson)
Jeffrey Hunter (Chad Carnes)
Jean Peters (Dallas Prewitt)
Dale Robertson (Joe Blake)
Mitzi Gaynor (Adelaide Swanson)

Elizabeth, une jeune fille de bonne famille, accompagnée de sa meilleure amie Janet, fait sa rentrée dans l'université ou avaient étudié ses parents et ou ils s'étaient connu. Les deux jeunes filles rêvent toutes deux d'intégrer la Tri-U, la sororité (fraternité d'étudiantes) la plus prestigieuse de l'université et celle que rêve plus largement d'intégrer toutes les nouvelles élèves…sauf celle qu'elles découvrent dans leur résidence. Leur colocataire Adelaide Swanson semble en effet totalement indifférente et même critique vis à vis de ces institutions qu'elle juge snobs et archaïques. Durant la Rush Week, la semaine suivant l'arrivée des nouvelles venues, celle ci doivent redoubler d'effort pour être acceptées au sein des différentes fraternités d'étudiantes. Si Liz est acceptée au sein de la meilleure sororité, son amie Janet est refusée. Liz accepte néanmoins à contrecoeur d'intégrer la maison des Tri-U, provoquant indirectement le départ de Janet qui rentre chez elle et renonce à ses études. Les semaines passent, Liz rencontre deux garçons du campus voisin. Joe Blake, un étudiant très critique envers le système des fraternités et Chad Carnes, le beau gosse coureur de jupons et fêtard dont rêvent la plupart des jolies filles. Bientôt, celle qui admirait sans réserve ses "soeurs" commence à s'interroger…
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Le film porte un regard discrètement assez virulent, sournoisement virulent dirais-je sur les fraternités d'étudiants qu'il écrase "en douceur". On est typiquement dans un produit Fox, élégant et esthétiquement irréprochable, ce qui ne l'empêche nullement d'être très critique vis à vis de ces institutions : les associations d'étudiants sans doute plus typiquement américaines que françaises. Il fustige le poids de la tradition au sein de ces "collèges" prestigieux, montrant comment on peut artificiellement perpétuer des élites consanguines. Les familles qui ont étudié dans ces mêmes institutions y envoient leurs progénitures (la mère de Liz fut une étudiante "légendaire" dont la popularité a traversé les années). Le savoir est prodigué par les anciennes élèves…devenues enseignantes et il montre comment les étudiantes des classes supérieures sont en première ligne pour veiller à la perpétuation de certains principes immuables. Les Tri-U sisters -ces gardiennes du temple- des jeunes filles de bonnes familles un peu snobs (incarnées par Betty Lynn, Helen Wescott, Carol Brannon et Jean Peters, une des filles les plus influentes de l'école et la plus dure) dérogeront à l'éthique régissant soi-disant le recrutement des nouvelles étudiantes les plus méritantes…soi disant les plus méritantes car si officiellement ce sont des critères de sociabilité, les qualités personnelles qui rentrent en ligne de compte, c'est encore plus la bonne tête, la garde robe, le porte feuille et l'influence des parents qui comptent au moins pour autant.

Une certaine solidarité au moins de façade semble néanmoins s'installer, y compris vis à vis des jeunes élèves qui ne sont pas dans le moule mais la soi disant droiture et les principes qui régissent les admissions au sein des différentes sororities est contredite par ces règles non écrites qui comptent autant que les mérites individuels. Le poids de l'histoire familiale par exemple. Des 2 jeunes filles qui déplaisent aux anciennes, Janet, l'amie d'enfance inséparable de Liz et Ruth, la jeune fille timide et terne, c'est cette dernière qui est dans un premier temps accepté en raison de son nom de famille et parce que sa mère avait été une étudiante très populaire. Dallas (Jean Peters) semblera d'abord l'aider à s'intégrer…en vain. Les tentatives maladroites de Ruth pour tenter de ressembler à ses ainées seront vaines. La timide jeune fille un peu maladroite qui s'endettera pour que sa garde robe rivalise avec celle des anciennes sera irrémédiablement rejetée…et en désespoir de cause, elle ira jusqu'à mettre sa vie en danger pour tenter de se faire accepter.
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Car ce monde policé et lisse en apparence peut se dérègler et plus gravement encore. Lorsque Liz accepte d'aider Chad Carnes, le beau gosse de l'école a tricher à un examen de français, elle devient tout à coup beaucoup plus populaire. Juste après commence la "Hell Week" durant laquelle les anciennes donnent toutes sortes de taches plus ou moins humiliantes à exécuter aux nouvelles, ce sera véritablement le tournant pour Liz et le début d'une prise de conscience. Car il existe des moyens d'échapper à cette machine à laver les personnalités. Adelaïde, la forte personnalité justement, farouche et très ironique à l'égard des sororities n'est pas seule. Son meilleur appui se nomme Joe Blake (Dale Robertson). C'est un étudiant plus âgé qui malgré le fait qu'il semble séduire Liz ne sera d'abord pas pris au sérieux ni écouté par celle ci lorsqu'il critiquera le système des fraternités mais l'idée fera son chemin…car une sociabilité en dehors des associations d'étudiants demeure possible malgré leur influence et les pressions qu'elles exercent.

