Les Révoltés de l'an 2000 (Narciso Ibáñez Serrador - 1976)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Père Jules
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Re: Les Révoltés de l'an 2000 (Narciso Ibáñez Serrador - 197

Message par Père Jules »

Père Jules a écrit :Bon et bien tout ceci me donne furieusement envie de le voir. ;)
Enfin découvert hier soir !
Je me range du côté des laudateurs de ce film mais probablement pas parmi les inconditionnels. En cause, non pas son aspect technique et l'ambiance très savamment mise en place, sa musique ou bien encore le côté glacial du propos qui tranche avec la chaleur des paysages et leur côté quasi paradisiaque, mais plutôt son schématisme un peu trop appuyé. Comme Demi-Lune, j'ai été assez agacé par son générique de début très grossier (très long surtout, un peu plus de cinq minutes à vue de nez) dans ce qu'il cherche à démontrer. Mais fort heureusement le film gagne progressivement en intérêt (sans pour autant me faire oublier ces quelques minutes inutilement explicatives) pour atteindre deux incontestables sommets d'horreur (le 1er meurtre d'enfant et la fusillade). En cela, le titre original qui traduit littéralement donne à peu près "qui peut tuer un enfant ?" est bien plus éloquent et révélateur que le titre français dont je peine encore à déceler la pertinence. Bon film en définitive, auquel il manque sans doute une part supplémentaire de mystère pour l'asseoir au rang des grandes réussites du genre.
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Demi-Lune
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Re: Les Révoltés de l'an 2000 (Narciso Ibáñez Serrador - 197

Message par Demi-Lune »

Voilà qui est on ne peut mieux résumé. :wink: Pour l'avoir revu assez récemment (sans l'interminable générique), je trouve que ça tient toujours très bien la route, même si on connaît déjà l'intrigue et ses effets, parce que l'ambiance reste diabolique. J'adore ce genre de film qui exploite à fond son décor et en fait quelque chose de ludique dans ses moindres recoins. L'efficacité et l'ingéniosité du film proviennent vraiment d'une autre époque : je suis frappé à chaque fois par le temps que prend Serrador pour lancer son histoire, afin que ses deux personnages aient gagné l'incarnation nécessaire. La toute première partie du film, avec ces festivités folkloriques dans la ville balnéaire filmées de manière presque documentaire, est étonnante car elle ne donne aucune idée du cauchemar à venir pour le couple.
Difficile aussi d'oublier le thème de Waldo de los Rios après avoir vu le film :
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Jeremy Fox
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Re: Les Révoltés de l'an 2000 (Narciso Ibáñez Serrador - 1976)

Message par Jeremy Fox »

Carlotta ressort en salle cette semaine Les révoltés de l'an 2000 de Narciso Ibáñez Serrador, pour la première fois au cinéma dans sa version originale restaurée.
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cinéfile
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Re: Les Révoltés de l'an 2000 (Narciso Ibáñez Serrador - 1976)

Message par cinéfile »

Gros coup de cœur pour ce film vraiment incroyable et terrassant !

Avant d'évoquer le moindre élément relatif au thème de l’œuvre ou à son développement (qui suffiraient déjà amplement à justifier sa découverte), j'ai été frappé tout d’abord par la très grande élégance de la réalisation, moi qui me figurait au départ un rendu technique bien plus modeste (disons plus typé « série B »). Or il n’en est rien : la composition des plans et le montage sont ici d’une grande fluidité, très réfléchis, en synergie parfait avec l'ambition portée par l’intrigue pure. La transition N&B vers la couleur qui raccorde les images d’archives documentaires aux premiers plans originaux de foule sur la plage donne le ton d’entrée de jeu.

Les séquences plus attendues, car davantage inféodées au « genre » (intrusions furtives au bord du cadre, représentation métonymique de la menace, gestion du hors-champ etc), témoignent également d’une maitrise impressionnante, certes redevable en partie aux grands maitres (Hitchcock, Romero), mais loin d’avoir à rougir devant ses contemporains. Très belle image aussi, lumineuse et chargée d’une ambiance toute locale (la côte méditerranéenne du sud-est espagnol), aussi chatoyante de prime abord qu’elle en devient éprouvante par la suite et qui offre un bel écrin à cette histoire marquée d’une forte empreinte politique.

Au delà du propos universel sur le mal endémique perpétré par les hommes sur leur progéniture (montage générique), on peut difficilement ne pas penser au passé proche de l’Espagne, quasi traité sur le vif au moment de la sortie, auquel le film fait écho en évoquant de manière assez frontale la mauvaise conscience/culpabilité grandissante des adultes face à ce mystérieux châtiment exécuté de la main de leurs chers têtes blondes (quid de la force à l’œuvre ici : puissance extra-terrestre ? vengeance divine venant punir les crimes du passé ?). Je ne peux m’empêcher également d’y voir une allusion, plus ou moins consciente, au scandale désormais bien connu des « bébés volés » de la période franquiste. L’année de sortie, 1976, n’est en tout cas pas anodine : il s’agit de la date d’entrée du pays dans la transition démocratique après 40 ans de dictature, et on imagine difficilement Ibáñez Serrador sortir un film aussi explicite ne serait-ce que quelques années plus tôt compte tendu des lois en vigueur sur la censure et le contrôle de l’état sur la production artistique. Malgré l’apparition d’une certaine libéralisation dans le domaine culturel sur la deuxième moitié de la période franquiste, un code de moralité encadrant la production cinématographique – un code Hays ibérique - avait été mis en place au tournant des années 1960 et abandonné en 1975. Autant dire, que Quién puede matar a un niño ? était loin de remplir toutes les modalités prescrites… De fait, le film abandonne pour une part la dimension métaphorique des œuvres fantastiques espagnoles des décennies antérieures (film de monstres, récits gothiques en costumes pour créer un distance de façade...) afin de se concentrer sur un réalisme brute imminemment plus choquant.