Un mot sur les acteurs/trices. Dale Robertson dans l'esprit des concepteurs du film devait être l'intello du campus (ou le beatnik :wink: ). S'il n'est pas plus débraillé que les autres, il est résolument indépendant et aura, comme je l'ai dit, une influence décisive sur Liz. Jeffrey Hunter fait ce qu'il savait le mieux faire : il est beau. Jean Peters qu'à priori je préfère à Jeanne Crain se fait voler la vedette par cette dernière qui est parfaite et crédible malgré son "grand âge" (et le fait qu'elle avait déjà eu à l'époque de ce tournage 3 de ses 7 enfants !) dans le rôle d'une jeune étudiante. Le film est l'adaptation d'un roman de Peggy Goodin, lui même le prolongement -et une fiction- inspiré de sa thèse de fin d'étude. Malgré le fait que l'adaptation a semble t'il un peu édulcoré le propos (dans le roman, un étudiant juif était snobé pour cette raison), le film a subit de nombreuses pressions de la part des puissantes organisations étudiantes afin qu'il ne sorte pas. Pourtant, certains critiques de l'époque soulignaient que nulle trace de discriminations éthniques ou religieuses ne subsistaient dans le film. Visuellement, le film est sublime et le propos reste sans doute au moins pour partie d'actualité mais j'avoue que je m'y suis un peu ennuyé, peut-être que ces histoires d'étudiants branchouilles des fifties sont un peu trop éloignées de moi (mais j'ai quand même eu mon BEPC :D )

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Prisonniers du marais (Lure of the Wilderness) 1952
Réalisation : Jean Negulesco
Production : Robert L. Jacks (20th Century Fox)
Scénario : Louis Lantz d'après le roman "Swamp Water" de Vereen Bell
Image : Edward Cronjager
Musique : Frank Waxman

Avec :

Jeffrey Hunter (Ben Tyler)
Jean Peters (Laurie Harper)
Walter Brennan ( Jim Harper)
Constance Smith (Noreen)
Jack Elam (Dave Longden)

Malgré les mises en garde de son père, un jeune chasseur s'aventure avec son chien dans les marais d'Okefenokee dont personne n'est jamais ressorti vivant. Sa barque s'enfonce prudemment dans les canaux bordés de végétations luxuriantes mais lorsque son chien s'échappe, il est contraint de laisser sa barque et de poursuivre à pied. Il suit les appels de la bête et tombe ainsi sur un vieil homme et sa fille qui ont dressé un campement au milieu de la jungle. Il comprend rapidement qu'il vient de tomber sur Jim Harper, un homme qui avait jadis fuit son village en raison des accusations de meurtre qui pesait sur lui et qui était présumé mort depuis des années. Le père et la fille ne semble dans un premier temps pas décidé à le laisser partir…
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Ce film de Jean Negulesco reprend la trame générale du film dont il est le remake L'étang tragique (Swamp Water), l'un des films américains de Jean Renoir. Il lui est supérieur en quelques points et ne le vaut pas selon d'autres, ce qui au final s'équilibre et justifie son visionnage. 1er point : l'apport du Technicolor, le travail sur l'image et la mise en scène de Negulesco. Ce n'était que la 2ème fois, après Take Care of My Little Girl (1951) qu'il travaillait "en couleurs" et de ce point de vue la réussite est totale. On pourrait y voir la marque de l'ancien peintre qu'il fut (dans le Montparnasse des années 20), une expérience artistique qui a du lui être profitable au cours de sa carrière de cinéaste mais il faut aussi souligner l'apport sans aucun doute déterminant du directeur de la photographie Edward Cronjager à qui l'ont doit les somptueuses images des " Pionniers de la Western Union ", du " Passage du canyon ", de " La furie du désert " (visuellement l'un des plus beaux film noir en couleurs) et du " Ciel peut attendre ", tous tournés au cours des années précédents le film de Negulesco. Les vues sur les paysages marécageux tournées sur place dans le Okefenokee Swamp Park entre Georgie et Floride sont en tout cas superbes. Contrairement à Renoir, Negulesco prend manifestement plaisir à filmer la lenteur, la tranquillité des lieux. Il filme les barques filant lentement sur les eaux stagnantes. On a ainsi parfois l'impression que certaines images montrant des visages passant en gros plans dans le champ sont ralenties. Cette quiétude délibérée est presque paradoxale par rapport aux dangers bien réels de ses marais infestés d'Alligators, de serpents, de panthères…et de jeune(s) femme(s) rendue(s) à la vie sauvage…

C'est là une autre différence majeure par rapport au film initial, la plus grande importance donnée au premier rôle féminin en raison d'une modification sensible du scénario. Dans le film de Renoir, le jeune chasseur tombait accidentellement sur le meurtrier présumé qui vivait seul en ermite. Dans le remake il découvre le père…et la fille vivant au milieu de la jungle et il y reste comme prisonnier pendant longtemps contrairement au personnage de la 1ère version qui multipliait les allées et retours entre son village et la marais. Cela laisse le temps à une relation complexe de s'installer entre les 3 personnages. Des 2 ermites, le plus sauvage n'est pas celui qu'on pourrait imaginer car si le vieux Jim Harper se méfie du jeune homme qui vient les perturber dans leur refuge très précaire et leur environnement passablement dangereux, c'est sa fille qui voudra d'abord se débarrasser du gêneur, puis lentement, elle finira par accepter le jeune homme et finira par lui permettre de quitter le camp, de rentrer au village contre la promesse faite par Ben d'oeuvrer à la réhabilitation de son père…en attendant mieux car la sauvageonne petit à petit va s'humaniser, se féminiser au contact de Ben (…et je ne dis pas comment çà se termine car je risque de devenir obscène). La sauvageonne est donc interprétée par une très sexy Jean Peters, vêtue de peaux de bête, qu'on retrouve là dans un rôle très proche de celui qu'elle tenait l'année précédente dans La flibustière des Antilles (Anne of the Indies) de Jacques Tourneur. Il y a d'ailleurs au moins une scène qui est assez évidemment plagiée sur le film de Tourneur. Laurie Harper reçoit en cadeau une robe de bal qui la métamorphose totalement. Une variation sur Cendrillon sauf que là c'est un peu comme si une GI Jane (sans les rangos) recevait en cadeau la robe de Sissi impératrice.
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Donc forcément qui dit modif. et ajout, dit perte de quelque chose par rapport à l'original. En l'occurrence, c'est le second rôle féminin qui perd beaucoup de son intérêt. C'est la fiancée de Ben. Dans les deux cas, la jeune femme sera sur la même ligne : Jalousie, rancoeur, trahison mais on voit donc beaucoup moins ce personnage dans le remake de Negulesco. Quand à la fille du fugitif, dans le film de Renoir, on découvrait son identité en cours de route (sous un faux nom, elle sert de domestique à l'un des commerçants du village…Toujours Cendrillon) et sa relation avec le jeune ben, tout comme celle du même avec sa fiancé, évoluait au gré de ses allées et retours entre son village et le marais. D'autre part, on déplore quand même une vrai perte cette fois ci par rapport à Renoir car on ne retrouve pas -loin sans faut- l'art de Renoir pour montrer la petite communauté du village de Tyler et des personnages secondaires disparaissent même totalement du remake, notamment le prétendant de la belle mère de Ben Tyler superbement interprété par John Carradine. C'est ainsi tout un pan du désarroi du père de Ben qui disparait avec la perte de ce personnage. En revanche, toute l'intrigue tournant autour du meurtre, tout le coté : réhabilitation, découverte des auteurs du crime initial, dénouement, etc...est presque repris intégralement du film original et n'apporte rien de nouveau, Jack Elam remplaçant simplement Ward Bond dans un registre comparable.

La distribution : On se doute bien qu'avec Jeffrey Hunter à la place de Dana Andrews on perd au change….et c'est juste. Malgré tout, même si le film n'a sans aucun doute pas été tourné dans la continuité, j'ai l'impression que l'interprétation de Dana Andrews dans la 1ère partie du film de Renoir était un peu maladroite et qu'il s'améliore en cours de route. Jeffrey au moins reste égal à lui même tout du long, pas folichon et ce n'était pas l'acteur le plus expressif de sa génération mais il est régulier dans l'effort. Même remarque pour Anne Baxter (qui était Laurie, la fille de Jim Harper) que pour son partenaire. La sauvageonne du tout début du film, celle qui se cache dans les granges, qui passe un oeil dans l'embrasure d'une porte et baisse la tête devant les hommes, la Cendrillon exploitée par ses patrons fait (malheureusement) un peu sourire. Quant au rôle du vieux Harper, il est tenu dans les deux cas par Walter Brennan et à 11 ans de distance, il est très peu changé et même peut-être meilleur dans le remake. Vu en VF et en VO. La version Renoir a été édité en DVD.
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