Les deux personnages principaux, bien qu’étrangers, ne sont pas pour autant épargnés par la charge critique du film. Pour preuve, leur regard volontiers condescendant porté sur les « beaufs » autochtones agglutinés sur les plages du continent, auxquels ils préfèrent le charme pittoresque et neo-chic d’une petite île isolée, se verra puni par un traitement de faveur exemplaire. Délivrance n’est finalement pas bien loin en ce qui concerne le reversement des valeurs idéalisées du retour à l’état archaïque, c'est-à-dire envisagé comme vierge des perversions de la société industrialisée. Il est dommage que la version espagnole* élimine tout trace du décalage culturel entre le couple et leur environnement immédiat (les acteurs anglophones sont doublés en castillan), ressort pourtant essentiel pour illustrer la perte des repères et l’incrédulité face à cette situation.

Le film connait certes une petite baisse de régime à mi-parcours, lorsque les contours de la menace semblent alors clairement dévoilés, pour mieux repartir de plus belle à l’occasion de scènes comptant parmi les plus perturbantes du film :
Spoiler (cliquez pour afficher)
le premier meurtre d’enfant par le personnage masculin principal suivi de la mort de sa femme enceinte, tuée (en tous cas le pense-t’elle) par son bébé en représailles. Elle a de surcroit un petit air de Mia Farrow, référence consciente du réalisateur à Rosemary's baby ?

Sinon, j’ai tiqué à sur ce dialogue entre le mari et la femme :

Tu te souviens de La Dolce Vita ?
- La Dolce quoi ?
- Un très vieux film italien.
(soit un long-métrage sorti à peine 15ans avant :uhuh: )


J’aimerai beaucoup voir le premier long de Ibáñez Serrador, La Residencia, qui a aussi fort bonne réputation (l’édition René Château a l’air fort médiocre et j’irai regarder du côté des éditions espagnoles, n’étant pas limité par l’absence de sous-titres FR). Remarque à l’attention particulière des forumeurs comprenaient le castillan, le site des archives de la TVE propose gratuitement l’ensemble des épisodes des Historias para no dormir (version ibérique de la quatrième dimension), tous dirigés par le cinéaste entre 1966 et 1982. Ajoutés à ma liste de visionnages.

*J’ai visionné la copie disponible sur UniversCiné, la nouvelle copie Carlotta qui circule propose a priori une très judicieuse version anglais/espagnol avec les voix originales des deux acteurs principaux.
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Demi-Lune
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Re: Les Révoltés de l'an 2000 (Narciso Ibáñez Serrador - 1976)

Message par Demi-Lune »

cinéfile a écrit : 24 août 20, 14:02J’aimerai beaucoup voir le premier long de Ibáñez Serrador, La Residencia, qui a aussi fort bonne réputation
J'avais créé un topic à l'époque : https://www.dvdclassik.com/forum/viewtopic.php?t=33990
Pour l'avoir revu le mois dernier, je serai désormais plus pondéré tout en maintenant qu'il s'agit d'une contribution intéressante au cinéma de genre, dont l'élégance de la mise en scène, et le soin présidant à l'atmosphère, constituent désormais les principales qualités à mes yeux. Néanmoins, ¿Quién puede matar a un niño? boxe pour moi dans une catégorie clairement supérieure.

Pour l'anecdote, j'ai eu une fois l'occasion d'échanger avec la cinéaste Lucile Hadzihalilovic sur le parallèle que je trouvais étonnant entre les deux films de Serrador et ses deux propres films, Innocence (huis-clos dans un pensionnat féminin) et Évolution (huis-clos sur une île désertique espagnole peuplée d'enfants). Elle avait été un peu déstabilisée par ma remarque, n'ayant jamais réalisé cette filiation, tout en confirmant que les œuvres de Serrador l'avaient marquée dans sa jeunesse (et notamment, ses travaux pour la télévision).
halford66
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Re: Les Révoltés de l'an 2000 (Narciso Ibáñez Serrador - 1976)

Message par halford66 »

J’aimerai beaucoup voir le premier long de Ibáñez Serrador, La Residencia, qui a aussi fort bonne réputation (l’édition René Château a l’air fort médiocre et j’irai regarder du côté des éditions espagnoles, n’étant pas limité par l’absence de sous-titres FR). Remarque à l’attention particulière des forumeurs comprenaient le castillan, le site des archives de la TVE propose gratuitement l’ensemble des épisodes des Historias para no dormir (version ibérique de la quatrième dimension), tous dirigés par le cinéaste entre 1966 et 1982. Ajoutés à ma liste de visionnages.

*J’ai visionné la copie disponible sur UniversCiné, la nouvelle copie Carlotta qui circule propose a priori une très judicieuse version anglais/espagnol avec les voix originales des deux acteurs principaux.
[/quote]

La résidence existe dans une belle édition bluray en Allemagne avec VO espagnole(sous-titres anglais),la copie n'est pas parfaite mais c'est nettement mieux que le DVD René Château avec son image VHS,son unique VF et son montage tronqué(et image 4/3 aussi?)


https://www.amazon.de/La-Residencia-Blu ... KAKR8XB7XF
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Re: Les Révoltés de l'an 2000 (Narciso Ibáñez Serrador - 1976)

Message par two lovers »

Dans le cadre des CULTISSIMES DE LAURENT DUROCHE, ce soir, séance spéciale à 20h30 (PUBLICIS CINEMA - PARIS 8ème) : LES REVOLTES DE L'AN 2000 (Quién puede matar a un niño) (1976) de Narciso Ibáñez SERRADOR
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